04 décembre 2017

FREMM et équipages optimisés : renforcement en vue

© Marine nationale - Stéphane Dzioba. Les FREMM Aquitaine et Provence à proximité de Toulon.
Le programme FMM puis FREMM s'inscrivait dans une double dynamique : les économies dégagées par la réduction du nombre et du volume des équipages devaient abonder autant le financement des grands programmes d'armement - dont FREMM - que la déflation générale des effectifs, permettant d'investir dans de nouveaux bateaux et, donc, entretenir, la première dynamique. Avec seulement 94 marins pour armer une frégate de 6000 tonnes contre 300 pour une F67, le pari était ambitieux. Et s'il n'est pas totalement perdu, toutefois, il doit être, au minimum, révisé. La Marine avait à trancher entre deux grandes options : renforcer les équipages ou les doubler. La première semble l'avoir emporté, pour un temps.
 
Les 17 FREMM devaient remplacer 3 frégates F67, sept autres F70 (par 8 FREMM ASM) et 9 avisos A69 (8 FREMM AVT). C'était donc venir d'un volume de 3081 hommes pour arriver à, seulement, 1598. Les 1483 économisés permettaient d'alimenter le financement du programme via la réduction des effectifs consenties de 2009 à 2015. Cette contraction de la masse salariale n'a jamais pu être menée au rythme espéré dans le calcul initial, tout comme les programmes ont étalés et la cible réduite, diminuant d'autant les chances de succès de l'ambitieuse manœuvre.

Le passage d'une génération à l'autre, par exemple d'une F70 à une FREMM, permet d'amener le coût annuel représenté par les soldes de l'équipage de 13 (F70) à 8 millions d'euros. Cette diminution (-38%) est légèrement moindre que celle des effectifs (-42%) car l'automatisation de certains postes diminuent les effectifs et le besoin en matelots et quartier-maîtres mais nécessite, en contre-partie, un besoin accru en officiers-mariniers et officiers-mariniers supérieurs. Par exemple : quand il fallait 72 quartiers-maîtres et matelots sur une F70, il n'en faut plus que 25 sur une FREMM.

Toutefois, cette économie annuelle de 5 millions d'euros représente 150 millions d'euros sur la vie du bateau dont le coût unitaire de production avoisinerait les 500 millions d'euros. Il y avait matière à bien vouloir croire que la réforme se finançait d'elle-même. Et chercher à tirer le bénéfice immédiat des économies projetées sur trente années devait être l'un des leitmotiv pour inventer des "financements innovants".

Mais dans ce contexte , il était alors inenvisageable de renforcer, et encore moins de doubler, les équipages, puisque les effectifs diminués année après année. Si bien que l'équipage des FREMM était tellement optimisé que la division des tâches avait été réétudiée en profondeur jusqu'à transférer des tâches à terre, dont une partie de la formation des marins devant parvenir sur les nouveaux bateaux qui affichent quelques ruptures dans la manière de les mettre en œuvre par rapport aux anciennes frégates. En particulier, c'est en raison de la réduction de la taille de l'équipage et du haut degré d'automatisation qu'il s'agit de transformer l'ancien paradigme.

Dans cette perspective, tout ceci se matérialisait par un "reach back" dont l'appellation a évolué jusqu'à devenir GTR : Groupe de Transformation et de Renfort. Deux groupe d'environ 30 marins sont constitués à Brest (GTR/B) et Toulon (GTR/T). Pendant un cycle de douze mois, ils se forment à un poste embarqué qu'ils peuvent, éventuellement, occuper selon le profil de la future mission de la FREMM. Dit autrement, ils peuvent tout aussi bien embarquer selon les "chantiers" prévisibles sur tel ou tel moment de la mission, sans rester à bord tout du long. 

Ces 60 marins détachés à terre représenteraient, au mieux, selon l' "ancienne formule", un renforcement permanent des huit équipages des FREMM (2022) de, environ, 7,5 marins, soit 101,5 marins. Projection très critiquable dans la mesure où il est très probable que les FREMM ASM aux capacités de Défense Aérienne Renforcées (FACDAR) aient un plan d'armement particulier car relatif à des missions de DA plus gourmandes en effectifs. À titre de comparaison, une Aquitaine demande 94 marins contre 194 pour le Forbin.

Le discours au sujet des FTI (Frégates de Taille Intermédiaire) et, en particulier, son évolution illustre assez bien le premier grand retour d'expérience qui semble avoir été réalisé de cette problématique. L'équipage projeté pour les FTI évolue entre 110 et 120 marins, ce dernier chiffre est le plus récent et donné par le CEMM lui-même, l'Amiral Prazuck. Le discours initial était bien que, en raison de la trop grande complexité des FREMM, une des conséquences notables de l'optimisation du volume de l'équipage, il avait été choisi de revenir légèrement en arrière et, donc, de passer de 94 à environ 110-115 marins, toujours hors détachement aviation. Aujourd'hui, l'Amiral Prazuck transforme cette logique afin de soutenir sa politique de ressources humaines et les choix qu'il semble avoir arrêté quant à l'armement des FREMM.
"Pendant longtemps, sur des bateaux à l’organisation très pyramidale, comme le Colbert, par exemple [...] –, il y avait cinq cents personnes, parmi lesquelles de nombreux opérateurs chargés par exemple de relever la température des moteurs, de jeunes matelots qui apprenaient à vivre sur un bateau, à partir loin et longtemps en équipage, et qui commençaient à acquérir les rudiments de la technique. [...] Cette base ouvrière, si l’on peut dire, constituait donc aussi un vivier de recrutement interne.  Avec les bâtiments que nous connaissons aujourd’hui et qui ne comptent qu’une centaine de personnes, ce n’est pas seulement la taille de l’équipage qui a diminué, mais sa structure même qui a été modifiée : la base est beaucoup plus réduite."
Amiral Prazuck, audition, Commission Défense nationale et forces armées, Assemblée nationale, 12 octobre 2017


En 2016, il était question de choisir entre renforcer les équipages ou les doubler. La première option semble avoir été arrêtée vis-à-vis de l'ensemble des choix à faire pour la future LPM (2020-2025). "94 marins dans un bâtiment de combat, qui est aussi une école de formation, ne permet pas de faire face à des problèmes de résilience. S’il faut augmenter la base des équipages de FREMM, on le fera. Ce choix ne sera pas renouvelé pour les FTI qui passeront à 120 marins." (Amiral Prazuck) Cela reviendrait à reconnaître que les GTR ne suffisent pas ou ne pouvaient pas parvenir, de toutes les manières, viabiliser des filières pour certaines spécialités et que - ce qui devait arriver arriva - des carences vont ou se font déjà sentir.

Un renforcement des équipages de huit FREMM représente quelque chose comme 16 à 26 marins par frégate, soit un total de 128 à 208 marins de plus pour l'armement des huit FREMM (2022). En supprimant les deux GTR de Brest et Toulon, 46 à 28% de l'effectif recherché peut d'ores et déjà être dégagé. De sorte que il ne reste plus que 68 à 148 postes à dégager. 
 

2 commentaires:

  1. Bonjour, est-ce que le CIN saint Mandrier a bien compris les demandes en compétence exigées par l'automatisation des FREMM ?
    En recevant les FREMM, la Marine a t'elle inconsciemment minimiser la formation de ses equipages ?
    Est-ce vraiment le rôle d'un bâtiment de combat de former les nouveaux embarqués alors qu'il part directement en OPEX ?
    Concrètement que va apporter ces renforts sur les FREMM ? Alléger la fréquence des quarts, etoffer les équipes de sécurité ?

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  2. "il est très probable que les FREMM ASM aux capacités de Défense Aérienne Renforcées (FACDAR) aient un plan d'armement particulier car relatif à des missions de DA plus gourmandes en effectifs."

    On se demande d'ailleurs toujours pourquoi la "mafia anti-aérienne" a réussi à faire passer cette idée que ces missions demandent plus de monde alors que c'est l'ordinateur qui fait tout en LAA.

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