16 décembre 2013

War has changed

 
   © Konami. KOJIMA Hideo, Metal Gear Solid 4 : Guns of Patriot. 
 
L'auteur de la saga vidéoludique Metal Gear Solid offre un paradigme radical et tranché dans l'introduction du quatrième volet de la série (Metal Gear Solid 4 : Guns of Patriot, 2008) : la Guerre a changé.

En arrière-plan, vous avez l'occasion d'observer une matérialisation de la mise en oeuvre des SMP (Sociétés Militaires Privées) dans des opérations de maintien de la paix (alors que les armées nationales se réduisent à des gardes républicaines dans la fiction). Tout comme vous avez une modélisation de technologies de pointe dans les combats (le contrôle des armes par puces, les textiles intelligents les nanomachines, la robotisation, etc...).
 
Hideo Kojima nous propose comme lecture du monde actuelle que l'ère de la dissuasion est désormais celle du contrôle (du champ de bataille, de l'information, des combattants, etc...) afin de prévenir la prolifération.
 
La Guerre ne se mène plus au nom des nations, des idéologies ou des ethnies. Il s'agit d'une série de batailles sans fin par procuration impliquant mercenaires et machines.
 
Serions-nous sur la route qui mène à la fin du monde clausewitzien, ou justement, irions-nous à sa réalisation la plus totale ?
 
Dans une certaine mesure, nous retrouvons la critique de Clausewitz et de Fitche contre l'exhaltation de la mort et le nécessaire sacrifice du soldat, individu parmi tant d'autres dans l'ère de la levée en masse des armées. Ils allaient à l'encontre de la pensée d'Hegel, par exemple.

Les SMP, par exemple, et pas seulement, réintroduisent la "valeur marchande" de la vie humaine, facteur de modération dans la guerre. A contrario des armées construites sur la levée en masse des citoyens où le sublime du sacrifice donne peut de valeur à la vie.
Paradoxe, dans l'oeuvre d'Hideo Kojima, il y a bien une modération dans les pertes de combattants des SMP, ce qui n'est pas le cas de ceux qui font l'objet des opérations de maintien de la paix.
 
Néanmoins, il y aurait cette banalisation de la guerre. Les batailles se produiraient autant de fois que nécessaire pour assurer les intérêts des commanditaires des ces contrats. Nous retrouvons la trinité de Clausewitz : le Politique commande ces opérations, le militaire (bien que privé) les conçoit et l'opinion publique s'en détache car ce ne sont plus les Armées qui interviennent. Ces opérations ne font que poursuivre la politique édictée par ceux qui les commandent.
 
L'objectif de De la Guerre est d'éviter, par ses leçons, l'exaltation de la mort, très présente dans l'oeuvre hégélienne. Comme Fitche, l'auteur prussien pressent les dérives qui amèneront au combat pour le combat un siècle plus tard. Après le temps de guerre doit venir le temps de paix pour s'occuper de ses affaires privées nous dit Clausewitz dans Von Kriege. Avec un monde de SMP où les "guerres" s'enchaînent pour vaincre les résistances à la mise en oeuvre de la politique de l'Etat, sortons-nous du modèle du prussien ?
 
Hideo Kojima matérialise peut être un monde où l'aboutissement de la pensée clausewitzienne est la plus totale : la dissuasion préserve de la guerre inter-étatique par la sanctuarisation de la défensive.
La guerre contre des entités et des groupes infra-étatiques sont menées au nom des intérêts matériels des Etats. L'ascencion aux extrêmes ne se produit plus puisque la guerre n'est ni totale ni absolue.
L'opinion publique ne déchaîne plus sa passion car ce ne sont plus des nationaux mais des privés qui interviennent. Les morts peuvent être nombreux lors des opérations de maintien de la paix mais ils ne sont que les victimes d'accident, avant toute chose. Et l'opinion publique ne se mobilise pas pour des accidents.
Le politique commande les opérations au besoin de l'économie et des finances. La trinité est apaisée.
 
La guerre a changé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire