21 novembre 2020

Marine nationale : notification de l'accord-cadre portant étude, développement, réalisation et MCO des PO

     Un communiqué de presse du 20 novembre 2020 déclamait la fin de la deuxième partie du défunt programme  BATSIMAR (BATiment de Surveillance et d'Intervention MARitime), par le lancement des études détaillées du futur Patrouilleur Océanique (PO), comme préalable à la phase d'industrialisation des futurs patrouilleurs, par la notification fin octobre par la DGA aux industriels concernés - Naval group, CMN (Constructions Mécaniques de Normandie), Piriou et SOCARENAM (SOciété CAlaisienne de REparation Navale & Mécanique) - de l'accord-cadre portant sur l’étude, le développement, la réalisation et le maintien en condition opérationnelle (MCO) initial de dix Patrouilleurs Océaniques (PO) pour la Marine nationale. 12 ans d'attente, la notification et une silhouette.

BATSIMAR (PAG + POM + PO)

     Le programme BATSIMAR (BATiment de Surveillance et d'Intervention MARitime) bénéficiait d'une première présentation publique par la description qui en était donnée dans le projet de loi de finances pour 2009 (commission des finances, Sénat, 2008) et qui résumait l'ensemble des caractéristiques visées par ce programme : « La marine a exprimé le besoin d'un bâtiment de haute mer, endurant et autonome , capable d'une vitesse de transit suffisante, apte à accueillir des commandos et à mettre en oeuvre les moyens habituels d'intervention (hélicoptère ou drone et drome). »

Programme qui n'était inscrit ni à la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2009-2014, ni dans la LPM 2014-2019, malgré son actualisation décidée par le Président François Hollande et l'historique stabilisation des dépenses militaires françaises.

     Toutefois, la LPM 2014-2019 portait la première « scission » du programme BATSIMAR de par le remplacement des P400 (La Gracieuse (1987 - 2017), La Capricieuse (1986 - 2017) de Guyane par deux Patrouilleurs Légers Guyanais (PLG) commandés en 2015 : La Confiance (2017 - 2047 ?) et La Résolue (2017 - 2047 ?). Leur cahier des charges demandait qu'ils soient adaptés à la géographie navale locale, imposant un modeste tirant d'eau dont la limite a été fixée à 3,5 mètres. Le passage de l'ouragan Irma (30 août 2017 - 14 septembre 2017) soulignait les conséquences des RTC observées aux Antilles, notamment dans les missions NARCOPS, et permettait la commande d'une troisième unité était commandée. Les PLG devenaient les Patrouilleurs Antilles Guyane (PAG) de classe Confiance.

     Par ailleurs, et au cours de la même LPM 2014-2019, l'Amiral Christophe Prazuck prenait trois décisions structurantes au profit du programme BATSIMAR :

Le 12 octobre 2016, l'Amiral Christophe Prazuck défendait (audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 12 octobre 2016) la stratégie des moyens de la Marine nationale quant à l'Action de l'Etat en Mer (AEM) au sein de laquelle les futurs patrouilleurs tiennent une place essentielle et proposait, à ce titre, un schéma simple à assimiler et presque intuitif dans la compréhension de la répartition des bateaux : « le format global que nous visons, et que nous connaissons depuis plusieurs décennies, est d’une frégate, deux patrouilleurs et un bâtiment logistique pour chaque département ou collectivité d’outre-mer. »

Début décembre 2016, lors d'un échange avec les membres de l'Association des Journalistes de Défense (AJD), le Chef d'État-Major de la Marine nationale (CEMM) définissait finalement la cible du programme BATSIMAR vis-à-vis du schéma précédemment établi et exprimait son souhait que la cible soit à hauteur de18 patrouilleurs (Vincent Groizeleau, « BATSIMAR : La marine en souhaite 18 et les premiers dès 2021 », Mer et Marine, 25 janvier 2017) tandis que le premier était espéré pour 2021 dans le cadre de la maquette Marine 2030 et non plus 2024 (maquette Horizon Marine 2025), comme précédemment enregistré par la programmation.

Toujours au sein de l'Assemblée nationale (audition devant la commission de la Défense et des forces armées, Assemblée nationale, 11 octobre 2017), l'Amiral Christophe Prazuck déclamait la deuxième scission du programme BATSIMAR qu'il présentait alors en ces termes « après plusieurs années de bataille pour avoir des BATSIMAR outre-mer, j’ai proposé de différencier ce programme. J’avais initialement l’intention de remplacer les patrouilleurs métropolitains et les patrouilleurs outre-mer par une même classe de bateau. Je n’y parviens pas. Ce serait trop cher, me dit-on. Je propose donc de déployer outre-mer des bateaux deux à trois fois moins chers, pour les avoir plus vite. »

La LPM 2019-2025 inscrivait à la programmation l'ambition de porter le nombre de patrouilleurs de 16 (2019) à 18 (2025) grâce au lancement de deux programmes, découlant directement des propos de l'Amiral Christophe Prazuck : les Patrouilleurs d'Outre-Mer (POM) et les Patrouilleurs Métropole NG (PMNG). Ces derniers recevront successivement d'autres dénominations - Patrouilleurs Métropolitains NG (PMNG), Patrouilleurs de Haute Mer de Nouvelle Génération (PHM-NG) - avant de recevoir finalement l'appellation de Patrouilleurs Océaniques (PO).

Pour le premier programme - POM -, la DGA publiait dès le 13 août 2018 un appel d'offres portant sur six unités, avec des caractéristiques plus importantes que celles demandées aux PLG/PAG. Le Président de la République - M. Emmanuel Macron - déclarait, le 3 décembre 2019, lors des assises de la Mer qu'avait été commandé 6 unités. Et il fallait apprendre que les signature et notification du contrat avaient été effectués la dernière semaine du mois de novembre 2019. SOCARENAM remportait le marché POM et recevait la charge de mettre sur cale (Vincent Groizeleau, « Le design final des futurs patrouilleurs d’outre-mer (POM) », Mer et Marine, 23 octobre 2020) les futurs :

  • Auguste Bénébig (2022 - 2032 ?) et Jean Tranape (2023 - 2053 ?) pour la Nouvelle Calédonie,
  • Teriieroo (2023 - 2053 ?) pour la Polynésie française,
  • Philippe Bernardino (2024 - 2054 ?) et Auguste Techer (2024 - 2054 ?) pour la Réunion,
  • Félix Eboué (2025 - 2055 ?) pour la Polynésie française.
La découpe de la première tôle du POM n°1 s'est déroulé le 8 octobre 2020. Le sixième POM sera livré en 2025.

 

 

Patrouilleurs
Antilles
Guyane

Patrouilleurs
d’Outre-Mer 

Patrouilleurs
Océaniques

 

 

La Confiance (2017 – 2047 ?)

La Résolue (2017 – 2047 ?)

La Combattante (2020 – 2050 ?)

Auguste Bénébig (2022 – 2032 ?)

Jean Tranape
(2023 – 2053 ?)

Teriieroo
(2023 – 2053 ?)

Philippe Bernardino
(2024 – 2054 ?)

Auguste Techer
(2024 – 2054 ?)

Félix Eboué
(2025 – 2055 ?).

PO n°1
PO n°2
PO n°3
PO n°4
PO n°5
PO n°6
PO n°7
PO n°8
PO n°9
PO n°10

Caractéristiques nautiques

Longueur (mètres)

60,8

79,9

~90

Maître-bau (mètres)

9,55

11,8

?

Tirant d’eau (mètres)

3,2

3,5 <

?

Tonnage lège

?

1158

1785 ?

Tonnage pleine charge 

700 - 760

1298

~2000

Vitesse (nœuds) 

21

24

22

Propulsion (MW) 

6

?

?

Autonomie (mn) 

> 3500 à 12 nœuds

5500 à 12 nœuds

?

Vivres (jours)

15-20 jours ?

30

40

Equipage (marins + passagers)

24 + 14

30 + 23

50 + (24 ?)

Tableau n°1 – Comparaison des caractéristiques nautiques des PAG, POM et PO


Patrouilleurs Océaniques (PO)

     L'effort institutionnel pouvait s'attaque à la troisième et dernière partie du programme BATSIMAR : le programme Patrouilleurs Océaniques (PO). Une troisième scission a manqué d'intervenir afin de distinguer les PO qui auraient été l'équivalent métropolitain des POM de corvettes appelées à succéder aux avisos A69, reclassés PHM, servant à assurer les atterrages de la FOSt grâce à leurs capacités de lutte anti-sous-marine par petits fonds. Et ces corvettes auraient consisté dans l'ajout à la participation française à la CSP/PESCO European Patrol Corvette du remplacement de quatre des huit avisos A69, s'ajoutant à la succession des frégates de classe Floréal, avançant ainsi le calendrier du futur programme. Et c'est pourquoi il avait été envisagé d'ajouter les PO (6 dans cette hypothèse) à la longue liste des marchés publics militaires français soumis à appels d'offres européens.

     L'ultime scission n'aura pas eu lieu et la cible du programme PO demeurait à 10 unités. Le 5 mars 2020, la DGA communiquait au sujet de la finalisation d'un « contrat » dont la rédaction avait été assuré par le plateau en charge du programme PO dont la réunion était immortalisée par un cliché. Il fallait apprendre dans la foulée que la procédure se distinguerait des précédentes, en ce sens qu'il ne s'agirait pas d'un appel d'offres couvrant le marché depuis la conception jusqu'à un contrat de MCO. Le Comité Ministériel d'Investissement (CMI) décidait le lancement du programme PO le 25 juin 2020.

Selon une procédure originale, le « contrat » consiste finalement en un « accord-cadre » au sein duquel Naval group reçoit les études de conception, et donc les futures études détaillées du patrouilleur par voie de conséquence de l'abandon de la troisième scission du programme BATSIMAR : les PO ayant vocation à assurer les atterrages de la FOSt, cette mission exige l'observation d'un certain secret vis-à-vis de l'intégration de capacités anti-sous-marines. La mise en concurrence demeurait mais uniquement à l'échelon national et sur la seule construction des patrouilleurs. Et il se devine que Naval group détiendra, seul, la responsabilité de l'intégration d'une partie des équipements et systèmes dont la suite de lutte anti-sous-marine.

Accord-cadre qui aurait été signé fin octobre : comme, par exemple, le 27 octobre (Jean Lavalley, « Marine nationale : CMN va participer à la construction des patrouilleurs océaniques », La Presse de la Manche, 27 octobre 2020), jour de la publication du seul papier évoquant ce programme ce mois-ci et le même jour que la DGA officialisait le choix du RapidFire Naval 40 mm CTA (GME Nexter - Thales) pour les programmes BRF et PO. Et ce n'est que le vendredi 20 octobre 2020 à 18h30 qu'un communiqué de presse de la DGA révélait que la notification de l'accord-cadre aux industriels concernés.

Sur le plan juridique, il y a eu une répétition de la manœuvre observée pour les POM : afin de se prémunir le plus possible d'une exposition à une quelconque procédure contentieuse, le ministère des Armées n'offrait pas plus de publicité à ces programmes que celle exigée par la Loi. D'où la publication d'un communiqué de presse pratiquement un mois jour pour jour après la signature dudit accord-cadre.

Sur le plan industriel, le cahier des charges exigeait une coque en acier : excluant de facto OCEA. La mise en concurrence des trois chantiers restants semblait plutôt répondre à une mobilisation de la commande publique pour soutenir les plans de charge que de pouvoir espérer l'offre la mieux-disante à caractéristiques égales, en termes de coûts de construction et d'utilisation. Il se déduit aussi des rares précisions données qu'il aurait été préféré une répartition des mises sur cales plutôt qu'une spécialisation des chantiers dans la fabrication de blocs avec un seul chantier assurant la mise sur cale proprement dite. Et la répartition de l'ensemble du tonnage à construire (environ 20 000 tonnes) entre les différents chantiers n'est pas encore connue.

Plus particulièrement, il sera très intéressant d'observer comment auront été finement définies les caractéristiques des PO car leur construction bénéficiera des compétences existantes de Naval group. Mais CMN et SOCARENAM, en particulier, hors cas particulier de Piriou réuni à Naval group par la société commune Kership, auront l'occasion de mettre sur cale les plus importantes unités de leur histoire et de pouvoir prétendre à construire des patrouilleurs hauturiers (Offshore Patrol Vessel (OPV) d'environ 2000 tonnes. La montée en gamme des compétences industrielles ne sera pas conséquence vis-à-vis de futurs programmes, en particulier pour Naval group.

Il est remarquable que le ministère des Armées et Naval group observent la plus grande discrétion quant aux caractéristiques précises des Patrouilleurs Océaniques (PO) mais également ne proposent pas, non plus, un premier dessin d'artiste des futurs patrouilleurs. Une ancienne esquisse avait été montrée lors d'une conférence. Et le communiqué de presse de la DGA (20 novembre 2020) ne contient qu'une silhouette qui ressemble, ni plus, ni moins, à une vue de profil stylisée d'un POM, prolongeant la plage hélicoptère jusqu'à la poupe mais avec un hangar aéronautique à l'arrière de la passerelle, présentant de fortes dimensions car son toit culmine au-dessus de la passerelle, conférant à l'ensemble une apparence très similaire à la première esquisse d'une corvette Gowind 200.

C'était peut-être là le principal enseignement de l'esquisse ayant, un temps, représenté les Patrouilleurs Océaniques (PO) : la silhouette d'une corvette couplée à un budget d'environ 1000 millions d'euros, soit un coût unitaire de production d'environ 70,83 M€/PO, une fois retiré de la somme totale ce qui devrait correspondre aux coûts des études détaillées et du contrat de MCO d'une durée de 10 années, en se fondant sur les données correspondantes du programme PLG/PAG (24 millions d'euros le PAG - coût incluant les études et le contrat de MCO de 6 ans - mais seulement 17 millions d'euros le patrouilleur).

Enfin, clôturant le volet industriel du programme : Naval group pourrait avoir l'occasion de mener les études détaillées d'un bâtiment pouvant être qualifié de corvette et qui n'aura pas vocation à rejoindre le périmètre de la coopération Fincantieri - Naval group, permettant à la société française de pouvoir proposer sur le segment des bâtiments de 2000 tonnes, sans concurrence frontalement les CSP/PESCO European Patrol Corvette (3000-3500 tonnes) et FDI/Belh@rra (4000-4500 tonnes).

     Le programme Patrouilleurs Océaniques bénéficierait d'une entrée en phase de réalisation en 2022 ou 2023 dans l'optique de pouvoir assurer une première livraison en fin de période de la LPM 2019 - 2025 : soit 2024 ou 2025. La ministre des Armées, Mme Florence Parly (audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 6 octobre 2020), a même été encore plus précise devant l'Assemblée nationale en affirmant avoir décidé de mesures d'accélérations, eu égard à l'état des avisos A69, afin que les deux premiers PO puissent être livrés avant 2025 (audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 12 octobre 2016). Un calendrier légèrement différent avait été énoncé lors d'une présentaiton (Xavier Vavasseur, « Euronaval: First details of the Patrouilleurs Océanique (PO) platform unveiled », Naval News, 23 octobre 2020) où il était visé une livraison des dix unités entre 2025 et 2029. Les décisions prises à l'occasion de l'exécution de la clause de renvoyure (juin 2021) décideront très probablement de la date d'entrée en phase de réalisation du programme (2022 ou 2023) et donc du calendrier industriel devant permettre une ou deux premières livraisons en 2024 ou 2025, sachant que la tête-de-série pourrait être mise sur cale fin 2022 (Vincent Groizeleau, « Marine nationale : quatre chantiers pour le programme des patrouilleurs océaniques », Mer et Marine, 19 octobre 2020).

 


 

BATSIMAR (2015 - 2029) : PAG (3) + POM (6) + PO (10)

     Le programme BATSIMAR reposant sur la construction de 12 à 18 patrouilleurs issus d'une même classe n'aura jamais été lancé et les hypothèses conçues par l'état-major de la Marine, probablement confrontées aux esquisses de propositions des industriels, jamais énoncées. Néanmoins, et après douze ans d'attente, il en ressort que, avec la troisième phase de ce défunt programme, la Marine nationale, en différenciant par trois fois le besoin, aura pu obtenir la commande de 19 patrouilleurs pour un volume financier de 1300 millions d'euros (en données ajustées de l'inflation 2019).

Ces 19 patrouilleurs répartis en trois classes (soit ~29 888 tonnes à pleine charge) remplacent et remplaceront 10 P400, 9 avisos A69 reclassés PHM, 3 PSP, l'Arago, le Malin : soit 19 430 tonnes, la Flotte enregistrant une progression d'environ 10 458 tonnes, malgré l'abaissement du nombre de coques de 24 à 19 coques.

En retenant l'hypothèse haute au sujet des patrouilleurs océaniques - soit 18 équipages constitués -, les 19 patrouilleurs des trois classes pointées précédemment demanderont, très environ, 1152 marins, le système de double équipage n'ayant pas (encore ?) été retenu au profit des PAG et POM contre près de 1224 marins. 24 coques remplacées et à remplacer mais 27 équipages pour armer celles-ci contre, et très environ, jusqu'à 27 équipages pour les PAG, POM et PO pour une réduction de seulement 72 marins.

 

© Marine nationale. Xavier Vavasseur, « Euronaval: First details of the Patrouilleurs Océanique (PO) platform unveiled », Naval News, 23 octobre 2020.


 

Caractéristiques Patrouilleur Océanique

     Cette planche issue de la présentation faite à l'occasion de la conférence « Offshore Patrol Vessels International 2020 », organisée par Defense IQ, offrait un luxe de détails au sujet des caractéristiques demandées aux futurs patrouilleurs océaniques. Le déplacement (~2000 tonnes à pleine charge) est particulièrement remarquable car la distinction entre le résultat des cahiers des charges entre BSAH/BSAM (2960 tonnes à pleine charge) et B2M/BSAOM (2300 tonnes à pleine charge) laissait augurer une hausse du tonnage des PO (1670,5 tonnes à pleine charge) de 28,3% par rapport aux POM (1298 tonnes à pleine charge).

Ces 300 à 400 tonnes supplémentaires, vis-à-vis de ce qui pouvait être attendu de patrouilleurs hauturiers plus imposants car devant opérer un hélicoptère et mener des missions plus longues, soulignent un certain durcissement qui ne se résume pas à la seule intégration d'une suite de lutte anti-sous-marine, encore moins au choix d'une pièce d'artillerie RapidFire Naval de 40 mm CTA (GME Nexter - Thales), en lieu et place d'une pièce téléopérée de 20 mm Narwhal (Nexter).

Le rapport annexé à la LPM 2019-2025 contenait une inflexion loin d'être anodine : les capacités de gestion de crise et d'intervention mobilisables, au titre du contrat opérationnel, parmi les moyens de la Marine nationale comprennent pour la flotte de surface jusqu'à six frégates et un patrouilleur. Là où les avisos A69 servaient dans les contrats opérationnels et maquettes précédents d'unités d'éclairage, agissant au profit d'une force navale constituée, leur reclassement comme patrouilleurs de haute mer (PHM) ne leur a pas enlevé ce rôle. Ce qui implique au niveau institutionnel qu'un « patrouilleur » puisse remplacer les avisos A69 dans ce rôle et sur le plan matériel que seuls les patrouilleurs océaniques seront matériellement aptes à tenir ce rôle, raison pour laquelle ils se distinguent des PAG et des POM.

D'une certaine manière, les patrouilleurs océaniques pourraient être qualifiés comme relevant du troisième rang tandis que les patrouilleurs Antilles - Guyane et les patrouilleurs d'outre-mer seraient considérés comme appartenant au quatrième rang, par ordre d'importance.

Il en découle directement les capacités opérationnelles des patrouilleurs océaniques qui s'articuleront autour du nouveau concept de lutte anti-asymétrique de la Marine nationale puisque appelés à opérer dans des milieux non-permissifs, même si au profit d'engagement plutôt de basse intensité, et donc dans des zones essentiellement littorales et contestes. À cet égard, les 300 à 400 tonnes supplémentaires se justifient largement par l'exemple de la corvette Hanit, frappée par un missile anti-navire dans un tel rôle. Et le durcissement consisterait, pour l'essentiel, dans un renforcement du compartimentage et des redondances dans la perspective de cette hypothèse.

C'est pourquoi les capacités offensives et d'auto-défense des futurs PO devraient être directement dérivées des réflexions menées quant à l'évolution des capacités des bâtiments de deuxième rang de la Marine nationale en ce qui concerne celles dévolues à l'auto-défense et plus particulièrement à la lutte asymétrique. Un poste de commandement spécifique à la lutte asymétrique, comme ce serait le cas pour les FDI, sera-t-il physiquement et organiquement distingué du central opérations ?

Par ailleurs, est-ce que la disposition de l'artillerie considérée pour les Bâtiments Ravitailleurs de Forces (BRF) sera également reprise au profit des PO : disposeront-ils, non seulement d'un RapidFire Naval 40 mm CTA (GME Nexter - Thales) d'environ 4000 mètres de portée mais également d'une paire de Narwhal (~2000 mètres), en complément ?

Rien ne paraît dévoiler d'exigences quant à l'obtention de capacités de lutte anti-aérienne, hormis quelques indices. Les BRF devraient disposer d'une paire d'affûts SIMBAD RC (~8000 mètres) et le positionnement institutionnel des PO invite à considérer qu'il en sera de même pour ceux-ci. C'est pourquoi le choix du radar et de la conduite de tir sera intéressant à observer car il est explicitement indiqué qu'il sera apte à assurer une veille aérienne et bénéficiera d'un IFF, permettant d'identifier les aéronefs amis des ennemis. Ce qui sous-entend, certes légèrement, que les PO pourraient être en mesure, non seulement de détecter et classifier les contacts, mais peut être de pouvoir également les engager, au moins avec la pièce de 40 CTA.

Rien n'est dit quant à la présence - ou non - de missiles anti-navires légers (ANL) ou lourds (MM40 Block 3C Exocet puis FMAN). L'absence de ceux-ci serait une première, par rapport à la configuration d'origine des avisos A69, mais conformes a leur reclassement comme PHM et au débarquement des MM38, devenus obsolètes.

Le seul équipement confirmé de la future suite de lutte anti-sous-marine est le sonar de coque qui devrait très probablement être le BlueWatcher (Thales) qui est tout simplement le sonar FLASH du kit ASM des NH90 NFH Caïman Marine. Et ce sonar, en sa version pour bâtiment de surface, est essayé à la mer par la frégate Surcouf qui l'a reçu avec son dôme en novembre 2017 et a même conservé son installation au-delà de la période d'expérimentation d’une durée initialement prévue de deux années. Rien ne présage que les capacités acoustiques puissent comprendre d'autres senseurs comme une antenne linéaire remorquée ou bien un sonar remorqué à immersion variable : même si l'expérimentation du CAPTAS 1 par le BSAM Loire à Brest pour des besoins opérationnels très précis n'empêche pas d'être songeur. Et mettront-ils en œuvre des torpilles légères Mu90, au profit de leur auto-défense ? Et donc de leurres anti-torpilles ?

Les capacités d'intervention visées par le programme PO seront particulièrement remarquables puisque rien de moins que trois embarcations semi-rigides devraient composées la drome. Il est assez probable que Naval group puisse ou ait proposé l'installation, à l'arrière et sous la plage hélicoptère, d'un espace plus ou moins grand - si devant recevoir le conteneur hébergeant un système de mission additionnel - d'installation de mise à flot d'embarcations par deux rampes arrière. Le troisième semi-rigide serait alors installé dans une niche latérale, jointe ou non au hangar hélicoptère. Est-ce que l'architecture des futurs PO leur permettra d'opérer jusqu'à des semi-rigides d'environ 9 mètres, soit la taille des ECUME des commandos-marine ? Ou bien jusqu'à 12-13 mètres afin de pouvoir opérer un drone surface et donc potentiellement un module de lutte de lutte contre les mines du SLAM-F ?

En tous les cas, cette capacité visée n'est pas sans rappeler ce qui avait été envisagé pour les avisos A70, c'est-à-dire une configuration comprenant jusqu'à cinq embarcations semi-rigides à bord afin de pouvoir mettre en œuvre un commando.

Autre fait notable, l'équipage sera de 50 marins (+ 24 passagers ?), la capacité totale en logements du bord n'étant pas encore précisé. Les PAG (24 + 14) et POM (30 + 23) bénéficient d’un équipage de taille réduite. Et les seules considérations de taille des classes respectives ne sauraient expliquer la différence. Outre les considérations de léger renforcement des équipages observées sur les FREMM puis FDI, l'équipage demandé pour les PO confirment, une fois de plus, la recherche du renforcement de la valeur combattante des futures unités.

Il est manifestement envisagé l'adoption d'un double équipage au profit des patrouilleurs océaniques puisqu'il est demandé à l'industriel que les futurs bâtiments puissent soutenir entre 140 et 220 jours de mer par année, pour une disponibilité de 300 jours. L'effort en matière de ressources humaines à consentir vis-à-vis d'un doublement des équipages serait très minime car, aux équipages des huit avisos A69 (672 marins) et trois patrouilleurs de service public (126), il serait nécessaire d’ajouter un maximum théorique de 202 marins. Et c’est sans compter qu'il est très peu probable que le cycle opérationnel des PO puisse comprendre vingt équipages constitués mais plutôt 16 à 18 (800 - 900 marins), soit une différence d'environ 2 à 102 marins, presque intégralement couverte par l’introduction des trois nouvelles classes (reliquat, précité, de 72 marins).

 

8 commentaires:

  1. Bonjour et merci pour cet article toujours très intéressant.
    Que vont donc devenir les European Patrol Corvette, a quel besoin vont-ils répondre, uniquement le remplacement de la classe La Fayette ?
    L'Italie vient d'annoncer un certain nombre de nouveaux lancements de navires pour 2021... vont-ils largement surclasser les Français au niveau capacitaire sur l'ensemble de leur flotte de surface?
    Bien à vous,
    D.

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    1. Damien,

      Bonjour, au sujet des European Patrol Corvette : elles sont appelées à remplacer les frégates de la classe Floréal (6) et, pour le moment, rien n'a été décidé vis-à-vis du remplacement des frégates de classe La Fayette. Il est à rappeler que celles-ci ne sont pas remplacées par les FDI car ces dernières doivent remplacer les FREMM n°9, 10 et 11 et les frégates de 1er rang n°14 et 15 qui n'étaient pas visées par un programme spécifique.

      La situation de la flotte de surface de la Marina militare n'est pas simple à évoquer car ils distinguent la situation suivante à atteindre en 2035 :
      - 2 Horizon + 2 DDX
      - 10 FREMM
      - 15 navires de patrouille (PPA (7) + PPX/EPC (8).

      Néanmoins, sur les 10 FREMM seules 4 sont des frégates ASM et parmi les PPA, seules 2 relèveront de la version Full. Nous serions donc plutôt face à :

      - 10 frégates de 1er rang contre 15 en France
      (Horizon (2), DDX (2), FREMM ASM (4), PPA Full (2)

      - 11 frégates de 2e rang contre 11 en France :
      (FREMM GPA(6), PPA Light/Light + (5)

      - 8 patrouilleurs océaniques contre 10 en France :
      (PPX/EPC (8)

      Bien navicalement,

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  2. La marine nationale s'équipe de bateaux pour les temps de paix, dédiés à des missions de police ( lutte contre les traffics illicites, police des pêches...) Difficile il est vrai de construire un bateau de guerre à 71 M euros l'unité! Comme le remarque le Marquis, ce choix bas de gamme au profit du nombre de coques (moins cependant de PHM que de A 69) a pour effet de priver les futurs PHM d'une polyvalence , qui pourtant, serait la bienvenue au sein d'un Marine qui compte ses bateaux. L'emploi des FREMM et FDI sera d'autant plus tendu. Au moment où beaucoup de Marines, notamment en méditerranée, montent en puissance, ce choix du pauvre est pour le moins discutable.

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  3. Monsieur le Marquis
    Si l'on regarde l'évolution de la gamme Kership au travers du dernier Euronaval, on a vu apparaître un OPV 80 tandis que l'OPV 87 Adroit reste au catalogue et s'y vend d'ailleurs.
    Le futur OPV de 90m et 2000t pourrait ainsi prendre la suite de ce modèle qui est le seul à n'avoir pas été renouvelé.
    Mais avec quel design ? Les silhouettes qui émergent sont assez classiques, toutefois Navalnews avait publié une image de la gamme Ocean Avenger pour illustrer les possibilités pour l'EPC (https://www.navalnews.com/wp-content/uploads/2020/05/PESCO-European-Patrol-Corvette-%E2%80%93-EPC-Project-Ocean-Avenger-Naval-Group-768x576.jpg )
    On y voit en haut à gauche un navire à étrave inversée de 87 m de long qui ressemble à un OPV Adroit à étrave inversée et furtif.
    Cette silhouette furtive aurait le mérite de faciliter les missions où ce PO aurait à se confronter à des missions de basse intensité auprès de menaces asymétriques qui peuvent avoir accès à des AShM comme l'a démontré la guerilla Houthis. A ce moment on retrouve le bénéfice du concept de FLF développé justement pour pouvoir continuer à évoluer face à une menace de missile anti navire comme ce fut le cas dans le détroit d'Ormuz.
    On y gagnerait un navire discret mais non dépourvu d'efficacité puisque son effectuer sera principalement son VSR-700 qui pourra opérer 10h à 100Nm du navire. Pareillement, si le Retex du Haut Karabagh amène à l'adoption de munitions rodeuses, MBDA pourrait ressortir son Fire Shadow des cartons qui promettait lui aussi une action distante de 6 heures à 100km. Ainsi, moyennant une nécessaire furtivité ces PO pourraient acquérir une capacité d'action à distance inédite et pas superflue : que l'on pense que les survols au-dessus de DAESH en Syrie n'entrainaient en moyenne qu'un tir de munition guidée par jour.

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    1. BPCs,

      Bonjour, le choix de Naval News avait été motivé par la difficulté quant au choix de l'illustration puisque les éléments de langage avancés alors en France affirmaient que la European Patrol Corvette ne serait pas étudiée à partir de la classe Doha qui, et pourtant, s'impose dans les illustrations.

      Pourtant, les dernières informations tendent plutôt à faire accroire l'idée que la classe Doha est bien la base de travail et le début des négociations afin de converger vers une architecture acceptée par les deux parties.

      Il semblerait alors que les travaux au sujet de la surface équivalente radar ne seront pas aussi poussés que ceux exigés par le projet Ocean Avenger de Naval group.

      Bien navicalement,

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    2. Monsieur le Marquis
      Merci de votre réponse.
      J'espère néanmoins que le futur PO, à défaut d'avoir lui aussi une furtivité aussi poussée que le concept Avenger, gardera au moins l'étrave inversée vue dans ce projet d'OPV furtif annexé à l'image de frégate légère utilisée pour illustrer par défaut le futur EPC.
      Veuillez recevoir mes respects vespéraux.

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  4. Ou alors ce choix du pauvre laisse volontairement un trou capacitaire, afin que l'EPC European Patrol Corvette (3000-3500 tonnes) puisse trouver sa place... dès que les arbitrages (finanances et la situation géopolitiques) le permettront.

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    1. Oui. Il est a craindre que la sédimentation des projets de frégates, corvettes et OPV obéisse d'avantage a des considerations industrielles et a une volonté forcené e de promouvoir des coopérations européennes souvent contre nature, qu a des considerations militaires.

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