Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





01 février 2012

Iran : les bombardiers sont-ils la clef ?

© Boeing. Une MOP (Massive Ordnance Bomb) lâchée depuis un des vénérables B-52H.


Il y a bien des choses à dire sur l'actuelle crise iranienne. Elle est peut être l'occasion de trouver un avantage surprenant à la diplomatie navale, et plus particulièrement à la diplomatie du porte-avions : les ponts plats de l'US Navy cachent, peut être, l'essentiel des pièces américaines. Le monde a les yeux rivés sur les CVN, alors qu'ils ne sont que quelques pièces dans le jeu d'échec qui est en place.
En l'espèce, l'attaque aérienne, qui serait en gestation depuis plusieurs décennies (depuis l'existence même du programme nucléaire iranien (1952), les années 70-801 ?), vise à détruire des installations souterraines. Dans pareil cas, bien des engins à gravitation, aussi précis soient-ils, ne suffiraient pas à percer la croûte terrestre. D'où les bombes "anti-bunker" qui doivent y arriver, elles. Mais à bien y réfléchir, pour percer profond, il fait de gros engins, et pour transporter de gros engins, ils faut de gros avions : les bombardiers.

Focalisation excessive sur les porte-avions

Depuis quelques évènements (comme la remise du rapport de l'AIEA sur le nucléaire iranien en 2011), ou depuis le tout début de cette séquence sur la crise nucléaire iranienne, l'habitude a été prise d'observer le mouvement des porte-avions américains. La destination de ceux-ci est et restera un message à l'encontre des pays visés. L'US Navy alterne entre deux et trois porte-avions dans la zone du détroit d'Ormuz depuis plusieurs années. Parfois, le Charles de Gaulle, de passage dans l'océan Indien, peut faire monter l'enchère à quatre ponts plats.

Il ne s'agit pourtant "que" de deux ou trois strike group avec escorteurs et groupes aériens embarqués. Un strike group comporte, en général :
  • un porte-avions,
  • un ou deux croiseurs Ticonderoga,
  • plusieurs destroyers Arleigh Burke (Flight II, IIA, etc...),
  • un certain nombre de SNA. 

Ce n'est là qu'une partie de l'arsenal américain pour gagner, à coup de bordées, la maîtrise d'une zone. Rien n'assure ou permet de penser que les bases américaines de la région pourraient servir à l'attaque. Il a été dit que l'Arabie Saoudite permettrait un survol de son territoire à l'armée de l'air israélienne. Il n'a pas été dit que l'US Air Force pourrait attaquer depuis ses bases du Moyen-Orient. Encore une fois, le rôle de base aérienne flottante est éclatant d'utilité. Mais ces bases itinérantes ne se suffisent pas à elle-même. A l'image de ce qui s'est passé en Libye en 2011, il est également nécessaire d'avoir d'autres outils, d'autres systèmes d'armes pour gagner la maîtrise aéromaritime.

Les autres systèmes d'armes

Maîtriser le milieu, c'est également chercher à réduire au silence les contre-mesures adverses. La suppression des défenses aériennes ennemies se traitent aux Etats-Unis par l'envoi d'une centaine de missiles de croisière Tomahawk.
Il y a des "croiseurs" qui portent les missiles de croisière, et pour tirer ceux-ci au plus près du pays-cible, il vaut mieux des croiseurs sous-marins. Dans cette mission, les quatre Ohio réformés sont un argument de poids. Ce SSGN transporterait à lui seul 154 Tomahawk, ce qui est bien assez pour une première vague massive de frappes. Les missiles des autres plateformes (SNA, destroyers) seraient plus utiles pour des frappes ponctuelles.

Pis, quand il est évoqué l'emploi de forces spéciales sur le sol iranien, il est bon de se rappeler que les quatre Ohio réformés peuvent mettre en oeuvre 66 SEAL (chacun) et les soutenir...

Les outils de l'US Navy sont pertinents pour acquérir la maîtrise du ciel iranien. La particularité de l'affaire, c'est que les iraniens ont enterré leurs sites. Il y aurait donc deux options :
  • ou bien ralentir le programme iranien avec des moyens matériels insuffisants2 pour atteindre tout les sites (différence entre "petites" et "grosses" bombes anti-bunker) ; dans cette optique, cela repousserait l'échéance, et la rendrait inévitable puisqu'il serait difficile de dénier aux iraniens la certitude qu'ils seront mieux protégés avec la bombe que sans, le peuple sera très certainement d'accord ;
  • ou bien tenter l'amputation complète des activités nucléaires iraniennes jugées illicites, et il faut du lourd, si jamais c'était encore possible.

http://www.moyenorient-presse.com/wp-content/uploads/2009/08/Iran_nucleaire.jpg
© Areion/Capri. Les installations nucléaires de l’Iran. Article intéressant sur le site.

Les installations nucléaires iraniennes

Il n'est pas question de réciter ici la liste exhaustive (aucune installation qui demeure secrète ?) des sites "nucléaires" de Téhéran. Les iraniens, dans quelques secteurs, ont beaucoup conversé avec les nord-coréens, notamment sur les missiles balistiques, et peut être sur le nucléaire. Cette coopération sur le nucléaire serait à l'origine du "réacteur nucléaire syrien" en construction et détruit par l'armée de l'air israélienne en 2007. Ce que les nord-coréens ont pu dire aux pontes de Téhéran, c'est qu'il y a plusieurs méthodes pour protéger un programme sensible -et le programme nucléaire iranien, même civil, l'est :
  • la dissémination des sites,
  • l'enfouissement des sites.
Cette dispersion et ce durcissement n'a pas pour ambition, vraisemblablement, l'aménagement du territoire -quoique ce serait un débat intéressant- mais bien de compliquer la tâche d'un éventuel assaillant, voir des inspecteurs (à moins que ce soit l'ordre inverse). Plus de sites, c'est plus de moyens pour les atteindre. C'est également des difficultés à les recenser. Chose d'autant plus difficile s'ils sont enterrés et qu'ils échappent aux moyens traditionnels d'espionnage : la conséquence logique, c'est que les inspecteurs ne risquent pas de les trouver. L'enfouissement des sites permet de réduire drastiquement la liste des pays capables de mener une attaque. Ce n'est pas pour rien si Israël a négocié avec les américains la livraison de bombes anti-bunker, et que la satisfaction de cette demande par la partie américaine a fait monter la tension d'un cran. Forcément, face à des souterrains, l'armée de l'air israélienne est devenue plus crédible avec ces bombes... et a gagné une certaine autonomie dans la menée d'une telle intervention -bien que l'aide américaine soit plus que nécessaire.

L'Iran a trouvé l'une des parades possibles aux attaques des réacteurs irakien et syrien.

L'autre grande parade, c'est la surenchère : la course entre les capacités de pénétration des bombes et la profondeur des sites. Les chasseurs israéliens atteindront vite les limites du possible, puisqu'ils ont un emport limité et connu d'armement. Ils utilisent de l'armement "tactique". Au jeu éternel de la cuirasse et de l'épée, il semblerait que Téhéran ait pris une longueur d'avance. La simple observation des reliefs iraniens montrent que l'avance pourrait être "définitive" pendant plusieurs années -vis-à-vis d'une attaque aérienne.

Les bombardiers et la frappe stratégique : est-elle encore possible ?

Les aéronefs des groupes aériens embarqués et de l'armée de l'air israélienne demeurent des "aéronefs tactiques". Ils peuvent porter certaines bombes anti-bunker. Ils ne peuvent pas porter les engins les plus lourds, ceux qui perceront à travers le sol iranien pour atteindre les objectifs les plus stratégiques. Il y a, donc, une focalisation excessive sur les porte-avions américains. C'est une semi-erreur car leurs bombinettes ne correspondent pas au but de la guerre. Par contre, les porte-avions américains sont nécessaires pour l'escorte des bombardiers : voilà la liaison entre les deux.

Ce que personne, selon mes humbles connaissances, n'observe ce sont les mouvements des bombardiers américains : de la diplomatie aérienne ? Ils sont l'une des clefs d'une éventuelle intervention ! Les iraniens ont eu la sagesse d'enterrer une partie de leurs sites nucléaires. A moins d'une intervention terrestre, et des médias en parlent !, il faut des bombes à fort pouvoir de pénétration pour les atteindre. Les B-1B, B-2 et B-52 peuvent emporter les bombes nécessaires pour atteindre ces bunkers. Une bombe endommage. Plusieurs bombes (qui font plusieurs tonnes d'explosifs) transforment en taboulé un bunker souterrain.

La Massive Ordnance Bomb est une bombe anti-bunker (et peut être la plus "grosse") de 13 tonnes. Il va sans dire que seuls les "bombardiers"3 peuvent l'emporter. Son pouvoir de pénétration est, officiellement, de 60 mètres de bétons armés ou 40 mètres de roches moyennement dures.

En fait, ce qui gênerait surtout, à l'heure actuelle, ce serait le nouveau site d'enrichissement (centrifugeuses) près de la ville sainte de Qom : il serait à 60 mètres sous terre, voir 100 mètres ! Les plans américains actuels ne peuvent pas l'atteindre par la voie aérienne.
Il faudrait, pour que l'attaque aérienne se suffise à elle-même (si jamais cela pouvait l'être -même si les cas irakien et syrien sont des exemples), franchir une nouvelle étape :
  • améliorer soit le pouvoir de pénétration de ces bombes,
  • soit leur puissance destructrice.
Première option, soit les bombes américaines anti-bunker ont une belle marge officieuse de progression, soit cela risque d'être très compliqué à développé d'ici mars.
Seconde option : de l'uranium appauvri. L'avocat du diable : après tout, qui pourrait le savoir ? Il s'agit de faire exploser une bombe sur un site potentiellement radioactif...

Autre option, et cela est exploré par voie de presse : l'utilisation d'armes nucléaires tactiques. Les conséquences politiques de cette option sont ce qu'elles sont.  L'utilisation d'armes nucléaires tactiques contre un pays non-nucléarisé serait une rupture aux conséquences... calculables sur quelques plans : dont le fait de légitimer la course à la bombe nucléaire pour la préservation de l'Etat. Il faut et il suffirait à quelques uns de développer des roquettes de gros calibres ou des missiles balistiques à courte portée pour créer une dissuasion anti-forces ou anti-cités à leurs portes. Ne parlons même pas de l'étape suivante qui serait la constitution de missiles de moyenne portée et de portée intermédiaire : oui, il y aurait urgence à réfléchir activement à la défense anti-missiles balistiques.

Il va s'en dire que, en dehors des gros modèles de bombes anti-bunker, il n'est pas question de traiter véritablement les cibles stratégiques. Ce bunker sous terre près de la ville sainte est une des clefs du programme. Pis, si les iraniens savent creuser à 100 mètres, il feront peut être 150, 200 mètres ou plus la prochaine fois.

Savante remarque de Vincent Eiffing : l'éventuelle attaque aérienne ne détruirait pas le savoir-faire iranien...

Autre chose : quid d'éventuelles retombées radioactives sur Qom, l'une des villes les plus saintes du chiisme ?...



1 Ma rédaction est maladroite : je ne souhaitais pas vraiment dire qu'une attaque aérienne était en gestation depuis les années 50. J'ai voulu, mais pas écrit, dire que le programme iranien gênait depuis, "environ", les années 50.
2Il m'a été affirmé que la simple destruction des voies d'accès aux bunkers souterrains serait une solution suffisante pour les condamner.
3 On me signifie que la MOP est également larguable par les avions de transport C-130 et C-17.

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