Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





19 avril 2016

Entretien avec Paul Mullié - La MAPL dans la stratégie politique chinoise

© International Herald Leader. Carte extraite d'un billet (4 janvier 2013) conseillant à la MAPL de construire un réseau de bases outre-mer afin de sécuriser trois "lignes de vie" (Nord de l'Océan Indien, Ouest de l'Océan Indien et le centre-Sud de l'Océan Indien.
Paul Mullié est titulaire d'une licence de géographie (Institut de Géographie Alpine/Institut d'Urbanisme de Grenoble). Au sein de l'université Jean Moulin (Lyon III), il obtenait son master I (Relations Internationales, Sécurité et Défense) en soutenant un mémoire sur la marine chinoise ("La marine chinoise du XXIème siècle : posture défensive ou stratégie hégémonique potentielle?"). En deuxième année de master (Relations Internationales et Diplomatie), son deuxième mémoire portait sur "Le concept d'universel en sciences sociales et sa transposition en relations internationales par l'universalisme." 

La MAPL (Marine de l'Armée Populaire de Libération), marine défensive ou au service d'une posture hégémonique ?

           Une des difficultés dans l’observation de la Chine se situe dans la capacité ou non de l’analyste à faire preuve de modération en ne tirant pas de conclusions caricaturales. Les visions partisanes sont en effet nombreuses, affirmant tantôt que la Chine serait une menace à l’équilibre mondiale complotant pour la domination globale, ou au contraire qu’il n’en serait rien, que la Chine n’a aucune grande stratégie, qu’elle serait une puissance pacifiste, ou encore qu’elle serait au bord de l’effondrement social et économique.

           Aucune conclusion générale sur les ambitions chinoises à échelle globale ne me semble avoir de sens. Les mots clefs du discours officiel chinois sont « émergence pacifique », « coexistence pacifique », « multilatéralisme », « multipolarité », et « nouvel ordre mondial ». La Chine affirme être dans le rejet de l’hégémonie et de l’expansionnisme, mais reconnaît l’existence d’un destin commun et souhaite donc être présente sur la scène internationale. Elle affirme également son intransigeance sur certains éléments de souveraineté, notamment Taïwan et le Tibet.

           La Chine rejette toutes accusations évoquant une volonté de domination et affirme ne souhaiter que la coopération, la confiance mutuelle et le respect de sa souveraineté, mais évidemment il ne peut pas en être autrement et une ambition globale ne serait probablement pas revendiquée publiquement. Pour présager d’une supposée volonté hégémonique, une analyse ne peut donc que se baser sur l’interprétation des faits. C’est en ce sens qu’il a fallu faire le choix d’un axe par lequel analyser la politique étrangère chinoise, celui de la marine.

           Les faits, ce sont donc la modernisation et la montée en puissance massive de la MAPL. La version officielle, laquelle est tout à fait défendable, affirme que la seule ambition est celle d’assurer la sécurité des routes commerciales clefs, vitales pour la Chine. Une telle affirmation reviendrait à inverser le postulat de Mearsheimer selon lequel l’économique est au service du développement militaire. S’interroger sur ce sujet revient finalement à poser en théorie des Relations Internationales le débat entre le réalisme offensif et le réalisme défensif, l’un affirmant que toute quête de puissance ne se fait que dans la recherche de l’hégémonie régionale, l’autre acceptant la possibilité d’une quête de puissance se faisant à des fins seulement sécuritaires et accordant donc plus de place à la coopération régionale. La réponse apportée à la question de la marine chinoise, posture défensive ou hégémonique, serait donc simplement variable en fonction de la position de chacun dans ce débat.

           Cependant ici, plutôt que de se placer dans un contexte théorique, ce qui serait intéressant serait de voir à l’inverse si les actions chinoises semblent plutôt infirmer ou confirmer une des théories.

           A l’échelle planétaire, les sorties de la MAPL sont rares et peu significatives, n’indiquant aucune volonté de remise en cause du contrôle américain des mers. La République Populaire de Chine (RPC) ne s’est pas imposée définitivement dans les conflits qu’elle entretient avec ses voisins, elle ne peut donc pas être considérée comme un hégémon régional. Les actions de la marine chinoise n’indiquent aucune volonté de domination mondiale. Une affirmation proclamant une nette volonté de domination régionale serait tout à fait défendable, mais aussi et surtout tout à fait discutable. En revanche la Chine considère certains éléments indiscutables et est déterminée à les obtenir, c’est notamment le cas de Taïwan. Elle n’est en revanche intransigeante que face à des États bien plus faibles, comme le Viêt-Nam aux Paracels, et semble même se satisfaire, pour un temps au moins, d’un partage des Spratleys. La Chine ne s’est pas saisie manu militari de Taïwan et n’a pas l’intention de le faire, et enfin, elle évite consciencieusement tout escalade militaire avec le Japon.

           Finalement, les actions de la MAPL ne permettent pas d’affirmer quoi que ce soit de définitif et indiscutable, il est certainement trop tôt pour cela, en revanche sa modernisation ouvre une voie royale à la spéculation, l’imagination ou encore la prospective. C’est en ce sens que la MAPL est la plus intéressante, en effet il est possible de voir là l’entrée de la Chine dans une course à l’hégémonie régionale mais cela ne pourra être affirmé que dans l’avenir à travers certains éléments qui seront je pense très révélateurs.

           La manière dont les conflits insulaires avec les pays de l’ASEAN seront gérés indiquera si, localement, elle s’est imposée définitivement et sera révélatrice de son attitude sur la scène internationale face aux « petites » nations.

           La résolution du conflit sino-japonais autour des îles Senkakus explicitera sa place d’hégémon régional.

           Illustrée par la réalisation ou non d’un collier de perles militaire, la relation de la Chine avec l’Inde, entre concurrence régionale et coopération pour un nouvel ordre mondial éclairera sa position en faveur d’un monde réellement multipolaire ou à l’inverse en faveur d’une transition hégémonique en son honneur.

           Et enfin, l’évolution de la situation Taïwanaise sera significative sur la manière d’agir chinoise et sur la position et la réaction des États-Unis à propos de cet éventuel nouvel ordre mondial.

           De manière beaucoup plus concrète et dans un futur bien plus proche, un point très révélateur de la posture chinoise à travers celle de sa marine sera la révélation de ses nouveaux porte-avions. En tant que symbole du dépassement de la posture défensive, symbole de la volonté de projection et donc d’une éventuelle posture hégémonique, les caractéristiques de ceux-ci et surtout leurs déploiements seront significatifs. Leur système de propulsion, conventionnel ou nucléaire, peut éventuellement révéler la volonté d’une portée globale et donc d’une posture plus hégémonique. Leur déploiement, soit en Mer de Chine dans une logique d’action locale, d’affirmation de souveraineté et de défense de ses eaux territoriales ; soit dans l’océan Indien dans une logique de contrôle de ses routes commerciales et d’imposition continentale ; ou encore au-delà du premier rideau d’îles, dans une logique de projection dans le Pacifique, contestant la présence américaine, sera surement le premier facteur réellement révélateur. Cependant, vue la supériorité américaine en ce domaine et l’improbabilité de voir la Chine remporter une telle course à l’armement, cette dernière hypothèse est probablement à éliminer et leur vocation sera très probablement continentale. Et enfin Taïwan étant d’ores et déjà à portée depuis les bases continentales, l’apport d’un tel équipement dans cette perspective n’apparait pas évident, l’arrivée des porte-avions ne suggèrent pas une éventuelle escalade et résolution militaire entre les deux Chines.
           
           Pour mettre un terme à la prospective et conclure, la posture de la marine chinoise semble varier selon l’échelle de réflexion. D’un point de vue très local, elle semble plutôt hégémonique bien que le terme perde de sa valeur et de son sens dans un cadre si réduit, à l’échelle continentale la question est ouverte au débat, ses actions ne révèlent pour l’instant aucune volonté hégémonique mais la modernisation de la MAPL légitime les interrogations, à l’échelle globale, en revanche, la MAPL incapable de rivaliser avec la superpuissance américaine se tient dans une posture défensive alimentée par sa peur de voir ses routes commerciales coupées. 

La MAPL est-elle l'un des instruments d'une stratégie A2/AD chinoise ?

           On a déjà en partie répondu à cette question. La MAPL est maintenant au-delà d’une « simple » stratégie de déni d’accès. La volonté de ne plus être enfermée dans ses mers et de développer des capacités hauturières et de projections sont évidentes. Cependant cette stratégie A2/AD reste un élément fondamental de la stratégie chinoise et est toujours aux fondements même du développement de la MAPL. En effet, un des événements symboliques clefs aux origines de la prise de conscience chinoise de sa faiblesse maritime et donc un élément fondateur de la refonte et du développement de la MAPL a eu lieu entre 1995 et 1996, lorsque pendant des manœuvres chinoises dans le détroit de Formose, au large de Taïwan, les États-Unis ont immédiatement répondu en déployant deux groupes aéronavals dans le détroit.

           La peur des capacités américaines, la peur de l’enfermement et de la perte de contrôle de ses propres eaux restent donc primordiales dans les stratégies chinoises qui, même si elles s’en affranchissent partiellement et progressivement, restent basées sur le déni d’accès. Cette posture héritée des stratégies et des équipements soviétiques est même aujourd’hui complétée par des programmes de développement de missiles balistiques anti navires.


Comment la Chine use-t-elle de son outil maritime pour servir ses prétentions territoriales sur les archipels des mers de Chine ?

           Je ne serais pas capable de dire l’usage que la MAPL fait de ses navires d’un point de vue vraiment tactique, concrètement au niveau opérationnel. En revanche, si la Chine sort de sa peur d’un enfermement et d’une posture maritime exclusivement défensive, alors elle développe une stratégie plus active dont la finalité est, je pense, d’établir un contrôle de facto des archipels contestés ou la situation n’évolue plus.

           Pour résumer très rapidement, la Chine revendique la souveraineté sur à peu près toutes les îles situées entre son territoire et le premier rideau d’îles. Les conflits concernent en Mer de Chine Orientale les îles Senkakus, et Pescadores ; et en Mer de Chine Méridionale les îles Spratleys, Paracels, Pratas et le récif de Scarborough notamment. La République Populaire est ainsi en désaccord avec ses voisins Japonais, Taïwanais, Vietnamiens, Brunéiens, Malaisiens et Philippins.

           Malgré quelques occasionnels affrontements, la situation est plutôt stable et semble se maintenir autour d’un statu quo sans accords possibles. Je suis incapable d’affirmer quel État a le plus de légitimité à affirmer sa souveraineté, et je doute même que qui que ce soit le puisse, et si le conflit stagne c’est parce qu’aucun tribunal ou aucune cours internationale ne le peuvent non plus. En effet un tel arbitrage international, pour exister, devrait être demandé d’un commun accord par toutes les parties. C’est ainsi que se justifie ma réponse du « prise de contrôle de facto ».

           Sans pour autant refaire un historique et un bilan exhaustif de la situation, un point de bilan me semble nécessaire pour les trois principaux archipels.

           La RPC exerce déjà un contrôle de facto sur les îles Paracels depuis 1974. Dans ce conflit qui l’oppose au Viêt-Nam, la Chine refuse tout arbitrage par la justice internationale ou par les Nations Unies. Puisqu’elle occupe de fait ces îles, elle ne reconnaît pas l’existence du litige. Elle affirme sa souveraineté et prétend sa légitimité incontestable.

           La situation est plus compliquée pour les Spralteys. Sept États sont concernés et la Chine ne peut pas froisser tous ses voisins. Il y a donc une occupation partielle de l’archipel par chacun des acteurs concernés. Dans ce conflit, la MAPL n’utilise pas la force et, plutôt que d’obtenir le contrôle total, la Chine a préférée maintenir des bonnes relations avec ses voisins de l’ASEAN pour obtenir des accords économiques. Un statu quo condamnant toute action unilatérale semble maintenu.

           Et enfin, pour les Senkakus, le rival Japonais est très bien doté en armement comme en alliés, il est ainsi à même de défendre ses intérêts. Aucune des deux puissances ne se risque donc à prendre d’initiatives et de décisions trop radicales, il n’y a ainsi pas d’escalade, ce qui permet de maintenir un climat d’échanges commerciaux sur fond de tensions politiques intermittentes.

           En conclusion, la Chine exerce déjà le contrôle de facto des Paracels, et a probablement pour objectif d’en faire de même sur les autres archipels, cependant cela est difficilement envisageable sans affrontement, lesquels ne semblent pas à l’ordre du jour.


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