17 décembre 2015

Star Wars – Épisode VII : Le Réveil de la Force


Le septième épisode de la saga « Star Wars » débutait ses projections depuis le 16 décembre pour quelques dizaines millions de chanceux – la force de l’exception culturelle française ? – avant d’envahir littéralement le monde à partir du 18, sans compter les quelques avant-premières. Depuis le rachat de Luscasfilm par Disney en 2012 pour 4 milliards de dollars, les enjeux sont colossaux. Les premiers films, formant véritablement une industrie, dégageaient plus de 27 milliards de dollars recettes. Est-ce que ce film inattendu relèvera les challenges financiers et économiques ? "Difficile à voir. Toujours en mouvement est l’avenir."


Nous pouvons d'ores et déjà poser quelques éléments de contexte. Le format de la saga n'était pas véritablement arrêté. Dans l'idée du grand concepteur, elle devait s'étaler sur 12 puis 9 films car le format de la trilogie s'est peu à peu imposé. Les défis et les succès conduiront à une première trilogie puis une "prélogie". Après le rachat par Disney, il est question de la troisième trilogie. C'était sans compter sur les trois films dérivés qui s'y ajoutent. Avec 15 films actuellement en pré-production, production ou tournée commerciale, nous sommes face à une rupture.

Mais vous aurez certainement aussi remarqué que le chiffre 7 n'est pas mis en avant, pour éviter de souligner que, dans bien des secteurs culturels, la création et l'innovation cèdent le pas à une non-prise de risques dans le développement de licences et franchises déjà bien installées.

Nous nous demandons si les autres industriels et commerçants ne sont pas dans une posture de prudence. Après tout, nous n'avons eu qu'un formidable raz-de-marée planétaire de l'équivalent des vendeurs de tshirts à la sortie d'un concert. Il n'y a pas vraiment eu, à notre connaissance, d'engagements financiers et industriels pour tirer profit du nouvel épisode. Par exemple, le jeu Rogue squadron est toujours à l'état d'abandon (alors que les trois premiers devaient ressortir sur Wii). Nintendo n'a pas fait connaître son intention de lui donner une suite. Le budget d'un jeu vidéo se chiffrant à plusieurs dizaines de millions, le risque semble trop grand grand dans ce secteur, par exemple, pour foncer tête baissée. La sortie de Battlefront est relativement timide à cet égard.

Le réalisateur Jeffrey Jacob Abrams ne s'investissait dans ce projet bien épineux seulement depuis que Kathleen Kennedy l'avait convaincu par une citation alambiquée : "Mais qui est Luke Skywalker ?" L'écriture du scénario prend une année. Elle signe une autre rupture dans la saga par la un changement de "canon". Auparavant, il s'était développé un "univers étendu", fruit de l'imagination d'auteurs sous contrat, ce qui signait une cohérence. Mais les nouveaux films s'affranchissent de cet univers, voire le suppriment, et forment un nouveau canon avec les séries télévisées.

C'est la première chose intrigante quand le spectateur découvre le film. Finalement, il y a quelques idées que les scénaristes sont allés chercher dans cet univers étendu, aujourd'hui disparu. C'était une grande partie de l'enjeu : quoi imaginer pour donner une suite qui soit originale sans être improbable ? Trente années après l'épisode 6, nos auteurs choisissent de se donner du temps, sans fermer la porte à des développements intervenus dans l'univers étendu. Il y a en la matière un recalibrage chronologique assez intéressant. Tout comme un certain voile pèse sur l'organisation politique de la galaxie. Quelques informations sont données. Mais nous sommes dans un flou que l'univers étendu avait levé. A l'image de notre époque, les deux prochains épisodes de cette trilogie livreront-ils un contexte géopolitique compliqué et complexe, et non pas un simple affrontement côté obscur contre lumineux ? La réponse est paradoxale dans le film. Au demeurant, l'affiche du film respectait toutes ses promesses.

Aussi, il est clair que le réalisateur nous propose par ce premier volet un choix de "fan pour des fans". Les références, clins d'œil, "easter eggs" sont nombreux et il fallait s'y attendre eu égard aux habitudes d'Abrams. Toutefois, nous laissons l'éventuel spectateur apprécier le fait qu'elles donnent du relief à la source d'inspiration principale de l'épisode 7 car il y a une hiérarchie en la matière.

Fondamentalement, la mythologie grecque continue d'offrir une matrice puissante à l'intrigue, ce qui confirme bien une saga comme opéra spatial aux fondations bien établies. Ce n'est pas seulement une histoire de vaisseaux et de batailles mais la projection des mythes d'hier dans une autre scène.

Toutefois, ne boudons pas notre plaisir : les décors nous semblent un peu plus riche qu'à l'accoutumée et les raids, escarmouches et batailles ne déméritent pas par rapport aux précédents films. La progression des techniques de tournage et des effets spéciaux permettent une plus grande liberté de mouvement. Les allusions à de précédents combats donnent le vertige.

Les effets spéciaux (et plus largement, l'aspect visuel) étaient plus qu'attendus puisque cette saga a largement contribué à leur progression technique depuis Un nouvel espoir. Cette fois-ci, le contexte est plus que difficile car il fallait séduire un spectateur qui a eu l'occasion de s'habituer aux versions remasterisées des épisodes précédents, entraînant une certaine continuité visuelle. Surtout, des films comme Interstellar et Mad Max IV - Fury Road placent la barre très haute. L'épisode 7 relève le défi, modernise tout en respectant les caractéristiques de Star Wars.

Ce qui nous conduit à dire un mot des acteurs. Les nouveaux venus tiennent bien leur rôle et sont plutôt convainquant. Ils interagissent bien avec les anciens. Le panorama est largement ponctué par une féminisation du personnel. Cela frappe par rapport à 1977, la cause des femmes aura au moins progressé dans une galaxie lointaine. Nous sommes particulièrement surpris par le jeu d'un acteur à la carrière déjà si riche. Et d'un autre, au palmarès pas moins important qui nous propose un nouveau monstre, sans capuche. Plus généralement, nous avons toujours autant de formes de vie improbables.

La musique est elle aussi respectée. John Williams connaît son sujet et nous avons été particulièrement séduit par cette nouvelle musique d'ambiance de bistrot galactique. Elle est particulièrement marquante car sa devancière est une référence en la matière.

L'humour est bien soutenu, surtout par les chefs d'orchestre que sont les droids. Quelque part, ce sont les seuls acteurs à avoir joué leur rôle dans chacun des films, avec des scènes parfois bien improbables. Le nouveau venu ne déroge pas à la règle. Ce sont peut-être ces deux droids recherchés par tout le monde qui sont l'essence même de la saga. Qui sait ?

Au final, et sans trop trahir ce que vous pourriez rencontrer, J.J. Abrams exécute à la lettre son contrat. Les parallèles entre ce septième épisode et d'autres, dont surtout un, sont parfaitement maîtrisés. Bien des critiques n'en attendaient pas moins de ce réalisateur. Mais c'est sur le prochain épisode que tout repose, en vérité. Les codes étant maîtrisés, revisités, il leur faut maintenant proposer un arc narratif suffisamment original et autonome pour être dans la continuité tout en créant l'avenir. Et la tâche ne sera pas mince. L'épisode 8 donnera le "la" de cette trilogie...

"Le côté obscur de la Force, redouter tu dois."

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