23 février 2020

Marine nationale : tir de synthèse du MdCN à bord du Suffren en 2020 ?

© MBDA - Daniel Lutanie (2014). Le Missile de Croisière Naval (MdCN).
     Pour achever les expérimentations et essais du programme Missile de Croisière Naval (1998 – 2020) il ne manque plus qu'un tir de synthèse de la version à changement de milieu de cette munition, celle à lancement vertical ayant été déclarée opérationelle dès 2014. Selon Hervé Guillou « nous sommes pile sur le trait du calendrier » du Suffren tel qu'il avait été énoncé en décembre 2017. Et le 9 juillet 2019 il avait été annoncé des « tirs de synthèses » de « missiles » au profit du programme Barracuda. Le Suffren va-t-il tirer le MdCN dès cette année ?

Campagne de tirs (2010 – 2015)

     La campagne de tirs s'est articulée autour de deux sites de DGA essais et missiles, à savoir le site de Biscarrosse (Landes) pour les essais du MdCN à lancement vertical pour bâtiments de surface et le site de l'île du Levant (Var) pour les essais de la version à changement de milieu pour bâtiments sous-marins.

Le premier tir de développement d'un MdCN intervenait le 28 mai 2010. La munition fut lancée par un lanceur vertical représentatif d'un SYLVER A70. Tir qui permettait de valider la phase de départ du missile depuis le silo, sa transition en configuration de croisière et la séparation d'avec le « Système d’Accélération et Basculement » (SAB) ou « booster » en anglais. Le troisième tir (9 juillet 2012) était le premier tir complet de la version à lancement vertical. Il validait la phase terminale du vol du missile avec son guidage autonome par reconnaissance de scène infrarouge. Le cinquième tir (1er juillet 2013) était mené depuis un SYLVER A70. Le logiciel de planification de mission est employé pour la première fois. Et le guidage terminal infrarouge essayé à nouveau.

Le sixième tir de qualification (27 octobre 2014) était un tir de qualification représentatif d'un lancement depuis une frégate. Le MdCN était considéré dès lors comme opérationnel. Le septième tir (19 mai 2015) fut effectué à bord de l'Aquitaine et la Marine nationale devenait la première marine d'Europe de l'Ouest à détenir la capacité à tirer des missiles de croisière depuis des bâtiments de surface.

Les essais de tirs de la version à changement de milieu depuis le site du Levant employaient le Système de QUalification d'Armes par Lancement sous l'Eau (SQUALE) entre 2009 et 2014. Le deuxième tir (8 juin 2011) était le premier tir de développement de la version à changement de milieu du MdCN. Il était mené par l'entremise d'une plate-forme sous-marine représentative d'un lancement par un sous-marin en plongée. Le quatrième tir (24 octobre 2012) était le premier tir complet du MdCN en version sous-marine. Celui-ci validait l'utilisation du GPS pour le guidage en phase terminale du vol, complétant les essais du troisième tir.

La version à changement de milieu du MdCN n'a pas bénéficié d'un nouveau tir depuis 2012, ce qui s'explique très probablement par le décalage de la livraison du Suffren de 2012 à 2016 et en raison des retards enregistrés entre 2016 et 2019.

Séquence de tir du MdCN à changement de milieu

     Le MdCN dérivé du SCALP-EG est conçu autour d'un missile à corps cylindrique afin de pouvoir être engoncé Le MdCN est inséré dans un véhicule sous-marin très similaire à celui conçu pour le SM39 Exocet. Et à l'instar des autres armes tactiques, le MdCN est stocké sur les racks, aux côtés des F21 et des SM39 Exocet, voire des tracteurs sous-marins des nageurs de combat. La soute à armes tactiques disposent de vingt places sur les racks et quatre autres peuvent éventuellement être chargées dans les tubes lance-torpilles (4 x 533 mm), portant la dotation totale à 24 armes.

La séquence de tir débute par la manutention du véhicule sous-marin contenant le MdCN afin de le place devant la porte d'entrée du tube lance-torpilles grâce aux moyens de manutention. L'arme tactique est alors poussée dans le tube. Porte fermée et étanchéité vérifiée. Le tube est mis en eau et à la pression de l'immersion à laquelle se trouve le sous-marin. Le refouloir pneumatique est actionné par une réserve d'air comprimée qui permet au piston de « pousser » l'arme hors du tube.

Le véhicule sous-marin parcourt alors une « certaine distance » selon un parcours pré-programmé jusqu'à franchir le dioptre grâce à l'appoint d'un moteur-fusée. Le véhicule sous-marin jaillit hors de l'eau selon un angle de 45° jusqu'à une certaine altitude, guère plus élevée de quelques mètres s'il fallait croire les images des tirs d'essais. Le véhicule sous-marin s'ouvre alors en deux, le SAB/booster du MdCN s'allume permettant à la munition de poursuivre sa course.

Il semblerait que le turboréacteur TR50 (5,7 kN) et les ailes ne se déploient pas immédiatement après l'allumage du SAB/booster et ce, peut être jusqu'à l'extinction de ce dernier. La vitesse du MdCN se stabiliserait autour de Mach 0,7 à 0,8 lorsqu'il est parvenu à son altitude de croisière qui serait plus élevée pour la version à lancement vertical que pour celle à changement de milieu.

La version à changement de milieu du MdCN entretiendrait un vol à basse altitude depuis l'allumage de son SAB/booster. La première partie du vol à la vitesse de croisière ne s'appuierait que sur la centrale inertielle de navigation et ce ne serait que lors de la deuxième partie qu'il y aurait recours au récepteur GPS. La trajectoire pré-programmée du MdCN peut respecter un certain nombre de points de passage. Le missile peut changer à plusieurs reprises de direction et d'altitude.

À l'approche de l'objectif ou du vol au-dessus de la terre un système Terrain Profile Matching (TERPROM) participe à la capacité du MdCN à évoluer au-dessus du relief. Un radar et un senseur infrarouge d'imagerie avec traitement d'image numérique servent à la discrimination de la cible. Cap et donc trajectoire sont ajustés par la munition après reconnaissance de la forme de l'objectif. L'objectif est touché avec une précision métrique.

Le MdCN est réputé posséder une liaison de données bidirectionnelle permettant à la plate-forme de tir de suivre la munition, voire que des opérateurs effectuent eux-mêmes des changements de cap.

Tir de synthèse en 2020 ?

     Le dossier de presse distribué à l'occasion de la conférence de presse du 9 juillet 2019, préalable au lancement du Suffren (12 juillet), précisait que le site Naval group d'Ollioules avait eu en charge la conception détaillée et préliminaire des systèmes (2007 – 2012), l'intégration fonctionnelle en plate-forme d'intégration des matériels et logiciels et, enfin, la réalisation des « mises en route » à bord du Suffren. Ces essais fonctionnels débutés en 2018 se poursuivaient à quai puis continueront en mer. Ils s'achèveront par des tirs de synthèse de « missiles ».

Et le même dossier de presse affirmait également que la DGA essais missile, par ses sites Landes (Biscarrosse) et Méditerranée (île du Levant), plusieurs « essais de synthèse » au profit du programme Barracuda.

Les campagnes de tir vont reprendre au profit des « missiles » et de la torpille lourde F21 destinés au Suffren au cours de l'année 2020, c'est-à-dire pendant le déroulé de son programme d'essais dans l'optique de pouvoir le livrer à la Marine. Il n'y a que deux armes tactiques pouvant être qualifiés de missiles : le SM39 Mod. 2 Exocet et le MdCN.

Il ne s'agira pas de tirs de « développement » ou de « qualification ». Le tir de qualification est représentatif du tir depuis la plate-forme navale et emploie à cette fin la version opérationnelle de ses installations de lancement, instrumenté pour ce faire. Par contre, le tir « de synthèse » est mené depuis la plate-forme navale et est représentatif d'un emploi opérationnel.

Selon Hervé Guillou « nous sommes pile sur le trait du calendrier » du Suffren tel qu'il avait été énoncé en décembre 2017. Les tirs de développement, complets et de qualification du MdCN menés entre 2010 et 2015 permettaient de mettre en service la munition. Il ne manque plus qu'un tir de synthèse effectué par le Suffren pour achever le programme d'essais du MdCN en 2020 pour la version à changement de milieu.

Le septième tir (19 mai 2015) effectué à bord de l'Aquitaine qualifiait la Marine nationale en tant que première marine d'Europe de l'Ouest à détenir la capacité à tirer des missiles de croisière depuis des bâtiments de surface. Le huitième ou neuvième tir à venir, s'il fallait encore mener un tir de qualification, permettra à la Marine nationale de devenir deuxième marine d'Europe de l'Ouest après la Royal Navy (1994) et la troisième de toute l'Europe après la VMF (2016).


3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Et encore le tir effectué par la Royal Navy en 1994 se faisait avec un missile américain acheté sur étagère... Ce qui n'est pas tout à fait fait le même chose qu'avec le MDCN mis en oeuvre par les Suffren de notre Royale (ou de l'indépendance stratégique des deux Marines par rapport à leur puissant allié américain sur des systèmes d'armes de rupture... Je n'évoque même pas la maintenance des missiles nucléaires stratégiques britanniques...).

    Je profite de ma petite intervention pour vous remercier, cher Marquis, de vos excellents billets et pour la qualité de votre blog en général.

    Bien cordialement.

    Benoît.

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  2. Benoît,

    Bonjour, vous relevez un point déterminant de nos différences d'appréciation car il est peu ou prou admis que nous faisons avec les Britanniques des analyses fort similaires des enjeux stratégiques mais que nous y répondons de manière fort différente.

    Et en la matière, il ne semble pas souhaité à Londres d'être autonome en matière de missiles de croisière. C'est peut être en raison d'hypothèses d'engagement privilégiant la formation d'une coalition au moins bilatérale avec les États-Unis.

    À noter qu'en matière de défense aérienne, Londres a préféré demeurer dans le programme PAAMS plutôt que d'acquérir le programme AEGIS.

    Merci pour votre généreuse appréciation et je suis bien content que cela vous plaise.

    Bien navicalement,

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  3. Je suis assez étonné par l'avant du missile que l'on voit sur la photo. En effet, pas d'emplacement pour le capteur infrarouge de la phase finale. J'en déduit que la partie conique doit être éjecté en final dans son intégralité mais en conservant la point en métal. Je suppose que le "scotch" noire est destiné à maintenir la conductivité électrique probablement pour des raisons de SER. Dommage de ne pas avoir fait un avant plus "furtif" étant donné que c'est la seule partie du missile dont la forme n'est pas contrainte par celle cylindrique du tube de lancement ...

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