03 mars 2018

القوات البحرية الملكية المغربية : création d'une force sous-marine ?

© Inconnu. Un sous-marin russe non-identifié (projet 877 EKM ? 636.3 ?) amarré à des quais de la ville autonome de Ceuta (territoire espagnol en Afrique du Nord), date non-précisée.

 

     La Al kowat al bahreya al mamlaka al maghribeya (القوات البحرية الملكية المغربية ou Marine Royale Marocaine en français) bénéficie d'une progressive montée en puissance jusqu'à la mise en place de ce qui peut apparaître comme un groupe d’action Anti-Sous-Marine (ASM), plutôt cohérent et robuste. C'est pourquoi l'intention prêtée à la Marine Royale Marocaine de réfléchir à l’introduction de sous-marins dans ses rangs peut tout aussi bien être perçu comme un « game changer » que comme un facteur d'instabilité dans la région du détroit de Gibraltar tandis que la Chine monte (économiquement mais aussi militairement) en puissance dans le bassin occidental de la mer Méditerranée.

     Créée en 1960, les premiers grands défis stratégiques de la Al kowat al bahreya al mamlaka al maghribeya touchaient aux prétentions marocaines sur le Sahara occidental jusqu'à la convention de Montego Bay (premières signatures en 1982, entrée en vigueur en 1994) dont les dispositions permettaient au Maroc d’obtenir l’administration de 275 000 km² de Zones Economiques Exclusives (ZEE). Mais c’est sans compter la ZEE afférente au Sahara occidental.

     C’était dans cette perspective qu'il s'agissait de lire l'acquisition des premiers patrouilleurs côtiers et capacités de débarquement. Ce mouvement parvenait, semble-t-il, à son apogée par l’acquisition des deux frégates de classe Floréal - les Mohammed V (2002 – 2032 ?) et Hassan II (2003 – 2033 ?). Une deuxième phase d'extension géostratégique des capacités militaires débutait par les acquisitions consécutives :

  • Auprès des Pays-Bas de trois corvettes de type SIGMA (Ship Integrated Geometrical Modularity Approach) :
    • deux SIGMA 9813 :
      • Sultan Moulay Ismail (2012 – 2042 ?),
      • Allal ben Abdellah (2012 - 2042 ?) ;
    • une SIGMA 10145 (conçue comme conducteur de flottilles) :
      • Tarik ben Ziyad (2011 - ...) ;
  • Auprès de la France d'une FREMM :
      • la frégate Mohammed VI (2014 – 2044 ?). 

Ces nouvelles capacités semblent former une sorte de groupe d’action sous-marine emmené par la frégate Mohammed VI dont la suite de lutte anti-sous-marine possède pour principale antenne un sonar remorqué à immersion variable CAPTAS-4 (Thales) tandis que les trois corvettes SIGMA sont équipées d'un sonar de coque UMS 4110 Kingklip (Thales), le même que celui des FREMM. De sorte qu’il y ait matière à s’interroger au sujet des capacités de travail collaboratifs des différentes plateformes, voire dans une hypothèse un peu radicale : serait-ce à dire que la Marine royale marocaine puisse bénéficier de quelques capacités de lutte anti-sous-marine multi-statiques ?

     En effet, les enjeux navals marocains sur le plan naval sont confrontés à deux pays dont les marines sont équipées de sous-marins :

D'un côté, il y a un différend frontalier quant aux territoires espagnols sur la côte Nord de l'Afrique pour lequel Madrid (trois sous-marins de classe Galerna (Agosta 70) et Rabat en viennent, parfois, à des démonstrations militaires. Par ailleurs, Madrid a accordé des droits d'escale aux bâtiments de guerre ruses à Ceuta et Melila où, notamment, des sous-marins russes avaient pu y être photographiés.

De l’autre côté, il y a aussi la rivalité régionale entre le Maroc et l'Algérie (deux sous-marins du projet 877 EKM, quatre autres du projet 636.3) dont l'une des principales pierres d'achoppement est la question du conflit du Sahara occidental au sein duquel le Front Polisario a été notoirement soutenu par Alger. Et ce groupe d’action sous-marine peut alors apparaître comme une réplique de Rabat à l'extension de la sous-marinade algérienne dont le nombre de coques a été porté de deux à six unités opérationnelles entre 2010 et 2019.

Rabat ne témoignait pas, par quelques signes que ce soit, d’une volonté de se hisser au même niveau opérationnel que ses deux voisins précités par la mise en œuvre de capacités dites « symétriques » : c’est-à-dire la constitution d’une force sous-marine.

     Mais c'était vrai jusqu'au début des années 2010 : depuis 2012, des articles de presse et de sites spécialisés, tout particulièrement russes et nord-africains, font état d'une proposition russe pour la vente de plusieurs sous-marins Amur-1650 (projet 677E). L'affaire, peu médiatisée en dehors des cénacles intéressés, implique de considérer qu'elle ait pu être grossie de manière exagérée - les propositions commerciales sont monnaies courantes. Proposition commerciale qui semble s'être éteinte avec l'échec du projet 677E, prononcée en 2016 car l'industrie russe n'a pas été en mesure d'aboutir à développer un système d’Air Independant Propulsion (AIP) opérationnel. Et Moscou aurait embrayé par une nouvelle offre centrée sur les futurs Kalina.

Il est à relever qu’il aurait été question d'un appui financier saoudien à l'opération. Ryad aurait ainsi souhaité rendre coup sur coup au soutien algérien à la création d'une enquête internationale au sujet du conflit opposant la rébellion des Houthis à la coalition arabe conduite par l'Arabie Saoudite.

Aussi, certains avancent, sans qu'il ne soit possible de recouper l'information, que la Chine aurait pu, elle aussi, faire une proposition commerciale de vente de sous-marins à Rabat sur la base du S-20, version commerciale du Type 041 Yuan. La confirmation d'une telle assertion vérifierait la clientélisation des Etats bénéficiant de lourds investissements chinois dans d’OBOR (One Belt, One Road ou les Nouvelles Routes de la Soie). La Chine investit lourdement à Tanger (Maroc) tandis qu'une nouvelle base navale marocaine est en construction à proximité immédiate de ce port marchand.

Et l'obtention d’une capacité sous-marine initiale par l’acquisition de sous-marins d'occasion ne semble pas avoir été étudié, pour ce qui est perceptible. Outre une entrée en matière à un coût maîtrisé, pareille mesure permettrait de préparer l’introduction de sous-marins modernes tout en entamant le vaste chantier de constitution d’une force sous-marine, tout en marquant un temps supplémentaire dans la montée en puissance des nouvelles capacités navales, permettant peut être d’amoindrir le « choc » stratégique pour les États riverains du Maroc.

Vis-à-vis de l’Espagne, la constitution d’une force sous-marine pourvue de deux à six sous-marins modernes offrirait un avantage stratégique non-négligeable vis-à-vis des trois sous-marins espagnols, pas loin d’être obsolètes. Et même dans l’hypothèse d’un avantage numérique espagnol recouvré par le renouvellement des bateaux – programme S-80 (2022 - 2027) -, Madrid devra considérer que les sous-marins marocains auront vocation à tenir Gibraltar et que leur opposer une présence sous-marine reviendrait à amoindrir d’autant la projection de sous-marins espagnols sous d’autres latitudes, pour d’autres missions, comme par exemple au profit de l’OTAN.

Et c’est sans compter sur l’obtention d’une autre qualité militaire par une hypothétique force sous-marine marocaine : outre le nombre, il y a aussi la qualité. Et de futurs sous-marins seraient potentiellement aptes à lancer des armes tactiques telles que des missiles anti-navires à changement de milieu (Anti-Ship Cruise Missiles (ASCM) et de missiles de croisière navals à changement de milieu (Submarine-Launched Cruise Missile (SLCM).

Les premiers sont susceptibles, selon les munitions et versions considérées, de bénéficier d’une capacité technique à atteindre des cibles côtières par une adaptation de leurs systèmes de navigation et de guidage.

Les deuxièmes sont plus rarement exportés ou transférés car les États signataires du Missile Technology Control Regime (MTCR) se sont engagés à ne pas livrer de missiles d’une portée supérieure à 500 km à d’autres États, hormis de très rares exceptions dont ne bénéficie pas le Maroc. Mais il est remarquable que Rabat se dotait d’un premier satellite d'observation optique (novembre 2017), ce qui participe à l’acquisition de l’une des capacités nécessaires à la mise en œuvre de missiles de croisière. Et l'Espagne n'a accès au renseignement spatial que par des accords diplomatiques.

L'éventuelle création d'une sous-marinade marocaine risque fortement d'amener une perturbation de l'équation stratégique dans le triangle Maroc-Espagne-Algérie, susceptible même d'impulser une rectification des plans navals de chacun des États riverains afin de trouver un nouvel équilibre.

 

1 commentaire:

  1. Bonsoir.
    Etonnant ! cette escale de navires russes...
    "Lorsque Annaba était une base de sous-marins nucléaires soviétiques"
    https://www.menadefense.net/2018/02/24/4269/
    https://youtu.be/_VJITAcCVC0

    Cela est évoqué sur d'autres blogs des 2013, classe lada amur 1650: "Armement: Vers une lune de miel Russo-Marocaine?"
    https://www.menadefense.net/2013/07/14/armement-vers-une-lune-de-miel-russo-marocaine/

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