30 août 2012

La Marine nationale, première force armée garante de l'intégrité territoriale de la France


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Bien des auteurs évoquent "l'État westphalien" détenteur du "monopole légitime de la violence" (Max Weber, Le savant et le politique). Monopole qui serait le seul légitime à employer pour se défendre d'un acteur hostile, tant intérieur qu'extérieur et pour faire respecter son autorité. C'est un point de repère des relations internationales qui est remis en cause par bien des internationalistes face, notamment, à l'existence d'autres entités politiques que l'État.

Les exemples d'États dépassés, sur tout ou partie de leur territoire, par une entité politique leur disputant ce monopole, sont légions. Il en va du cas où cette entité politique est contenue dans un cadre territoriale plus ou moins bien défini (Pakistan (Waziristan) et Colombie (FARC) au cas où ces entités sont beaucoup plus diffuses et saisissables (Liban (Hezbollah), Mexique (cartels de drogue). L'exemple du Mali est un peu particulier car la moitié Nord du pays était conquise par des acteurs non-étatiques. La menace que cette entité serve pour absorber la deuxième illustre qu'un État qui ne préserve pas son territoire est presque voué à disparaître.

En France, l'article premier de la Constitution de 1958, établissant le régime de la Ve République proclame que "La France est une République indivisible". Son article 5, relatif au Président de la République, est aussi explicite : "Il [le Président] est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités". Plus loin, l'article 15 désigne le responsable de cette tâche première de l'État : "Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale".
 
Cette suite de citations de la Constitution permet de bien constater que l'intégrité du territoire est l'une des plus importantes préoccupations du régime politique, apparaissant dès son premier article. Devoir renforcé par le très discuté article 16 dont voici le premier alinéa : "Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel".
Il est très certainement un héritage direct de la bataille de France de 1940 en tant que réponse politique et institutionnelle à cette défaite, la dissuasion nucléaire en est la réponse plus matérielle.

Notre territoire en construction se déployait dans l'adversité d'une partie de nos voisins. Ainsi, se succédaient à nos portes les Anglais (les "deux" Guerre de Cent ans (1159-1259 et 1357-1453) et la dynastie des Habsbourg (1278-1918). L'un des plus grands périls était l'encerclement. A la défaite de 1940, cet encerclement était terrible car tout nos voisins (sauf la Suisse) nous étaient hostiles : soit par hostilité politique (Espagne et Angleterre), soit par belligérance (Allemagne, Italie) ou soit par conquête par un belligérant (Belgique). Le conflit Est-Ouest (1947-1991) n'était pas directement à nos portes mais plus loin par la trouée de de Fulda.

La chute du mur de Berlin (9 novembre 1989) puis les dissolutions du pacte de Varsovie (1er juillet 1991) et de l'URSS (26 décembre 1991) marquent une rupture depuis la formation de l'État moderne en France. L'intégrité du territoire métropolitain n'est plus menacée directement à ses frontières. La France se transforme en une île au sein d'une Europe pacifiée. Cette insularité n'est pas naturelle : aucune mer ou canal entoure les frontières européennes de la France. Elle est artificielle à la manière de la cité antique d'Athènes. La construction des "Longs murs" entre le port du Pirée et la cité soustrayait l'ensemble à la menace d'un assaut terrestre trop peu puissant. Pour vaincre, il fallait faire tomber la "thalassocratie" athénienne (Julien Freund). L'insularité française n'est pas tellement différente, elle ne procède pas des mêmes pierres : seule différence.

L'essor d'une lame de fond entamée depuis le XVIe siècle (premier empire colonial) risque de bouleverser le fonctionnement de notre pays : l'Outre-mer. Des empires coloniaux, il nous reste un Archipel France. Ses territoires ultra-marins, en 1958, eurent le choix d'adopter au suffrage universel soit la Constitution de la Ve République et de demeurer sous sa juridiction, ou bien de quitter la France et/ou la Communauté française (articles 77 à 87 de la Constitution). Puis, des évènements et des mouvements politiques amenaient quelques territoires à revoter une deuxième fois (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, par exemple). 

La France n'est pas (seulement) un hexagone au carrefour des civilisations européennes. France-sur-mer - Un empire oublié n'introduit pas autrement son propos que par un constat alarmant : bien des manuels de géographie "mentent" : la  France n'est pas un hexagone, c'est un archipel ! 

Pendant très longtemps, "l'Armée" (de Terre) s'imposait, en tant que première force armée permanente (26 mai 1445), comme le premier instrument de l'État royal (depuis sa construction), puis républicain, pour garantir l'intégrité territoriale du domaine royal. Les marins ne remettait pas en cause cette nécessité, et prenait leur part dans l'action militaire nationale. L'Amiral Castex ne disait pas autrement dans le premier tiers du XXe siècle face au péril qui se précisait et qu'il observa à proximité immédiate du front. Cependant, depuis que la France est un Etat insulaire, le cadre géostratégique est profondément remanié. L'un des plus grands changements de la fin du XXe siècle est que la force armée qui garantit l'intégrité territoriale de la France est devenue la Marine nationale.

L'Armée de Terre est toujours la première bénéficiaire du budget de la Défense nationale, suivie par l'Armée de l'Air (depuis les années 1950 elle bénéficie du deuxième budget) et la Marine. L'espace contrôlé par la Flotte diminue au même rythme que décroit son tonnage. Soulever ce débat est prendre le risque de déchaîner les passions et de mécontenter tout le monde. A la nuance près que dans les années 1950 l'architecture financière entre les forces armées évoluait profondément sans tourner à la guérilla institutionnelle. "Est-il raisonnable d’avoir une armée de terre en dessous de 100.000 hommes, c’est-à-dire au plus bas de son histoire dans un pays qui n’a jamais été aussi peuplé ?" (général Bertrand Ract-Madoux, 2012). L'Armée de Terre pourrait aussi bien compter 1 millions d'hommes en Europe que cela ne préserverait absolument pas l'intégrité du territoire national...

La Convention Onusienne sur le Droit de la Mer de Montego Bay (1982) reconnaît l'existence de Zones Économiques Exclusives en mer. La France en sort renforcée de plus de 11 millions de km², deuxième patrimoine maritime mondiale. Il n'a de valeur que si un "blocus" est assuré par l'Etat aux utilisateurs extérieures non-autorisés et encore moins désirés car c'est Paris qui régule l'exploitation économique de ses ZEE. Que vaut alors l'autorité de l'État si elle ne se fait pas respecter en Mer ? Cet abandon de souveraineté économique est le premier pas avant des méfaits bien plus graves.

La souveraineté de la France est contestée directement sur une partie de ses îles et archipels (Clipperton, îles Eparses, Matthew Unter). Ce ne sont pas les territoires les plus connus et peuplés qui sont menacés. Que penseraient les acteurs d'une puissance se faisant dépecer une partie de son territoire ? Que pourrait donc penser les Français d'eux-mêmes ? Le Royaume-Uni faisait l'expérience de réduire la voilure ou baisser la garde face à la "crise", réduisant à peau de chagrin ses "forces prépositionnées" dans un archipel obscur du fin fond de l'Atlantique Sud habité par quelques habitants et des moutons. En 1982, cet archipel fut envahi par l'Argentine. Londres répondait sous la férule de Margaret Tathcher. Il ne manqua que quelques missiles anti-navires Exocet à Buenos Aires pour humilier Londres. L'Argentine prévoyait d'annexer toutes les possessions anglaises de cette région.

Il y aurait alors un double mouvement dangereux : d'une part, les risques de pillage et d'annexion, et d'autre part, les risques que des territoires prennent leur indépendance pour assumer ce qui ne l'est pas ou plus depuis Paris : la Sécurité. A quoi servirait donc une Armée d'un millions d'hommes dans pareil cas ? 

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