06 décembre 2019

Marine nationale : Système de Drone Aérien de la Marine, avancement du programme et ajustement de la cible ?

© Marine nationale. Le démonstrateur VSR700 à bord de la FREMM Auvergne (2017 – 2047 ?), en 2019.

     Le premier vol du démonstrateur VSR700 – pour le programme Système de Drone Aérien de la Marine (SDAM) – était effectué le 8 novembre 2019 par Airbus. La loi de programmation militaire (2019 – 2025) contient comme objectif que les premières livraisons soient effectuées à partir de 2028. Pour autant, la communication institutionnelle de la Marine nationale affirme que le Système de Drone Aérien de la Marine (SDAM) a vocation à être déployé à bord des Frégates de Défense et d'Intervention (FDI) et les Patrouilleurs d'Outre-Mer (POM) dès 2023 puis depuis les Patrouilleurs Océaniques (PO) à partir de 2024. L'avancement du programme sera-t-il demandé lors de l'examen de la clause de revoyure de la loi de programmation militaire, c'est-à-dire en 2021 ?

     Le programme SDAM bénéficiait d’études amont, menées depuis début 2005, sous la férule de la DGA (UM NAV), par l'entremise des programmes d’études amont D2AD, IND et SERVAL dont l’objectif central visait à faire émerger les différentes briques technologiques nécessaires à la mise en œuvre d'un drone à voilure tournante depuis un bâtiment à la mer, avec une capacité intrinsèque à décoller et apponter, avec la surveillance d'un opérateur ou bien dans un mode totalement automatique.

     Dans cette optique, un drone Camcopter S-100 de l'industriel autrichien Schiebel fut expérimenté à la mer à bord de la frégate anti-sous-marine Montcalm (1982 – 2017) les 9 et 10 septembre 2008 dans le cadre du PEA Décollage et D’appontage Automatiques de Drones à voilure tournante (D2AD). L'aéronef avait pu apponter grâce au Système d'Appontage et de Décollage Automatique (SADA), développé par Naval group. Le PEA D2AD s'était poursuivi jusqu'en 2012, par des essais le clôturant à bord de la frégate et Guépratte (2001 - 2031 ?). Une première expérimentation opérationnelle était menée par une équipe du le Centre d’expérimentations pratiques et de réception de l’aéronautique navale (CEPA/10S), toujours avec le même drone, cette fois-ci à bord du patrouilleur hauturier l'Adroit (2011 – 2015) afin d'évaluer la contribution pouvant être apportée par un capteur déporté au profit de missions de police des pêches, de surveillance maritime, de lutte contre l'immigration clandestine et contre la piraterie. Un Camcopter S-100 fut acquis par la Marine nationale en 2012. Il fut perdu à la mer mais remplacé par l'industriel, l'enquête ayant montré sa responsabilité contractuelle dans la production de l’accident.

     Une deuxième phase de l'expérimentation, annoncée fin 2016, devait débuter en 2017, avec l’objectif d’essayer les contributions possibles de ce même capteur déporté aux opérations amphibies, menées depuis un Porte-Hélicoptère Amphibie (PHA) de classe Mistral (3). Un deuxième Camcopter S-100, porteur d'un AIS, était acquis à cette fin et réceptionné fin novembre 2018 dans le cadre du marché Nouvelles Capacités Opérationnelles (NCO). Le Camcopter S-100 servait à l'établissement de la situation maritime dans l'environnement opérationnel du Dixmude (2012 – 2042 ?) qui accueillait à son bord les deux drones Camcopter S-100 détenus par la Marine. Leur contribution aux opérations amphibies consistait alors à assurer le repérage des atterrages possibles des chalands de débarquement de la batellerie et, enfin, à assurer le suivi et le soutien des troupes débarquées.

     Le basculement du temps de l’expérimentation au lancement du programme SDAM, afin de permettre le développement d’une solution industrielle mâture, à partir de laquelle doit pouvoir être développé un engin opérationnel répondant au cahier des charges de la Marine nationale, a bénéficié d’un contrat de développement notifié aux industriels Airbus Helicopters et Naval group, le 29 décembre 2017. Les industriels disposaient, selon les termes du marché, de 45 mois pour présenter une solution opérationnelle au client. Le démonstrateur, baptisé postérieurement VSR700, est conçu à partir de l'hélicoptère Cabri G2 de la société Hélicoptères Guimbal qui fut choisie préalablement par Airbus Helicopters, le 20 octobre 2016, quand sa proposition pour la Marine nationale était alors dénommée Orka.

© Marine nationale. Des essais à la mer du Cabri G2 furent menés en 2017 afin d'étudier le comportement de l'appareil proprement dit dans l'optique de navaliser sa version dronisée. La frégate Forbin (2010 – 2040 ?) de la Marine nationale servait à ces essais.

     Le VSR700 est long de 6,2 mètres, son rotor a un diamètre de 7,2 mètres et l'ensemble est haut de 2,3 mètres. Avec une masse maximale au décollage de 700 kg, il sera en mesure d’être équipé de 150 kg de charges utiles dont un senseur électro-optique, un récepteur AIS et un radar de surveillance maritime à ouverture synthétique. Ainsi équipé, il aura une autonomie maximale de huit heures à une distance de 100 miles nautiques (185,2 km) autour du bâtiment porteur, c'est-à-dire la portée maximale des liaisons radio. Il sera en mesure de pousser jusqu’à une vitesse maximale de 185 km/h, possédera une vitesse de croisière de 165 km/h et s’élèvera jusqu’à un plafond de 6000 mètres.

Le démonstrateur, optionnellement piloté, est développé à partir d'un Cabri G2 modifié qui effectuait des vols autonomes dès mai 2017, avec un opérateur embarqué afin d'assurer la sécurité des essais. Le premier vol non-piloté et entièrement autonome était réalisé par le démonstrateur en 2018.

     Le démonstrateur sortit du hangar en 2019. Il bénéficiait d'un carénage aux lignes améliorées du point de vue aérodynamique et d'un compartiment pour loger les charges utiles. Il réussissait, le 8 novembre 2019, ses premiers décollage et atterrissage avec des vols d'une durée maximale de 10 minutes. L'aéronef, au nom de la sécurité, était retenu par des câbles de 30 mètres. Le prototype était préparé dans l'optique de mener un vol libre et d'ouvrir progressivement mais totalement son domaine de vol. Les industriels se félicitèrent de la bonne tenue du calendrier du programme, ce qui laissait augurer un résultat final à la hauteur des attentes et au rendez-vous, dans les termes demandés par le marché.

La finalité du contrat notifié le 29 décembre 2017 est l'embarquement d'un système de démonstration du SDAM à bord d'une FREMM et d'un PHA en 2021 à partir desquels le prototype devra être en mesure d'effectuer des décollages et appontage en toute autonomie, sans l'intervention d'un opérateur.

     Le rendez-vous opérationnel se conjugue avec l'agencement programmatique de la loi de programmation militaire (2019 – 2025). Dans le cadre du plan Mercator 2030, le chef d'état-major de la Marine nationale, l'Amiral Christophe Prazuck a déclaré vouloir 900 à 1200 drones sur tous les segments dont un drone pour chaque bateau d'ici à 2030.

     L'Amiral Christophe Prazuck précisait même que ce serait pour un petit bateau, un petit drone et pour un gros bateau, un gros drone. Il a aussi déclaré que chacune des quinze frégates de premier rang bénéficierait d'un SDAM et que le système serait au rendez-vous de la réception de la première FDI en 2023. Plus largement, le cahier des charges des six POM devant être réceptionnés entre 2023 et 2025 exigeait la faculté à opérer un drone aérien de 700 kg, en l'occurence un SDAM. Même les futurs PO basés en métropole (Brest et Toulon) devraient aussi être équipés du SDAM sans oublier les trois PHA soit un total de 34 bâtiments.

© Airbus Helicopters. L’industriel propose d'intégrer un large éventail de charges à bord du VSR700 permettant d'envisager que le drone accomplisse d'autres missions, outre celles demandées par la Marine nationale. Il est à se demander si le programme SLAMF pourrait s'intéresser à l'ajout de ce drone à la panoplie des robots devant constituer les effecteurs du système de guerre des mines.
 

     La loi de programmation militaire (2019 – 2025) comprend un objectif de livraison de quinze SDAM à partir de 2028, la précédente programmation ambitionnait l'année 2023 pour débuter les livraisons. Force est de constater qu'il est évoqué des « systèmes » sans qu’il ne soit précisé s’il y aura autant de vecteurs que de systèmes et combien de charges utiles seront disponibles pour chacun des quinze systèmes. En l’état actuel des choses, il s'agirait de comprendre que chaque SDAM serait pourvu de toutes les charges citées mais que chaque système ne comprendrait qu'un seul vecteur.

Il existe donc un monde entre le début de l'expérimentation à la mer du SDAM dès 2021 qui correspond au lancement du programme et la livraison du premier système en 2028. Il serait espéré que l'examen de la clause de revoyure de la loi de programmation militaire en 2021 permette d'avancer la commande des premiers systèmes, au mieux, à 2026. Une période d'expérimentation à la mer permettrait de faire gagner en maturité le système mais cinq années à cet effet paraissent excessives. Cela reviendrait également à admettre que les POM demeureront sans aucun moyen aérien jusqu'en 2028 au pire, 2026 au mieux. Les FDI pourront compter, quant à elles, sur le recentrage de la flotte de NH90 NFH Caïman Marine au seul profit des frégates de premier rang grâce à la location d'une flotte intérimaire d'hélicoptères en remplacement des SA-316B/319B Alouette III et d'une partie des AS.365 Dauphin.

Aussi, la cible programmatique de quinze SDAM paraît bien éloignée des 34 bâtiments devant bénéficier de cette nouvelle capacité opérationnelle. Même en considérant que seulement un tiers jusqu’à la moitié des plateformes visées seront simultanément à la mer pour missions, il s'agira de choisir quels bâtiments pourvoir. Et ce : sans oublier que certains d'entre eux ne sont pas basés en métropole et donc que des détachements devront être créés outre-mer.

 

2 commentaires:

  1. La commande d'un prototype de VSR-700 a été aussi annoncée par avance:
    https://www.capital.fr/entreprises-marches/airbus-helicopters-florence-parly-commande-8-helicopteres-caracal-1400296

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  2. Cela faisait longtemps que l'on ne communiquait plus sur le VSR-700:
    https://www.laprovence.com/article/edition-marseille/6870759/.html

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