09 octobre 2015

"Le grand échiquier de Poutine" d'Olivier d'Auzon


Après la tentative de commentaire au sujet de la salve de missiles de croisière tirée par la VMF, nous ne pouvons que nous interroger sur le fait naval russe en Méditerranée et, de facto, sur toute la stratégie de Moscou allant de l'Ukraine à la Syrie. Nous trouvons à ce sujet beaucoup d'éléments de réponse, de mise en perspective dans le livre d'Olivier d'Auzon, publiés aux éditions Lavauzelle. 

Face à un personnage, Vladimir Vladimirovitch Poutine, qui déchaîne quantité de passions, il est parfois difficile d'aborder sereinement son action (géo)politique sans être parasité par des réactions idéologiques, pour ne pas dire sectaire. Remarquons, non sans plaisir, qu'à ce sujet il est bien moins dangereux au cours d'un dîner d'évoquer l'affaire Dreyfus, le rôle de la Chine ou encore de l'Arabie Saoudite.

L'auteur introduit son sujet de manière plus qu'agréable, dans un style léger qui égaye tout l'ouvrage, où les citations d'acteurs, d'articles de presse, etc., servent de point de départ à autant de paragraphes différents pour positionner la Russie sur l'échiquier mondial comme dans nos représentations mentales.

C'est un sujet tellement vaste - que l'incompréhension entre l'Occident (Europe + États-Unis)  et la Russie que nous nous permettons de suggérer, pour enrichir ce vaste débat, le livre de Marie-Pierre Rey (Le Dilemme russe : La Russie et l'Europe occidentale d'Ivan le Terrible à Boris Eltsine, Paris, Flammarion, 2002). 

La Russie est donc ce monstre géographique de dix-sept fuseaux horaires, européenne mais aussi asiatique, continentale mais dont la recherche de façades maritimes est une constante de sa construction étatique et territoriale, chrétienne mais aussi islamiste, démocratique mais aussi autoritaire, etc... C'est une énigme pourrions-nous dire avec facilités. Retenons surtout que la politique interne voit un peuple préféré une grande stabilité politique sans refuser le régime démocratique, bien au contraire. Et que de cette situation émerge une certaine cohérence dans la direction politique avec un temps long plus que perceptible et se recoupant plutôt avec les aspirations des tsars plutôt que de l'Union soviétique (dont la situation géopolitique était héritière de la Russie tsarine). 

Olivier d'Auzon plonge directement le lecteur dans le conflit opposant les stratégies de Moscou et Washington autour de l'Ukraine. Les deux stratégies sécuritaires se confrontant en Europe sont exposées ainsi que les tensions liées à la stratégie étasunienne des sanctions et leurs conséquences tant en Russie qu'en Europe de l'Ouest. Il enchaîne avec la situation eurasiatique ainsi qu'au Moyen-Orient, le tout offrant un panorama complet de l'action de la Russie dans l'île monde. Tout un amas de dossiers où la position de Moscou, parfois rejoignant celle du Vatican, comme pays chrétien et islamiste, explique ses prises de position géopolitique pour protéger le Caucase de toute nouvelle flambée de violence ou le ventre mou exposé aux soubresauts de l'Asie centrale. Tout comme de l'artère qui se dessine de la Libye à ces deux régions via la Syrie. Mais nous basculons sur le "nouveau grand jeu" autour de la question énergétique mondiale et des rivalités cernant cette même Asie centrale. 

Au final, Olivier d'Auzon commente avec beaucoup de générosité, clarté mais en conservant un esprit de synthèse, la position Russe dans les affaires internationales, sans se priver, toutefois, de livrer bien des éléments précieux pour des recherches futures (sur les accords passés, etc). C'est un livre qui se lit avec plaisir et d'une traite et qui servira à clarifier une situation dense où la liaison entre l'Ukraine et la Syrie n'est pas toujours évidente. 


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