18 décembre 2014

Radar à bulles – 4 : « The Dark Knight Returns » (Miller, Janson et Varley)



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Impossible. Parfaitement impossible. Quoi, proposer une petite chronique sans prétention aucune sur les BDs et faire cette impasse ? Non, il était impossible de ne pas faire quelque chose pour le 75e anniversaire du chevalier noir ! Oui, Batman est plus vieux que la plupart d'entre nous, a connu la guerre contre le Japon, le conflit Est-Ouest tandis que Bruce Waynes sauvegardait sa fortune au gré de toutes les crises financières ! 




Plutôt que de vous proposer quelques commentaires de lecture sur la republication du premier numéro de ce monument (le Detective comics n°27 de mai 1939), c'est celui de Frank Miller qui a pu m'intéresser. D'une part, il parvient à remettre sur le devant des bacs le chevalier masqué, d'autre part il lui offre quelques aspects plus politiques que dans d'autres séries.


Famille qui vit à Gotham, une ville évoquant New York dans quasiment toutes les aventures de Batman. A la remarque près qu'il y a autant de soleil à Gotham qu'un mois de juillet à Brest. La ville est rongée par la corruption, rendant plus politique la démarche des Waynes. Ils mettent leur fortune au service de moyens pour contourner les structures socio-politiques corrompues et d'aider à leur redressement.
Remarquons aussi qu'il n'est jamais aisé de dire dans quelle année nous sommes à Gotham, c'est surtout le rapport du lecteur aux technologies employées ou aux manifestations de la vie internationale qui nous donnent quelques indices.

Après avoir décrit le rôle de cette famille, donc de cet acteur privé, dans la ville de Gotham, venons en à Batman. Vous connaissez très certainement le cheminement qui conduit le jeune orphelin à devenir un justifier (celui présenté par Christopher Nolan est assez plaisant). Mais n'est-ce pas assez original que notre héros, traumatisé par la mort de ses parents, refusent (dans 99% des fictions écrites sur Batman) de tuer ? C'est un décalage intéressant avec d'autres pratiques.
Ce qui demeure cohérent avec le reste, c'est que le justicier, lui aussi acteur privé, dispose de deux armes assez originales :

D'une part, il s'agit de sa fortune qui une des sources de son indépendance et lui offre les meilleurs technologies. Comment ferait Batman sans l'ordinateur de sa batcave ? Nous parlons d'un citoyen d'une ville américaine qui a une installation informatique qui stocke toutes les bases de données politico-juridico-économiques (du Big data?) et de divers dispositifs qui lui permettent d'espionner les réseaux de communications municipaux. Rien que cela. Justement, il s'agit de l'un des très rares super héros ne disposant pas de "super pouvoirs". A travers sa fortune, Batman est surtout aidé de toute une série de prothèses technologiques qui lui permettent de lutter à armes égales avec des organisations criminelles.

De l'autre, oui, c'est un détective qui s'affranchit des lois pour mener l'enquête. Mais toutes ces violations ont une fin puisqu'ils cherchent à livrer à la police et à la justice les criminels de la ville. Il a une éthique constante, un emploi de la force très mesuré ce qui fonde sa légitimité aux yeux d'une partie des habitants de la ville.

Toutefois, Batman n'est-il pas l'incarnation d'une sorte de service secret privé au service de l'Etat ? Bruce Waynes est un citoyen dont toute la fortune et les actions servent à corriger les inégalités sociales et à lutter contre les conséquences du manque de souveraineté interne de l'Etat dans l'application des lois. Un citoyen qui vient réparer le système en s'aidant en partie de technologies qui peuvent servir son action de justicier ou rendre meilleure la société. Peut être même que Batman est le symbole d'une volonté de s'affranchir d'un Etat trop absolu dangereux pour les libertés individuelles et par nature corrompue.

Frank Miller (auteur des scenarii de 300, Sin City, etc...) est accompagné de Klaus Janson et Lynn Varley pour nous offrir ce comic. Point question de révéler toute l'intrique. Mais certaines choses (qui lèveront un peu la cape, malheureusement) permettent de poursuivre le propos ci-dessus.

©  DC Comic - The Dark Knight Returns.

La batmobile, actrice à part entière de toute aventure de Batman, est ici extrêmement originale : un VCI (Véhicule de Combat d'Infanterie) qui pourrait démolir un VBCI en virant trop sec sur la route. Engin qui incarne à la perfection toute l'intrigue de ce comic paru en quatre tomes.

Le comic est très sombre et voit un Bruce Waynes (un colosse qui dépasse tout être humain normalement constitué d'une bonne tête) reprendre du service dix après avoir raccroché. Il devra s'opposer à un groupe criminelle qui a des prétentions politiques sur la direction de Gotham. Ce qui amènera Batman à aller plus loin dans son rôle d'acteur privé au service de la pacification.
Citons simplement qu'un épisode oppose Etats-Unis et URSS sur l'île de Corto Maltese.

Ce comic est l'un des plus sombres par son intrigue. Le degré de couleur, et donc de lumière, des dessins permet de rehausser le ton. Toutefois, il se distingue d'autres productions beaucoup plus colorées sans tomber dans le noir et blanc le plus épuré.

Enfin, notons que le comic a été adapté en un film en deux parties qui respecte assez fidèlement ce que nous pouvons lire. Vous trouverez peut être certaines similitudes entre ce comic, son adaptation et la trilogie de Christopher Nolan qui s'en est grandement inspiré !

Cela invite à imaginer en quoi le prochain film pourrait puiser son inspiration dans The Dark Knight Return, dans la mesure où les matériaux sont présents pour offrir une suite logique...

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