L'Inde envoyait "en urgence" une demande d'informations (RFI), il y a une semaine, à Lockeed Martin, BAE et DCNS qui devaient y répondre hier. Cet empressement est à relever eu égard au tempo des programmes d'armement indiens. D'autres commentent cette nouvelle étape pour l'acquisition d'un troisième porte-avions/aéronefs en Inde. Proposons modestement un commentaire rapide sur le sort du premier projet franco-indien pour la construction d'un à deux porte-aéronefs en Inde.
Pendant la décennie 1980, Hervé Coutau-Bégarie (Le problème du porte-avions, 1990, Economica) narre la volonté de la marine indienne de renouveler ses deux porte-aéronefs vieillissants :
- le Vikrant (1957 - 1997) est l'ex-Hercules britannique (classe Majestic), 213 mètres pour 19 500 tonnes et 17 aéronefs ;
- le Viraat (1988 - 2016) est l'ex-Hermès britannique (classe Centaure), 226 mètres pour 28 700 tonnes et 30 aéronef.
Le premier navire servit beaucoup à la marine indienne, notamment pour l'invasion de Goa (Opération Vijay - 18 et 19 décembre 1961) alors sous souveraineté portugaise. L'épisode comprend deux batailles navales. La deuxième utilisation majeure était la troisième guerre indo-pakistanaise (3 - 16 décembre 1971) qui vit la marine pakistanaise opposer son seul sous-marin disponible pour tenter de couler le porte-avions indien.
Au regard de l'intérêt opérationnel de ce type de plateformes au regard de la politique étrangère de l'Inde et de sa défense nationale, la marine indienne souhaite renouveler ses capacités aéronavales. Et ce, à travers deux objectifs. Le premier est la préservation de la permanence aéronavale, ce qui revient à maintenir une unité en état de disponibilité. C'est peu ou prou la même acception que la définition française (qui n'est pas une unité à la mer en permanence, comme pour la dissuasion). Le deuxième objectif est plus géographique car il vise la mise en œuvre d'un pont plat par flotte (une par façade maritime).
Pour répondre aux besoins exprimées par sa marine, New Delhi envisage la construction dans ses propres chantiers de deux porte-aéronefs de 20 à 30 000 tonnes (p. 49). Le premier pourrait entrer en service en 1997 tandis que le deuxième rejoindrait la flotte cinq années plus tard.
Il s'agit ici de l'hypothèse minimale telle que définie par l'INS car, en 1985, le premier ministre Rajiv Gandhi fait état de la volonté de la marine de disposer de cinq porte-avions. Ce que nous pourrions traduire par la capacité à maintenir un groupe aéronaval sur chaque façade maritime indienne comprenant un porte-avions en permanence à la mer grâce au volant constitué par la cinquième unité.
Un accord technique est signé avec la France le 31 janvier 1988 à la veille d'une visite du Président Mitterrand en Inde. Toutefois, le pays conserve des contacts avec des chantiers américains et britanniques (p. 49). Tout en ne se tournant pas vers l'Union soviétique, le partenaire structurant en matière d'armement, car l'expérience aéronavale embarquée de la flotte rouge étant alors assez limitée aux voilures tournantes et aux premiers croiseurs porte-aéronefs.
DCN proposait deux options à l'Inde soit un porte-aéronefs (formule STOBAR), soit un porte-avions (CATOBAR). N'étant pas envisagé d'acheter ou de produire sur place des catapultes américaines, à l'instar de la France pour celles des Clemenceau et Foch, la première option est retenue. Nous pouvons affirmer sans trop nous tromper que le navire STOBAR proposait par DCNS devait dériver du PH75. Néanmoins, les besoins indiens semblent tirer vers le haut le dessin français (une unité d'environ 20 000 tonnes). Probablement pour envisager l'embarquement de chasseurs soviétiques comme le Mig-29 navalisé, bien moins onéreux que l'Avion de Combat Marine (le futur Rafale M) qui était - déjà ! - proposé à l'Inde dès cet accord de 1988.
Comme beaucoup de programmes d'armements indiens en général, et en particulier comme l'un des projets ayant vocation à développer les capacités industrielles du pays, l'affaire traîna en longueur. Le manque de constance budgétaire et/ou la dispersion des efforts entre toutes les exigences de l'ambition et de la géographie de l'Inde en est probablement la cause.
Ce premier partenariat visant à construire en Inde un porte-aéronefs est clôt par la signature d'un contrat entre l'Inde et l'entreprise italienne Fincantieri en août 2004. Ce contrat italien ne sera pas le seul puisque Rome gagnera aussi celui des navires logistiques de la marine indienne.
Les bureaux d'études français, paraît-il, trop occupés par la jonction du deuxième porte-avions (PA2) au programme anglais CVF, ne purent répondre aux demandes indiennes. Une perte nette qui pourrait rejoindre le passif de l'hésitation de Paris à refuser d'acquérir un outil aéronaval complet depuis 1988, outil qui a fait plus que ses preuves avec les Clemenceau et Foch.
Bonjour,
RépondreSupprimerC'est nous qui avons posé la question IAC-2 directement à Mr Guillou hier... voir sa réponse amusée (en bas d'article):
http://www.navyrecognition.com/index.php?option=com_content&task=view&id=2932
La question de la permanence d'un groupe aéronaval en opération est intéressante. En effet, dans le cadre de la dissuasion par exemple, la volonté politique est de disposer en permanence d'un SNLE à la mer. Cela nécessite 4 batiment, car pendant que l'un est en patrouille, un deuxième et en entrainement, un troisième est en révision/reconditionnement, et un 4ème est en IPER. S'il est possible de n'avoir que 3 navires, cela ne laisse aucune place à l'improvisation, le 4ème navire étant indispensable pour parer à tout impondérable et permettre une certaine souplesse entre le SNLE qui rentre de mission et celui qui part.
RépondreSupprimerDans l'aéronaval, la volonté Indienne est plutôt d'avoir un groupe aéronaval en disponibilité permanente, c'est à dire capable de partir à tout moment en opération. De ce fait, il est possible de se contenter de 3 PA, l'un pouvant être en IPER, un autre pouvant être juste rentré de mission pendant qu'un troisième se prépare à partir s'entrainer ou combattre.
Il est bien dommage que la France est perdu toute ambition en ce domaine. En effet, avec un seul PA, il n'est pas possible d'avoir une permanence à la mer, celui-ci étant au mieux 30% du temps en mer. Or, les évolutions du monde montre qu'il est de plus en plus nécessaire de disposer d'une réserve opérationelle afin de partir à tout moment, et si possible durer loin de nos bases. Situation paradoxale alors que nous n'avons plus la capacité à renouveler l'exploit de la guerre en Lybie.
Il est pourtant évident que le PA rend de grands services. Un tel navire permet une grande souplesse d'emploi, et coûte finalement moins cher que le déploiment d'une base aérienne à l'étranger. Lorsqu'on se retrouve seul dans une opération de guerre, le PA montre toute son importance. Il devient donc indispensable de réflechir au développement de cette arme en fonction de notre stratégie, et se donner les moyens de concrétiser ce besoin.
Les opérations actuelles sont longues, la guerre contre l'EI le montre. Le problème est que celle-ci peut très vite dégénérer dans tout le moyen orient et nécessiter une intervention. Or, sans un plus grand nombre de navire, on ne pourra pas faire mieux que projeter 80% du temps un BPC (fragile car aux normes civiles) et 1-2 frégates (aux dépends des autres missions).
Il y a donc urgence à développer notre marine sous tous ses aspects afin de disposer d'une capacité permanente d'intervention avec un groupe aéronaval et un groupe amphibie, le tout couvert par une escadrille d'avions de patrouille maritime.
Vision utopique? Non, pas pour un pays qui a les moyens de donner gracieusement plus de 40Md€ en 4ans à un pays comme la Grèce et qui manque de projets pour relancer son activité. En effets, la production de 3 PAN ne couterait que 10Md€ sur 10ans. Si l'on inclu les couts de fonctionnement, d'entretien et de personelle, ce coût atteindrait 40Md€ sur plus de 30ans, soit moins de 350M€/ans. Quand au groupe aérien, celui-ci ne devrait pas dépasser 40Md€ sur 30ans.
Cet investissement indispensable pour notre défense et notre sécurité paraît lourd, mais n'est-il en réalité pas moins élevé que le fait de déployer en permanence des avions à l'étranger? En effet, lorsqu'on projette à l'étranger des avions, la base aérienne est bien souvent plus loin du théatre des opérations, il faut louer la base, acheminer tout le matériel nécessaire à la vie de l'aéroport, ... autant de coûts qui s'ajoutent.
RépondreSupprimerMon plan type de marine nationale?
- 3 PA capable de transporter jusqu'à 36-42 chasseurs, 5 Hawkeye/greyhound ou équivalents, 8 hélicopères
- 2 grands BPC avec un PC plus petit et capables d'accueillir 800-1200 soldats équipés et 24 hélicoptères
- 4 TCD avec un vrai radier
- 4 navires léger de débarquement de char, navires biens utiles pour débarquer rapidement des charges lourdes lorsqu'il n'y a pas d'infrastructures
- 6 frégates anti-aériennes de 5000t
- 12 frégates anti-sousmarines de 4500t
- 16-20 corvettes de 2500t pour l'escorte des navires, la surveillance maritime ou la guerre littorale
- 12-16 chasseurs de mines, dont une partie capable de faire de la haute mer et de ravitailler les chasseurs de mines léger
- 4 SNLE
- 8 SNA
- 6 sous marins diesels ou AIP
sans compter une vraie flotte de soutien qui fait cruellement défaut jusqu'à présent :
- 6 pétroliers-ravitailleurs (+3 pétroliers civils ponctuellement appellés?)
- 6 navire Ro-Ro (+6 navires civils ponctuellement appellés?) afin de transporter le matériel
- 3 navires de soutien permettant de ravitailler les navires en munitions, pièces de rechange, fret, ou de servir de navire atelier ou de navire de soutien à de petits navires et/ou sous-marin
Programme ambitieux? Peut-être, mais pas irréaliste puisqu'il n'est pas basé sur le multi-mission mais sur une spécialisation des navires avec des capacités de bases dans les autres domaines, et ne comprend pas plus de navire que nous en avion au tournant des années 80-90.
Dans tout ce que vous dites, il y a deux sujets. Le premier, sur l'acceptation du PA comme base aérienne mobile et comme dispositif moins coûteux que l'acquisition à titre temporaire et ou définitif, d'une base aérienne terrestre. A ce tire, je suis preneur si vous vous sentez le courage de comparer un dispositif terrestre à un déploiement du groupe aéronaval dans la durée.
RépondreSupprimerPour le deuxième sujet, pourquoi ne pas proposer un format naval eu égard à notre politique de défense et notre politique étrangère ? Ce qui supposerait d'expliquer vos choix budgétaires par rapport au budget général et aux autres armées. Auquel cas, je suis aussi preneur.
Oui, il y a bien 2 idées dans mon propos, mais malheureusement les commentaires sont limités en nombre de caractères
SupprimerEn réponse à Roland :
RépondreSupprimerCurieusement, après plusieurs années de réflexion, je suis arrivé il y a quelques mois à une conclusion très proche de votre programme.
Je vous recopie sommairement les conclusions auxquelles je suis parvenu, concernant le format :
- Deux P.-A. capables de transporter jusqu'à 36-42 Rafale, trois Hawkeye, six hélicoptères, soit des bâtiments d'environ 60.000 tonnes chacun ;
- Deux grands B.C.P. capables d'accueillir environ 1600 soldats (dont un E.-M.) et pouvant accueillir l'équivalent d'un Régiment d'hélicoptères de combat d'environ 40 voilures, soit deux bâtiments d'environ 40.000 tonnes chacun ;
- six "T.C.D." sous un format similaire au B.C.P. mais plus petits, pouvant embarquer environ 800-1000 soldats, soit six bâtiments d'environ 24 à 32.000 tonnes chacun ;
- cinq navires légers de débarquement, type Batral (un dans chaque Dom-Tom + un en métropole)
- 6 vaisseaux anti-aérien type Forbin
- 14 vaisseaux type Frem
- six frégates type "furtives"
- douze frégates type Floréal pour le combat littoral, escorte, présence
- 16 à 18 corvettes de 1200 tonnes, type Adroit, mais armés canon de 76 mm, pour la surveillance maritime, Dom-Tom ;
- 12 à 14 chasseurs de mines avec un bâtiment ravitailleur pour la projection à distance d'au moins quatre d'entre eux ;
- 4 Sous-marin de dissuasion nucléaire
- 8 S.-M. d'attaque à propulsion nucléaire
- Au moins trois sous marins cotiers/opérations spéciales de type S.M.X.-26
- Cinq pétroliers-ravitailleurs (nombre des années 1990 avec deux P.-A.) d'un tonnage plus élevé que les actuels (le double)
Vous constatez que nos réflexions sont très proches.
Pour une stratégie de puissance digne de la France.
Cordialement