13 avril 2012

Frégates spécialisées ou Destroyers polyvalents ? Les croiseurs légers Horizon tranchent !

© Marine nationale.

La construction d'une Flotte ne repose donc que sur une doctrine claire et équilibrée, suffisamment bien pensée pour accoucher de la réalisation d'un projet sur deux décennies, au moins. Quand la doctrine est hésitante, ou ne parvient pas à s'extirper d'un débat, cela a donné la flotte d'échantillons. Les débats en ce modeste lieu ont pu porter sur les escorteurs : faut-il des corvettes ou frégates légères spécialisées ? De grandes frégates, destroyers, plus ou moins spécialisés ? De grands navires polyvalents ?


La Marine nationale a un problème avec le croiseur. Et il n'est pas nouveau.

Qu'est-ce que le croiseur, avant toute chose ? La classification par le tonnage, telle que reprise par Joseph Henrotin dans son ouvrage (" Les fondements de la stratégie navale au XXIe siècle"), évoque un navire déplaçant plus de 10 000 tonnes, comme les croiseurs Ticonderoga de l'US Navy. Une autre classification prendrait en compte les systèmes d'armes, les capacités de lutte, plus que le tonnage intrinsèque du navire. C'est logique, forcément, quand on observe que des patrouilleurs hauturiers sont plus lourds (de 2 à 3000 tonnes) que des corvettes polyvalentes (ASM, AA et AVT) ! Alors, le croiseur serait une unité polyvalente, bien qu'il puisse exceller dans un domaine de lutte. C'est l'exemple des croiseurs Ticonderoga américains qui peuvent lancer des munitions dans tout les milieux, avec une grande réserve pour alimenter les bordées, mais qui sont conçus avant tout pour la lutte anti-aérienne. Pourquoi avoir cité un navire américain ? Effectivement, il y a des croiseurs russes plus spécialisés dans la lutte ASM, comme ceux issus de la classe Kara. Ce qui est intéressant avec le navire américain, c'est qu'il est donné à 10 000 tonnes, plus ou moins, selon les sources. Peu importe puisque les Etats-Unis osent le nommer "croiseur". Non, ce qui est particulièrement croustillant, c'est que les destroyers Arleigh Burke tendent à dépasser les 9500 tonnes, voir à dépasser les 10 000 ! Entre le Ticonderoga et l'Arleigh Burke, quelles différences ? Beaucoup, et peu à la fois. L'Arleigh Burke peut lutter dans tout les milieux, sauf que, différence principale, il emporte une trentaine de munitions en moins que son "grand" frère.

C'est à cette croisée des chemins que l'on retrouve la Marine nationale. Après mains efforts, la Royale obtient le financement de ses trois premières frégates lance-engins (la troisième sera remplacée par la commande de Crusader). Il s'agit de construire une frégate de défense aérienne -sans que cette catégorie exista encore. Mais c'était également une frégate lance-engins, ce qui signifie lancer des missiles de défense aérienne Masurca, mais également des Malafon. Ce dernier engin portait une torpille qu'il transportait rapidement à la verticale du sous-marin détecté. Mais pour détecter un sous-marin, et pointait la munition, il faut la détecter : et la frégate lance-engins posséder un sonar remorqué... De sorte que, à y regarder de plus près, il ne s'agissait pas d'une unité de défense aérienne, conçue pour défendre une escadre, mais bel et bien une sorte de croiseur léger, apte à lutter dans tout les milieux (oui, il y avait également des Exocet à bord).

Mais pourquoi la Marine nationale a-t-elle un problème avec le croiseur ? Il y a de quoi se demander à quoi peuvent bien servir ces deux simili-croiseurs, par leurs aptitudes et un tonnage assez prononcé (environ 7000 tonnes) alors que la Royale allait peiner à renouveler ses escorteurs. Oui, à quoi peuvent bien servir de tels navires, si c'est pour construire, à partir de la coque des Duquesne et Suffren, une frégate spécialisée dans la lutte anti-sous-marine : les F67 ? Il n'est pas interdit d'installer un sonar de coque sur une frégate, même anti-aérienne, c'est même nécessaire. Par contre, l'installation de sonars remorqués, et de Malafon, cela interpelle !

Quelque part, une logique, plutôt qu'une autre, aurait voulue que la Flotte se construise avec une suite d'escorteurs, dont une partie aurait été dédiée à la lutte anti-aérienne, et une autre à la lutte anti-sous-marine. Quid de ces navires totalement polyvalent ?

Cette situation n'a pas été répétée sur les la famille de frégates suivante : les corvettes C70, puis frégates F70. Il y avait deux versions spécialisées, l'une pour la lutte anti-aérienne, et l'autre en version anti-sous-marine. La confusion catégorielle précédente ne se répéta pas : la suite de matériels ASM sur les Cassard et Jean Bart fut réduite à sa plus simple expression défensive.

Mais, un demi-siècle plus tard, les Duquesne et Suffren revivent ! Par le truchement de Mer et Marine, l'on peut apprendre que les deux frégates Horizon françaises, les Forbin et Chevalier Paul, ont démontré à l'exercice la haute qualité de leur suite ASM ! Le potentiel est tel que l'équipage jugerait utile de surnommer leur navire "FDASM" : Frégate de Défense Aérienne et (?) Anti-Sous-Marine. Il ne manquerait plus que l'installation... d'un sonar remorqué, pour compléter les actuels équipements ASM (sonar d'étrave, torpille embarquée (qui font chambre commune, ou presque, avec le hangar à hélicoptères) et NH90).

Dès lors, le parallèle historique est plus que frappant : ce sont les mêmes navires, à une chose près !

Dans un billet précédent, la possibilité était évoquée de pousser la logique des FREMM jusqu'à son paroxysme. C'est-à-dire que face aux débats indécis sur l'avenir de la lutte anti-aérienne dans la Flotte, et le sort des FREDA et des frégates DAMB, il était proposé de renforcer les capacités de lutte anti-aérienne des FREMM jusqu'à en faire... des FDASM.

Aujourd'hui, il apparaît donc que les deux Horizon sont des Arleigh Burke à la française, c'est-à-dire des destroyers polyvalents. Mais pour ne pas utiliser un terme anglais, il faudrait plutôt évoquer une sorte de croiseur léger.

Cette surprise matérielle traduit -peut être- une influence des idées navales américaines dans la marine française. La prochaine étape est d'ores et déjà connue : c'est l'installation de capacités de défense antimissiles balistiques à bord de ces frégates, chose permise, entre autre, par la forte puissance de ces navires.

Il serait exagéré, mais cela va être fait, de dire que la Marine nationale est une flotte d'échantillons. Mais, force est de constater, que les choix ne sont pas tout à fait clair. A quoi peut bien servir un croiseur léger, une frégate lance-engins, une FDASM pour protéger un groupe aéronaval, quand elle est secondait par une frégate spécialisée dans la lutte anti-sous-marine ?

Il y a au moins trois modèles de flotte de surface qui cohabitent dans la Marine, actuellement :
  • le destroyer/croiseur léger totalement polyvalent,
  • les frégates spécialisées dans un domaine de lutte,
  • des frégates lourdes à dominance dans un milieu de lutte secondées par des unités légères de renforcement.
Ne faudrait-il pas choisir ? Aujourd'hui, il conviendrait de s'intéresser à la frégate unique, au croiseur léger, à cet Arleigh Burke français. Quelque part, cela va dans le sens politique de l'utilisation de la Flotte où la frégate de défense aérienne devient un effecteur naval de premier plan, à côté des porte-avions, porte-aéronefs et des grandes unités amphibie. Les croisières des destroyers Type 45 anglais dans le Golf Persique ou dans les Malouines le démontrent amplement.

Alors, revendons nos FREMM et lançons une grande série de FDASM (dotées d'un sonar remorqué) ?

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