17 juillet 2018

Grèce : location des "Cassard" et "Jean Bart" ?

© Inconnu. Lanceur Mk 13 et missile SM-2 MR.
La marine hellénique souhaite remplacer les dix frégates de la classe Elli (toutes du type S-frigates ou classe Kortenaer ; modernisation en 2009) par des frégates modernes et polyvalentes. Le député Yves Fréville (rapport d'information déposé le 16 juin 2005) relevait l'intérêt de la Grèce pour les FREMM l'année même où la première tranche du programme est notifiée en France (16 novembre 2005). Depuis, au moins, l'année 2013 la location de frégates françaises est évoquée. Athènes tentait d'arracher par quelques manœuvres la location de FREMM mais Paris refusait. Reste à étudier la dernière proposition avancée : la location des Cassard (1985 - 2021) et Jean Bart (1988 - 2022).

La marine grecque se focalise sur la défense aérienne de la façade maritime du pays, en particulier à l'endroit de la Turquie qui demeure l'adversaire majeur. Entre les incursions aériennes turques très régulières et les positions révisionnistes, voire annexionnistes d'une partie de la classe politique turque, tout indique que les projets navals continuent à bénéficier d'un fort soutien politique.
Loin des six FREMM voulues par la Grèce et hors de ses moyens financiers actuels, Athènes devrait pouvoir, toutefois, s'offrir deux frégates Belh@rra : c'est-à-dire la version proposée à l'exportation des Frégates de Taille Intermédiaire (FTI).
Dès lors, il y a matière à s'interroger sur la solution proposée à la Grèce puisque du temps de la prospection commerciale pour des FREMM, la marine hellénique se voyait proposer une frégate dérivée de l'Aquitaine. À la différence de la version Marine nationale, celle proposée à la Grèce comportait notamment trois lanceurs SYLVER A35 en la partie bâbord du hangar aéronautique. Le nombre total de missiles est ainsi porté de 32 à 56 missiles. Hangar aéronautique où trônait aussi un un radar S-1850 SMART-L couplé avec l'Herakles.

Reste alors pour répondre aux préoccupations grecques quant à leur problème militaire à effectivement pouvoir louer les deux frégates de défense aérienne Cassard (1985 - 2021) et Jean Bart (1988 - 2022). La première FTI ne rejoindrait le service au plus tôt qu'en 2023. Et les deux frégates concernées quitteront le service en 2021 et 2022. Aucune accélération du programme n'étant prévu et alors que le porte-avions Charles de Gaulle est désormais entre deux ATM/IPER (2017-2018 et 2025), le format français à quatre frégates de défense aérienne permettra difficilement une rupture temporaire de capacités d'ici 2021.

Sur le plan technique, ces deux frégates posent quelques difficultés. Les Cassard (1985 - 2021) et Jean Bart (1988 - 2022) furent construites (1982-1991) avec des RIM-24 Tartar reçus des États-Unis en 1965 et débarqués des escorteurs d'escadre Bouvet et Kersaint. Remplacer le Tartar par le PAAMS était envisagé : les coûts et les faiblesses structurelles des frégates condamnaient cette refonte. L'industriel américain en charge de ces missiles décidaient de s'en désengager. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles il n'est plus possible de différer le désarmement des deux frégates.

Et c'est la principale raison pour laquelle cette proposition française détonne :

Premièrement, il ne coûte pas grand chose de proposer quelque chose répondant aux préoccupations militaires grecques dans la mesure où Athènes n'a rien signé et que d'éventuelles négociations officielles exigeraient un "certain temps". Le dossier remonte à 2005, au moins.

Deuxièmement, quid de la crédibilité de la supposée offre française ? Si l'industriel américain se désengage effectivement sans remettre en cause sa décision alors les frégates seront sans système d'arme principal jusqu'à ce que les obsolescences (électroniques, poudres, etc) atteignent le seuil de rupture. Seulement cinq marines emploient encore à la mer le couple lanceur Mk 13 et missiles RIM-66/SM-1/Tartar.

Deux solutions peuvent être invoquées pour contourner la difficulté :
La plus évidente est de négocier un soutien prolongé avec l'industriel américain, ce qui est forcément onéreux rien que pour la préservation d'une micro-filière. La deuxième serait une légère modernisation afin, tout simplement, de lever les risques engendrés par le maintien à bord des missiles RIM-66/SM-1/Tartar. La Royal Australian Navy emploie elle aussi sur ses six frégates de classe Adelaïde. Mais en lieu et place des SM-1, ces frégates embarquent des missiles SM-2 MR (Medium Range). En outre, un lanceur Mk 41 est intégré permettant à 32 ESSM (Evolved Sea Sparrow Missiles) d'être ensilotés.

La deuxième solution est assez séduisante dans la mesure où plutôt que de préserver une micro-filière sans le moindre avenir, il s'agirait plutôt de piocher dans les surplus de l'US Navy afin de récupérer missiles et pièces de rechange contre une modernisation en apparence somme toute légère. Sachant qu'une mise en œuvre pratique de la solution existe et est rôdée.
Le gain opérationnel serait significatif puisque le SM-1 est donné pour, environ, 70 km de portée contre 90 km pour le SM-2 MR mais près de 185 km pour le SM-ER (Extended Range) - jamais exporté. Les nouveaux radars SMART-S des Cassard et Jean Bart avec les 250 km de portée affichée permettent largement de soutenir ces capacités. Une modernisation plus lourde comprendrait le changement de la rampe avec l'adoption de la Mk 26 plutôt que de la Mk 13 afin d'intégrer un lanceur double. La cadence de tir serait, forcément, toute autre mais l'acheminement des missiles devrait alors être réaménagé.

Mais il s'agirait alors de s'interroger pourquoi après l'abandon de la refonte PAAMS des frégates F70 anti-aériennes au profit des Horizon n°3 et 4 et face au nouvel abandon de ces dernières il n'a pas été décidé d'abandonné les SM-1/Tartar des Cassard et Jean Bart.

En tous les cas, la capacité de la France à fournir des capacités opérationnelles de défense aérienne, dont des plateformes navales spécialisées, lui permet de répondre aux attentes de certains Etats pour résoudre leur problème militaire. Athènes avait souhaité se procurer des destroyers de la classe Kidd avec des SM-2 MR mais Washington refusait au nom de la stabilité régionale. Refus levé quand Paris pouvait proposer ses FREMM de classe Aquitaine modifiées avec des ASTER 30 (portée de 100 km). C'est cela pourvoir aux besoins de sécurité d'un Etat.
 

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