28 septembre 2019

FDI : brouillage des lignes


Loin d'une tempête dans un verre d'eau, le dossier des moyens d'auto-défense à courte et très courte portée alliés aux contre-mesures et brouilleurs possède quelques arguments pour contester l'emploi opérationnel de ces bâtiments vis-à-vis des côtes et détroits les plus disputés alors que la capacité à naviguer et combattre dans ces théâtres est l'une des raisons d'être du programme. Tempête qui oblige à questionner la future base navale de rattachement de ces frégates.

Le programme des Frégates de Taille Intermédiaire est pensé comme moyen de soutenir le plan de charges de l'outil industriel lorientais tant pour les bureaux d'études que pour les ateliers. Après la fin des études détaillées pour les FREMM et corvettes Gowind, le plan de charge s'étiole au risque d'être vide dans l'attente d'un prochain programme de frégates qui n'était pas attendu avant le début des années 2020, au plus tôt.
Le coût du nouveau programme qui doit aussi comporter le développement et l'usinage des premiers radars à faces planes français est à contrebalancer avec les coûts divers et variés des conséquences industrielles, économiques et financières de la dernière réduction du programme FREMM de 11 à 8 bâtiments.

Dans cette perspective, l'étendue des caractéristiques opérationnelles des FTI sert de variable d'ajustement. Le nombre de frégates de premier rang prévu par le format est, certes, respecté (deux Horizon, huit FREMM plus cinq FTI) par la manœuvre. Mais hormis quelques traits essentiels comme le radar à faces planes, la mise en œuvre de missiles ASTER et offrir les principales caractéristiques de la suite anti-sous-marine des FREMM depuis au tonnage réduit, la liste des senseurs et effecteurs n'est pas arrêtée entre 2013... et 2019.
Le nombre de lanceurs octuples SYLVER visibles sur la plage avant de la frégate était certainement le point visible avec le choix tortueux de l'artillerie navale. Le sujet d'inquiétude provoquant la tempête dans un verre d'eau touche au couple formé par les capacités de guerre électronique alliées aux contre-mesures, notamment anti-torpilles.
En septembre 2018, en prélude au salon EuroNaval, il avait été dit que ces équipements ne seraient pas embarqués à bord des deux premières FTI mais le seraient pour les trois suivantes. D'où la distinction entre les phases 1 (FTI n°1 et 2) et 2 (FTI n°3, 4 et 5). Les deux frégates de la phase 1 devaient alors bénéficier des équipements au cours d'une période d'entretien postérieure. La charge financière aurait été ainsi lissée dans le temps.

Situation financière qui paraissait au beau fixe car la "marche" annuelle, c'est-à-dire l'augmentation du budget de la Défense pensée et prévue par la loi de programmation militaire (2019 - 2025) devrait être respectée dans le cadre du budget 2020, sauf coup de Trafalgar. Il était même évoquait ouvertement qu'en cas de vente à la Grèce de deux frégates extrapolées de la version Marine nationale de la FDI alors l'installation à bord de toute ou partie des FDI françaises des SYLVER A70 (MdCN) pourraient être financée.

Surprise, les capacités de guerre électronique alliées aux contre-mesures (notamment anti-torpilles ?) ne seront à bord d'aucune FDI pour leur lancement selon les dires de la DGA aux journalistes présents à Saint-Mandrier (27 septembre 2019). Quid de la présentation du programme sur ce point particulier depuis septembre 2018 ? A-t-on confondu volonté de faire et réelle inscription à la programmation avec répartition des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ? La ou les lignes budgétaires concernées, si elles ont jamais existé, sont-elles allées garnir d'autres programmes ?

Les frégates de premier rang de la Marine nationale sont toutes dotées, en appui d'un système d'arme anti-aérien, d'une suite complète de guerre électronique (détecteur/intercepteur radar et brouilleurs) et de contre-mesures. Ce triptyque classique et en vigueur depuis, au moins, les années 1960.
Les frégates de la classe La Fayette déroge et remanie la règle en proposant une coque et des superstructures travaillées pour obtenir un bâtiment furtif devant optimiser l'emploi des contre-mesures en cas d'échec des missiles et de la pièce d'artillerie mais sans la présence de brouilleurs.



Système anti-aérien 
Intercepteur radar 
Brouilleurs 
Lance-leurres 
Leurre anti-torpille 

Frégate Lance-Missiles 

Classe Suffren 



1 x MASURCA 
(48 missiles) 


ARBR 17 


ARBR-33A 


2 x AMBL-2A SAGAIE 


1 x AN/SLQ-25 Nixie 

Croiseur lance-missiles 

Colbert 



1 x MASURCA 
(48 missiles) 



ARBR 10F 

ARBB 31 

ARBB 32 


2 x Syllex 



/ 

Frégate anti-sous-marine F67  Classe Tourville 



1 x CROTALE EDIR 
(8 + 18 missiles) 


1 x ARBR 16 


1 x ARBB 32 


2 x Syllex 



/ 





Frégate anti-sous-marine F70  Classe Georges Leygues 



1 x CROTALE EDIR 
(8 + 18 missiles) 

+ 
 2 X SADRAL/SIMBAD 





2x ARBR-16 




2 x ARBB-36 

2 xSyllex 

ou 

2 x DAGAIE 
 ou 

4 x Replica 





/ 




Frégate anti-aérienne F70  Classe Cassard 


1 x Tartar 
(40 missiles) 

+ 
 2 X SADRAL (39 missiles) 





1 x ARBR-17 B 




2 x ARBR-33 



2 x DAGAIE  2 x SAGAIE 




1 x AN/SLQ-25 Nixie 

Frégate de Défense Aérienne 

Classe Forbin 


1 x PAAMS 
(48 missiles)  Réserve : 1 x SADRAL 




1 x ARBR-21 (?) 



2 x NETTUNO 4100 



1x NGDS 
(2 lanceurs) 



1 x CONTRALTO 

Frégate Multi-Missions 

Classe Aquitaine 



32 ASTER 15/30 


1 x ARBR-21 (?) 



2 x NETTUNO 4100 


1x NGDS 
(2 lanceurs) 



1 x CONTRALTO 


Frégate de Défense 
et d’Intervention 


16 ASTER 15/30 

? 

/ 

/ 

? 

Les cinq FDI seraient mises à l'eau avec pour seule défense les missiles ASTER puis la pièce d'artillerie sans aucun appui de la part de la guerre électronique et avec l'absence notable et tout aussi regrettable d'un système de défense à très courte portée comme, par exemple, le SADRAL.

L'audition de l'ancien Chef d'Etat-Major de la Marine nationale (CEMM), l'amiral Rogel, devant la commission de la Défense et des forces armées de l'Assemblée nationale (15 octobre 2015) permet de connaître. Le CEMM dessinait devant les députés les besoins opérationnels qui guidant la conception de la FTI :
  • "la principale menace est sous-marine : aujourd’hui – et c’est inédit, me semble-t-il –, plus de 49 nations disposent de sous-marins modernes" ; 
  • "de capacités anti-aériennes pour pouvoir s’approcher des zones de crise car, et c’est la deuxième caractéristique des opérations navales actuelles, dès lors que l’on s’approche de la terre, on s’expose notamment à la menace aérienne et aux missiles sol-mer."

Les FDI pourront-elles s'approcher de la terre ? Vase question de sémantique. Le Chevalier Paul employait ses brouilleurs pendant l'opération Harmattan. Le risque à ne pas les employer est d'être pisté. Une coque furtive rend plus difficile aux missiles assaillants et à l'œil inquisiteur des radars et autodirecteurs adverses de pouvoir s'y accrocher.
Mais l'attaque de la corvette israélienne Hanit (classe Sa'ar V) le 12 juillet 2005 démontrait amplement que, même avec des senseurs civils, par le truchement de l'intelligence tactique, un bâtiment à la silhouette furtive peut être pisté par le radar d'un aéroport civil, engagé et frappé par un missile anti-navire  C-701 ou Kowsar.
En octobre 2016, les USS Mason (DDG-87) et Nitze (DDG-94), encadrant l'USS Ponce (AFSB(I)-15) patrouillent dans les eaux du détroit de Bab el-Mandeb. Le destroyer USS Mason (DDG-87, type Arleigh Burke, classe Flight IIA) était visé par deux salves de missiles tirées depuis le territoire yéménite sur les journées des 9 et 12 octobre. Cette dernière date est le jour anniversaire de l'attaque de l'USS Cole (DDG-67) en 2000. L'attaque du 9 aurait vu l'emploi d'une paire de SM-2 n'ayant atteint qu'une des deux munitions assaillantes qui aurait survécu à l'emploi d'une paire d'ESSM avant d'être paré par l'emploi du brouilleur et des contre-mesures du destroyer.

Ces deux modestes exemples permettent de rappeler les risques dans une zone habituelle de déploiements de la Marine nationale que sont les côtes libanaises et les menaces pouvant être encourues au large du détroit de Bab el-Mandeb. Le cas yéménite est intéressant dans la mesure où quatre missiles peuvent être consommés pour deux missiles assaillants et que seule la défense à très courte portée peut sauver la mise.

Gérer le risque peut conduire à limiter les zones de déploiement des FDI en fonction du niveau des tensions, de l'analyse des menaces et de l'intégration ou de la frégate dans un groupe naval ponctuel ou structurel (GAn). Mais sera-t-il possible d'employer une FDI, seule, dans le golfe Persique ? Fort douteux. Il est difficilement soutenable dans la durée de ne pas installer une artillerie à très courte portée, des leurres et des brouilleurs.

Ce qui revient à demander si la place de chacune de ces frégates ne serait-elle pas à Brest dans l'attente d'une revalorisation de ces coques plutôt qu'à Toulon où les FREMM pourraient opportunément être concentrées car bénéficiant, toutes, elles, d'une suite de défense aérienne complète. L'intégration ponctuelle d'une FDI dans le groupe aéronaval afin que celui-ci profite dans le cadre de l'engagement coopération des facultés nouvelles et décisives de son radar à faces planes pour contrer les menaces hypersoniques n'exige pas qu'une ou plusieurs des FDI soient rattachées à Toulon.

1 commentaire:

  1. Malgré l'augmentation du budget, les ressource restent comptées.
    Aussi, plutôt que de viser 2 POM à minimum 30m€ pièce par zone, j'aurais modifié légèrement les 3 BSAOM existant pour qu'ils emportent 1 Rhib de 9,3m type Ecume, comme le nouveau Dumont d'Urville.
    Avec en sus un drone type Camcopter S-100, la surface de patrouille et surtout la vitesse d'intervention du BSAOM deviendrait suffisamment décente pour en faire un des piliers des patrouille en Outre Mer.
    Avec un seul POM par zone (voire un 4ème pour les IPER) à double équipage, un BSAOM "patrouilleurisé" et une FS, on dispose alors d'un temps de patrouille sur zone équivalent à 5 navires soit un de plus que le modèle de référence pris par l'Amiral Prazuck.
    La soixantaine de millions d'euros économisés ne permettrait-elle pas de mieux équiper d'emblée les FDI ? Quitte à secondairement construire sur une LPM ultérieure les 2 POM restant.

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