10 février 2017

Duopole franco-italien dans la flotte de surface : avantage Trieste


Fincantieri est le seul industriel à avoir déposé un dossier de reprise devant la justice sud-coréenne pour les Chantiers de l'Atlantique. Et l'industriel italien prétend s'arroger la majorité absolue. C'est pourquoi, en l'état actuel des choses, il s'agit de tirer toutes les conséquences : l'industriel italien est dans une position de force et pour les commandes publiques françaises et pour la recomposition de la navale militaire européenne.

Les Chantiers de l'Atlantique changent de propriétaire depuis vingt, du groupe tricolore Alstom jusqu'au groupe sud-coréen STX sans oublier Aker Yards, le très éphémère champion européen. Le site industriel nazairien demeure avec des infrastructures extra-ordinaire en Europe et dans le monde dont la forme-écluse Joubert (350 mètres par 50) - bien que moins usitées ces dernières décennies -, une forme de construction (1200 mètres par 60) et une forme d'armement ou bassin C (450 mètres par 120). Des dimensions, en particulier en largeur (donnée la plus sensible), qui ne se retrouvent ni à Cherbourg, Brest ou encore Toulon dans les emprises des anciens arsenaux ou dans les bases navales.

C'est pourquoi les installations de St Nazaire sont aujourd'hui les seules à disposer des compétences et infrastructures pour lancer des unités de plus de 10 000 tonnes depuis l'abandon de ces capacités à Brest en échange d'un partenariat entre DCN, devenue DCNS, et les Chantiers de l'Atlantique. Ce qui revient à dire que remplacer le Charles de Gaulle (2001 - 2041) les formes de St Nazaire sont indispensables à la Marine nationale. 
 Le dossier des FLOTLOG est relativement différent en ce sens que si la détention de ces bateaux constitue une capacité stratégique, leur conception et leur construction l'est moins, voire plus du tout.

Dans cette perspective, l'arrivée en force des Italiens de Fincantieri à St Nazaire est significatif sur les plans historique, car elle mettrait fin au monopole des anciens arsenaux, et stratégique puisqu'elle donne l'avantage à Trieste.

Dans la pratique, DCNS détient les compétences pour la réalisation de porte-avions CATOBAR et a besoin des installations de St Nazaire pour, au moins, en lancer les coques. Cependant, la réciproque n'est pas totalement vraie du côté de Trieste. Avec les conception et construction du Cavour puis celui du futur porte-hélicoptères de plus de 20 000 tonnes, sans oublier l'assistance portée à l'Inde dans la conception de l'IAC ou INS Vikrant, l'Italie sait, au moins, concevoir des porte-aéronefs STOBAR. L'impératif de coopérer avec DCNS est fortement réduit et il faudrait une épreuve commune afin de démêler les forces et faiblesses d'éventuelles prétentions commerciales. 

Creusons plus en avant la question. DCNS a besoin des infrastructures de St Nazaire mais pas Fincantieri. Si bien que l'industriel italien peut candidater à des programmes pour des navires de fort tonnage, dont les FLOTLOG ou les futurs BPC-NG, mais DCNS ne peut pas faire de même en Italie sans un appel d'offres ou une invitation à présenter une offre. Si bien que, par son implantation sur le sol français, qu'est-ce qui empêcherait Fincantieri de présenter des offres pour la construction de patrouilleurs (BATSIMAR pour lesquels un appel d'offres est envisageable) et de frégates ? 

C'est en ce sens que si le rachat des Chantiers de l'Atlantique était validée par la justice sud-coréenne sans nationalisation mise en branle par la France, un duopole s'instaurerait de facto dans la navale militaire française. DCNS n'a une position de souveraineté que dans les sous-marins à propulsion nucléaire. Et, à juste titre, il n'y aurait qu'un porte-avions à propulsion nucléaire qui pourrait, et encore, éventuellement, réassurer la position des anciens arsenaux dans la construction du successeur du Charles de Gaulle. Toutefois, est-ce que cela rendrait impossible la construction d'une coque à St Nazaire et son armement à Brest ? Rien n'est moins certain. 

Raisons pour lesquelles si Fincantieri pouvait prendre une part majoritaire dans STX France alors l'entreprise italienne serait en position de force sur l'ensemble des marchés et la position de DCNS considérablement abaissée en Europe. Le site de Lorient connaîtrait alors une nouvelle fragilité entre une commande nationale très insuffisante pour l'alimenter (la flotte de surface française (15 frégates) peut être lancée en 7,5 années) et la possibilité toute théorique pour l'Italie de prétendre à construire des frégates en France. Cherbourg connaît de l'activité jusqu'à la fin du XXIe siècle aux cadences actuelles par le simple jeu du lancement des Suffren et des SN3G jusqu'à leur déconstruction. 

Dans cet ensemble de considérations, la France n'aborderait pas un rapprochement industriel entre DCNS et Fincantieri (projet Magellan) en position de force mais plutôt de faiblesse. Seule les activités sous-marines limitent les prétentions italiennes.

Très rares sont les États européens ayant renoncé à conserver et la conception et la construction de navires militaires dans des cales nationales. Avec l'arrivée de Fincantieri à St Nazaire, peu de choses empêcherait l'Italie de capter une partie de la commande nationale française, voire de la délocaliser en Italie. C'est pourquoi le dossier de la nationalisation de St Nazaire doit et aurait du être un élément de langage permanent de l'État. 

1 commentaire:

  1. A moins d'être sûrs et certains d'être capable de maintenir une activité dans la construction de gros bâtiments sur le territoire national, et à l'heure de l'Europe, une vision à très long terme avec une réflexion globale et novatrice doit s'imposer.
    Dans ces problématiques de grosses industries, stratégiques qui plus est, la solution ne serait-elle pas d'imiter ce qui a été fait avec Airbus ? Si Airbus n'avait pas été créé, à l'initiative de la France, rappelons-le, il n'y aurait peut-être plus d'industrie aéronautique en Europe. C'est aussi vrai dans l'aérospatiale, et ça fonctionne.
    Si Ficantieri a repris STX France, c'est qu'ils y voient un intérêt certes à court/moyen terme, mais surtout à très long terme.

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