11 novembre 2016

Abandonner BATSIMAR ?

© Michel Floch - Mer et Marine. Le patrouilleur La Confiance arrivant à Brest le 30 octobre.
C'est aller à contre-courant de toutes les attentes survenues depuis 2008 en discutant de l'abandon partiel du programme BATSIMAR (BATiment de Surveillance et d'Intervention MARitime). Existe-t-il un autre choix ? Les indicateurs parlementaires et politiques n'alarment en rien. Une réduction du périmètre de ce programme en échange de l'allongement de la cible du programme PLG (Patrouilleur Léger Guyanais) permettrait de reporter le remplacement des unités les plus hauturières d'au moins une LPM.


Une bonne partie de la classe politique s'affirme, cela ne coûte rien, pour une poursuite de l'effort en faveur de la Défense nationale jusqu'à 2% du PIB (avec ou sans pension) à l'horizon 2025. Néanmoins, la bosse budgétaire, jamais absorbée, depuis la RGPP serait de l'ordre des 35 milliards d'euros. La modernisation de la dissuasion nucléaire verra l'effort en sa faveur bondir de 3,5 à 6 milliards d'euros annuel dans les prochaines années. Sauf effort financier puissant et durable, des choix (hiérarchisation des priorités, lancement, étalement ou abandon de programmes) seront immanquablement réalisés.  

Contrairement à la perception générale dans l'inadéquation entre les missions de sauvegarde maritime et les moyens alloués, le décalage n'est pas flagrant au sein des indicateurs proposés par le Parlement. Par exemple, le tableau dressé par le rapporteur du budget de la Marine nationale, le député Gwendal Rouillard, est loin d'être dramatique.

Dans son avis sur le budget Marine pour le PLF 2017, un point de situation est établi sur les aéronefs et des bateaux (p. 43 - 44) affectés à la surveillance maritime. 46 bateaux servaient à ces tâches en 2013. Ce chiffre ne s'effondrerait pas en fin de programmation (2019) mais remonterait, au contraire, à 48 unités. La LPM (2014 - 2019) n'aura pu contenter tous les besoins mais aura, au moins, procédé au maintien des capacités logistiques et de servitude pour les missions de sauvegarde maritime (BSAH, B2M), sans oublier quelques patrouilleurs (PLG, PLV). 

Ce n'est seulement qu'entre 2019 et 2027 que 18 patrouilleurs quitteront le service. Leur remplacement concernera deux LPM. Sans un avancement du programme BATSIMAR de 2024 à 2020 (demande du député Rouillard), les ruptures de capacité suivantes (p. 45) pourraient être observées (chaque tranche de 10% représente un patrouilleur) :  
  • 2016 : 30% (3 patrouilleurs) ;
  • 2021 : 60% ;
  • 2024 : 60%. 
Ajoutons au cadre précédemment dressé le maintien en service des frégates La Fayette jusqu'aux années 2030 - 2035 (Olivier Merlin, "Les 20 ans des La Fayette", Marines & Forces navales, n°165, oct-nov 2016, pp. 10-25), très probablement suivies par les frégates de surveillance. Ces coques ne rentrent pas dans le périmètre de BATSIMAR ni même dans le les 46 à 48 bateaux affectés à la surveillance maritime. Par contre, ces 11 frégates de deuxième rang sont près du double du besoin exprimé par le CEMM, l'Amiral Prazuck, devant l'Assemblée nationale le 12 octobre dernier. De sorte que, s'il n'y a pas une carence en frégates de deuxième rang, le "surplus" risque d'être reversé au déficit des patrouilleurs de haute mer, au moins statistiquement. De sorte que, il n'y a point de déficit jusqu'en 2024 ! 

Le programme BATSIMAR ressort peu dans les échanges avec le gouvernement et le parlement comme une priorité opérationnelle à satisfaire d'urgence dans la programmation. Non pas qu'une partie des députés et du gouvernement ne soutiennent pas le programme, au contraire même, mais les indicateurs ne l'illustrent pas.

En conjuguant la situation financière du ministère pendant l'actuelle LPM, sans oublier les reports de charges sur les deux suivantes (la fameuse bosse) et la situation des matériels au service de la sauvegarde maritime, nous sommes loin de tout catastrophisme et donc d'une priorité absolue pouvant motiver un effort budgétaire supplémentaire. 

C'est pourquoi il y a tout lieu de s'interroger sur la pertinence de ce programme qui atteindra très bientôt les 20 années de "service" dans les débats budgétaires. Peut-il encore servir à quelque chose ? 

Comme totem budgétaire, l'abandon de BATSIMAR aurait l'utilité de commander "dans l'urgence" de nouveaux bateaux pour soutenir les moyens dédiés à la surveillance maritime alors que la vague massive de désarmement débutera à partir de 2019. Trois phases successives sont identifiables :
  • Dans un premier temps, le remplacement des PCG serait lancé. Six unités (moins le Glaive restait 4 PCG, l'Athos et l'Aramis en plus depuis 2015) pourraient bénéficier d'un allongement de la cible du programme PLG de 2 à 8 unités (96 millions d'euros sur la base d'un PLG à 17 millions).
  • Dans un deuxième temps, les OPV 54 (trois unités), Arago et Fulmar ont peut-être vocation à quitter le périmètre du programme BATSIMAR. Ils pourraient bénéficier d'un allongement de la cible du programme PLG de 8 à 13 unités (85 millions d'euros).
  • Dans un troisième temps, corrélativement au programme SLAMF, les BRS (Bâtiments Remorqueur de Sonar) et les BBPD (Bâtiment Base de Plongeurs Démineurs) pourraient bénéficier eux-aussi du PLG adapté à leurs besoins. La cible s'allongerait de nouveau de 13 à 20 unités (119 millions d'euros). 
  • Dans un quatrième temps, la Marine pourrait proposer des arrangements similaires, par exemple, à celui la liant à l'IPEV et les TAAF sur le futur PLV Astrolabe, afin d'étendre une nouvelle fois la cible du PLG pour remplacer l'Osiris des Affaires maritimes et une partie des "vedettes" des Douanes. La cible s'allongerait une dernière fois de 20 à 28 unités (136 millions d'euros).  
Nous reviendrions à l'ancienne cible du programme PATRA ou classe Trident quand l'Amiral Prazuck se référait à au "SUPER-PATRA", ancien nom du programme P400. Ces 28 unités pour 436 millions d'euros éviteraient les ruptures de capacités tout en renforçant, en priorité, la surveillance maritime dans la bande littorale (jusqu'à 200 miles nautiques) et dégageant les moyens les plus hauturiers pour les espaces océaniques les plus isolés.

7 commentaires:

  1. Cela ferait un très bon billet sur la conflictualité maritime infra-militaire, partant ?

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  2. L’utilisation de ''bateau blanc'' au lieu de ''bateau gris'' dans la gestion des crises ? On peut l'illustré par une célèbre photo d'un bateau de péché coincé entre un garde cote chinois et un taïwanais ou japonais.

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    1. Non, sur la hausse de la conflictualité inter-étatique par les bateaux de l'AEM. Si bien que, les garde-côtes ne peuvent plus être déconnectés de l'action des marines de guerre. En Chine, les moyens de toutes les agences maritimes sont rassemblés dans une seule. C'est, manifestement, une tendance de font : armement de plus en plus lourd et direction unique pour les moyens.

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  3. Une info pour votre éventuelle article. Le Japon à transformé quatre destroyers en garde cotes pour tenté de compensé la montée en puissance des moyens chinois :

    https://en.wikipedia.org/wiki/Hatsuyuki-class_destroyer

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    1. Oui ! Je suis bien embêté car il y a, d'une part, la course au tonnage dans la seule catégorie des patrouilleurs construits aux normes marine marchande et cette nouvelle tendance qui émerge de "civilianiser" ou de "garde-côtiser" des anciens escorteurs. Je n'arrive pas à avoir une image d'ensemble : est-ce pour répondre à la crise actuelle liée aux îlots et récifs ? Est-ce une manière économique d'accroître le nombre de patrouilleurs ? Est-ce une nouvelle tendance dans la traduction des besoins politiques et opérationnels ? Il semblerait que nous soyons dans une nouvelle tendance eu égard aux nouvelles exigences pour les OPV.

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  4. Juste une question : les PLG configurés et conçus pour naviguer sur haut fond avec un faible tirant d'eau sont-ils adaptés à l'atlantique nord (golfe de gascogne) ou au sud Indien (TAAF)
    merci marquis

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  5. Je ne suis pas capable de dire si les PLG sont bien "adaptés" aux zones que vous citez. Par contre, je note qu'ils remplacent des P400 (480 tonnes) avec un tonnage supérieur (700 tonnes) dans les Antilles là où les P400 servaient dans les océans Indien et Pacifique en plus des Antilles.

    S'il fallait évoquer un navire adapté alors, oui, il y aurait matière à opposer les qualités nautiques requises vis-à-vis de l'usage constaté des P400.

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