Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





25 mars 2014

Mer Noire : "La puissante et fragile République de Transdniestrie"

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La République de Transdniestrie (aussi appelée Transniestrie ou Pridnestrovie (en russe) est d’une exiguïté territoriale remarquable. Constituée d’une bande de vingt kilomètres de large pour un peu plus de deux cents de long, la Transniedstrie se développe tout le long du fleuve Dniest entre la Moldavie et l’Ukraine.

 

La Moldavie comme la Gagaouzie et la Transdniestrie partagent une histoire commune depuis que la Bessarabie a été rattachée à l’Union soviétique. Dans le cas de la Transdniestrie, plus de 60% de la population de ce pays est russe ou ukrainienne.

 

 

Pendant la présidence Gorbatchev, et entendant la volonté de réformer l’URSS, les Moldaves demandent la reconnaissance de l’identité roumaine et le retour à l’alphabet latin. A la chute de l’URSS, la République de Moldavie proclame son indépendance le 27 août 1991. Décision reconnue par la Roumanie. Le grand voisin est très proche de la nouvelle entité politique sur les plans culturel et linguistique. Il y a également le projet de rattacher la Moldavie à la Roumanie.

 

 

C’est de cette convergence autour de l’identité roumaine que la divergence avec les Gagaouzes et les Transdniestriens voit le jour.

 

 

Les Russes noyautaient le pouvoir en Moldavie. A l’indépendance retrouvée, la politique moldave à l’égard des Russophones fut radicale. Des manifestations ont rapidement éclaté et la situation s’est enflammée.

 

Dès décembre 1991, la Transniedstrie proclame son indépendance. Cette dernière veut protéger son particularisme linguistique et préserver le souvenir de l’URSS malgré le refus soviétique de reconnaître son identité. En 1992, le conflit éclate entre le jeune Etat de Moldavie et celui sécessionniste de Transdniestrie.

 

La guerre dura six mois entre Moldaves et Transdniestriens. Selon les estimations courantes elle causa un millier de victimes. Les Transdniestriens, soutenus par la Russie, prirent le contrôle de la rive gauche du Dniepr. Cette portion du territoire moldave concentre alors 80% des industries du pays, l’arsenal de Colbasna et la centrale hydroélectrique de Dubăsari

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La Moldavie a conservé l’intégrité de son territoire. Lors de l’accord de cessez-le-feu signé en juillet 1992 entre Boris Eltsine et son homologue moldave Mircea Druc, ex-leader du front populaire qui a libéré son pays du joug communiste, la Transdniestrie s’affranchit du pouvoir central concentré à Chisinau, capitale de la Moldavie. Elle bénéficie désormais d’une forte autonomie qui permet de régler temporairement la situation de ce territoire sans résoudre pour autant le problème de fond.

 

 

Tiraspol, capitale de la Transdniestrie est de facto indépendante. Entité politique viable économiquement grâces aux prises de guerre, elle a cherché à se doter des attributs de la souveraineté (institutions politiques, forces armées, hymne, drapeau, etc…). Néanmoins, ni la communauté internationale, l’Ukraine et encore moins la Russie ne reconnaissent la Transdniestrie.

 

 

Son existence demeure préserver grâce à la présence militaire de la Russie à travers la 14e armée russe qui stationne à Tiraspol (environ 1500 hommes) mais aussi grâce à un soutien financier de Moscou. Ajoute à cela la proximité culturelle et linguistique et ceci explique les moyens de pression qui sont dans les mains de Moscou et qui peuvent servir à déstabiliser le pouvoir moldave.

 

 

En 2006, un référendum est organisé en Transdniestrie avec le soutien très appuyé de la Russie. Deux questions sont posées, la première demande aux électeurs s’ils désirent le rattachement de leur pays à la Russie, la seconde s’ils désirent être rattachés à la Moldavie et renoncer ainsi à l’indépendance. La participation atteint 78%, la première question recueille 97,1% de oui, la seconde 95% de refus de renoncer à l’indépendance. Aucun Etat ne reconnaît les résultats puisque aucun d’entre eux (même pas la Russie) ne reconnaît la Transdniestrie comme un Etat. La CEI reconnaît les résultats quand l’OSCE et l’Union européenne refuse de les reconnaître, notamment en raison des fraudes et de l’absence de reconnaissance internationale.

 

 

Le 19 mars 2014 la Transdniestrie, par la voix de son dirigeant, Mikhail Bourla, a demandé la possibilité que la législation russe permette le rattachement de la Transdniestrie à la Fédération de Russie. A l’instar de la Gagaouzie (qui demande son indépendance et aucunement une telle annexion), la Transdniestrie ne bénéficie d’aucun accès à la mer (comme la Moldavie au demeurant) : une langue de terre ukrainienne sépare ces entités de la Mer Noire. Que ce soit les projets d’adhésion l’union douanière menée par la Russie ou tout simplement la Fédération de Russie, ils semblent bien difficile à mettre en œuvre sans un accès libre à la mer, faute de contigüité territoriale.

 
 
Le marquis de Seignelay
 
 
Bibliograhie :
 
Atlas des Nations sans Etat en Europe – Peuples minoritaires en quête de reconnaissance, dirigé par BODLORE-PENLAEZ Mikael, éditions Yoran Embanner, Fouesnant, 2010.

17 mars 2014

Mer Noire : "La fière et discrète République de Gagaouzie"

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Territoire oublié d'Europe d'environ 150 000 habitants seulement, sa petitesse (18323 km²) pouvant pousser à croire que c'est un artefact (ou l'origine d'une célèbre chanson britannique). Au contraire, c'est l'héritage d'une riche histoire, celle de turcs chrétiens ayant une filiation avec les peuplades mongoles qui dominèrent un temps l'Europe, de l'Est en particulier.

 


Peuple turcophone donc, creuset des tribus Oghouzes qui immigraient vers l'Ouest de l'Europe entre les X et XIIe siècle ap. J.-C.

 

Ils ont été christianisés au cours du XIXe siècle à partir d'un échange de territoires entre les empires russe et ottoman en 1812 (l'Empire russe obtenant la Bessarabie).

 

Le chemin de l'indépendance de la Gagaouzie débute dès le XXe siècle. Ainsi, et dès 1906, la République de Komrat est proclamée, sa durée de vie ne dépasse pas les 15 jours. Puis, en 1917 les députés Gagaouzes votent l'indépendance de la Moldavie et leur rattachement à la Roumanie. Rétrospectivement, c'est assez ironique avec la configuration de la fin du XXe siècle. Enfin, en 1940 la Moldavie est annexée à l'URSS. Sous administration soviétique, les revendications gagaouzes sont gêlées.

 

Le cheminement de l'accession à l'indépendance des Gagaouzes débute, comme beaucoup de choses en Europe de l'Est, par l'invitation du président Boris Eltsine à prendre autant de libertés que possible. Ou plutôt, la célèbre formule eltsienne ne sera là que pour sanctionner un mouvement largement entamé. Les revendications nationalistes gagaouzes se font jour dès les années 1980. En 1990, les Gagaouzes se révoltent lors de la chute de l'empire soviétique. En août 1990 la République de Gagaouzie est autoproclamée. Le leader indépendantiste Sepan Topal est élu à la présidence du Soviet suprême le 31 octobre 1990.

 

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© Wikipédia.



La Moldavie ne peut que trouver une solution avec cette turbulente république. Chose pressante puisque les évènements gagaouzes sont simultanées à ceux de Transdniestrie... La souveraineté et l'intégrité territoriale de la Moldavie se fera au prix d'une certaine souplesse. Après trois années de conflit, en 1994, la région autonome de Gagaouzie est créée entraînant l’officialisation du gagaouze comme langue de cette région autonome. Les gagaouzes gèrent aussi leur politique éducative désormais.

 

Les Gagaouzes parlent une langue altaïque qui est relativement différente de la langue turque. Cela n'empêche pas la Turquie d'entretenir des liens culturels fort avec ce territoire. Depuis la dissolution de l'URSS, Ankara conserve des liens par les créations d'un centre culturel turc et d'une bibliothèque en République de Gagaouzie.

 

Le partage des population s'est fait relativement pacifiquement. Toutes les localités comprenant plus de 50% de Gagaouzes ont été intégrées. Dans les autres au peuplement plus métissés des référendums furent organisés.

 

Les relations avec les autorités centrales restent encore aujourd'hui très tendues. Par exemple, en janvier 2014, la région autonome de Gagaouzie annonçait son intention de consulter ses administrés par référendum. Ce serait une réaction à l'agenda pro-européen du gouvernement moldave. Il trahirait la volonté de s'unir à terme à la Roumanie. Les résultats du référendum du 2 février 2014, qui a atteint un taux de participation de plus de 70% (présence d'observateurs bulgares, polonais et ukrainiens, entre autres), ont été connu le 3 février : 98,4% des électeurs ont voté pour l’intégration de la Gagaouzie à l’Union douanière (Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan) et 98,9% à avoir voté en faveur du droit de la Gagaouzie à déclarer son indépendance, si la Moldavie devait perdre ou abandonner sa propre souveraineté.

 

Enfin, il reste la question de l'accès à la mer. Sans cela, il y a de quoi s'interroger sur la crédibilité et la profondeur de la volonté d'engagement dans la communauté économique russe. C'est bien en raison de la proximité de la mer Noire et de l'importance de la crise de Crimée de 2014 qui pousse à imaginer que Moscou a quelques gains territoriaux à négocier pour offrir cet accès à la mer.

 


© Inconnu.



Le drapeau non-officiel des Gagaouzes de tous pays est très original. Il détonne dans le concert européen des drapeaux. Il est à ne pas confondre avec l'emblême de la maison Stark de la fiction "Games of Throne" (George R. R. Martin). Ainsi qu'il est dit dans l'ouvrage précité (et très bien expliqué à la page 116), ce drapeau est constitué d'une tête de loup rouge (mémoire de l'empire Couman du XIe siècle, peuple turcophone originaire des bords de la Volga ayant émigré en Europe dont les Gagaouzes sont des descendants) dans un cercle blanc, sur fond bleu azur, ce qui détonne en Europe où le Lyon est roi (et le coq l'exception culturelle). Ce bleu clair est la couleur traditionnelle des Turcs et des Mongols.

 


 

Le drapeau officiel est des plus classiques.

 

 

Bibliographie :



Atlas des Nations sans Etat en Europe - Peuples minoritaires en quête de reconnaissance, dirigé par BODLORE-PENLAEZ Mikael, éditions Yoran Embanner, Fouesnant, 2010.

14 mars 2014

Mer Noire : "Introduction"

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La mer Noire est une annexe de la Méditerranée, et plus précisément, du bassin oriental de cette dernière. Relativement isolée par son éloignement au Nord et par les détroits du Bosphore (de la mer Noire à la mer de Marmara) et des Dardanelles (de la mer de Marmara à la Mer Egée), elle a besoin d'être connectée au reste du système maritime "mondial" (selon comment s'entend la notion de "monde", les empires se concevaient "monde") pour prospérer.

 

Premièrement, dès les premiers empires maritimes comme celui de la Phénicie, il apparaît clairement que la prospérité de la mer Noire passe impérativement par la construction d'une verticale. Celle-ci doit permettre de lancer des ponts entre elle et le bassin oriental de la Méditerranée. Plus largement, cette connexion toute verticale permet de relier les territoires devenus slaves et turcophones à ceux du Proche et Moyen-Orient, voire à tout le reste de la Méditerranée.

 

L'empire phénicien se prête bien à illustrer cette puissante relation. "On a souvent tendance à imaginer l'expansion phénicienne comme un mouvement concernant principalement l'Occident méditerranée alors que l'élégie d'Ezéchiel (VIe siècle avant J.-C.) sur Tyr, que nous avons mentionnée précédemment montre la Phénicie en relation avec les principales puissances du Proche-Orient : outre Israël et Juda, Damas, l'Arabie et Assour, on relèvera en particulier la mention de diverses régions septentrionales, comme la Lydie, la Phrygie, l'Arménie"[1].

 

Deuxièmement, l'empire phénicien montre aussi que l'île de Chypre était le "pivot" de ces relations Nord-Sud. A l'ère des grandes découvertes et de l'investissement du "Monde" (à l'échelle planétaire) par les européens, Londres est un autre grand exemple. Elle se constitue un empire commercial sur l'Océan dont l'une des artères principales est en Méditerranée. Cette artère atteindra son apogée avec le contrôle des trois positions clefs de la Mare Nostrum : Gibraltar, Malte et Chypre. Celles-ci commandent les deux bassins de la Méditerranée et le passage de l'un à l'autre. A l'instar des navigateurs de l'Antiquité, la grande droite horizontale rejoint celle verticale pour dominer le système Méditerranéen.

 

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Les Phéniciens, marins des trois continents, BAURAIN Claude et BONNET Corinne, Paris, éditions Armand Colin, 1992, p. 184.

 

C'est justement la poussée russe vers la Méditerranée qui est originale par rapport à ces constructions historiques. Les thalassocraties n'avaient pas encore affronté une puissance potamienne cherchant à dominer la mer Noire. Elle inverse le sens de la construction puisque la verticale ne montre plus mais elle descend vers le Sud pour relier la Russie à l'Océan, par la célèbre route des Varègues aux Grecs initiée depuis la fondation de la dynastie des rurikides (IXème siècle). Il s'agit aussi de sécuriser l'assise géopolitique de l'Etat russe puisque les territoires au Nord et à l'Est de la mer Noire sont le ventre mou de la Russie, propice aux invasions mongoles ou à soutenir les adversaires du communismes, comme les Russes blancs l'ont été par les Alliés de la Grande guerre.

 

Et pourtant, la première qualité de la mer Noire est d'être le grenier à blé de l'Europe. "La prudence avec laquelle les Athéniens acceptèrent d'en prendre la tête [la ligue de Délos] ne signifiait pas qu'ils refusassent de diriger la guerre contre les Perses. Si Sparte avait de bonnes raisons de rejeter l'hégémonie, Athènes en avait encore de meilleures pour l'accepter. Pour commencer, on s'attendait à ce que les Perses reviennent assaillir la Grèce. Ils l'avaient attaquée trois fois en vingt ans et l'on ne pouvait imaginer qu'ils resteraient sur une défaite. Ensuite, Athènes avait à peine commencé à réparer les dévastations causées par la dernière invasion : elle savait qu'elle ne manquerait pas d'être la cible de la prochaine guerre. En outre, la mer Egée et les terres se situant à l'est jouaient un rôle majeur dans son commerce. Elle dépendait du blé importé de Thrace (l'actuelle Ukraine) qui passait par la mer Noire : une campagne perse très réduite s'emparant du Bosphore ou des Dardanelles suffirait à couper son approvisionnement. Enfin, les Athéniens avaient des liens de parenté, religieux et traditionnels avec les Grecs d'Ionie établis dans la plupart des villes menacées. La sécurité, la prospérité et les sentiments invitaient également à refouler les Mèdes et tous les rivages et îles de l'Egée, des Dardanelles, de la mer de Marmara, du Bosphore et de la mer Noire"[2].

 

Plus de deux millénaires plus tard, cette fonction de grenier à blés n'a pas disparu. Au contraire, Moscou tente d'en tirer toute la puissance avec ses projets de cartel des blés.

 

Plus bas, la Russie, puis l'URSS avant de redevenir la Russie, ne cherche qu'à reconstruire la verticale qui relie la mer Noire au Proche et Moyen-Orient en passant par Chypre. En témoigne l'importance de la base navale de Tartous et les démarches effectuées pour tenter d'implanter une base navale sur l'île de Chypre. Les croisières du croiseur porte-aéronefs Kuznetsov, navire-amiral de la flotte du Nord, et du croiseur de batailles à propulsion nucléaire Pierre le Grand, montre que la droite horizontale conserve toute sa place.

 

Plus à l'Ouest, les Etats-Unis d'Amérique ont manifesté très tôt leur intérêt pour la Méditerranée. En témoigne la protection qui est accordée aux navires marchands américains par le Sultan Mohammed III, souverain du Maroc le 20 décembre 1777 ou le protocole du traité de paix et d'amitié remis au Sultan par l'émissaire américain Barclay le 15 juillet 1786. Ces relations diplomatiques et cette alliance sont, au passage, antérieures à celles liant les Etats-Unis d'Amérique à la France, "la plus vielle alliée" de Washington. La guerre de Tripoli (1801-1805) est la première intervention américaine à l'extérieure, en Méditerranée encore une fois.

 

Depuis la chute de l'Union soviétique, la présence navale américaine en Méditerranée franchit les détroits turques. Par la remise en cause de la première mouture du système ABM américain en Europe, le président Obama présente le BMDE en 2009 (version du système ABM remanié pour répondre aux critiques européennes). Alors que les regards sont rivés sur l'arrivée du premier des quatre destroyers AEGIS/SM3 à Rota, en Espagne et près de Gibraltar, les ports d'Ukraine et de Constanta sont tout aussi coutumier de la présence de croiseurs et destroyers AEGIS. Aussi, la Roumanie accueille la mise en place du dispositif terrestre du BMDE.

 

Dès lors, il y a concurrence entre une double verticale, celle américaine allant de la Roumanie au canal de Suez et celle de la Russie allant de Sébastopol jusqu'au port de Tartous, dernier point d'ancrage de la puissance navale russe en Méditerranée...

 

La Russie ne peut que se sentir refoulée par la progression américaine et de l'OTAN en Mer Noire. Elle a riposté par la guerre en Géorgie (2008) et a profité de l'instabilité ukrainienne pour protéger ses intérêts. La Turquie, traditionnellement seconde partie du condominium qui dirige la mer Noire, s'appuie sur cette intrusion américaine pour protéger ses propres acquis. Alors qu'Ankara est empêtrée dans de multiples scandales de corruption, le projet d'acquérir l'avion de combat "Joint Strike Fighter" F-35 est relancé... Tout comme en Pologne un tel projet d'acquisition se fait jour. Ce qui laisse apparaître de multiples liens et connexions entre la mer Noire, la Mer Baltique et l'isthme courant de l'Ukraine à la Pologne...

 

Oui, la mer Noire est enjeux...

 

C'est pour tenter de lever un peu le "brouillard de la guerre" sur ces nombreux enjeux que l'Alliance GéoStratégique, ainsi que des contributeurs extérieurs, vous propose leurs analyses sur la mer Noire. Les premières interventions présenteront une partie des acteurs et des enjeux actuels tandis qu'une seconde série de publications s'attachera à présenter les enjeux maritimes dont le point central est la base navale russe de Sébastopol.

 

Bonne lecture !

 




[1] Les Phéniciens, marins des trois continents, BAURAIN Claude et BONNET Corinne, Paris, éditions Armand Colin, 1992, p. 131.
 

[2] Périclès, KAGAN Donald, Paris, éditions Tallandier, p.124.

24 février 2014

1980 : Quel avion pour la ZEE ?

Un Gardian de la flottille 25F en survol d'un atoll dans l'archipel de la Société (2002).
 Par un article dans La (nouvelle) Revue maritime (n°353, mai 1980) le contre-amiral Yvan Scordino (qui fut chef du service central d'aéronautique de la Marine nationale) présente ce qui devait être pour lui les caractéristiques de l' "avion ZEE". 


20 février 2014

"Embarquez !" de Michel Perchoc et André Lambert

 
Embarquez ! (Marines éditions, 2014) est l'invitation lancée par Michel Perchoc et André Lambert dans leur dernière publication. L'ouvrage est préfacé par l'Amiral Rogel, chef d'état-major de la Marine, et la postface est de Patrick Boissier, actuel PDG de DCNS.
Invitation qui est loin d'avoir été la seule puisque les deux compagnons d'écriture ont, notamment, publié ensemble Ecole navale (1998), En avant toute (2001) ainsi qu' Esthétique navale (2009) chez Marines éditions. Ils comptent aussi de nombreuses publications individuelles dont la liste est disponible ici.

L'un des deux auteurs, Michel Perchoc, m'avait fait l'honneur de m'entretenir de ce futur livre avec André Lambert qu'était Embarquez ! Je retenais de ces échanges le souvenir d'une future page au sujet d'une des deux tourelles de 380 du Jean Bart.
Au passage, le poids d'une tourelle de 380 des cuirassés Richelieu et Jean Bart était de 2275 tonnes. Tourelle qui était armée par une compagnie de 90 hommes. A titre de comparaison, à la même époque, un contre-torpilleur comme le Tigre déplaçait 2126 tonnes et était armé d'un équipage de 195 hommes...

Embarquez ! est une formidable rétrospective sur la vie à bord des différents navires qui ont fait claquer le pavillon royal puis national sur l'Océan depuis 1780. La première richesse de cette ouvrage est de permettre de retrouver des navires qui n'ont plus l'habitude d'être mis en avant, tel le cuirassé Charlemagne ou le sous-marin Pluviôse. Il y a de très belles surprises et les écorchés d'André Lambert sont d'une grande beauté.
 
Néanmoins, nous sommes à bien des marées de la rétrospective nostalgique : le livre est résolument tourné vers l'avenir à partir d'une histoire sans cesse renouvelée. Par là, il y a un message subliminal des auteurs : la France, pour garder son rang sur mer, a toujours eu le souci de se doter des fleurons dont elle avait besoin pour ses grands desseins. Ainsi, Embarquez ! débute par une frégate de 1780 et s'achève par l'Advansea qui est l'illustration de ce que peut être le vaisseau de combat à l'âge de l'énergie dirigée.
 
Enfin, ce sont toutes les composantes de la Marine que Michel Perchoc et André Lambert présentent : dissuasion océanique (et la FANU, in fine), aviation navale (tant à terre qu'en mer), flotte de surface, navires de l'Action de l'Etat en Mer, marins du ciel et de terre. Au total, ce sont près de 40 navires et équipages à découvrir au fil du livre !
 
C'est avec la très aimable autorisation de Michel Perchoc que j'ai la chance de pouvoir vous offrir quelques unes des pages du livre. J'espère que vous trouverez à leur lecture le même plaisir que j'ai pu avoir (n'hésitez pas à cliquer pour agrandir).
 
Bref, Embarquez !
 
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18 février 2014

"Porte-avions" de Henri-Pierre Grolleau

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Porte-avions (le pavillon dans le titre indique de quels porte-avions nous parlons) de Henri-Pierre Grolleau est une agréable surprise. De premier abord, ces ouvrages (reportage photographique ? je ne sais) ne m'intéressent pas par rapport à ceux alternant artistiquement entre noir et blanc.
 
L'auteur a bénéficié d'une sacrée chance (très certainement consécutive à son long investissement dans les questions de défense : quatorze ouvrages sur le sujet) en obtenant l'autorisation d'embarquer sur plusieurs vaisseaux de l'US Navy :
  • le porte-avions USS Dwight D. Eisenhower (CVN-69),
  • le navire d'assaut amphibie USS Bataan (LHD-5),
  • et sur les navires d'escorte.
Embarquements qui laissent rêveur...
 
De facto, toute l'unité de l'ouvrage tient en la capacité de l'auteur à raconter ce qu'est la puissance aéronavale américaine, de la terre à la mer. De la mise en oeuvre d'un groupe aéronaval américain jusqu'au dispositif logistique pour le faire durer à la mer (170 jours de mer sans escale : record de l'USS Theodore Roosevelt en 2001-2002).
 
Ensuite, les deux embarquements structurent le livre puisque Henri-Pierre Grolleau nous présente les deux composantes de la puissance aéronavale américaine :
  • les Carrier Strike Group (CSG) centrés sur un porte-avions à propulsion nucléaire,
  • les Amphibious Reponse Group (ARG) centré sur un navire d'assaut amphibie des classes Tarawa, Wasp et America.
Le CSG est indéniablement l'incarnation de la projection de puissance quand l'ARG est celle de la projection de forces. Propos qu'il faut nuancer car pendant l'intervention humanitaire américaine à Haïti un porte-avions de la marine américaine était gréé en porte-hélicoptères quand un LHD peut être intégralement armé par des aéronefs à voilures fixes pour projeter de la puissance.
 
Le grand point fort de l'ouvrage est de décrire l'environnement opérationnel nécessaire à la mise de ces "effecteurs de premier rang" (Joseph Henrotin in Les fondements de la stratégie navale au XXIe siècle aux éditions Economica).
 
Nous avons une présentation des structures, des aéronefs, des postes et opérations critiques de la mise en oeuvre de la puissance aéronavale américaine.
 
En ce qui concerne les aéronefs, l'auteur laisse le témoignage d'une aéronavale qui quitte le modèle des appareils spécialisés pour parvenir aux appareils polyvalent. Le F-18 E/F Super Hornet (dont la version spécialisée de guerre électronique, EA-18G Growler, remplace l'EA-6B Prowler) rationalise significativement logistique et les formations. Tout comme le remplacement de bon nombre de voilures tournantes par le Sikorsky Seahawk (avec toutes ses versions) produit les mêmes effets.
 
Du côté des structures, les Carrier AIr Wing (CVW) -qui sont les équivalents du groupe aérien embarqué français-, sont intéressantes à plus d'un titre. Elles associent les appareils à leur personnel de manière permanente (la notion de groupe aérien embarqué ne se dégage en France qu'à partir de l'entrée en service des Clemenceau et Foch comme l'enseignait Coutau-Bégarie).
Outre les chasseurs F/A-18 et F-18 E/F, les CVW reçoivent aussi un détachement de C-2 Greyhound (une trentaine d'exemplaires seulement), l'avion logistique de l'aéronavale américaine (parfois prêtée à l'aéronavale française qui essaie d'en acquérir).

Et depuis début 2009, le CVW du CVN-74 John C. Stennis embarque deux escadrons d'hélicoptères (les HSC-8 "Eightballers" (MH-60R) et le HSM-71 "Raptors" (MH-60S) : c'est-à-dire que le CVW dispose de tous les aéronefs à voilures fixes et tournantes là où avant chaque navire possédait ses hélicoptères tournantes.
 
Cette nouvelle organisation organique répondrait aux principes :
  • de concentration (une autorité sur l'ensemble des aéronefs pour concentrer l'effort sur l'action demandée),
  • de sélectivité des efforts (entre des actions offensives ou logistiques par exemple) de la puissance aérienne.
Principes qui ont pu être présentés, notamment, par le général Forget (Puissance aérienne et stratégies aux éditions Economica).
 
A contrario, il ne semblerait pas qu'il existe une organisation aussi robuste, mais rigide, à bord des LHD et LHA de la marine américaine. Par exemple, Henri-Pierre Grolleau nous dit que le groupe aérien embarqué de l'USS Bataan, lorsque l'auteur était à bord, se composait de dix MV-22 Osprey, quatre UH-IN Huey, quatre AH-1W Cobra, sept AV-8B/B+ Harrier et deux MH-60S Seahawk (quatre CH-53 Super Sea Stallion étaient détachés sur les autres navires pour donner plus de place à bord du Bataan). Cette composition n'est pas fixe et c'est cette souplesse qui fait la force de ces navires et de leur groupe.
 
A contrario de cette grande palette de capacités aériennes, les USS Bataan et Bonhomme Richard étaient gréés en porte-aéronefs pendant l'opération Iraqi Freedom (2003) : 24 Harrier et deux hélicoptères (RESCO).

Par ailleurs, l'arrivée du V-22 Osprey apporte un gain considérable l'USMC : l'appareil élargit considérablement l'influence des LHD et LHA grâce son rayon d'action, tout comme il joue désormais le rôle du C-2 Greyhound à bord de ces navires (les deux appareils ont des performances plus que comparables).
Pour illustrer le gain stratégique qu'offre ces deux appareils, l'auteur relate ainsi que le C-2 peut assurer les liaisons entre la base navale américaine à Barhein et un porte-avions navigant au Sud du Pakistan.
 
Ce qui frappe dans les deux cas c'est l'organisation des navires de la force (CSG ou ARG) comme d'un réseau de bases aériennes avancées qui permettent la projection de puissance aérienne. A ce schéma il faut ajouter les flux logistiques qui décollent de ces porte-avions et porte-aéronefs (C-2 et V-22) pour s'appuyer sur le réseau des bases avancées du Military Sealift Command et de ses navires de par le monde).
 
Le focus qui est fait par l'auteur sur le Military Sealift Command est un régal particulièrement pertinent au moment où le remplacement des Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement de classe Durance de la Marine nationale est hautement critique.
Ce commandement de logistique navale aligne près d'une centaine de bâtiments armés par des équipages mêlant marins de l'US Navy, fonctionnaires et civils. Les missions du MSC englobent :
  • le ravitaillement à la mer (par exemple, les quatre ravitailleurs de combat rapides classe Supply déplacent 49 700 tonnes et filent 26 noeuds contre 41 000 tonnes et 27 noeuds pour le Charles de Gaulle),
  • le prépositionnement de forces terrestres (des cargos affrétés transportent matériels et véhicules pour une brigade de 16 000 Marines),
  • le transport rapide d'unités terrestres (les JHSV),
  • les recherches hydrographique et océanographique. 
 
Par ailleurs, toute les considérations logistiques dans l'ouvrage montrent que tout est fait pour rationaliser, de près ou de loin, les flux afin de les optimiser (de l'organisation des ravitaillements à la mer en passant par le choix d'avions de combat polyvalent). Serait-ce là un témoignage de la culture stratégique américaine, très axée sur Jomini et l'importance que ce dernier donne à la logistique ?
 
Indéniablement, c'est un très bel ouvrage qui explique avec beaucoup de pédagogie ce qu'est la puissance aéronavale et aéroamphibie américaine. Il est à offrir et peut être source d'inspirations !

15 janvier 2014

"Centrafrique, pourquoi la guerre ?" sous la direction de T. Flichy

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Quelle excellente surprise de débuter l'année 2014 par un ouvrage qui a pour ambition d'expliquer les causes structurelles de la crise en République centrafricaine ! Centrafrique, pourquoi la guerre ? (sous la direction de Thomas Flichy de La Neuville, Grégoire Mathias, Quentin Cornet, Franklin Déchelette-Viellard, Pierre Thurau et Véronique Mézin-Bourgninaud, éditions Lavauzelle, 60 pages) offre aux lecteurs quantité de clefs pour comprendre dans quel décor a été lancée l'opération Sangaris, et mieux encore, pour ouvrir des perspectives pour la région...

La préface d'Henri Hude donne au lecteur quelques questionnements de philosophie politique : comment se construit l'Etat (moderne) ? Par quel cheminement est-il le dépassement de l'ethnie ? Dans quelles conditions la démocratie s'impose-t-elle ? Doit-elle se décréter ou passer une phase de stabilisation ? Autant de questions qui renvoient au devenir de tant de pays après leur indépendance, en Afrique comme ailleurs. Le parallèle avec l'Empire romain ouvre des perspectives originales.
 
Armé de ces débuts de réflexions, les auteurs nous plongent directement dans la structure physique du pays. Loin des clichés, c'est au contraire une terre et un climat très favorable à l'expansion des activités humaines qui est décrite.
 
Par ailleurs, il s'agit aussi d'une terre peuplée par l'homme depuis le néolithique. Sa géographie entretient une population relativement nombreuse pour une terre qui était blanche sur les cartes européennes il n'y a pas si longtemps. Et déjà dans son histoire, il est dit que cette terre accueille régulièrement des populations qui fuient les régions voisines.
 
Continuant plus loin leur examen, les auteurs expliquent la structure etthnique du pays, sa construction religieuse et le rôle des migrations. Quelle surprise de découvrir que la population chrétienne de cette terre est le fruit d'une christianisation de populations nubiennes au VIe siècle qui ont émigrées au XVIe siècle sur ce territoire en raison de l'expansion de l'Islam.
 
L'ensemble de ces caractéristiques permettent d'offrir quelques instruments pour relater la vie politique de la République centrafricaine depuis son indépendance jusqu'à nos jours. Certaines "grandes" régions de RCA accaparent à tour de rôle la direction du pays.
 
Néanmoins, ces clefs ne permettent pas à elles seules de comprendre pourquoi la RCA serait condamnée à une instabilité. Bien des Etats africains sont stables et pourtant ils n'échappent pas à pareilles structures, à pareilles histoires.
 
Nous basculons dans la deuxième partie de l'ouvrage où, fort de toutes ces données historiques et géopolitiques, les auteurs éclairent sur la place de la RCA dans le jeu régional. A vrai dire, il semblerait que le pays ait eu les plus grandes difficultés à demeurer un acteur sur la scène internationale -s'il en est encore un- et qu'il a surtout était un enjeu.
 
La République centrafricaine a été le jeu des rivalités entre le Tchad et la Libye jusqu'à que cette dernière se retrouve paralysée depuis l'opération Unifed Protector/Harmattan (2011). Par la suite, c'est un autre jeu qui se révèle au grand jour grâce aux auteurs : la place de la RCA comme enjeu d'un jeu tchado-soudanais. Une clef qui montre le rôle de la pression régionale sur l'instabilité politique en RCA.
 
Mais plus largement, le lecteur peut se surprendre à distinguer une sorte de "Grand jeu" où la déstabilisation de la République centrafricaine comme celle du Mali permettrait surtout à des acteurs de rendre inexploitable les ressources de territoires par l'insécurité provoquée. La région saharao-sahélienne serait bel et bien un Heartland.
Et à ce jeu là, soit dit en passant, les enjeux pétroliers, à tout hasard, intéressent au premier chef les Etats de la région (Tchad et Soudan du Nord en tête) avant qu'ils n'intéressent des acteurs extérieurs (remarquable jeu Sud Africain qui ne s'embarrasse pas des reproches que ce pays fait à d'autres).
 
Enfin, l'intrusion de l'islam politique dans des terres où il est si étranger aux pratiques locales de cette religion est un autre facteur de l'instabilité régionale. Par là, nous retrouvons les mêmes acteurs qui semblent bien en difficulté face à un possible basculement des alliances américaines au Moyen-Orient de l'Arabie Saoudite à l'Iran.
 
Pour retourner à l'océan il est nécessaire de relever que M. Thomas Flichy de la Neuville nous offre un livre bien loin de son précédent (Le basculement océanique mondial) et en plein dans ce qui ressemble à un Heartland, par définition bien loin de la mer. Ce qui n'empêche pas que nous y retournons en observant que les raids de cavalerie légère caractéristiques de la région invite à penser les espaces sous l'angle des notions fluide/visqueux/solide... Perspectives intéressantes qui reliées à la préface donneront peut être les clefs pour donner les moyens à ce pays de se gouverner et de faire circuler en toute sécurité personnes et biens.