Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





26 mars 2010

La frappe préemptive française et la réponse immédiate américaine


© Inconnu.
 Le marquis de Seignelay nous livre ici quelques réflexions sur la dissuasion nucléaire océanique de part et d'autre de l'Atlantique, autour des notions de frappe préemptive et de frappe préventive. Bien entendu, ses propos n'engagent que lui.

L'action de l'Administration Obama pour la « dénucléarisation du monde » va commencer à produire ses premiers effets. Le président américain devrait annoncer une nouvelle doctrine nucléaire et, plus qu'une baisse impressionnante de l'arsenal américain (toujours dans le cadre d'un accord START on espère), un remodelage complet de la dissuasion nucléaire étasunienne. Ainsi c'est une véritable transformation de la dissuasion qui pourrait s'opérer avec le retrait des bombes nucléaires tactiques en Europe par exemple et la fin des armes nucléaires anti-bunker (mini-nuke). En lieu et place le choix serait fait de continuer dans la voie de la « réponse immédiate ». Comprenez, des SNLE de classe Ohio qui verraient leurs missiles dotés d'une charge conventionnelle et pouvant frapper n'importe quel point du globe (ou presque) en moins d'une heure avec une précision accrue. Une première opération de ce genre a déjà eu lieu, avec la reconversion de quatre Ohio en « SSGN » (Ships Submersible Guides missiles Nuclear power ou sous-marin croiseur lance-missile). Ces derniers disposent en lieu et place de leur missiles Trident de 154 Tomahawk et d'installations pour commandos.

Et la France me direz-vous ? La Royale ne dispose pas de l'occasion de reconvertir des SNLE comme on pu le faire les Etats-Unis. Les quatre SNLE-NG sont strictement nécessaires pour leur mission de dissuasion. Et les navires de l'ancienne classe ont peu de potentiel à reprendre du service. De plus, la Marine a encore moins de crédit budgétaire pour se doter de croiseurs sous-marins lance-missile (semblables aux Oscar russes).

Par contre, un discours de l'ancien Président Jacques Chirac à l'Ile longue en 2006 avait laissé entrevoir une possibilité de développer une capacité adaptée face à la réponse immédiate américaine.

Une action anti-tir nucléaire par « réponse immédiate » ?

Quatre SNLE américains de la classe Ohio ont fini d'être transformés en SSGN en 2006 (Ohio et Florida) et 2007 (Michigan et Georgia). Ils sont équipés d'installations pour 66 commandos et de... 154 Tomahawk. Ce qui est un arsenal dissuasif. Il était question depuis la refonte des ces navires d'en commander quatre supplémentaires, qui seraient ainsi transformés dans le cadre de la « réponse immédiate ». Ils garderaient leurs missiles balistiques (la classe Ohio possède 24 silos soit autant que le Typhoon russe) mais ces derniers seraient dotés d'une charge classique. Donc on ne serait plus dans le cadre de « croiseur lance-missile sous-marin » mais bien de SNLE à charge conventionnelle. A ne pas confondre. De plus, la précision des missiles passerait de décamétrique à métrique pour effectuer des « frappes chirurgicales » quasiment imparables.

Une des cibles potentielles pour la réponse immédiate est la « lutte terroriste » par des frappes contre des sites incriminés. Et aussi les préparatifs d'un tir nucléaire nord-coréen. Il serait donc envisagé, car possible, de frapper un site de tir nord-coréen pour, non pas empêcher le tir, mais interdire toute possibilité de l'effectuer.

On est bien face à un changement dans la dissuasion elle-même puisque l'armement conventionnel atteint un degré tel (ou plutôt, on explore une telle utilisation des moyens conventionnels) qu'il peut faire peser une menace stratégique sur les moyens d'actions de l'état visé. Par la soudaineté, l'imprévisibilité, l'invisibilité et la rapidité de la frappe, c'est une menace nouvelle. Par son caractère conventionnel, c'est un acte militaire. Mais qui garde un caractère exceptionnel par le recours à une arme balistique.
Est-ce que la France peut rejoindre les Etats-Unis dans cette « dissuasion décomplexée » sans forcément avoir recours à de coûteux développements de moyens nouveaux ?

Frappe préemptive et frappe préventive

Une opération préemptive consiste en une action immédiate sur la base de preuves indiquant qu'un ennemi est sur le point de frapper. L'action est donc légitime : la préemption est très proche de la notion de légitime défense autorisée aux États par l'article 51 de la Charte des Nations Unies. En revanche, une opération préventive implique des actions entreprises pour empêcher une menace future plausible mais hypothétique, c'est-à-dire sans preuve et sans légitimité.

C'est ainsi que le général d'armée de l'air, Hervé Le Riche, alors Major général des armées, définissait la différence entre ces deux thèmes dans une interview au mensuel DSI (rapporté par le blog Secret Défense de Jean-Dominique Merchet : http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2007/10/les-frappes-pre.html).

La frappe préemptive française

Ce 19 janvier 2006, le Président de la République Jacques Chirac prononçait un discours à l'Île longue, la base des SNLE. Notons qu'il ne semble pas avoir été contredit par le nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Les caractéristiques de ce discours sont principalement la réaffirmation que « la dissuasion nucléaire demeure la garantie fondamentale de notre sécurité » et une plus grande flexibilité d'usage de l'arme nucléaire dans des scénarios nouveaux. Matériellement cette inflexion est permise par une répartition différenciée du nombre de têtes nucléaires par missile (M45 et M51).

Lors de ce discours la cible de fond n'était pas vraiment la Corée du Nord, qui n'est pas une grande préoccupation française, la gestion de cette crise étant laissée à la discrétion des États-Unis et du groupe des six d'Asie de l'Est. Non, Jacques Chirac parlait plutôt de l'Iran, le Président usant d'une rhétorique pas si éloignée de celle des « États voyous ». Il fustige le terrorisme commis par des fanatiques tout en reconnaissant que l'arme nucléaire n'est pas destinée à la lutte contre ces derniers. Par contre il adresse de lourdes mises en garde contre les états soutenant ce genre de mouvement. Car ces derniers s'exposent
à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d'une autre nature.

Nous sommes en mesure d'infliger des dommages de toute nature à une puissance majeure qui voudrait s'en prendre à des intérêts que nous jugerions vitaux. Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit. C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins.

La chose a bien était perçue comme une possibilité de frappe préemptive contre un état touchant aux intérêts vitaux français. Comment pourrait s'illustrer cette frappe préemptive ? On peut imaginer deux options :

Tir de semonce nucléaire

Ce qui est porté à l'attention du lecteur aujourd'hui est la possibilité de toucher à la capacité à agir. Ce discours s'inscrit bien dans un « certain » rapprochement doctrinal avec la pensée américaine (dans le sens de l'action préventive, cela rappellera les débats sur le nucléaire tactique). Le Président ne l'a pas dit mais on ne peut s'empêcher de penser à, par exemple, un tir nucléaire atmosphérique au-dessus d'un champ de tir de missile balistique iranien. De sorte que l'effet d'une telle explosion produise un effet électromagnétique. Les conséquences en sont que toute l'électronique non protégée contre cette impulsion électromagnétique se retrouve hors-service. Ainsi, l'explosion pourrait rendre inopérant l'arsenal balistique ennemi : sa capacité à agir.

La frappe préemptive

Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi". Cette formule ne doit cependant pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en œuvre nos armes nucléaires. La menace crédible de leur utilisation pèse en permanence sur des dirigeants animés d'intentions hostiles à notre égard. Elle est essentielle pour les ramener à la raison, pour leur faire prendre conscience du coût démesuré qu'auraient leurs actes, pour eux-mêmes et pour leurs États. Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.
Toute la puissance de la dissuasion reste, et restera sûrement, le doute induit. On a évoqué un tir de semonce aux allures tactiques et presque indolore. C'est paradoxal ainsi énoncé. Mais rien n'indique qu'une frappe directe contre un site de tir est écartée. Tout comme dans notre propre hypothèse, si la capacité à agir visée est protégée des impulsions électromagnétiques, il ne reste plus que la frappe directe... C'est bien « un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux », ou la dernière sommation.

Tir de semonce, frappe préemptive, réponse immédiate : une action défensive selon... Mahan

Si l'on reprend l'image du blocus naval selon le stratège naval américain alors l'utilisation proposée de l'arsenal stratégique français et américain reste une action purement défensive, malgré l'importance de l'engagement. Pour résumer rapidement Mahan, un blocus naval est défensif s'il consiste à bloquer la flotte militaire ennemie dans son port. En bloquer l'accès au commerce maritime est une action offensive en ce sens où l'on porte atteinte à l'économie de l'adversaire donc à ses forces.
Ainsi les armes nucléaires stratégiques restent défensives puisqu'elles ne visent qu'à priver l'adversaire de sa capacité à agir en touchant son arsenal même tout en évitant ou en tentant d'éviter à toucher à autre chose.

Une contradiction avec la défense anti-missile pour conclure ?

Quel que soit le moyen d'action que nous avons cherché à illustrer, il y a un point commun. C'est la volonté contre un État proliférant de détruire préemptivement sa capacité de tir avant qu'il ne la mette en œuvre. Ce qui est un fléchissement par rapport à la défense anti-missile balistique où l'on cherche à arrêter l'attaque ennemi une fois lancée. C'est véritablement une posture différente, en partie d'ordre psychologique. Là où la proposition américaine d'opérer un bouclier pourrait dédramatiser le feu nucléaire en cherchant à en éviter les conséquences néfastes, la France pourrait rappeler la capacité réelle de ces armes et le fait que l'on ne joue pas avec ce genre de menace. La ligne jaune ne serait pas pour la France un missile passant entre les mailles d'un filet anti-missile. Mais bien la volonté d'utiliser l'arme nucléaire qui serait réprimée par le feu.

Enfin, les deux capacités américaines ne sont pas forcément exclusive l'une de l'autre. La réponse immédiate pourrait être la première partie du bouclier (il n'y a pas de meilleure défense que l'attaque) tandis que le bouclier serait présent pour tenter d'arrêter les tirs réussis.


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