11 janvier 2017

Le nouveau navire de ligne ?

SNA Type 093G chinois.
L'année 2017 révèlerait une certaine accélération de l'Histoire car nous quittions 2016 avec une liste ne cessant de s'allonger de nations prétendant à la propulsion navale atomique. Au moins deux nouvelles nations viennent s'ajouter : l'Iran et le Pakistan. Dès lors, est-ce que le sous-marin à propulsion nucléaire devient, véritablement, le nouvel étalon de la puissance brute des flottes ?
 
Depuis la fin du conflit Est-Ouest (1947 - 1991), l'ensemble de l'Occident relâchait son effort militaire en général et en matière de lutte "aéro-sous-marine" (Amiral Barjot) en particulier. Le sous-marin, pourtant, poursuivait sa diffusion à travers le monde et il dépasse allègrement les 450 unités en service sur la planète. Les ambitions maintes fois constatées militent pour, au moins, une stabilité, voire une extension soutenue. Ce système d'arme demeure donc très abordable aussi bien à l'achat qu'à l'utilisation.

D'une certaine manière, le sous-marin n'est que la poursuite du cuirassé par d'autres moyens. Ce dernier bateau finissait par se composer d'un caisson blindé renfermant l'artillerie principale et les organes de propulsion et d'une coque hydrodynamique. Dans cette perspective, le caisson blindé est devenu la coque résistante du sous-marin enchâssée dans une coque hydrodynamique mieux adaptée à glisser sous l'eau que sur. Le porte-avions est un autre avatar, bien différent, du navire de ligne. Sauf que seul le vaisseaux noir entretient la logique du combat tournoyant, la torpille ayant remplacé le canon. 
 
Le contexte géostratégique mondial plaide pour la diffusion continue du sous-marin. La constitution de complexes dits "A2AD" (Anti-Access and Area Denial) ouvre de larges perspectives aux moyens sous-marins toujours aussi peu sensibles portées toujours plus grandes des systèmes aérobies et balistiques. Réguliers sont les commentaires attestant que la présence rien que d'un seul sous-marin implique d'en tenir compte lors d'une intervention et change dès lors le dimensionnement de sa partie navale. Nous sommes dans un processus où la détention rien que d'une paire de sous-marins améliore grandement les capacités de la défense alors que l'amélioration des capacités sous-marines entretient les chances d'un outil offensif en matière d'entrée en premier sur un théâtre.

Sauf qu'il fallait habituellement distinguer deux rangs sous la mer : le premier pour les nations détentrices de la propulsion par le biais de l'atome et les autres en restant aux solutions traditionnelles (diesel-électrique) ou novatrice (turbine Walter, nouvelles propulsions indépendantes de l'air depuis). La différence fondamentale entre les deux est l'alliance de l'Ancien monde et du Nouveau monde, de la propulsion à voile et de la propulsion à vapeur : c'est-à-dire de la virtuelle totale liberté de mouvement grâce à l'atome loin de l'œil inquisiteur du fait aérien et de l'opinion publique. 

Alors que seuls les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU détenaient le premier rang des forces sous-marines, ce prestige s'est depuis fort dilué. L'Inde louait et loue encore des SNA à l'URSS puis à la Russie et son premier sous-marin atomique national était admis au service actif en août 2016. Le Brésil devrait suivre lors de la prochaine décennie. L'Australie se pose la question presque de manière caricaturale quand le Canada était proche de franchir le pas dans les années 1980. Les Corée du Nord et Corée du Sud sont engagées dans une course sur le sujet. L'Iran fait connaître ses prétentions et le Pakistan trouverait du secours en Chine. Et le Japon ? N'en jetez plus ?


Une diffusion de la puissance maritime est à l'œuvre depuis l'apparition et la démocratisation du missile anti-navire et, maintenant, avec le nombre sans cesse toujours plus grande de forces sous-marines, dont celles détenant des navires propulsés à l'atome. Quid du rang des grandes marines ? Le choix le plus couramment adopté est de contrer cette relativisation de l'avantage conféré par le sous-marin atomique par le lancement de grandes unités aux qualités nautiques et militaires sans commune mesure avec celles des nations prétendant rejoindre ce club fermé. Le deuxième choix est le nombre toujours plus grand d'unités bien que nous ne soyons pas au niveau de l'accumulation des vaisseaux noirs de la Guerre froide. 

La France conserve un train de retard avec les Suffren avant l'entrée en service de la première unité et qui ne seront que six. Comme si Paris en était à la situation de l'entre-deux-guerres (1919 - 1939) avec seulement une demi-douzaine de cuirassés dreadnought sans avoir les qualités des unités contemporaines. La solution pour aborder les risques et menaces identifiées (confirmés empiriquement) fut de participer à la course navale mondiale avec la fin des vacances navales. La France, après les tentatives d'avant la Première Guerre mondiale (1914 - 1918) tentait à nouveau d'obtenir un nombre conséquent de navires de lignes (lex-future classe nombre des Richelieu). Horizon indépassable ? La robotisation navale ne semble pas modifier cette logique.


6 commentaires:

  1. "La France conserve un train de retard avec les Suffren avant l'entrée en service de la première unité et qui ne seront que six."
    La phrase est-elle hyper mal tournée ? Ou dites-vous que les Suffren sont en retard d'une guerre avant même leur sortie ?

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  2. J'ai un doute quand vous dites que "La France conserve un train de retard avec les Suffren" est ce à dire
    - Que le design des Suffren est sous performant ou performant mais
    - que six n'est pas suffisant ?
    - Ou que six Suffren c'est suffisant mais que tant que nous ne les avons pas les Rubis ne sont plus apte à leur mission devant la le développement des flottes noires des pays en développement ?

    Cordialement

    - que le Suffren

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  3. Bonsoir Marquis, merci pour ce blog. Deux questions à votre propos ci-dessus : pourquoi dites vous que l'Australie répond de manière caricaturale à la problématique de la possession d'une flotte sous-marine ? Pourquoi la France garde-t-elle un train de retard avec l'arrivée des nouveaux SNA ? Trop peu nombreux ? Tonnage pas assez important ? Merci

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  4. Bonsoir à tout le monde,

    Concernant l'Australie, je parle de "caricature" car la question du SNA est lourdement abordée depuis plusieurs années entre l'idée avancée d'une location de SSN Virginia jusqu'à une nucléarisation des Shortfin Block 1A.

    Concernant le Suffren : s'il fallait considérer les SNA avec les mêmes rationalités qu'un cuirassé alors la France est toujours en retard d'une évolution sur les autres nations ce qui se traduit dans les caractéristiques principales dont le nombre d'armes emporté ou encore la vitesse. Par là, je souhaitais faire référence aux retards multiples des cuirassés français, tant en nombre qu'en qualité, de la fin du XIXe siècle jusqu'à l'entre-deux-guerres du XXe siècle.

    Les Suffren sont taillés au plus juste alors que, par exemple, les Anglais conservent l'ambition de demeurer au premier rang mondial à côté des Etats-Unis.

    Bien cordialement,

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    1. La taille et la vitesse ne peuvent pas être considéré comme des critères pertinents pour évaluer la modernité ou l'obsolescence d'un navire. Car concrètement, quand les sous-marins naviguent à plus de 20nds? Jamais pour ainsi dire car ils sont bruyants bien avant cela. Et côté discrétion, nos sous-marins sont plutôt performants et en avance (en partie grâce à leur taille d'ailleurs).
      De plus, au combat, une grande taille peut s'avérer handicapant pour manoeuvrer ou être discret.
      De fait, le nombre d'armes disponible semble limité. Cela dit, les armes embarquées sont beaucoup plus performantes qu'auparavant. Et avec 20 torpilles et missiles anti-navire (l'utilisation massive de Scalp me paraissant inappropriés pour un sous-marin), il y a déjà de quoi faire. Et franchement, avant de vouloir en embarquer plus, il faudrait déjà songer à en acheter une dotation complète.

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  5. Bonjour,

    Les vitesses tactique et stratégique du bateau , son autonomie, le volume, la cadence, la portée de la salve, etc.. sont autant de qualités nautiques et militaires prises en compte dans l'évaluation de tout navire de guerre.

    La vitesse d'un SNLE ou SNA français ne dépasse pas les 25 nœuds quand les unités américaines, britanniques et russes peuvent atteindre, voire dépasser les 30 nœuds. Ce qui veut dire qu'ils possèdent un avantage déterminant pour esquiver, voire dérober avant que le bateau français n'ait une solution de tir.

    Ce qui est intéressant avec les armes tactiques embarquées est que, justement, les torpilles lourdes françaises sont obsolètes depuis 2013 et les nouvelles arriveraient à peine cette année avec une livraison de quelques unités. Justement, les torpilles étrangères sont bien au-dessus.

    Quand nous embarquons 20 à 25 armes tactiques, les sous-marins des nations pré-citées en embarque presque le double.

    Sur la vitesse tactique, il est à noter qu'il y a bien une vitesse tactique silencieuse mais aussi une vitesse à partir de laquelle un SNA ne peut-être suivi par aucun autre sous-marin. Combien de sous-marins naviguent au-dessus de 25 nœuds ? Pratiquement aucun, à part ceux des nations précitées.

    Cordialement,

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