15 juillet 2017

1,4 + 0,21 ≠ 2%

© Ewan Lebourdais.  SNLE classe Le Triomphant.
La sortie disproportionnée du Président de la République à l'encontre du général Pierre de Villiers - que le Président recevra le 21 juillet -, Chef d'État-Major des Armées (CEMA), est l'occasion pour un citoyen d'apporter son soutien au CEMA. "Dire, ce n'est pas se plaindre". Ne pas dire c'est manquer à la dignité de sa charge. Un budget de la Défense à 1,79% est une base totalement viciée sans lien avec le réel des questions stratégiques. La France ne peut pas se satisfaire d'une hausse à hauteur de seulement 0,21%. L'objectif des 2% ne sera atteint que si la base de départ est bien à 1,4%. Sinon, la France désarme. Le Président joue la crédibilité de sa promesse d'atteindre les 2% dès les années 2017 et 2018.


L'enjeu n'est pas de commenter le président jupitérien et son goût de la manœuvre politique. Pourquoi revenir une nouvelle fois sur la définition des 2% ? Il n'est plus possible d'évoquer comme base au débat militaire français un budget actuellement étalonné à 1,79%. C'est faire fi des problématiques stratégiques nationales et donc passer à côté de son sujet. La charge donnée, place aux arguments. 

La notion des 2% est autant le résultat d'un débat euro-atlantique mené dans le cadre de l'OTAN que la réponse au problème militaire français. La France ne se singularise pas dans l'OTAN puisqu'elle approuve régulièrement l'orientation prise depuis la Directive Politique Globale (sommet de Riga (2006) jusqu'au à la grande évolution enregistrée au sommet du Pays de Galles (2014 ou sommet de Newport)

L'alliance demande désormais que les "Alliés qui se conforment actuellement à la directive OTAN recommandant un niveau minimum de dépenses de défense de 2 % du produit intérieur brut (PIB) chercheront à continuer de le faire. De même, les Alliés qui consacrent actuellement plus de 20 % de leur budget de défense aux équipements majeurs, y compris la recherche et développement y afférente, continueront de le faire." Un objectif réaffirmé au sommet de Varsovie (2016)

Par rapport à l'objectif de dépenses énoncés et précisés (2014-2016), prenons l'exemple du budget de la Défense nationale en France pour l'année 2017 (sur la base du PIB 2015 à 2181,1 milliards d'euros) :
  • 42,95 milliards d'euros au total (soit 1,96% du PIB) ;
  • 40,5 milliards d'euros sans le budget Anciens combattants (1,85%)
  • 32,4 milliards d'euros sans les budget Anciens combattants et celui des pensions (1,48%)
  • 17,3 milliards d'euros dans les deux totaux pour le seul budget équipements (soit 39% du budget total (1,96%).
Par ailleurs, l'OTAN par les normes V1 et V2 affirme que le calcul des dépenses peut s'exprimer sans le budget Anciens combattants mais avec ou sans les pensions. Sans manquer de respect aux pensionnés de la Défense nationale et aux anciens combattants, une reconnaissance pécuniaire de la part de la Nation à leur égard pour services rendus au prix de sacrifices n'améliore en rien la sécurité nationale et euro-atlantique mais bien les valeurs de la société nationale. 

Prenons alors l'hypothèse d'un budget de la Défense à hauteur de 1,85% dans notre exemple (ou 1,79 pour d'autres : d'où les 0,21 dans le titre).  S'il fallait ajouter 0,21% à 1,79% ou encore 0,15% 1,85% alors il s'agirait de porter le budget de la Défense avec pensions mais sans les dépenses pour les Anciens combattants à hauteur de, respectivement, 43,77 (+ 3,27 M€) et 45,08 (+ 4,58 M€) milliards d'euros. 

Que ce soit 1,79 ou 1,85%, la base de calcul est totalement obsolète et c'est relativement simple à démontrer, d'où une certaine urgence à critiquer les chiffres versés au débat public qui est indigne dans ces conditions. Par exemple, le budget annuel de la dissuasion va devoir être porté de 3,5 milliards d'euros à plus de 7 milliards d'euros (inflation comprise) entre 2025 et 2035. 

Sans compter les engagements intérieur (Sentinelle) et extérieurs (la liste est bien longue), le renouvellement des forces conventionnelles, la bosse budgétaire ou un éventuel service national à caractère militaire, la seule dissuasion atomise un budget porté de 1,79% à 2% du PIB. Difficile de démontrer qu'une hausse comprise entre 3,2 à 4,5 milliards en faveur du budget militaire de 2017 à 2022 serait suffisante pour absorber les orientations actuelles.

Seul un budget augmenté de 32,4 (1,48%) aux environs de 43,62 milliards d'euros (2%) à atteindre en 2022 ou 2025 semble être une piste sérieuse pour répondre aux objectifs énoncés. Cet effort exigerait près de 2,46 milliards d'euros de hausse annuelle au bénéfice de la Défense. Le Président de la République Emmanuel Macron s'est engagé devant les Français à un budget de l'ordre des 50 milliards d'euros en 2022 pour atteindre les 2% : la base de départ ne peut qu'être les 1,4%.

Reste à savoir si le début de concrétisation de la promesse présidentielle est à la hauteur : est-ce que les 2700 millions d'euros gelés pour le budget 2017 seront reversés aux forces armées ? Si les 850 millions d'euros nécessaires pour compléter les 450 millions des dépenses pour les OPérations EXtérieures (OPEX) seront ponctionnés depuis la réserve inter-ministère ou bien pris sur les 2700 ? Il est avancé un budget de 34,2 milliards en 2018 : deux milliards de plus qu'en 2017 ? Report des crédits abandonnés en 2017 à 2018 ? Les 2,46 milliards de hausse annuelle se font attendre sans se matérialiser. Le Président joue la crédibilité de sa promesse d'atteindre les 2% dès les années 2017 et 2018 puisque tout retard financier accroîtra d'autant la bosse budgétaire.

1 commentaire:

  1. monsieur le marquis
    les experts et les professionnels, comme les stratégiste sont déjà convaincus de vos chiffres. hélas, trois fois hélas, nos leaders politiques depuis trente ans ne sont obnubilés que par une seule chose : rester solvables sur les marchés financiers en accroissant sans cesse les dépenses sociales pour calmer la rue (puisque toute dévaluation est impossible). la seule question : trouver l'argent pour boucler la fin de l'année. sauf à ce qu'une menace imminente et matérialisée apparaisse, nous allons passer notre futur à "mégoter" sur les budgets équipements.
    tout débat sur les investissements militaires se borne à : "vous vous rendez compte , le 3e budget de l'etat, c'est énorme quand il faut tant et tant ailleurs !". on se moque de savoir si cet investissement est rentable ou non, on se moque de savoir si la comparaison ne révèle pas des incohérences ailleurs...

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