30 octobre 2014

"La Marine nationale en Afrique depuis les indépendances - 50 ans de diplomatie navale dans le Golfe de Guinée" de M. Le Hunsec

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C'est un ouvrage discret qui a croisé ma route et pourtant il traite d'un sujet si fondamental, hier comme aujourd'hui, il aborde tant de points importants, qu'il est très surprenant de ne pas le croiser plus souvent. 



 

L'enseigne de vaisseau Le Hunsec vient nous parler de diplomatie navale, c'est-à-dire l'utilisation politique de la Flotte dans une stratégie d'influence. Non seulement il fait cela mais en plus il s'intéresse au Golfe de Guinée depuis 50 ans (le cadre géographique de l'ouvrage s'inscrit du Sénégal à l'Angola). Et à partir de là, il avait évoqué la présence navale française dans cette façade de l'Atlantique Sud qui "comme la souligné Hervé Coutau-Bégarie [Géostratégie de l'Atlantique Sud], cet espace est peu étudié : l'Atlantique nord, la Méditerranée, l'océan Indien et le Pacifique monopolisent toute l'attention et la réflexion, tandis que le cinquième théâtre, l'Atlantique sud, est négligé". L'éloigement des centres de puissance de l'hémisphère nord explique cette hiérarchie" (p. 16).

 

Dès lors, l'auteur nous relate pourquoi et comment l'Atlantique Sud est une zone de premier ordre ou non. Avant l'ouverture du canal de Suez, c'est une zone importante car il s'agit d'une artère maritime majeure entre l'Océan Indien et la zone euratlantique. Cependant que l'ouverture du canal de Suez en 1869 fait perdre tout intérêt à la route et ses positions clefs (de Dakkar à St Hélène). "Le Cap cesse d'être le "promontoire du monde" comme l'appelait le géographe et géopoliticien Halford J. Mackinder." (p. 16). Mais la fermeture temporaire du canal de Suez (1967-1974) du fait de la guerre des Six jours puis l'impossibilité pour certains navires, du fait de leur gabarit, de l'emprunter, réorientent les priorités sur une route qui demeure stratégique, la présence croissante de l'URSS dans les parages de l'Afrique centrale le confirmant pendant la Guerre froide. Et au passage, quel exemple concret de l'importance d'un flux maritime mondial qui peut se restructurer complètement et bouleverser la projection des forces.

 

En ce qui concerne la France, nous retrouvons une situation où s'entremêle plusieurs époques, de la colonisation à la décolonisation en passant par le conflit Est-Ouet. L'auteur nous relate ainsi le passage de la première à la seconde tout comme la présence française dans le cadre de la Guerre froide en Afrique et en particulier dans le Golfe de Guinée.

 

Ainsi, la diplomatie navale est l'instrument majeur de la France dans le Golfe de Guinée car la géogaphie y invite : les Etats côtiers y possèdent de larges façades maritimes et les populations se concentrer sur le littoral. Dès lors, montrer le pavillon et entretenir les alliances sont le creuset de la diplomatie navale rançaise.

 

Nous prenons plaisir à voir l'importance capitale de Dakkar comme point d'appui de la Flotte. "Le projet de création d'un point d'appui de la flotte et d'un arsenal maritime date de 1884-1885. il résulte du contexte de rivalité anglo-française qui culmine lors de la crise de Fachoda en 1898." (p. 43). L'EV Le Hunsec nous raconte depuis l'histoire de Dakkar dans le dispositif des bases avancées françaises qui aura autant d'importance stratégique que Brest, Toulon et Mers El-Kébir au sortir de la seconde guerre mondiale. Mais dès les années 70, c'est un point d'appui hautement contesté dans le cadre entremêlé de la décolonisation et du conflit Est-Ouest. Lors de la révision de ce dispositif sous les présidences Sarkozy et Hollande, le débat demeure !

 

Malgré cela, le dispositif naval français dans la zone considérée s'articule historiquement autour de trois grands déploiement navals : Sargasses, Okoumé et Corymbe. Si la première s'inscrit dans le contexte de la décolonisation, la seconde l'est dans celui de la manifestation du conflit Est-Ouest en Afrique quand la dernière émerge avec la terminaison du conflit Est-Ouest. "Marquant une profonde rupture avec les missions de l'ère précédente, les Corymbe constituent une réponse à une situation de crise. Auparavant, les missions Sargasses ou Okoumé n'étaient pas conjoncturelles. Les premières étaient entreprises en dehors de tout cade opérationnel, les secondes destinées à maintenir un niveau opérationnel élevé face à la menace soviétique mais sans réels buts d'intervention. L'objectif et les déploiements réalisés dans le cadre géopolitique né de la fin de la Guerre froide est toujours de marquer une présence mais désormais avec le souci d'intervenir." (p. 193)

 

Pour finir et inviter le lecteur intéressé à se plonger dans l'ouvrage, il peut être intéressant de citer le Vice-Amiral Magne qui en rédige la préface : "Appuyé sur un travail de recherche exemplaire, exploitant au mieux les possibilités actuelles d'accès aux archives, y compris celles de périodes récentes, cette enquête sur la présence navale française dans le golfe de Guinée s'est révélée passionnante. L'immersion dans les expériences, les réflexions et les conclucions de tant d'officiers de marine, dont certains me sont connus, m'a en effet permis de vérifier de façon concrète la cohérence de la pensée développée au sein de la Marine nationale au fil des générations. [...] La question préoccupante et récurrente de la sécurité des pays de la façade ouest de l'Afrique est au coeur de mes préoccupations quotidiennes de sous-chef d'état-major chargé des opérations à l'état-major de la marine. Elle n'a pas fondamentalement changé en cinquante ans. On retrouve, en lisant cet ouvrage, les mêmes préoccupations, les mêmes incertitudes, les mêmes réalités et les mêmes tendances qu'aujourd'hui. On y découvre aussi certains signes annonciateurs des crises actuelles." (p. 5)

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