03 mai 2012

Des Cougar HORIZON sur les frégates Horizon ?


Il y a quelques semaines, à peine (le 4 avril 2012), les deux frégates de défense aérienne de la Flotte menaient un très intéressant exerice au large du Centre d'essais missiles de la Direction Générale de l'Armement sur l'île du Levant (Var). Il était question d'intercepter un missile supersonique rase mer lancé contre le groupe constitué des deux navires. Le PAAMS (Principal Anti-Air Missile System) a été utilisé dans sa pleine mesure car l'un des vaisseaux, le Chevalier Paul, utilisait les senseurs et les effecteurs (les Aster 30, donc) du Forbin pour mener sa mission à bien. C'est-à-dire qu'il y avait, manifestement, un seul central opérations qui commandait aux radars et aux armes des deux navires pour intercepter l'assaillant. Tout du moins, c'est ce que l'on peut comprendre en lisant le compte-rendu officiel. C'était même une première en Europe selon ce dernier.

Comble du luxe, alors que le PAAMS confère cette capacité de commander les moyens anti-aériens d'un groupe naval afin de centraliser la lutte aérienne -et de décupler les capacités par leur mise en réseau-, celle-ci a été utilisée par un navire PAAMS pour commander un autre navire PAAMS. Tout cela pour dire que l'on peut attendre avec envie un tel exercice avec le porte-avions, la frégate Aquitaine, ces deux navires embarquant des Aster 15, et l'une des deux frégates Horizon. Pour aller plus loin, il convient de se demander si le PAAMS peut intégrer à la bulle qu'il commande des navires étrangers à son système ? Comme, par exemple, des frégates européennes qui mettraient en oeuvre des SM-2 et des SM-3 depuis le système AEGIS.

Cet exercice est là aussi pour questionner les capacités de défense aérienne de la Flotte. Un missile rase-mer a donc la particularité d'évoluer à basse altitude. Si les deux radars EMPAR et S1850/SMART-L des deux frégates Horizon ont pu accrocher la cible, il convient de se demander à quelle distance ? L'Aster 30 affiche une portée officielle d'une centaine de kilomètres contre cible aérienne, mais seulement d'une trentaine de kilomètres contre un missile évoluant à basse altitude.

Si le S1850 porte entre 400 et 500 km pour sa veille aérienne à longue portée, à combien celle-ci devient-elle efficiente pour pister un missile anti-navire rase mer ? Les équipages des deux navires savaient qu'ils allaient être attaqués de la sorte. La question est donc de savoir si en cas d'attaque surprise, comme contre la corvette furtive israélienne Hannit en 2006, si le délais offert par les senseurs des Horizon aurait été suffisant pour permettre aux équipages de réagir et tirer une salve d'Aster 30 ?

Effectivement, notons que c'est que c'est une salve d'Aster 30 qui a été lancée ("Le Chevalier Paul a assuré le suivi de la cible et des missiles tirés".). A bord des frégates Forbin et Chevalier Paul, il n'y a "que" 48 missiles (la dotation peut être portée à 64 engins avec la réserve située sur la plage avant). Si pour un missile antinavire supersonique rase mer il faut en tirer au moins deux, alors les réserves se vident très rapidement en cas d'attaques répétées.
Il y a bien un moyen pour allonger l'horizon des Horizon.

Les AWACS furent notamment conçus pour détecter des engins évoluant à basse altitude. Il y a les AWACS terrestres, comme les E-3 Sentry de l'Armée de l'Air. S'ils nécessitent d'être mis en oeuvre depuis une base aérienne avec une piste suffisamment longue (et les réserves de carburant adéquates), ils offrent une permanence, une persistance sur zone très forte.
Ils ont été mis à contribution pour l'opération Atalanta au large de la Somalie, et leur utilité dans une mission aéronavale a été démontrée. Ces plateformes ne seraient donc pas inutiles si elles peuvent couvrir le GAn et offrir une bulle de détection supplémentaire, un horizon plus large permettant de gagner du temps pour gérer les menaces. Cela suppose que les E-3 soient à proximité du porte-avions.


Il y a également les avions de guet aérien embarqué, comme le E-2 Hawkeye. D'une endurance plus faible que son équivalent terrestre, il offre néanmoins la possibilité de persister sur zone avec deux appareils, embarqués à bord, qui peuvent se relayer sur place.
Mais si celui-ci, s'il offre une bulle de veille aérienne de 500 km de diamètre, c'est essentiellement dans l'optique de soutenir le groupe aérien embarqué. La manoeuvre de cet appareil ne sert pas tant à couvrir les unités navales que d'éclairer la zone d'action des Rafale et Super Etendard, et de coordonner l'action de ceux-ci.

Ce sont actuellement les moyens mis en oeuvre par l'Armée de l'Air et la Marine pour, notamment, assurer la surveillance aérienne d'une zone depuis un avion de guet aérien. Ces plateformes offrent la possibilité de surveiller ce qui se passe à basse altitude, là où les radars terrestres ou des navires sont les moins efficients.

Dans la Royal Navy, il n'y a plus de porte-avions CATOBAR depuis les désarmements du HMS Eagle (1972), du HMS Ark Royal (1978) et du HMS Hermes (1984). Ce dernier perd néanmoins ses catapultes en 19701. La veille aérienne lointaine ne pouvait plus être assurée par les Fairey Gannet AEW (Airborne Early Warning), des appareils à voilure fixe qui ont besoin de catapultes. En outre, comme cela arrivera malheureusement, la Fleet ne peut pas toujours être sous la couverture d'appareils de patrouille maritime basés à terre. C'est pourquoi un programme a été lancé pour que des hélicoptères de guet aérien prennent la relève des Gannet. L'aboutissement de cette démarche fut le Sea King ASaC (Airborne Surveillance and Control) de la Royal Fleet Air Arm qui devaient équiper les nouveaux porte-aéronefs de classe Invincible. Malheureusement pour les équipages de la Royal Navy, les Gannet furent retirés du service, a priori, en 1978, et les Sea King ASaC ne servirent pas pendant cette guerre où la marine anglaise perdit de nombreux bâtiment à cause d'une couverture aérienne déficiente.

Néanmoins, il semblerait que sept machines entrèrent tout de même en service, depuis les années 80. Et à défaut de servir aux Malouines, elles servirent pendant la Guerre du Golf de 1991, et surtout, pendant la Guerre d'Afghanistan (2010-2012). Mer et Marine nous dresse un portrait de l'action de deux de ces machines au-dessus du sol Afghan : "Après 15 mois d'opérations, les appareils du 854 Naval Air Squadron ont regagné début mars la base aéronavale de Culdrose, en Grande-Bretagne. Arrivés fin novembre 2010 en Afghanistan, les hélicoptères de la marine britannique ont participé à la surveillance du territoire au profit des troupes de l'International Security Assistance Force (ISAF). Loin du milieu maritime auxquels ils sont habitués, les Sea King et leurs équipages se sont parfaitement adaptés au sol afghan. Basés à Camp Bastion, dans la province d'Helmand, au sud du pays, les hélicoptères ont été particulièrement actifs l'été dernier dans la lutte contre le trafic d'armes et de drogue, permettant à l'ISAF de découvrir et détruire 7 tonnes d'explosifs servant à la fabrication d'engins artisanaux de type IED et plusieurs milliers de kilos de drogue".

En mer comme à terre, les hélicoptères présentent l'inconvénient d'être beaucoup moins endurant pour tenir l'air. Et ils ne sont pas forcément beaucoup moins coûteux à l'acquisition que des appareils à voilure fixe. L'utilisation de ce type de machine pour éclairer une escadre est donc un exercice plus compliqué, et à l'horizon moins lointain, que s'il avait été réalisé par des avions de guet aérien catapultés.

C'est peu ou prou dans le même rôle opératif que les Sea King ASaC que les Cougar HORIZON (Hélicoptère d'observation radar et d'investigation sur zone) ont été conçus. Ces machines succèdent au programme Orchidée (1990). Ces machines devaient, notamment, permettre l'éclairage de l'artillerie.
Ces quatre mousquetaires que sont les Cougar HORIZON jouent le même rôle que les Sea King ASac en Afghanistan. Sauf que les machines françaises avaient été conçues pour opérer à terre, contrairement aux machines anglaises qui devaient principalement opérer en mer. Il n'y a qu'un pas à franchir pour affirmer que le système radar sert aussi bien dans l'un ou l'autre milieu. Les E-3 de l'Armée de l'Air ont franchi ce pas.
Ces hélicoptères, à l'endurance moindre, ne pouvaient couvrir la même zone qu'un E-8 JSTAR de l'US Air Force. Mais ils étaient plus à même d'éclairer une zone particulière en liaison avec une autre plateforme, et de le faire de manière discrète.
Quoi qu'il en soit, les machines sont actuellement sous cocon, quelque part, dans un entrepot de l'ALAT.

A l'heure actuelle, les capacités du radar sont dépassées pour une utilisation dans le milieu maritime. Celui-ci n'arriverait pas à suivre des cibles évoluant à plus de 280km/h. C'est gênant.

Si cette limitation était levée, alors la bulle supplémentaire offerte par les Cougar HORIZON permettraient aux frégates Horizon, via la liaison 16, d'éclairer une zone particulière d'où une attaque serait attendue. Par exemple une zone où des missiles anti-navires auraient été repérés. Cela n'offre pas la possibilité de couvrir une zone de manière persistante au cas où un missile rase-mer serait tiré.

Les Cougar HORIZON pourraient-ils, dans cet hypothétique rôle, servir à l'éclairage de munitions à longue portée ? De l'artillerie navale ? A défaut de posséder les drones nécessaires à cette mission, alors, peut être que ces hélicoptères pourraient permettre de disposer d'une solution transitoire. Ou pas s'ils sont incapables de remplir une telle munition ou si un hélicoptère aux capacités plus simples pourrait tout aussi bien le faire.

Dans le cadre d'une guerre amphibie, l'utilisation des Cougar HORIZON permettrait d'aller plus loin. En effet, déployés depuis le BPC, ces voilures tournantes permettraient de surveiller très précisément la bande littorale, là où les dangers sont très grands pour les troupes amphibies et les navires. D'un côté, l'hélicoptère prévient les attaques anti-navires, de l'autre, il peut suivre les mouvements des troupes ennemies au sol.
En Libye, l'utilisation de ces quatre Cougar n'auraient pas été inutiles. Les E-2 et E-3 servaient à faire respecter la ZEA et à coordonner les raids des appareils à voilure fixes. Le groupe aéromobile était dirigé depuis un hélicoptère de manoeuvre qui servait aux commandement des différentes voilures tournantes dédiées à l'attaque. Et si pour mieux repérer les troupes aux sols, un Cougar HORIZON avait été utilisé dans son rôle originel ? Aurait-il pu permettre de guider les munitions délivrées par les Rafale, alors que ces derniers buttaient à dénicher les combattants libyens retranchés dans leur population ?

In fine, c'est vraiment cette question : est-ce qu'un nouveau radar pour ces hélicoptères pourrait permettre d'illuminer des cibles. C'est-à-dire qu'il pourrait servir à guider les tirs de l'artillerie, ou des artillerie, et surtout des munitions de précisions. Ainsi, la force aéroamphibie aurait le choix entre des raids de voilures tournantes et de munitions de précisions, et que ces dernières soient des obus, des roquettes ou des missiles (aérobie ou balistiques).

Ainsi, le Cougar HORIZON, l'hélicoptère de guet aérien deviendrait un centre de contrôle des feux dans la bande littorale. Au creuset entre Terre et Mer, sorte de contrôle aérien avancé pour contrôler le feu délivrer par l'artillerie navale, le groupe aéromobile et le groupe aérien embarqué.

De façon plus basique, l'engin permettrait aussi de surveiller le trafic maritime autour d'unités navales dans des zones où la circulation maritime est dense, voir congestionnée, et où l'on peut craindre des "hostile swarm attacks". L'US Navy lance par ailleurs une réfléxion à ce sujet.

C'est de cette connivence qu'il serait même utile d'appeler à la création d'un escadron inter-armées. Les missions de soutien à la défense aérienne de la Flotte ne sont pas assez nombreuses pour justifier la remise en service et la modernisation de ces machines. C'est le même constat pour l'Armée de Terre où ces hélicoptères sont tout aussi utiles pour surveiller une zone ou coordonner des raids, mais en des occasions trop rares.

Les Cougar HORIZON s'inscriraient donc dans une aviation de coopération, non pas seulement entre l'Air et un autre milieu, mais entre deux Armées et deux milieux. 

Faut-il évoquer d'hypothétiques utilisations de cet escadron ? Il y a bien des opérations futures qu'il faudra appuyer dans le Sahara, et parfois, l'utilisation d'un Atlantique 2 ou d'un E-3 est trop lourde, ou pas assez proche du théâtre.

Mais aussi, pour lutter contre la piraterie, quid de l'intérêt du couple BPC/Cougar HORIZON ? A défaut d'embarquer des drones MALE ou HALE sur BPC, il y aurait une solution transitoire, et surtout, une solution interarmées. Dans cette optique, il serait bien plus intéressant qu'un BPC patrouille au large de la Somalie avec trois Cougar HORIZON plutôt que trois ou quatre frégates qui n'ont pas cette bulle d'éclairage.

Justement, c'est cette dernière remarque prospective qui met en relief l'intérêt indéniable que les anglais ont trouvé à l'hélicoptère de guet aérien embarqué : il ne nécessite pas de porte-avions. Ainsi, une frégate Horizon pourrait grandir sa bulle sans le porte-avions, ou bien, un BPC pourrait lui-même s'éclairer. Dans les deux cas, le matériel redonne de la souplesse dans la manoeuvre aux différentes unités navales, aériennes et terrestres.

Pour la note otanienne, le système HORIZON permettrait à la France de reprendre pied dans le programme de l'alliance Atlantique, Alliance Ground System. La France a réussi à se soustraire en ne participant aucunement à ce programme. L'HORIZON lui permettrait de pouvoir y participer avec une participation réduite, et de disposer de capacités supplémentaires pour peser dans les coalitions et l'Alliance. Enfin, le système HORIZON fait travailler les industries française et européenne, quand l'AGS semble favoriser quelques entreprises américaines.

1 Comme le précise un lecteur, X07, le Hermes deviendra dès 1970 un "commando carrier", puis un porte-avions VSTOL en 1980.

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