Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





24 avril 2012

Défense aérienne de la Flotte : le porte-avions doit-il être le piquet radar aérospatiale ?

© Jane's Fighting Ships 1969-70 : SABMIS program.

La défense aérienne de la Flotte pose bien des questions. Un certain nombre d'entre elles nous conduisent invariablement vers la question des senseurs. La FREDA (FREMM de Défense Aérienne) en est l'exemple le plus abouti : elle ne disposerait pas de radar de veille aérienne à longue portée, elle n'aurait pas la puissance électrique nécessaire pour servir de navire de défense antimissile balistique (de théâtre, comme de territoire).


Le radar de veille aérienne à longue portée à bord des frégates

Peut-être qu'une partie du "problème" vient du fait que l'on veuille absolument que ce soit une frégate de défense aérienne (FDA) qui mette en oeuvre de puissants moyens radars de veille aérienne. Quelques exemples :
  • Les frégates lance-engins de classe Duquesne étaient les premières frégates1 à mettre en oeuvre des radars de veille aérienne à longue portée : le DRBI-23B. Celui-ci aurait eu un rayon de détection de 400 km.
  • Les unités suivantes, les Cassard et Jean Bart (corvettes C70, puis frégates F70) reçurent le DRBJ-11 (bien que le Cassard reçu en premier lieu le DRBV-15). Ce radar avait une portée similaire à celle de son prédécesseur.
    Les deux navires sont actuellement refondus afin de mettre en oeuvre le SMART-S (d'une portée réduite : de 150 à 250 km de rayon).
  • Enfin, les frégates issues du programme Horizon, les Forbin et Chevalier Paul, disposent du radar S-1850 (ou SMART-L) qui permet d'établir une bulle de détection de 500 km de rayon.
A contrario, le croiseurs Colbert (mais pas le De Grasse) reçut d'importants équipements de veille aérienne lors de sa refonte (1970-1972) : les DRB-20, 23C et 50. A noter que le navire ne reçut pas d'intercepteurs à la hauteur de ses capacités : le MASALCA n'entra jamais en service, contrairement au Talos américian.

Du côté des porte-avions, les Clemenceau et Foch portaient les DRB-20, 23C et 50 de veille aérienne. Ces senseurs seront modernisés, et complétés par la suite par un radar de veille air tridimensionnel : le DRBI-10. Ces deux navires ne mettaient pas en oeuvre d'aéronefs de guet aérien. Il a été nécessaire d'attendre la refonte d'une partie des Alizée pour assurer cette mission qui donne un très grand avantage à celui qui en dispose.
Ainsi, la défense aérienne dans la "génération Clemenceau" usa du même radar de veille aérienne à longue portée : le DRB/DRBI-23. Celle du Charles de Gaulle eut recours au DBRJ-11.

Quant au Charles de Gaulle, ces moyens de veille air consistent en le DRBJ-11 (aussi utilisé sur les frégates F70) et le DBRV-26D. Il n'y a pas eu de construction de la défense aérienne autour d'un même radar de veille aérienne à longue portée : les Horizon portent le S-1850/SMART-L et les FREMM emporteront l'Heraklès.

Ces radars de veille aérienne à longue portée donnent l'avantage à son porteur de pouvoir disposer d'une large bulle de veille aérienne (de 2 à 500 km de rayon). En contre-partie, le flotteur doit avoir deux qualités :
  • disposer de la puissance électrique nécessaire pour alimenter ces senseurs (sachant que le radar de veille air à longue portée n'est qu'un élément du système d'armes) ;
  • porter le radar suffisamment haut sur l'eau afin qu'il puisse offrir sa pleine portée, sans trop charger le navire dans les hauts.
Ces deux conditions déterminent un navire suffisamment volumineux pour avoir la puissance idoine et le tonnage nécessaire pour que le radar ne soit pas au ras de l'eau.

L'évolution Horizon

En outre, ce n'est que depuis les frégates Horizon qu'il est question qu'un navire pilote la défense aérienne de la Flotte dans le cadre d'un réseau de senseurs et d'effecteurs. En ce qui concernait les générations précédentes, la FDA devait combiner senseurs et effecteurs. Elle devait intégrer les informations qu'elle obtenait elle-même pour engager, éventuellement, une cible. Il était donc nécessaire que l'unité de défense aérienne dispose d'un radar de veille air à longue portée. Le partage des données était assez rudimentaire.

Mais, donc, depuis, les frégates Horizon, et surtout, depuis le PAAMS (Principal Anti-Air Missile System), il est possible de fusionner et de partager les données reçues, et même, de commander à un navire d'user de ses munitions pour contrer une menace. Les deux frégates Horizon en ont fait une éclatante démonstration récemment où le Chevalier Paul a mené tout l'engagement grâce aux munitions et informations du Forbin afin d'intercepteur un missile supersonique rase-mer.

Le porte-avions : piquet radar de la Flotte ?

Dès lors, pourquoi ne pas imaginer de transformer la réussite de cet exercice en évolution matérielle de la Flotte ?

Disposer d'un radar de veille aérienne à bord d'une frégate, c'est coûteux : les navires de défense aérienne ont toujours été très onéreux car, notamment, il faut leur adjoindre ces radars (ainsi que le système d'armes, l'architecture et la puissance nécessaire). Aussi, il convient de noter que la plus grande partie du temps, ces navires assurent la protection du porte-avions qui lui-même dispose d'une belle suite de radars de veille air.

Aujourd'hui, la fusion des données et le pilotage de la défense aérienne d'une escadre est possible depuis un centre opérations. Pourquoi ne pas installer les plus grands senseurs de veille air à bord des porte-avions ? Ils présentent l'avantage de porter haut au-dessus de la mer ces radars, et d'offrir une très grande puissance électrique (deux K-15 développant 300 MW sur le Charles de Gaulle2...).

Si l'escorteur de défense aérienne offre une bulle supplémentaire, il convient de noter que ce n'est plus, depuis 2001 et l'entrée en service du PAN, qu'un des éléments du système :
  • les radars du porte-avions, dont le DRBJ-11 (dont la portée atteint 400 km),
  • il y a l'avion de guet aérien (l'E-2 Hawkeye) qui offre une bulle de 250 km de rayon,
  • et les radars des frégates ASM (150 km). 
Ainsi, l'état-major de la Marine ambitionnerait une FREDA avec un radar Heraklès dont la portée serait augmentée de 150 à 250 km. Cela revient à dire que les FREMM ASM offrent un écran de veille air qui s'ajoute aux autres moyens, et qui est non-négligeable dans un groupe aéronaval où il y a toujours une frégate anti-sousmarine -et parfois deux- qui s'ajoute à l'unité de défense aérienne.

Une nécessité imposé par la DAMB ?

  • pour la première, ce serait un "refonte DAMB" des frégates Horizon pour 300 millions d'euros. C'est-à-dire qu'il s'agirait de confier aux deux navires les mêmes capacités anti-balistiques que le SAMP/T, ou Mamba, de l'Armée de l'Air. Il faudrait surtout moderniser la suite radar, et les logiciels du PAAMS ;
  • pour la seconde, il faudrait deux navires capables d'embarquer les nouveaux intercepteurs -sur les frégates DAMB-, et qui disposeraient de la suite radar nécessaire à leur mise en oeuvre. Il y en aurait pour 1500 millions, et ce n'est que le premier devis... pour des navires sans armes (celles-ci sont encore à développer : les Aster 2 et Exoguard). 
A priori, et en considérant tout les croiseurs de défense aérienne de l'US Navy, des années 60 à nos jours, soit du Long Beach jusqu'au Zumwalt, les radars nécessaires à une DAMB de théâtre élargie nécessiteraient de grandes quantités d'énergie. A tel point qu'il a été souvent proposé que leur propulsion soit assurée sur des réacteurs nucléaires3. Le porte-avions nucléaire dispose d'ores et déjà de la propulsion nucléaire, et de sa formidable puissance.

Combien de CO ?

Mais il demeure deux questions :
  • le central opérations de défense aérienne de la Flotte par intercepteurs non-pilotés doit-il se situer à bord du porte-avions, dans une sorte de grand CO unifié ? Ou bien, doit-il être à bord d'un escorteur AA, devenu coordinateur d'un réseau, avant toute chose ?
  • N'est-ce pas prendre un risque que de faire reposer les senseurs à longue portée sur un seul navire ?
La première question est assez complexe car il s'agirait d'unifier la lutte aérienne à bord d'un seul CO : est-ce faisable et souhaitable ? Il est très difficile de répondre à la question quand on n'a strictement aucune expérience en la matière. Mais, il serait assez difficile d'assurer une défense aérienne de zone là où le porte-avions ne serait pas présent avec une telle organisation : dans une France avec un seul porte-avions, ce n'est pas un cas improbable. Aussi, ce serait se priver de moyens de peser sur une coalition car le navire de défense aérienne a du poids car tout le monde ne peut pas diriger un réseau. Enfin, embarquer le PAAMS à bord du porte-avions, ce serait complexifier un navire qui est déjà bien coûteux.

La seconde question est toute aussi épineuse. En réalité, elle repose sur l'hypothèse que le porte-avions peut être coulé. Pendant la seconde guerre mondiale, la majeure partie des porte-avions de la Royal Navy furent coulés lors des premiers engagements. C'était souvent en raison de déficiences dans la protection de ceux-ci, que ce soit à quai ou en opérations. Aujourd'hui, si le porte-avions est atteint, c'est que l'escorte a échoué, et qu'elle pourrait donc suivre son funeste sort.
Autre chose : si les senseurs de la défense antimissile balistique sont installés à bord du porte-avions, et que celui-ci disparaît ou est mis hors de combat, alors l'interception de missiles balistiques ne sera plus assurée. Cela est un problème quand la contribution navale à la DAMB aurait pour rôle de défendre un territoire. Sinon, à l'heure actuelle, il n'est toujours pas démontré qu'un missile balistique (non-nucléarisé) puisse détruire un navire en mouvement.

Une solution contre la montée aux extrêmes des tonnages et des coûts ?

Confier les senseurs de veille aérienne, voire aérospatiale dans le cadre de la DAMB, au porte-avions, c'est peut être, aussi, tenter d'endiguer la montée aux extrêmes des coûts pour les navires de défense aérienne. Les frégates Horizon ont coûté 800 millions d'euros à l'unité à leur construction4. Ce coût pourraît être majoré avec d'éventuelles capacités DAMB.

Aux Etats-Unis, la recherche de la défense aérienne à très longue portée (via les sytèmes RIM-8 Talos et RIM-50 Typhon) s'est presque toujours traduite par des navires de fort tonnage (du niveau du croiseur léger, au moins), ou nucléraires. Le porte-avions dispose d'ores et déjà de cette puissance, et ce, sans surcoût pour la construction de la Flotte. L'installation de nouveaux radars se ferait à la marge, et ne nécessiterait pas la construction de nouveaux navires.

Ainsi, ce basculement des coûts de la frégate de défense aérienne au porte-avions permettrait même de financer le second porte-avions. En prenant l'hypothèse d'un escorteur de défense aérienne avec un simple radar multifonctions, et dont la mission est de coordonner l'interceptions de missiles et aéronefs par des missiles, alors il ne s'agirait que de frégates ASM sur lesquelles on aurait installé le PAAMS. Aussi, il ne serait pas nécessaire de construire deux "frégates DAMB" car les radars seraient installés sur le Charles de Gaulle, et le PAAMS mis à jour.

Il y aurait donc 1500 millions d'euros d'économiser, moins l'installation des radars sur le PAN, et la mise à niveau du PAAMS. Le raisonnement est le même pour la mise à niveau des Horizon.

La situation permettrait aussi de se concentrer sur l'emport de missiles à bord des frégates.
 
In fine, s'il s'agissait de préparer la construction de quatre navires de défense aérienne, alors leur coût serait moindre que les Horizon, et il serait, peut-être, possible de financer le PA2 via ce basculement de senseurs d'un navire à l'autre.

Situation paradoxale car l'Exécutif et le Législatif affirment que le second porte-avions ne sera mis sur cale que si les conditions économiques et financières le permettent (livres blancs de 1994 et 2008 -et tout les rapports et autres bonnes déclarations). Finalement, il est possible de trouver une somme de 1800 millions d'euros à répartir autrement, et d'avoir une réserve de bonnes intentions pour lancer la construction d'un navire qui, rappelons-le, coûterait 2 ou 3 Rafale par année budgétaire sur dix ans.

Trois ou quatre porte-avions ?

Ce qui gêne dans l'argumentaire, c'est de ne pas avoir trouvé le moyen de construire trois ou quatre porte-avions.

Trop ? Il y a peu de lignes, il n'était pas possible de construire le second, qui est pourtant indispensable, alors que les financements existent, manifestement. Si jamais tout le raisonnement précédent, qui consiste à placer les senseurs de veille aérienne à longue et très longue portée à bord du porte-avions, est défendable, alors, pourquoi ne pas imaginer une Flotte où il n'y aurait plus que quatre frégates de coordination de la défense aérienne, en sus des frégates ASM "croiseurisées" ? Il n'y aurait vraiment plus qu'une seule classe de frégates, avec une sous-classe pour s'adapter à quelques particularités. Il ne serait plus question des coûts d'adaptation de la FREMM à la défense aérienne, mais des coûts d'installation du PAAMS à bord de quatre FREMM. Ce n'est pas du tout la même chose. L'effet de série reviendrait.

Peut-être que le porte-avions doit devenir le pion central de la défense aérienne de la Flotte à longue et très longue portée.



1 A noter que les cuirassés Richelieu et Jean Bart ne reçurent pas de tels senseurs, et ils restèrent pourtant en service. Ils ne servirent pas non-plus dans des missions antinavire ou d'action vers la terre.
2 Les Horizon développent une puissance de 64 MW, quand ce sont 32 MW développés par les FREMM.
3 Il avait été proposé que les Tinconderoga, Arleigh Burke et Zumwalt soient à propulsion nucléaire.
4 Le programme FREMM, et ses 17 frégates, était évalué à 6,5 milliards d'euros en 2005 : 382 millions d'euros le navire (hors-taxes ? Avec ou sans études ? Armés ?). Le programme bondissait à 710 millions d'euros l'unité pour 11 navires (rapport de la Cour des comptes de 2010), avec l'inclusion de l'armement et du MCO.

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