Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





08 août 2013

La mer du Japon est-elle trop étroite pour le porte-avions ?

© Inconnu.



La mise à l'eau du premier destroyer porte-hélicoptères 22DDH japonais (le jour de la commémoration du largage d'une bombe atomique sur Hiroshima), l'Izumo, a été l'occasion de nombreux échanges. Par exemple, certains portèrent sur la montée en gamme (navale) du Japon (classes 16 et 22 DDH) avec Si Vis Pacem et EGEA.


Le navire inaugure une nouvelle classe de "destroyers" (à l'instar des croiseurs porte-aéronefs soviétiques pour ne pas dire "porte-avions" ?) porte-hélicoptères. On pourrait supputer que parler de porte-aéronefs, de porte-hélicoptères ou de porte-avions (même si c'est incorrect pour ce dernier terme) soit encore politiquement peu recommandable au Japon vis-à-vis des réactions des Etats voisins. Ce qui rappelerait peut être trop la puissance aéronavale japonaise de la seconde guerre mondiale. Par ailleurs, vous remarquerez que ce destroyers porte-hélicoptères à vocation ASM possèderait également des dispositions pour accueillir des F-35B (STOVL). Ce qui irait tout à fait dans le sens de ses capacités aéroamphibies. Mais n'apporterait rien en lutte ASM. Ainsi, cela accréditerait leur possible utilisation comme porte-aéronefs de défense aérienne.

Néanmoins, cette montée en puissance aéronavale est bel et bien réelle. Sans rien savoir ce qui est envisagé au Japon, le bâtiment lancé n'est que le reflet de la pensée de ses concepteurs. S'il est mal pensé, le navire est mauvais. On ne peut donc que conclure que le Japon envisage de mener des opérations aéroamphibies puisque le navire peut le faire. Cela n'a, semble-t-il, soulevé aucun commentaires de la part des pays asiatiques victimes de l'expansion japonaise dans les années 30.

Mais est-ce que la suite des programmes contient des projets de porte-avions ? C'est bel et bien la marche suivante. Dès lors, la question se posait de savoir, avec les deux alliés, si l'espace maritime où les marines projettent d'opérer dimensionnent les capacités du pont plat. C'est un débat vieux comme le porte-avions : il ne serait pas adapté aux mers étroites, surtout depuis qu'il est cerné de missiles anti-navires (guidés par quoi ?), où il ne pourrait pas convenablement évoluer (comme le porte-avions Foch, trop à l'aise en mer Adriatique). 

Premièrement, il est clair que ces deux programmes japonais (classes 16 et 22 DDH) répondent à un accroissement de la menace sous-marine dans la région. Sont directement visés la quarantaine de sous-marins classiques et la demi-douzaine de SNA chinois. Le Japon lance donc des réponses adaptées (des groupes de destroyers et de frégates organisés autour de porte-aéronefs, à la manière des CVE des "hunter-killer group" contre les U-Boat allemands ?) à une menace en augmentation quantitative et qualitative. Il y a, en effet, le développement de sous-marins nucléaires d'attaque (ce qui change tout en matière de lutte ASM puisqu'il faut chasser des navires évoluant indéfiniement à hautes vitesses). Mais leurs homologues à propulsion classiques se modernisent à chaque nouvelle classe (et bénéficient, semble-t-il, encore une fois, de la rétroingénérie sur les sous-marins russes... et français via le Pakistan (Song inspiré des Agosta) ce qui n'arrange pas les choses pour les chasser (bien que les propulsions AIP ne semblent pas encore légions).

Deuxièment, un nouveau volume de menace fait jour :  la Chine développe des groupes aéronavals. Un premier porte-aéronefs a été remis en service. Mais l'attention des médias ne s'est pas malheureusement étendue au formidable effort chinois pour développer la flotte de surface de la MAPL : augmentation du nombre de destroyers et de frégates hauturiers. Mais aussi, en cherchant un peu, on découvre les photographies de prototypes d'aéronefs : avion de guet aérien, etc... Et il y aussi  un second porte-avions qui serait en construction.
Entre parenthèse, et à ce sujet, personne ne s'étonne non plus que la Chine déclare, quand elle veut, qu'elle souhaite un second navire plus grand que le premier, ni que des photographies attestant d'un début de sa construction ne semble sortir sur la toile que quand Pékin le voudrait bien. Pour preuve, est-ce que quelqu'un a déjà vu un reportage photographique sur la refonte du Laionning ?
Enfin, l'une des questions qui taraudes quelques marines, comme l'US Navy, est de savoir si les SNA chinois accompagneront la première grande croisière du porte-aéronefs de la MAPL ( (Marine de l'Armée Populaire de Libération - 中国人民解放军海军 - Zhōngguó Rénmín Jiěfàngjūn Hǎijūn).

La question se pose donc de savoir comment le Japon va réagir à cet affichage des nouveaux instruments de la puissance chinoise. La constitution japonaise est officiellement un frein à l'acquisition de capacités offensives. La "marine d'auto-défense" (海上自衛隊, Kaijō Jieitai) ne pourrait alors que se doter d'armements d'auto-défense. Mais est-ce que le porte-avions n'est pas un armement d'auto-défense dès lors qu'il répond, symétriquement aux groupes aéronavals d'une puissance étrangère qui a des prétention sur une partie du territoire national japonais ? Il ne s'agit plus seulement de diplomatie navale dans cette région.

Ensuite, il s'agirait donc de déterminer comment le Japon peut endiguer la menace navale chinoise. Les groupes aéronavals chinois (selon le peu d'informations disponible) semble s'appuyer sur un porte-aéronefs avec des chasseurs embarqués STOVL, faute de mieux pour l'instant. Cependant, bien des billets, des articles montrent ou montreraient que la Chine s'engage clairement sur la voie de la filière CATOBAR. C'est-à-dire qu'elle mettrait sur cale à l'heure qu'il est de véritables porte-avions (et non pas porte-aéronefs). De plus, la MAPL choisirait la filière aéronavale franco-américaine. C'est-à-dire que les officiers de la marine chinoise concevraient le porte-avions comme une véritable base aérienne navale mobile. Il en découle que celui-ci doit pouvoir mettre en oeuvre tout ou partie des instruments de la puissance aérienne : chasseurs embarqués possédant les mêmes performances que leurs homologues basés à terre, avions de guet aérien, de guerre électronique, hélicoptères CSAR, etc...

Dès lors, il y aurait un net avantage en faveur de la Chine puisque ses groupes aéronavals posséderaient des capacités d'éclairage supérieures aux porte-aéronefs japonais. La Guerre des Malouines (1982) auraient été toute autre si la Royal Navy avait pu mettre en l'air des aéronefs de guet aérien pour détecter assez loin en avant les raids argentins et faire décoller à temps la chasse. A contrario, l'Argentine bénéficiait de l'éclairage spatial de l'URSS pour repérer l'adversaire.
Et soit dit en passant, les aéronefs de guet aériens peuvent être à voilures tournantes, comme les Sea King ASaC anglais : ce n'est donc pas l'apanage du porte-avions, même si c'est indispensable. A la remarque près que les capacités entre voilures tournantes et fixes ne sont pas les mêmes.

Par contre, un autre avantage se ferait jour en faveur de Pékin si jamais deux ou trois porte-avions CATOBAR étaient lancés : celui du volume de la salve lancée, de sa portée et de sa cadence.

Il est capital de comprendre qu'un porte-avions, c'est bel et bien un navire qui est capable de mettre en oeuvre des avions qui ont les mêmes performances qu'ils soient catapultés ou mis en oeuvre depuis une base aérienne. Ainsi, Rafale B, C et M ont les mêmes performances en mer ou à terre, nonobstant quelques différences tout de même (le principe théorique souffre de quelques réalités "mineures"). C'est pourquoi les J-15 (Su-33 chinois construit sans aucune licence) pourraient lancer des missiles anti-navires. Alors, une vingtaine de ces chasseurs pourraient tirer autant de missiles anti-navire à chaque pontée. La cadence de la salve sera proportionnelle au nombre de coups de catapultes par jour (et le volume de kérosène et de munitions emporté et ravitaillé) que pourra donner le futur porte-avions chinois. Mais aussi, cet appareil catapulté sans effort énergétique supplémentaire de sa part, grâce aux catapultes (par rapport à des décollages STOVL) conservera son autonomie, et donc son rayon d'action.

Face à cela, qu'oppose Tokyo ? Des destroyers porte-hélicoptères qui embarqueraient, un jour peut être (alors que les porte-avions chinois c'est plutôt "demain certainement), des F-35B. Chaque navire pourraient en aligner 12 machines (contre 20 et plus en Chine selon les navires). Qui plus est, il s'agirait de savoir si cet appareil pourrait un jour décoller avec un NSM ou un LRASM puisque la capacité d'emport de ces appareils est l'objet de nombreuses polémiques. Problème suivant, la distance franchissable tournerait sous les 500 nautiques, ce qui n'est pas grand chose, surtout face aux chasseurs de Pékin.

Ce qui remet en cause toute utilisation de voilures tournantes dans des attaques anti-navires : le rayon d'action serait trop médiocre, et l'éclairage chinois pourrait peut être suffire pour les détecter à temps. Mais l'utilisation de voilures tournantes hybrides pourrait remettre en cause cet état des choses.
Outre les difficultés rencontrés par l'hypothétique futur chasseur embarqué japonais, il n'y a pas grand développement du côté des aéronefs de cohérence, si ce n'est rien, qui sont autant de démultiplicateurs de forces (avions de guet aérien, etc...).

Cette très brève comparaison montre, dans l'état actuel des suppositions et des connaissances, que l'avantage est à Pékin. Et ce, c'est sans compter sur l'aide apportée par les aéronavals basées à terre (intercepteurs, bombardiers, avions de patrouille maritime, etc...) et sur le recours à l'Espace (satellites chinois qui seraient hérités des RORSAT soviétiques) par les protagonistes pour éclairer leurs escadres respectives ou bien mener des raids anti-navires. A propos de ces capacités là, la symétrie des armements étant à peu près respecter de chaque côté de la mer, il est difficile de départager l'un ou l'autre. C'est pourquoi la comparaison des groupes aéronavals était bien plus éclairante.

Après avoir survolé la question des capacités aéronavales embarquées et à terre de chacun, il est temps de revenir à leur rapport avec le cadre territorial. Le conflit des Malouines a montré qu'une puissance navale comme l'Angleterre avait strictement conçue sa puissance aéronavale à l'aune des menaces identifiées dans les années 70 : une sortie de la flotte soviétique. C'est donc pourquoi les porte-avions anglais ont été remplacés par trois porte-aéronefs (de classe Invincible) de lutte ASM. Ces navires connurent leur heure de gloire pendant la Guerre des Malouines :
  • conçus pour être utilisés dans un cadre maritime contenu (l'Atlantique Nord), ils opérèrent comme vecteur d'une aéronavale à voilures fixes embarquée à 10 000km de son port base. Les navires n'étaient pas taillés pour ce rôle alors qu'ils combattaient dans un autre cadre territorial contraint
  • La force navale anglaise fut mise en difficulté par son incapacité à éclairer l'horizon. Si Londres avait réussi à positionner le croiseur Belgrano sur les cartes, il faut croire d'après les mémoires de Tatcher que l'Angleterre ne savait pas où était le porte-avions 25 de Mayo alors que les deux capital ships menaient une attaque en tenaille contre l'escadre anglaise.
La Royal Navy souffrait donc d'un déficit d'éclairage face à une force aérienne adverse qui n'avait jamais été une force de combat aéronavale et qui était éclairée par des satellites soviétiques.

L'exemple des Malouines demeure pertinent. La zone comprise entre le Sud de l'Argentine et cet archipel est nettement inférieure à la surface de la mer du Japon. Pourtant, le porte-avions a brillé par son absence lors de la guerre des Malouines, et notamment par le gain stratégique qu'il apporte en capacités d'éclairage. Les systèmes spatiaux capables de compléter ou de remplacer ces missions d'éclairage sont peut être inexistant à l'heure actuelle. En ce qui concerne les systèmes de détection aéroportés, il semblerait qu'ils n'aient jamais vraiment inquiétés l'US Navy (cela mériterait quelques développements spécifiques car c'est tout le contraire pour les systèmes aéroportés de lancement de missiles de croisière). Par contre, un fait demeure depuis les U-Boat : les sous-marins sont de grands aveugles en mer s'ils ne sont pas guidés vers leurs cibles.

Au final, de cette brève réflexion, on peut remarquer le porte-avions n'est pas le fruit d'un cadre géographique, mais est bien la capacité à déplacer une base aérienne de par les mers pour projeter les instruments de la puissance aérienne. C'est l'instrument de projection de la puissance aérienne, et surtout, de contournement par excellence. L'engagement des porte-avions français pendant la guerre du Kosovo le montre : l'Italie prêtait ses bases sous conditions quand les navires français répondaient du commandement national. Et le cadre territorial était minuscule.

Ce qui changerait dans le cadre d'un conflit naval entre la Chine et le Japon, c'est le rôle joué par l'aviation de patrouille maritime. Est-ce qu'elle pourrait être engagée de manière à seconder, voire à remplacer le porte-avions dans ses missions d'éclairage ? En Libye, la mobilité du porte-avions Charles de Gaulle lui permettait, proximité géographique obligeait, à faire décoller des chasseurs pour qu'il soit sur zone en 30 minutes grâce aux systèmes de reconnaissance aéroportés au-dessus des terres libyennes. Est-ce que des PATMAR japonais ou chinois pourraient orbiter suffisamment longtemps et loin de leurs bases pour guider les escadres ? Participer à leur défense aérienne ? Servir de plateforme de contrôle et de commandement pour les missions offensives ? Dans ce dernier rôle, il faudrait également étudier l'apport des frégates de défense aérienne pendant l'opération Harmattan. La question est à poser puisque le rôle du porte-avions évolue.

Mais il n'en demeure pas moins que le porte-avions continuera à mettre en l'air au plus près de la menace des avions aux performances symétriques à leurs homologues terrestres : la "salve" n'est pas la même entre celle délivrée par des pontées catapultées en pleine mer et  celle lancée par des avions de PATMAR (pas toujours armés) avec les chasseurs et/ou intercepteurs terrestres qui les accompagnent pour tirer les cibles détectés (ou pire, qui devraient décoller sur alerte et perdre un temps précieux).

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