05 avril 2012

Défense aérienne de la Flotte, solutions italiennes et Marine 2030




Rome envisagerait de permettre à ses FREMM de pouvoir embarquer des missiles Aster 30. Il s'agit encore une fois de préparer l'avenir... sans les Horizon n°3 et 4 (italiennes !). Cette "intégration", ou cette nouvelle option ouvre des perspectives intéressantes. Premièrement, la structure de la Marina militare pourrait s'en trouver bouleverser. Deuxièmement, la Marine nationale pourrait être affectée par ce choix italien.


L'abandon des Horizon 3 et 4 de la Marine nationale et de la Marina militare

Le programme Horizon est le fruit d'une coopération bipartie entre la France et l'Angleterre au tout début de la décennie 90. L'objet de la relation portait tant sur la coque que sur l'achat de gros équipements en commun ou le développement du systèmes d'armes principal. L'Italie se greffe au projet dans le milieu des années 90. Pis, finalement, Londres se retire de la partie coque. Effectivement, c'était trop simple de coopérer pleinement. En outre, il est de notorité publique que les destroyers Type 45 -qui portent le Sea Viper, doux nom anglais du PAAMS- présentent des choix architecturaux radicalement différents de ceux des Horizon franco-italienne.

Quoi qu'il en soit, et sarcasmes mis à part, les volumes commandés du côté de Rome et  Paris étaient raisonnables : 4 navires pour chaque marine.

La Royale ne souhaitait plus atteindre sa cible de six navires de défense aérienne, après deux essais infructueux (frégates lance-engins Suffren (deux unités) et corvettes C70 AA (deux unités). A croire qu'il faut encourager une demande "déraisonnable" pour obtenir le strict nécessaire.

C'est en Grande-Bretagne que la  Royal Navy eu à revoir sérieusement à la baisse la cible de destroyers Type 45 à atteindre : de 18 unités espérées, le nombre d'unités construites n'a pas dépassé les 6 navires -ce qui fait un très beau format de défense aérienne de la flotte en Europe, soit dit en passant, pour un pays qui ne met plus en oeuvre d'aéronavale embarquée sur porte-avions.

Les années 2000 sonnent le glas des Horizon 3 et 4 dans les marines italienne et française. Il n'est pas apparu dans le Livre blanc de 2008, ni dans un quelconque document italien, que le format de défense aérienne des deux flottes pouvait être réduit à deux unités, alors, il faudra bien compenser l'abandon de ces deux navires, et le retrait de ceux qui devaient être remplacés.

La FREDA française

En France, il a été assez rapidement question de la Frégate Européenne Multi-Missions de Défense Aérienne (FREMM - DA : FREDA). La proposition était fort simple : les Horizon, "trop coûteuses", peuvent être remplacées par des FREDA. L'effet de série et les économies d'échelles permettront de diminuer sensiblement le coût de production. Il est vrai que le coût de la coque pourrait diminuer... face aux coûts nouveaux du développement d'une version de défense aérienne des FREMM.

La défense aérienne est un exercice plus exigeant que la seule construction d'un navire anti-aérien. Il faudrait, notamment, un radar de veille aérienne à longue portée (le DBRJ-11 des Cassard, Jean Bart et Charles de Gaulle, c'est 3 à 400km de rayon d'action, le S1850 des Horizon ce serait 500 km de rayon).

Hors, il semblerait que la FREDA à la sauce française ne soit équipée que d'un seul radar multi-fonctions Heraklès, à la puissance spécialement augmentée pour l'occasion.

La solution serait certainement moins coûteuse que l'adaptation du dessin français (d'où l'avantage des FREMM italiennes) des superstructures de nos FREMM à l'embarquement d'un radar de veille aérienne à longue portée. 

Autre détail, il s'agirait d'embarquer le PAAMS sur ces FREDA, mais l'affaire fait moins débat, et cela semble acquis.

FREDA grecque

C'est là que l'affaire grecque était intéressante : Athènes souhaitait se doter de six frégates anti-aériennes, et la France était, il y a peu encore, sur les rangs. A la manière de la vente des frégates F310 par l'Espagne à la Norvège, une partie des frais de développement d'une version adaptée aux besoins locaux aurait été pris en compte par le client. L'affaire serait suspendue à l'heure actuelle, mais...

Quoi qu'il en soit, une illustration à l'origine inconnue (à gauche) laissait entendre qu'un radar de veille aérienne à longue portée serait embarqué au-dessus du hangar hélicoptère.

Autre dessin d'artiste en vogue (à droite), l'un des premiers sur les FREMM grecques laissaient entrevoir le seul radar Herakles.

Pour renforcer le potentiel du navire il serait question d'embarquer des des Sylver A35 le long du hangar pour doter le navire de 24 missiles Mica VL (20 km). Cela aurait l'avantage de permettre de diminuer la dotation en Aster 15 du navire au profit d'Aster 30 grâce aux Mica VL.

L'emport de missiles d'une FREDA serait porté de 32 à 56 munitions.

FREDA budgétaire

Il n'en demeure pas moins que l'affirmation que la FREDA (sachant qu'une FREMM est donnée pour 707 millions d'euros par la Cour des comptes, avec le contrat de MCO de six ans inclu) serait moins coûteuse que l'Horizon (800 millions d'euros en monnaie courante lors de la livraison) est un exercice périlleux.

Heureusement que la dotation en missile d'une FREMM est encore limité à 32 missiles (contre 48 (voir 64) pour une Horizon), cela aide sur la facture finale.

L'avantage de la FREDA, c'est qu'elle repousse à la fin du programme FREMM les deux unités de défense aérienne de la Flotte à construire. Cette solution présente l'avantage de diminuer la bosse budgétaire pour en recréer une autre plus tard. D'autre part, cela oblige également à moderniser les Cassard et Jean Bart, avec un changement de radar (SMART-S). Ce radar finira-t-il sur les deux FREDA ? Ce ne serait pas (du tout) la première fois qu'un matériel est débarqué d'un navire en fin de vie pour un autre. Mais, pour la FREDA, il était question d'un Herakles à la puissance augmentée (dans l'hypothèse de l'absence d'un radar de veille aérienne à longue portée ?). 

L'inadaptation de la FREDA française


L'un des problèmes de la FREDA française, c'est qu'elle est française, et non pas italienne. Il y avait un enjeu industriel, manifestement, à travers  les superstructures des FREMM françaises : DCNS essaya d'imposer sa première mâture unique (mât radar unique : le mât unique serait de le coupler à la cheminée (vulnérabilité infrarouge pour celui-ci ?). Cette tentative fit que le choix italien, en la matière, ne put qu'être écarté d'emblée.

Bien que les anciens Arsenaux se soit rapprochés de Thales au cours d'une opération capitalistique, il n'en demeure pas moins que les deux entreprises sont toujours en concurrence dans un certain nombre de produits et de métiers. Thales propose une mâture unique à travers l'I-Mast, DCNS, aucune.

La solution de DCNS ne fut pas retenue au regard du gain apporté en matière de furtivité face au coût de l'opération.

En plus, les aériens des FREMM françaises ne devaient pas avoir des superstructures optimisées pour la défense aérienne, et pour cause, puisque les deux déclinaisons françaises du programme franco-italien concernait des navires ASM ou AVT.

Aussi, il est à noter que ce débat à éclipsé la nécessité d'embarquer un radar de veille aérienne à longue portée, mais, comme il a été dit plus haut, il ne semble pas que ce soit désiré. Ce qui revient à dire que la FREDA ne sera pas l'égal des Horizon par l'absence de ce radar, de même que en dotation de missiles.

Certains diront que nous sommes à l'époque des systèmes de systèmes. Certes. Mais un réseau de navires au nombre de salves réduites, cela reste et demeure une puissance de feu diminuée. Imaginez une FREDA qui escorte le BPC avec une la frégate Aquitaine : cela donnerait une salve de 48 missiles Aster car l'Aquitaine doit, normalement, emporter 16 MdCN (ce n'est pas un nombre rigide, mais c'est pratique en l'espèce), soit autant qu'une Horizon. Et il s'agit autant d'intercepter des missiles que des aéronefs. En outre, plus la menace est détectée tôt, plus il y a de chance de l'intercepter avec un nombre d'options défensivies plus grand...

La chance des FREMM italienne ?

En Italie, le choix a été tout autre. Il ne semble pas qu'il fut question pour les industriels italiens de tenter l'aventure de la mâture unique. Cette tentative en moins a pu apporter un grand bénéfice durable aux futures frégates italiennes : les études des superstructures des frégates Horizon sont reprises sur les FREMM. Ceci explique pourquoi les navires italiens n'ont pas la même apparence que leurs consoeurs françaises. 

Il s'agit bel et bien d'une chance à l'heure de la FREDA : il est terriblement plus facile de dériver un navire de défense aérienne de la Flotte à partir d'une frégate qui a (une grande partie) des superstructures d'une frégate Horizon.

Le mât avant permet de supporter un radar multi-fonctions EMPAR qui est haut au-dessus des flots, contrairement à l'Heraklès qui est plus (trop ?) bas.

Pour en faire une véritable frégate de défense aérienne, il faudrait, en outre, installer un radar de veille aérienne à longue portée (même si cela ne semble pas très recherché). Tout naturellement, le choix pourrait se porter sur le S1850 de Thales (SMART-L) qui équipe les Horizon. Mais est-ce qu'une frégate FREMM supporterait cette nouvelle charge dans les hauts ? La question est cruciale, et déterminera la crédibilité de la future FREDA, tant française que italienne. Sur les FREMM italiennes, il y a d'ores et déjà une pièce de 76mm sur le hangar hélicoptère. Il y a peut être suffisamment de marge pour installer le mât des Horizon supportant le S1850.

Deux FREDA italiennes ?

Si le dessin des FREMM de Rome semble plus adapté au développement d'une FREDA, il n'en demeure pas moins qu'il y faudrait au moins porter la dotation en missiles Aster de 16 à 32. En Italie comme en France, il ne serait pas question d'un radar de veille aérienne à longue portée, mais d'un radar multi-fonctions à la portée augmentée (EMPAR NG).

Enfin, et c'est là que le bas blesse, ces deux unités anti-aériennes, plus que de défense aérienne, seraient prises sur la commande actuelle de six frégates. Ce serait les deux frégates en version polyvalente qui disparaîtraient pour être remplacées par ces deux unités anti-aériennes. Alors qu'il est de moins en moins probable que Rome construise les 10 FREMM que la Marina militare espère, cette option laisse apparaître une réduction de la flotte de surface italienne de deux unités. Alors, au lieu de recevoir :
  • 4 Horizon et 10 FREMM,
  • la marine italienne percevrait, donc, 2 Horizon, 2 FREMM AA et 4 FREMM ASM -sauf commandes supplémentaires- !
Et le croiseur ?


Il reste une option dans une situation où le nombre de coques se réduit. A moins de nouvelles commandes, les flottes de surface italiennes et françaises compteront 8 et 18 frégates à l'Horizon 2020 (voir 2030 pour la Royale). Nos deux marines font face aux mêmes difficultés.

Une des possibilités de compenser ce faible nombre de plateformes serait d'appuyer le mouvement, et de le porter à son paroxysme :
  • ainsi, le dessin des FREMM italiennes semble adapté à l'installation des moyens nécessaires à la lutte anti-aérienne. A ce moment là, que l'Italie ne commande plus que des FREMM ASM dotés de ces moyens de lutte anti-aérienne. Quand Rome enverra un navire dans une zone de crise, il sera possible de faire face à toutes les menaces. Ce ne serait pas un gain insignifiant avec une flotte réduite à huit frégates. Il serait même possible d'assurer une présence sur plusieurs théâtres.
  • Du côté de la France, il semble osé de proposer une telle opération pour les neufs FREMM ASM. Pourtant, ce serait s'offrir des options stratégiques supplémentaires : les Horizon se consacreraient à la défense du GAn, et les Aquitaine serviraient de bulle de de protection aérienne dans les théâtres secondaires.
La proposition revient à proposer une refonte sérieuse pour transformer ces navires en une sorte de Arleigh Burke franco-italiens. Le budget ne sera pas indolore (sera-t-il possible de tenir un format à 11 FREMM ? Sera-t-il nécessaire d'embarquer le PAAMS ? Probablement pas). Il s'agira de véritable croiseurs légers (à défaut de parler de destroyer).

Mais à l'époque actuelle où il s'agit avant tout de durer à la mer, et d'avoir les moyens matériels d'interagir avec une crise, il n'est peut être pas illogique de vouloir renforcer la puissance par plateforme. Il sera d'autant plus intéressant de proposer une bulle aérienne de protection, mise en oeuvre depuis la mer, avec 11 ou 13 plateformes. Ce serait un progrès.

Les frégates DAMB feront-elles disparaître la FREDA ?

En Italie comme en France, il y a un débat qui risque de couler les FREDA : la défense antimissile balistique. Le Sénat a étudié une contribution navale, et Rome semble très intéressé. La première contribution navale française concerne la DAMB de théatre : ce serait porter le PAAMS des Horizon aux capacités DAMB du Mamba de l'Armée de l'Air. Coût ? 300 millions d'euros. Pour prendre pied dans la DAMB de territoire, les sénateurs mettent en avant la nécessité de se doter de deux frégates DAMB pour, au moins, 1500 millions d'euros (une Horizon coûtait 800 millions d'euros avec armement à la livraison, soit 1600 millions d'euros pour deux, et il faudrait ajouter les nouvelles munitions, les complètements techniques au radar, etc...).

Un détail illustre bien la nécessité de trancher : la puissance des FREDA françaises et italiennes sera de 32MW, soit autant que, forcément, la version ASM des FREMM (contre 64MW pour les Horizon). Est-ce assez pour cumuler systèmes d'armes AA et ASM ? Pour développer une FDA ? Et question cruciale pour préparer l'avenir : est-ce assez pour d'éventuelles systèmes d'armes antimissile balistiques ?

A Paris comme à Rome, il paraît bien difficile d'imaginer une FREDA qui n'est ni l'égal des Horizon, ni utile à la DAMB. C'est pourquoi le renforcement des navires ASM permettraient de renforcer la défense aérienne de la Flotte, et permettrait de gagner du temps sur l'actuelle décennie pour déterminer s'il faut s'engager dans la DAMB, et à quel degré (de théâtre ? De territoire ? Pas du tout ?).

En définitive, ce qui compte aujourd'hui, c'est d'avoir les moyens matériels pour compter politiquement dans les crises.

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