09 août 2013

"Puget et la Marine - Utopie ou modèle ?" de Jean Peter

http://2.bp.blogspot.com/_WbbcTdk89xo/TOjj8Zdil8I/AAAAAAAABaQ/tTG5uo2YiPQ/s400/Pierre%2BPuget%2B-%2BAutoportrait%2B%25281668%2529.jpg
© Musée Granet, Aix-en-Provence. Pierre Puget, Autoportrait, huile sur toile, 1668.

L'ouvrage, Puget et la Marine - Utopie ou modèle ? (éditions Economica, 54 pages, 68F), de Jean Peter peut attirer tout ceux qui se passionnent sur le rapport entre le "Beau" et les vaisseaux de guerre.
Ce n'est pas un sujet nouveau pour ce blog. Il a été tenté de questionner quels sont les ressorts de l'esthétique de la puissance sur mer. A titre de rappel, il y avait eu cette présentation de la modélisation numérique d'un 74 canons.
Rien de plus éclairant que ce petit livre qui retrace la carrière d'un grand artiste au service de l'esthétisme dans la Marine. Il était ingénieur, architecte, urbaniste, dessinateur, peintre, décorateur, marinistemais aussi concepteur d'arsenal. Puget passa trois fois par la ville de Toulon : de 1643 à 1647, puis de 1655 à 1660 pour des travaux dans la ville. Mais l'artiste a surtout œuvré de 1668 à 1679 ou 1680.

Le livre se décompose donc autour des trois grands domaines dans lesquels l'artiste travailla la matière navale :
  • Puget, décorateur de vaisseaux,
  • Puget, concepteur d'arsenal,
  • Utopies ou modèles d'arsenal ?
Il fut donc un décorateur de vaisseaux. Jean Peter s'attache à nous décrire son travail, à des degrés divers, sur des vaisseaux comme le Dauphin-Royal, un des Royal-Louis, le Monarque, l'Ile de France ou encore le Paris. L'artiste, aux multiples talents, réalise de grandes oeuvres d'art puisque "la gloire du Roi consiste en ce point à surpasser toutes les autres nations qui se sont le plus appliquées à la Marine" (page 7).

Son œuvre sera contrariée puisque Puget officie alors que Colbert réduit les dépenses dans l'onrnement des vaisseaux (moins d'ornements, et plus de vaisseaux à cette époque). L'auteur nous raconte la lutte entre l'artiste, qui veux atteindre le Beau, et Colbert, qui veut des vaisseaux aux belles qualités guerrières et nautiques. Le Beau à atteindre n'est plus le même. Dès lors, ce sera un long chemin de croix pour ces scultures, entre autres ordres de réductions des ornements, celui donné par Colbert en 1669 pour réduire les ornements sur les vaisseaux de 50 canons jusqu'à la disparition des figures de proue, ultime héritage de la décoration navale au début du XXe siècle.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e6/Pierre_Puget_-_Great_Vessel_of_War_-_WGA18476.jpg/800px-Pierre_Puget_-_Great_Vessel_of_War_-_WGA18476.jpg
© Wikipédia. Tableau de Pierre Puget.

Aujourd'hui, une assemblée de missiles sur un pont, non-ensilotée, fait office d'esthétique de la puissance navale (et cela impressionne fort bien). A regarder certains navires (comme les frégates F100 espagnoles : à tout hasard, vraiment), on dirait que la représentation de l'Etat sur mer a disparu face à une représentation de systèmes d'armes et de budgets. S'il n'y a pas un seul Beau, est-ce une raison suffisante pour ne pas tenter d'en atteindre un seul ?

Puget comme concepteur d'arsenal avait déjà été traité dans un autre ouvrage de Jean peter, Vauban et Toulon.  Mais il aurait été bien dommage d'écarter ce passage du livre consacré à l'artiste et ses travaux pour la Marine.

Il a présenté des projets pour Marseille, mais surtout pour Toulon. Pour cette dernière ville, il y a eu plusieurs projets tant à l'Ouest qu'à l'Est de la ville ou sur la mer de 1669 à 1671. Ils se distinguent les uns des autres, outre par leur implantation géographique, par leurs capacités à accueillir dans une darse "x" vaisseaux (de 9 à 20) et à pouvoir les construire, puis les entretenir.  C'est-à-dire que le nombre de navires dimensionnent directement la taille des darses et des magasins pour armer et désarmer.

L'esthétique semble primer dans les projets du Puget, ce qui est dans la droite ligne de ses travaux précédents. Ainsi, à l'instar de la décoration des vaisseaux, il ne cherche pas à atteindre le "beau fonctionnel" : c'est-à-dire un arsenal suffisamment bien conçu pour construire et entretenir une flotte. Jean Peter explique ainsi que ce sont plutôt les règles géométriques qui régissaient les projets d'arsenal de Puget plutôt que la finalité de ceux-ci : la Flotte.

http://www.netmarine.net/forces/operatio/toulon/photo08m.jpg
© Net-Marine.

Les projets de Puget relèvent très certainement d'une utopie et l'on pourrait presque s'arrêter là. A quoi bon la décoration navale alors qu'aucun auteur de tactique ou de stratégie navale ne semble s'être intéressé (jusqu'à très récemment) à la diplomatie navale et à l'impact de l'esthétique des vaisseaux sur mer ? Néanmoins, les projets d'arsenal pointent la recherche esthétique de l'artiste. C'est un truisme de le dire. Mais il s'en dégage une recherche de la Grandeur. Là où les arsenaux de Venise ou d'Amsterdam étaient grands pour leur efficacité commerciale, Puget, comme d'autres alors en France, cherche à bâtir la Grandeur, presque à partir de rien.

Il serait ruineux de fixer de nouveaux caps à la politique navale française par une recherche de la Grandeur. Mais il ne serait pas non plus inintéressant de regarder les arsenaux et "les nouveaux arsenaux" d'aujourd'huir pour constater que la recherche esthétique a quelque peu disparu. Il ne serait pas ruineux de rechercher à atteindre le Beau ou des beaux. Au contraire, apès avoir cherché à atteindre l'esthétique de l'Art pendant le Grand siècle, il serait peut être temps de chercher à atteindre l'esthétique fonctionnel.

Comment est-ce que la recherche d'un "Beau" impacterait la construction d'un vaisseau ? Qu'est-ce que serait un "bel arsenal" aujourd'hui ?

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