© Marine nationale.
Depuis
l'année 2006 jusque 2012, la Marine nationale a participé à plusieurs
opérations ponctuelles, dont les opérations Balistes et Harmattan, tout
en continuant à remplir des missions durables, comme les missions Jeanne
d'Arc, Corymbe et la mission européenne Atalante. Les moyens mis en
œuvre pendant cette période montrent combien la puissance navale
française permet de participer au règlement des grandes crises
internationales, et combien l'outil dont nous disposons est très
précieux. Pendant ces six années, presque toutes les facettes des
capacités de la Marine nationale ont été mises en oeuvre : même le
groupe de guerre des mines est intervenu en Libye. La groupe aéronaval,
le groupe amphibie et les ravitailleurs ont été très employés. La flotte
de surface a eu un très bel effort à fournir pour que les escorteurs
nécessaires aux opérations et missions soient disponibles, de même que
dans les régions où il fallait assurer une présence navale (comme dans
le Golf persique) alors que le nombre de frégates ne cesse de diminuer.
Il
est proposé de s'intéresser plus particulièrement aux capacités mises
en oeuvre depuis les navires de la force amphibie, en liaison avec la
composante aérienne projetable (tel que défini dans le Livre blanc de
2008) qui repose aussi bien sur l'Armée de l'Air que sur l'Aéronavale.
2006 - Opération Baliste
Le
dernier conflit israélo-libanais (12 juillet-14 août 2006) eu comme
épisode une évacuation des ressortissants européens et étrangers du pays
du Cèdre. La situation se dégradait si rapidement pour les résidents
étrangers du Liban à cause de la montée en puissance des combats entre
le Hezbollah et Tsahal. Il y alors au large du Liban la frégate Jean de
Vienne et le TCD (Transport de Chalands et de Débarquement) Sirocco. La
mission est d'évacuer les ressortissants français, au moins, entre le
Liban et Chypre : l'opération Baliste est lancée.
Le Bâtiment de
Projecton et de Commandement (BPC) a connu cette année là son heure de
gloire -une gloire qui rejaillit sur toute la classe de navires (cinq
unités actuellement, dont deux sont en construction pour la Russie).
La configuration type d'un BPC, tel que décite par son constructeur, se
compose de 450 hommes de troupe dans des conditions confortables avec
en sus 16 hélicoptères (autant de Tigre que de NH90), des matériels
roulants blindés et motorisés et une batellerie aujourd'hui composée de
deux EDA-R (Engin de Débarquement Amphibie-Rapide).
Le Mistral est alors appelé, et il doit être prêt à appareiller pour le 15 juillet 2006 à renforcer ce dispositif. Mer et Marine
consacre un large et très détaillé article au sujet de l'opération
Baliste, grâce au récit fait par son commandant de l'époque, le
capitaine de vaisseau Jubelin (les différentes citations qui suivent
sont tirés de cet article ou d'autres articles de Mer et Marine).
L'affaire est vraiment urgente car le navire revient d'essais : « après
trois mois de TLD au cours desquels le Mistral a mené ses essais en
eaux chaudes, jusqu'en Inde, l'été devait être consacré aux réparations,
notamment des planchers défectueux : « Le bateau n'est toujours pas
admis au service actif et il venait de terminer ses essais. Il y avait
des pièces à changer et des dizaines d'appels à garantie à solder.
C'était un véritable chantier. Dès le 3 juillet, la moitié de l'équipage
était en permission ». Que cela ne tienne, l'équipage est au
complet le 15 juillet et il aide à l'embarquement des différentes
capacités qui vont être nécessaires dans les prochaines semaines : une
antenne chirurgicale projetable, un groupe aéromobile (deux Caracal,
deux Cougar, quatre Puma et Gazelle) avec un contingent de 650 hommes de
troupe, épaulé par des AMX-10RC, VAB et VBL. Le navire accueil ses
différents utilisateurs pendant les quatre à six jours de traversée
entre Brest et le Liban.
Le
dispositif naval français (soutenu également par des navires affrétés)
doit évacuer au moins 12 000 civils. L'équipage du Mistral s'organise : «
A vide, nous avions calculé que nous pouvions embarquer 4000
personnes pour un trajet de 8 heures, où nous n'aurions eu qu'à
distribuer des casse-croûtes. Avec les troupes à bord, entre la
compagnie du 2ème RIMA, l'échelon du Génie et leurs matériels, ce
chiffre tombait à 1500, ce qui est déjà énorme », précise le commandant
Jubelin"."Selon Frédéric Jubelin : « Sur une frégate on ne peut pas
faire ça. Même sur un TCD récent comme le Siroco car, chargé de
véhicules et de troupes, il n'y a pas la place ».
Les
manoeuvres aéronautique et logistique sont tout aussi impressionnantes,
et elles montrent bien qu'il y a eu un changement d'échelle entre les
TCD et les BPC :
- « Ce gain
potentiel de place est également valable pour le hangar hélicoptères,
long de 100 mètres. Conçu pour abriter 16 appareils lourds, il peut, en
réalité, accueillir jusqu'à 35 Gazelle ! ». C'est une chose dite en 2006 qui surprendra en monde en 2011 lors de l'opération Harmattan.
- « L'amphibie,
avec un Ouragan, c'est très séquentiel. On envoie un hélico, on laisse 2
minutes de battement puis on envoie un CTM, puis un hélico après 2
minutes etc.... »
- « Pour lancer un assaut héliporté [depuis le Mistral],
on n'a pas à attendre. Grâce à l'ascenseur arrière, on peut déployer
les pales avant l'arrivée de la machine sur le pont d'envol, ce qui
permet de gagner un temps précieux. D'autre part, les grandes dimensions
du navire nous permettent de préparer, pour une pontée de six
hélicoptères, 70 à 90 gars avec leurs armes et leurs bagages dans la
coursive du pont 6 (au niveau inférieur du pont d'envol). Nous avons
calculé, pendant les exercices, qu'en une minute 45 ils étaient sur le
pont, en 3 minutes dans les hélicoptères et en moins de 5 minutes, tout
le monde était en l'air. C'est vraiment impressionnant ».
- « On
était à Beyrouth et nous devions, de manière concomitante, accueillir
1100 ressortissants, refaire des vivres et débarquer 450 palettes. Pour
parvenir à sortir cette cargaison à temps, on a utilisé la grue aéro,
les Fenwick par la porte de bordée latérale mais aussi la poutre à
munitions. Avant d'arriver, les palettes avaient été disposées : 170 sur
le pont d'envol, 230 en bas et 45 près de la poutre. Tout est sorti
simultanément et, en même temps, je voyais le commissaire charger ses
vivres par l'avant du navire ! C'est industriel et méthodique. En
sommes, on ne bricole pas ». Pour le capitaine de vaisseau Jubelin, le
BPC est une sorte de « rond point permanent qui ne s'arrête jamais. Au
Liban, on ne stoppait pas, entre le chargement de fret, les évacuations,
l'hôpital, les mouvements d'hélicoptères et les man?uvres amphibies ».
L'une
des caractéristiques du Mistral qui permettait ces différentes
réussites, c'est la large place disponible à bord, aussi bien dans les
zones dédiées au stockage des matériels et des machines que dans les
différentes coursives. La dynamique des flux a été très, très bien
étudiée dans le navire, et cela explique largement sa réussite pour
accomplir les différentes manoeuvres qui lui incombaient.
L'opérartion
Baliste a été un franc succès, surtout pour le Mistral qui a été admis
au service "actif" quelques semaines plus tard. Les TCD Ouragan et Orage
sont avantageusement remplacés par les BPC dont le concept a bien
évolué depuis les PH 75. Néanmoins, il ne faudrait pas que le succès du
Mistral éclipse le rôle tout aussi crucial du recours à l'affrètement de
navires civils pour suppléer les navires de la Royale : le nouveau contrat d'affrètement a été conclu avec la CMA-CGM.
2011 (janvier) - Crise ivoirienne et force Licorne
La
crise ivoirienne se développe considérablement à nouveau quand le
résultat des élections présidentielles ne permet pas de départager celui
qui était alors l'actuel président, Laurent Gbabgbo, de son rival,
Alassanne Ouattara. Le second candidat est reconnu comme le vainqueur
des élections par communauté internationale alors que le premier est
légitimé par le processus constitutionnel ivoirien.
Les combats
reprennent en Côte d'Ivoire pendant plusieurs semaines, et le camp
loyaliste finit par se réduire exclusivement à la capitale ivoirienne :
Abidjan. Cette ville présente la caractéristique d'être au bord de la
mer, et d'être constituée d'un archipel d'îles. La situation est si
grave qu'elle impose de prévoir un plan d'évacuation des ressortissants.
15 000 personnes seraient à évacuer, mais heureusement pour elles, la
situation n'a pas obligé à en arriver jusqu'à une telle mesure.
Depuis le 10 décembre 2010, le Tonnerre est au large d'Abidjan.
Il relève le Sirocco pour servir à son tour dans le cadre de la mission
Corymbe. La mission du Tonnerre commence notamment par un ravitaillement opérait par le pétrolier-ravitailleur néerlandais, qui revient alors de l'opération Atalante.
Du côté d'Abidjan, « Sur
place, l'armée française compte la force Licorne et ses 900 hommes,
basés au sud d'Abidjan. Les militaires disposent de véhicules blindés et
d'un détachement d'hélicoptères composé de cinq Puma et trois Gazelle ».
Paris
se refusait à intervenir dans la crise ivoirienne, dans un premier
temps. Mais la France se résoudra à le faire pour accélérer le cours des
évènements et hâter la fin de la bataille d'Adidjan. Les voilures
tournantes de l'ALAT semblent ne plus intervenir que depuis le Tonnerre.
C'est certainement pour que leurs activités ne soient pas surveillées
par les forces loyalistes ivoiriennes comme cela aurait pu être le cas
si elles étaient restées au sud de la capitale ivoirienne. Le Tonnerre
présente alors ses capacités de Sea Basing,
qui peuvent permettre aux forces d'opérer impunément depuis la mer, et
tous aussi discrètement. Il est aujourd'hui avéré que c'est grâce à
l'intervention de l'ALAT que la bataille d'Abidjan a été remportée de
manière si décisive avec la capture de l'ancien président ivoirien.
Cette
opération était certainement un cas d'école particulièrement heureux
avant l'opération Harmattan qui allait voir le jour dans les prochains
mois.
2011 (février-mars) - Crise libyenne
Cinq
ans plus tard, les BPC vont pouvoir à nouveau montrer leurs capacités
impressionnantes pour l'évacuation de ressortissants. Mais ce sera aussi
la première fois que ces navires seront utilisés dans des opérations
aéroamphibies à finalité guerrière.
En
2011, la Marine nationale devait apporter son aide à l'évacuation par
la mer de ressortissants égyptiens qui ont fui la Libye pour la Tunisie.
La grande différence avec l'opération de 2006, c'est que la majeure
partie des ressortissants étrangers seront évacués par la voie des airs,
et donc par les différentes armées de l'air européennes et
méditerranéennes.
Peu ou prou, c'est le dispositif naval de l'opération Baliste qui semble se reconstituer. Le Mistral part alors de Brest le lundi 28 février 2011
pour la campagne Jeanne d'Arc, avec la frégate Georges Leygues. La
mission Jeanne d'Arc arrive alors à Toulon le samedi 5 mars 2011. Le
Mistral doit embarquer, en plus des 135 élèves-officiers, un détachement de l'Armée de Terre qui doit aussi participer à la campagne Jeanne d'Arc.
Les
deux navires doivent rejoindre la Tunisie afin de procéder à
l'évacuation des ressortissants égyptiens pour les ramener à Alexandrie.
Le groupe est attendu le 7 mars dans le port tunisien de Zarzis. Sauf
la frégate Georges Leygues qui se fait alors remplacer par la frégate
Tourville suite à une avarie qui lui impose un nouvel arrêt à Toulon.
Finalement les 900 à 1000 ressortissants égyptiens sont évacués
autrement, grâce à l'efficacité du pont aérien mis en oeuvre par l'Armée
de l'Air et le Quai d'Orsay.
Le 7 mars, toujours, l'équipage du Mistral doit se contenter de débarquer 50 tonnes
d'aides humanitaires pour la Tunisie. Le groupe Jeanne d'Arc reprend
alors le chemin de sa mission, ce qui implique de passer le canal de
Suez dans une zone en effervescence totale.
2011 - Opération Harmattan
Aux alentours du 18 mai 2011,
le commandant du Tonnerre, le capitaine de vaisseau Ebanga, s'active
avec son équipage pour réaliser une nouvelle manoeuvre logistique aussi
impressionnante par le volume à embarquer que par le laps de temps très
court pour l'effectuer. Le navire doit recevoir un groupe aéromobile
d'une grosse vingtaine de machines : Tigre, Gazelle et Caracal
constitueront un groupe d'attaque et un autre dédié au CSAR (Combat Sear And Rescue).
Ce qui change par rapport aux opérations d'évacuations, c'est qu'il ne
s'agit plus d'accueillir à bord et temporairement un grand volume de
civils, mais bien d'embarquer de manière durable l'équipage et le groupe
aéromobile embarqué, soit 700 hommes environ.
Le
Tonnerre vient s'insérer dans une opération Harmattan qui peine à faire
mieux que ce qu'elle a déjà réalisé en combinaison avec l'opération Unifed Protector.
L'ensemble des structures militaires libyennes ont été balayées par les
différentes vagues de bombardement qui ont frappé le territoire libyen.
Il fallait désormais faire face à des troupes mobiles capables aussi
bien de se disperser au sein des villes, campagnes et des populations
pour se protéger que de se concentrer pour mener des raids contre les
rebelles (une quelconque analogie avec la dissémination des Harrier
sur le sol britannique dans les scénarios d'emplois de pendant la
Guerre froide ?). Alors, il était nécessaire de descendre d'un cran dans
l'usage de la puissance aérienne puisqu'il devait impératif :
- de recourir à des armements ayant des effets collatéraux très faibles,
- et
avoir des unités capables d'évoluer au plus près des combats : c'est le
rôle tout naturel de l'Aviation Légère de l'Armée de Terre.
Le 3 juin 2011, les voilures tournantes de l'ALAT passent pour la première fois à l'attaque.
Le
groupe Jeanne d'Arc, centré sur le Mistral, écourte sa campagne
annuelle de deux bonnes semaines. Les navires arrivent à Toulon le 28 juin 2011. Le 10 juillet 2011, le Mistral appareille à nouveau de Toulon pour aller relever le Tonnerre.
Les
deux navires vont alors effectuer une manoeuvre logistique relativement
impressionnante puisqu'elle sera exécutée sans que les manoeuvres du
groupe aéromobile s'arrêtent... alors que tous les deux à trois jours
une nouvelle attaque était lancée depuis le pont d'un BPC. Le commandant de l'ALAT, le général de division Pertuisel,
relatait ainsi au colloque de Mer et Universités sur les opérations
aériennes pendant Harmattan que la manoeuvre s'était réalisée en pleine
mer à l'aide des hélicoptères de manoeuvre et des chalands de
débarquement.
Ce n'est pas sans rappeler les passages de PA1 à PA2 des anciens porte-avions Foch et Clemenceau.
Ceux-ci avaient aussi connu un tel passage de témoins en pleine mer, au
large du Liban. Cela illustre plutôt bien la capacité à durer des
navires en la mer, voir des capacités de Sea Basing, et les nombreuses possibilités offertes par le fait de disposer d'un radier et d'un pont d'envol.
La relève se répétera en sens inverse les 9 et 10 septembre : « en
fait, le transfert s'est opéré les 9 et 10 septembre en Sicile, dans le
port d'Augusta. « Tandis que les Puma, Tigre et Gazelle du Groupe
aéromobile (GAM) quittaient le pont d'envol (du Mistral), l'état-major
de la Task force 473 (TF 473) et la majorité de l'équipage du navire,
soit près de 200 personnes, mais aussi le fret, une centaine de tonnes
de matériel, étaient acheminés à l'aide des chalands de transport de
matériel transportés par les BPC. L'ensemble du transfert a nécessité 25
rotations d'hélicoptères et 14 norias de CTM ».
Les
opérations en Libye ont validé l'utilisation du BPC comme base de
projection de la puissance aéroterrestre depuis la mer. L'endurance des
navires et la possibilité de les relever sur zone, voir en pleine mer
ont même montré des capacités de Sea Basing. La faculté de
permettre aux deux BPC de se relever sur zone permet des gains
opérationnels très appréciables puisque les missions demeurent
relativement courtes (à comparer avec les neuf mois de mer du Charles de
Gaulle : missions Agapanthe et Harmattan).
La relève est un grand service rendu aux équipages :
- ce
qui évite de les écœurer de métiers où il faudrait choisir entre servir
et avoir une vie en dehors du service, au point qu'ils quittent très
prématurément les Armées.
- C'est au grand bénéfice de la regénération des forces (leur remise en état opérationnel),
- Cela permet aussi de diffuser à plus d'hommes et de femmes l'expérience opérationnelle.
- La
présence de la France dans le monde n'a pas été amoindrie. Quand un BPC
servait au sein de l'opération Harmattan, le second était en campagne
Jeanne d'Arc.
La situation de
la composante amphibie semble avoir été relativement "confortable"
puisque le Dixmude n'a pas été appelé à intervenir dans le dispositif
avant son admission au service actif, contrairnement au Mistral en 2006.
Depuis
2006 et 2011, il y a un formidable capital opérationnel à préserver, à
regénérer. Il n'y a pas tant que cela de marines dans le monde qui
peuvent évacuer autant de ressortissants que conduire des manoeuvres
aéronavales et aéroamphibies dans des coalitions militaires.
Avant
de tenter d'évoquer la capitalisation de ces riches enseignements
opérationnels, il est peut être bon de rappeler que le professeur
Coutau-Bégarie rappelait dans l'un de ses derniers ouvrages -"Le meilleur des ambassadeurs - Théorie et pratique de la diplomatie navale"-
que la Marine nationale ne défendait pas suffisamment devant les
pouvoirs politiques (aussi bien l'Elysée que Matignon et surtout devant
les deux chambres du Parlement) le fait qu'elle ait évacué depuis 1962
une bonne vingtaine de milliers de ressortissants français et étrangers
de par le monde, par sa seule action. De 2006 à 2012, il y a un très
beau bilan à défendre et à défendre partout où cela est possible.
Depuis
la Libye, l'activité des BPC n'a pas diminué : bien au contraire
puisque les trois navires, depuis l'arrivée en flotte du Dixmude,
multiplie les exercices de part le monde.
Par exemple, il y a le cas du Mistral qui a participé à l'exercice Bold Alligator sur la côte Atlantique des Etats-Unis : « Pour
la première fois, l'édition 2012 de l'exercice amphibie américain Bold
Alligator a été ouverte aux membres de l'OTAN. Pour cette première, la
France a été le seul pays européen à avoir accepté l'invitation de l'US
Navy et de l'US Marine Corps en projetant aux Etats-Unis une force de
projection. Du 23 janvier au 13 février, le Bâtiment de Projection et de
Commandement (BPC) Mistral a, ainsi, opéré avec six navires amphibies
américains placés sous la protection du porte-avions nucléaire USS
Enterprise. Les unités terrestres françaises embarquées, dans le
scénario prévu, avaient reçu pour mission d'entrer en premier sur un
littoral hostile, afin de permettre l'arrivée des forces principales. Le
lieu de la manoeuvre : la côte de Virginie, juste au sud de la base
navale de Norfolk, et la Caroline du Nord au large de Camp River. Un
terrain de manoeuvre tout proche finalement de la baie de Chesapeake et
de Yorktown, là où se sont joués les épisodes décisifs de la guerre
d'indépendance américaine. Plus de deux siècles plus tard, la
coopération entre Paris et Washington s'est trouvée redynamisée par
cette participation, d'autant que la France fait figure de leader
européen de l'Alliance Atlantique suite à son retour dans le
commandement intégré de l'OTAN, entériné en avril 2009 ». Cet exercice fut l'occasion pour les américains de vraiment découvrir le concept du BPC, à tel point qu'ils allèrent même le comparer avec les capacités de leurs LHD et LHA.
Pour transformer, peut-être, l'essai et diffuser les enseignements requis lors de l'exercice américain, le Mistral a participé à quatre jours d'exercices amphibies sur les côtes de Provence en France du 4 au 8 juin 2012. « Transportant
150 hommes et 34 véhicules de l'armée de Terre, dont des blindés, le
bâtiment de projection et de commandement Mistral, armé par 177 marins, a
été engagé, du 4 au 8 juin, dans un exercice de débarquement en
Provence. L'objectif principal était d'entrainer les soldats de la 9ème
Brigade d'Infanterie de marine, composée essentiellement par la
compagnie d'éclairage et d'appui du 2e Régiment d'infanterie de marine
du Mans. Le 7 juin, le débarquement est intervenu sur la plage de la
Croix-Valmer, un nouvel engin de débarquement amphibie rapide (EDAR)
étant mis en oeuvre à cette occasion, en plus des traditionnels chalands
de transport de matériel (CTM). « Cet entraînement délicat s'inscrivait
dans un scénario amphibie fictif ayant vocation à assurer l'évacuation
de ressortissants français prisonniers d'un pays en proie à une
rébellion armée », explique la Marine nationale ».
Le Tonnerre est parti de Brest le 26 mars 2012
pour le golf de Guinée et la mission Corymbe. Traditionnellement, c'est
un navire amphibie qui sert pour cette mission, sauf exception, comme
pendant l'opération Harmattan où c'est la frégate La Fayette qui a relevé le TCD Foudre
(qui a été vendu au Chili depuis). La mission Corymbe permet de
coopérer pleinement avec les différents pays de la région avec un navire
qui permet d'avoir aussi bien des capacités opérationnelles que
diplomatique.
La mission Corymbe du BPC s'est achevée par des
exercices avec la Marine Royale Marocaine. La coopération avec la marine
marocaine est très soutenue puisque le GAn (Groupe Aéronaval) s'est
également entraîné avec elle.
Le Dixmude qui a été livré à la Marine nationale 12 janvier 2012 ne démérite pas non plus. C'est depuis le 5 mars 2012
(sans que la mission Jeanne d'Arc parte depuis Brest, même si son
retour se fera en Bretagne) que le navire mène la mission Jeanne d'Arc
avec aussi bien avec les officiers-élèves de la Marine qu'un groupe
tactique et aéromobile de l'Armée de Terre. Cette campagne d'application
à la mer nouvelle formule doit durer cinq mois -à moins que des
évènements racourcissent encore une fois sa durée, comme en 2011 avec
l'opération Harmattan.
Cette mission Jeanne d'Arc a oeuvré au service de l'opération Atalanta du 23 mars au 16 mai 2012 (environ), date à laquelle où la frégate Georges Leygues et le Dixmude ont relaché en Afrique du sud (du 16 au 21 mai).
Après le passage du Cap et l'escale sud-africaine, le Dixmude est allé s'entraîner avec la marine brésilienne du 5 au 11 juin.
Ces six jours d'exercices permettaient aux deux marines de menaient des
manoeuvres navales puisque les deux navires français oeuvraient avec
deux frégates anti-sous-marines (Niteroi et Greenhalgh) et un
pétrolier-ravitailleur (Alm Gastao Motta) brésiliens. Ces manoeuvres
entre navires se sont doublées de manoeuvres aériennes entre les
hélicoptères des différents bâtiments. Les voilures tournantes se sont
qualifiées à l'appontage dans la marine hôte et vice-versa.Le Dixmude
servait de navire de commandement grâce à un état-major embarqué
franco-brésilien, ce qui a été utile pour coordonner les cinq navires
franco-brésiliens, et ce qui allait être très utile pour les manoeuvres
aéroamphibies. Il s'agissait d'une sorte de reproduction de l'exercice
de débarquement de provence du Mistral qui se déroulait à peu près au
même moment, mais à l'échelle de la coopération franco-brésilienne, ce
qui complique forcément les choses.
De plus, « le 2 juillet 2012,
à l’issue de la relâche opérationnelle du Dixmude à Abidjan, des
manœuvres maritime et aéroterrestre ont été menées avec une très forte
participation des détachements embarqués. Le Dixmude et ses détachements
embarqués de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) et de la
flottille amphibie (FLOPHIB) ont réalisé un entraînement conjoint avec
les troupes et véhicules français de la force Licorne et les Forces
Républicaines de Côte d’Ivoire ».
La
coopération avec les marines alliés a été, notamment, au coeur des
programmes opérationnels des BPC. Ces activités permettent de montrer
que notre marine peut intervenir conjointement avec d'autres marines car
cela a été pratiqué par l'exercice et par échanges croisés de
qualifications. Il y a aussi bien les pilotes d'hélicoptères français et
brésiliens qui se qualifient chez la marine de l'autre, mais il y eu
aussi les nombreux appontages de voilures tournantes américaines (Sea Stallion et Black Hawk). Sans oublier les nombreux embarquements d'engins de débarquement américains sur coussin d'air dans nos BPC.
L'interopérabilité n'est pas un vain mot quand il faut intervenir dans
le cadre de l'opération Harmattan avec d'autres marines, par exemple.
Les manoeuvres aéronavales et aéroamphibies franco-anglaises qui étaient au coeur des opérations Harmattan et Unifed Protector
ont été voulues par les traités de Londres du 2 novembre 2010. Pour
transposer ce qui avait été signé entre les deux pays, il y avait eu l'exercice franco-britannique Flandres 2011
qui s'était déroulé du 22 au 29 juin. Le but était de poser les jalons
de la création d'une force expéditionnaire commune. Si les deux Royales
ont l'habitude de travailler ensemble, il n'en allait pas de même pour
les deux armées de terre. La prochaine étape sera-t-elle une sorte
d'exercice Bold Alligator euro-otanien avec au coeur du
dispositif Londres et Paris ? C'est en tous les cas souhaitable, et
c'est le moins que l'on puisse faire quand l'on souhaite l'Europe de la
Défense, l'OTAN ou les deux à fois.
Avec
la remontée en puissance du porte-avions Charles de Gaulle en
Méditerranée, et les très nombreux exercices menés par les BPC, il y a
de quoi apprécier le grand professionalisme dont fait preuve les hommes
et femmes de la Marine nationale pour préserver les savoir-faires acquis
lors des opérations. De la simple mise en oeuvre simultanée des
chalands et des hélicoptères depuis le pont d'un BPC jusqu'à la conduite
d'une opération aussi complexe que Harmattan pendant le conflit libyen,
tout est fait pour garder ces savoir-faires. Ils sont même remis au
goût du jour avec l'exercice Bold Alligator qui a du tenir
grandement compte ce qui s'est passé en Libye où la Marine nationale
avait une place de choix. Cela a très certainement du intéresser au plus
point l'US Navy et 'l'US Marines Corps. Si les forces
armées américains précitées ont toutes deux participé au conflit
libyen, c'était plutôt en ce qui concerne le soutien des opérations
offensives et la logistique : une fois n'est pas coutume, ce sont les
alliés de l'OTAN qui ont eu la primeur des opérations offensives, alors
que c'était la primeur historique des Etats-Unis.
Mais les
état-majors des armées a aussi fait en sorte que le capital d'expérience
se diffuse au sein de toutes les unités des armées françaises appelées à
intervenir dans le cadre d'opérations littorales (avec la participation
des différents régiments et brigades lors des différents excices
amphibies).
Enfin, il est appréciable que les BPC aient pu profiter
des exercices avec les marines alliés pour exercer ce capital
d'expériences avec d'autres et le conserver.
Si
en 2006 la Marine nationale savait toujours mener des opérations
aéronavales, aéroamphibies, et notamment d'évacuation massive de
ressortissants, il faut bien relever que depuis six ans, la Marine a
démontré qu'elle avait grandement élevé ces arts opérationnels à un
niveau d'excellence enviable de part le monde. Les différentes
évolutions qui touché l'arc de crise incitent à maintenir ces capacités à
un haut niveau d'excellence, certes. Mais la mise en oeuvre de ces
capacités, justement, ne s'invente pas du jour au lendemain. Le fait
qu'il soit possible de mener ces opérations, c'est constater que les
matériels et les ont été savamment conçus et développés depuis une
trentaine d'années. Le classe de porte-avions Charles de Gaulle, le
Rafale, les BPC, les actuelles et futures voilures tournantes, tout
comme les chalands de débarquement sont des bons matériels qui servent
bien aux missions qui sont demandées par le pouvoir politique aux
armées.
A
l'heure actuelle, la crise syrienne semble s'être développée
suffisamment pour que la presse se fasse l'écho d'une possible
préparation de la communauté internationale à une évacuation générale
des ressortissants étrangers de Syrie. Bruxelles 2
répercute l'hypothèse de 200 000 personnes à évacuer. Le scénario ne
serait pas le même que pendant le conflit israélo-libanais de 2006. Il y
a deux grandes raisons à cela :
- la
première, c'est bien entendu le volume de civils à sortir de Syrie.
Chypre servirait encore une fois de base-relais, et heureusement, vu le
chiffre potentiel de personnes à évacuer.
- Mais surtout, la crise
prolongée fait que la Syrie pourrait interpréter des mouvements navals
au large de ses côtes comme une agression, la préparation d'une
agression ou des choses suffisamment inquiétantes pour agir.
Il
y a des rumeurs persistantes (depuis une année ou presque) sur le
débarquement de fusiliers-marins russes dans le port de Tartous pour
participer à une évacuation des citoyens russes. Il semblerait
qu'actuellement il y ait une concentration de vaisseaux russes à
destination de la Méditerranée orientale. Tout comme il y a cet incident
du RF-4E Turc abattu par la défense aérienne syrienne dans des
conditions qui demeurent troubles. Abou Djaffar semble dire que cela
pourrait être le signe de la nervosité des forces armées syriennes.
A
l'heure actuelle, les Mistral, Tonnerre et Dixmude sont prêts, leurs
équipages sont rompus à toutes ces manoeuvres. Le Groupe Aéronaval
remonte en puissance et doit être plus ou moins opérationnel à l'heure
actuelle. Si le potentiel aéronaval est moindre qu'avant le conflit de
Libye, du fait que les forces et les stocks de pièces de rechange et de
muntions n'ont pas pu entièrement se reconstituer, il faut relever que
le potentiel amphibie est le triple de celui mise en oeuvre au Liban
lors de l'opération Baliste.
De
2006 à 2012, la Marine nationale, parfois avec les alliés de la France,
a démontré la maîtrise de capacités opérationnelles qui sont
nécessaires pour agir dans l'arc de crises définit par le Livre blanc
sur la Défense et la sécurité nationale de 2008. Les équipages armant
les navires de la Marine qui constitue aussi bien le groupe aéronaval
que le groupe amphibie ont montré qu'ils étaient aptes à mener les
missions nécessaires pour entrer en premier sur un théâtre (Harmattan,
2011) pour combattre des forces armées ennemies, évacuer massivement des
ressortissants (Baliste 2006) ou encore mettre en oeuvre une capacité
de durer à la mer au service du règlement d'une crise (Côte d'Ivoire,
Harmattan, 2011).
Pour pouvoir mener de telles missions, il faut
autant être capabler de mettre en oeuvre les deux groupes, aéronaval et
amphibie, séparément (Baliste, par exemple) que conjointement
(Harmattan). Il faut aussi être capable de regénérer les forces mises en
oeuvre pour qu'elles puissent encore et toujours répondre aux demandes
du politique pour gérer une crise (et cela suppose un minimum de
financement pour réparer les matériels et reconstituer les stocks de
munitions).
C'est
pendant ces six années que les forces armées françaises, et surtout la
Marine nationale, ont pu montrer leurs capacités à répondre aux demandes
du politique, à remplir le contrat opérationnel du Livre blanc de 2008
et à le faire "régulièrement". Par exemple, quand le Tonnerre revient à
Toulon après avoir été au coeur du règlement de la crise ivoirienne, ce
n'est que pour repartir quelques semaines plus tard pour l'opération
Harmattan. La Marine a pu fournir les moyens en hommes et en navires
pour être présent dans les crises où la France entendait participer à
leur résolution. Cela a été possible sans trop perturber les autres
missions qui sont dévolues à la Marine. Par exemple, la mission Jeanne
d'Arc a été menée pendant l'opération Harmattan par le Mistral. Mais
elle a du être écourtée de deux semaines. Si cela peut paraître
négligeable, cela l'était moins d'apprendre que le nombre de sous-marine
nucléaire d'attaque est trop faible pour et protéger la dissuasion et
protéger les groupes aéronaval et amphibie réunis. Il manque toujours un
second porte-avions pour intervenir d'une crise à l'autre dans une
période où il faut juguler une série de crises locales dans l'arc de
crise. Aujourd'hui il est heureux que le porte-avions soit disponible
quand il le faut : c'est une chance, et cela tient en partie du hasard.
Demain il en sera peut être tout autre, et il ne faudra pas rater le
remplacement des bâtiments de commandement et de ravitaillement, celui
des chasseurs de mines, et l'arrivée d'un quatrième BPC car il semble
difficile de se passer des services de ce genre de navire.