Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





13 janvier 2020

« French Armoured Cruisers - 1887-1932 » de John Jordan et Philippe Caresse


John Jordan, avec des auteurs français, débutait une série de monographies navales de catégories de bâtiments de guerre français (1887 - 1956) avec French Battleships 1922-1956 (Londres, Seaforth Publishing, 2009, 224 pages) co-écrit avec Robert Dumas. John Jordan et Philippe Caresse livrent avec French Armoured Cruisers - 1887-1932 (Annapolis, US Naval Institute Press, 2019, 288 pages) un livre sans équivalent en langue française, contrairement à ses quatre devanciers dédiés aux cuirassés, croiseurs, torpilleurs et contre-torpilleurs. Cette monographie ravira ceux se demandant comment furent pensés ces croiseurs cuirassés qui coutèrent 517 millions de francs - soit 14 cuirassés de 15 000 tonnes - et pourquoi ils devinrent obsolètes le 2 avril 1906 quand fut mis sur cale le croiseur de bataille HMS Invincible.

Chacune des monographies de la série est, avant toute chose, une synthèse des travaux presque exclusivement menés par des auteurs français dont nombre d'entre-eux écrivent sur ces sujets depuis les annés 1990, voire 1980 comme, par exemple, pour Robert Dumas. Et ces auteurs mènent souvent plusieurs rédactions d'ouvrage de front, les travaux individuels pouvant donc se chevaucher, voire être des doublons. D'où le choix de co-auteurs français qui ont travaillé sur les bâtiments abordés dans ces monographies de langue anglaise à partir des archives nationales. Ces monographies coordonnées par John Jordan sont plus récentes que les devancières françaises qui ont deux défauts : le premier est de ne pas être à jour des dernières archives ouvertes à la consultation (typiquement, le fond Postdam) ou des dernières découvertes, le deuxième est que les tirages français sont souvent épuisés.

Tous les ouvrages de la série initiée par French Battleships 1922-1956 respectent le même format, le choix d'une peinture pour illustrer la couverture - dans French Armoured Cruisers - 1887-1932 il s'agit du croiseur cuirassé Ernest Renan (peut-on faire plus Français que l'auteur de Qu'est-ce qu'une Nation ?) peint par Anthony Cowland. Le tout est agréable à prendre en main et les grandes dimensions de l'objet participent à une lecture aisée. Les plans, écorchés et vues en coupe sont nombreux et permettent véritablement d'appréhender l'architecture des bateaux. L'iconographie s'enrichit de très nombreuses photographies dont beaucoup sont inédites, en ce sens qu'elles n'ont pas été aperçues en ligne.

Le déroulé des chapitres respecte ce qui a été mis en place pour la série. Quelques pages présentent le projet depuis la préface. Celle-ci décrit, par exemple, les rôles de chacun des deux auteurs. Quelques éléments de traduction pour les lecteurs anglophones vis-à-vis du vocabulaire naval typiquement français qui est souvent employé, surtout pour les termes n'ayant pas d'équivalents. Est ajouté aussi une table de conversion des unités qui servira idéalement les locuteurs des deux langues puisque les lecteurs français trouveront un moyen de se familiariser avec certaines unités pas usitées par chez nous.

L'introduction de French Armoured Cruisers - 1887-1932 (Annapolis, US Naval Institute Press, 2019, 288 pages), comme toujours dans cette série, est de bonne facture puisqu'en quelques pages seulement il permet de s'immerger dans les enjeux et défis de la construction navale française à l'époque considérée avec tant les enjeux techniques que les pesanteurs des organisations.

Le livre est découpé en deux parties - Part I: Technical Section et PartII: Historical Section - dont la première est la plus riche puisqu'elle enserre dix chapitres. Chacun des neuf premiers chapitres est voué à l'étude d'une classe de croiseurs cuirassés ou à des unités avec ou sans une classe pouvant être regroupées. Le dixième chapitre présente l'intégration opérationnelle des croiseurs cuirassés dans l'Armée de Mer jusqu'au service de l'entre-deux-guerres.

Un chapitre dédié à l'étude d'une classe de croiseurs cuirassés débutent invariablement par la genèse du projet ou de la classe plus la présentation de la future mission du bâtiment. L'affaire se poursuit par la description de qui ou quoi est honoré par le choix du nom de baptême du bâtiment. La classe est alors détaillée entre l'explication des enjeux des choix architecturaux vis-à-vis du flotteur (hull and superstructures), de ses batteries (armament), de sa protection, sa propulsion (machinery) pour s'achever par le début de carrière (early service) et une évaluation qui réserve parfois bien des surprises. Parfois se greffe à la conclusion de l'ensemble un avant-projet extrapolé de celui étudié qui prépare l'avenir.

Le tout est servi par une riche iconographie occupant souvent la moitié de chaque page par des photographies, des schémas, des tableaux portant caractéristiques comparées, ou non, etc. C'est l'une des grandes forces de ces ouvrages, même si c'est un passage obligé pour toute monographie d'un matériel militaire. L'agencement des pièces versées à l'étude est bien pensée et la superficie qui leur est offerte est en rapport avec l'enjeu. Par exemple, les schémas des pièces d'artillerie ont une place en rapport avec l'importance qu'elles représentent.

À tout du moins, et à titre personnel, j'aurais préféré une organisation légèrement différente car ces monographies font la synthèse des classes et projets d'une catégorie de bâtiments de guerre donnée, si bien que il aurait été intéressant que les plans et profiles d'avant-projets conduisant à la mise sur cale de la tête-de-série d'une classe soient rassemblés sur une seule et même double page afin de pouvoir saisir d'un coup d'œil l'évolution de la pensée sous-jacente.

Finalement, c'est ce qui manque à pareil ouvrage : non pas une lecture synthétique et à jour de travaux permettant de saisir ce qu'étaient ces bâtiments de guerre mais bien une lecture critique permettant de déceler et comprendre le rôle de chacun des facteurs conduisant à mettre sur cale, dans le cas en l'espèce, des bâtiments en avance et plus souvent en retard sur les réalisations contemporaines. Aussi, une telle monographie sur les croiseurs cuirassés français auraient été une belle occasion de souligner que toutes les routes mènent au croiseur de bataille. L'autre tome consacré aux croiseurs français (1922 - 1956) montre aussi par le menu que le cuirassement était (inévitablement ?) de retour.

Et pourtant nos deux auteurs racontent une série de croiseurs cuirassés dont certaines unités d'une même unité ne partageaient pas la même propulsion. D'un découplage (total ?) entre ces bâtiments et les cuirassés, si bien que chaque classe des deux types de bâtiments est pensée de manière solitaire. Par exemple, les croiseurs cuirassés ne servent pas à expérimenter les innovations pouvant résoudre la quadrature du cercle de l'époque (densifier la propulsion pour augmenter protection et armement). La généralisation de la tourelle bitube arrive bien plus tard sur les croiseurs cuirassés que sur les cuirassés. Mais les deux auteurs montrent aussi que certaines tourelles bitudes pour un poids équivalent à deux tourelles monotubes avait une cadence de tir moitié inférieure.

Une approche plus doctrinale aurait été bienvenue, pourquoi pas sous la forme d'un chapitre supplémentaire rassemblant les matériaux épars de l'ouvrage, notamment pour tenter d'apporter une explication au pourquoi du comment la France manque le croiseur de bataille que les Britanniques mettaient sur cale avec le HMS Invincible le 2 avril 1906. Longtemps leader sur la propulsion, les Français ratent d'adopter aussi vite, voire plus vite, que les Britanniques la turbine qui eux avaient adopté les innovations françaises.

Le lecteur trouvera-t-il son bonheur ? Oui. Il n'y a pas d'équivalent en langue française à cette somme de connaissances. Tous les 25 croiseurs cuirassés lancés en France et leur service à la mer y est narré jusqu'à leur désarmement. Même le coût unitaire de production est souvent donné, c'est dire le niveau de détails. Le lecteur ne trouvera pas cette lecture critique mais il aura assurément sous les yeux tous les éléments pour se donner sa propre analyse.

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