08 décembre 2017

MCO : disponibilité stratégique des plateformes navales

© Marine nationale.
Le Maintien en Condition Opérationnelle des plateformes et systèmes d'armes est l'un des facteurs de la supériorité militaire, en ce sens qu'il conditionne la disponibilité des matériels des forces pour les missions qui peuvent être ordonnées. Sur le plan naval, le MCO est la condition sine qua non pour durer à la mer, la matérialisation de la lutte permanente contre la moindre avarie, voire la survie d'un navire quand la casse est critique, même au bassin.

Dans un premier temps, précisons d'emblée ce que recouvre la notion de "budget MCO" grâce aux précisions apportées par Josselin DROFF (Chaire Économie de Défense). Il s'agit là d'une simplification car seuls les crédits pour l'Entretien Programmé des Matériels (EPM) ont une inscription  propre. Ils sont le "socle" du MCO. S'il fallait calculer le coût global alors il s'agirait d'ajouter la main d'œuvre étatique (mécaniciens du Service Logistic de la Marine, marins des équipages travaillant sur leur bateau, voire marins d'autres équipages venant en renfort, éventuellement) mais aussi la part des infrastructures "consommée". C'est ainsi que le volume financier de 6 milliards d'euros de "budget" MCO (par accumulations de plusieurs postes budgétaires mobilisés) est dégagé chaque année. C'est-à-dire qu'il y en aurait pour, environ, 3,5 milliards d'euros pour les crédits EPM et près de 3 milliards d'euros pour la main d'œuvre étatique, le reste en infrastructures (sachant que la part de cette dernière est sous-évaluée car très difficile à calculée).

Le budget MCO connaissait un effondrement pendant les années allant de 1997 à 2001. Si bien que la DT (Disponibilité Technique - la DTO (Disponibilité Technique Opérationnelle) apparaît dans les textes à la fin des années 2000) chutait, en moyenne, de 15 à 25% selon les systèmes d'armes. Ces mêmes taux regagnaient 10% grâce à une augmentation des crédits de MCO de près de 30% entre 2000 et 2003. La LPM (2003-2008) s'assignait l'objectif de 75 à 80% de disponibilité selon les équipements.

La Cour des comptes se penchait via deux rapports la situation du MCO des équipements militaires en 2004 et 2014. Il en ressortait un certain nombre de constats dont la progression constante en volume de ce budget sans que les objectifs en la matière (2008) ne soient atteints, ni même que les économies réalisées par la rationalisation du nombre d'implantations (relevant des services de soutien et d'entretien) et sur les postes supprimées dans cette fonction ne produisent le moindre effet financier. 

C'est pourquoi la Cour des comptes formulait, notamment, deux recommandations : déployer une comptabilité analytique adaptée dont l'expertise serait fournie par le maintenancier de chaque milieu (SSF pour la Marine) qui en assurerait la synthèse et mieux intégrer le MCO dès la conception des équipements en renforçant le rôle des maintenanciers au-delà de ce qui est prévu dans l'instruction de conduite des programmes d'armement 1516. 

En 2012, le budget de MCO représentait 6 milliards d'euros (contre 3,32 milliards d'euros en 2002) qui se répartissent comme suit : 
  • 53% (dont 15% pour la chasse) de la somme est dédiée aux matériels aéronautiques, 
  • 26% pour les matériels terrestres,
  • 21% pour les plateformes navales.
Dans cette perspective, il est à noter que le MCO de la Marine nationale est - en 2017 - de près de 1,56 milliard d'euros. La refonte à mi-vie du porte-avions Charles de Gaulle représente une opération extra-ordinaire de 1,3 milliards d'euros qui court sur, au moins, deux années. Le volume financier dédié aux autres plateformes se répartit entre :
  • 628 millions pour les navires de surface ;
  • 326 millions pour les sous-marins.
Le tableau suivant (cf. infra) n'a aucune prétention à être exact et contient, très probablement, un trop grand nombre d'erreurs. Il ne s'agit là que de proposer quelques ordres de grandeur. 
Il ressort de ce tableau que l'entretien est nettement plus lourd sur un sous-marin qu'un bâtiment de surface. Si bien que la disponibilité stratégique du bateau sous-marin est bien plus rigide que celle du bateau de surface. La propulsion nucléaire surface y tient une incidence certaine mais relative dans la mesure où le changement de combustible embarqué dans les cœurs permet d'espacer - depuis quelques années sur les Rubis - les rechargements de combustibles tous les dix ans.

© Inconnu.
Par ailleurs, il est aussi à relever que les gains sur les périodes pendant lequel le sous-marin est indisponible permet directement d'allonger la durée des missions pouvant être effectuées par chacun des deux équipages. A contrario, les gains engrangées pour les bâtiments de combat de surface profitent bien plus à la marge dans la mesure où ils ne bénéficient pas d'un deuxième équipage. Ils sont alors astreint au nombre de jours de mer moyen devant être effectué par chaque équipage qui est de 96 jours en 2017. En 2016, les dix équipages des cinq SNA 72 (Rubis) parvenaient à durer 1000 jours à la mer (soit 100 jours en moyenne par équipage). Sans deuxième équipage, les progrès réalisés sur les FREMM peuvent être difficilement exploités.

Mais cette disponibilité stratégique comporte, pour la flotte de surface, une réserve égale, au minimum, au nombre de jours de mer effectués. Cela permettrait une montée en puissance sur un théâtre d'opérations afin de compenser un nombre limité de frégates, par exemple. Sachant que l'exploitation de cette réserve est en prise directe avec les capacités de régénération et que la plateforme n'est pas sans limite. Cela amène à question quelles seraient les conséquences de l'emploi d'un deuxième équipage sur les FREMM vis-à-vis de l'usure des systèmes et équipements et qu'elle en serait l'incidence sur l'entretien programmé des matériels. La situation deviendrait-elle comparable à celle des SNA ? Ces derniers semblent exploités de manière optimale mais sans marge de manœuvre en cas de besoin ponctuel et franchement accru de présence sous-marine.

    Classes


Cycles
F70

Classe Georges Leygues

Classe Cassard
FREMM

Classe Aquitaine

Classe Alsace
SNA

Classe Rubis

SNA-NG

Classe Suffren


Bateaux
Georges Leygues
(1979 - 2013)
Dupleix
(1981 - 2015)
Montcalm
(1982 - 2017)
Jean de Vienne
 (1984 - 2018)
Primauguet
(1986 - 2020
La Motte-Picquet
(1988 - 2022)
Latouche-Tréville
(1990 - 2022)

Cassard
(1988 - 2021)
Jean Bart
(1991 - 2022)
Aquitaine
(2015 - 2045)
Provence
(2016 - 2046)
Languedoc
(2017 - 2047)
Auvergne
(2017 - 2047)
Bretagne
(2018 - 2048)
Normandie
(2019 - 2049)



Alsace
(2021 - 2025)
Lorraine
(2022 - 2052)
Rubis
(1983 - 2019)
Saphir
(1984 - 2021)
Casabianca
(1987 - 2023)
Émeraude
(1988 - 2025)
Améthyste
(1992 - 2062)
Perle
(1993 - 2029)




Turquoise
                      
Diamant           
Suffren               (2019 - 2054)
Duguay-Trouin  (2021 - 2056)
Tourville          (2023 - 2058)
De Grasse         (2025 - 2060)
Casabianca       (2027 - 2062)
Rubis                 (2029 - 2064)
Arrêts Techniques Intermédiaires
(ATI)

ATI
1,75 à 2 mois
18 mois

UMP 1
1 mois
Tous les 6 mois

1 ATI
1,25 mois
Tous les 5 mois

1 ATI
1,25 mois
Tous les 5 mois (?)
Arrêts Techniques (AT)
/
Indisponibilités pour Entretien (IE)


1 AT
2 à 3 mois
Tous les 36 mois


1 UMP 2
2 mois
Tous les 42 mois


1 AT
5 mois
Tous les 42 mois


1 AT
5 mois
Tous les 42 mois
Arrêts
Techniques
Majeurs
(ATM)

1 ATM
4 à 5 mois
Tous les 60 à 72 mois

UMP 3
5 mois
Tous les 120 mois

1 ATM
16 mois
Tous les 84 mois

1 ATM
16 mois
Tous les 120 mois (?)
Temps total en maintenance
sur 360 mois
9 ATI
4 AT
4 ATM

50 mois
d’indisponibilité

51 UMP 1
6 UMP 2
2 UMP3

73 mois
d’indisponibilité

64 ATI
8 AT
4 ATM

184 mois
d’indisponibilité

60 EC
6 AT
3 ATM

159 mois
d’indisponibilité

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