01 novembre 2012

Transformer l'outil militaire pour défendre les ressources françaises de l'Océan Indien


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L'Industrie conserve une forte charge politique en France, et dans de nombreux pays. La production de bien manufacturiers serait la plus à même de faire le bonheur des statistiques de l'exportation. Passons outre le fait que la question de la "désindustrialisation" de la France est un débat biaisé puisque nombre d'emplois dans le secteur de l'Industrie ont été externalisé dans les Services depuis une ou deux décennies...
Le nouveau gouvernement, en fonction depuis l'élection présidentielle de 2012, souhaite, comme ses prédécesseurs, relancer le secteur industriel en "France". Signe des temps, nombre de personnes continue encore à résumer la France à ses territoires d'Europe. Il s'agirait de réformer le code minier afin d'aller dans la direction d'une relance de l'exploitation des ressources fossiles des territoires français d'Europe. Or, les français sont gouvernés par un mensonge : la France, un hexagone ? Non, la France est un archipel d'ampleur mondiale.

A cet effet, l'industrie nationale ne se relancera pas en Europe où les ressources du sol semblent soit pauvre, soit négligeable soit problématique à exploiter (cas des gaz de schistes). Mais c'est bien dans la France archipélique qu'il existe des perspectives formidables et dont l'exploitation pourrait marquer un tournant historique. La Guyane a inauguré un état de fait : en 2019, la France sera pays producteur de pétrole. Les réserves pétrolières de cette France d'Amérique du Sud ne sont pas encore totalement délimitées et estimées. C'est une introduction car c'est dans l'océan Indien que les plus grandes réserves de ressources seraient à découvrir. L'avenir offrira donc le choix d'exploiter ces ressources. Partant de là, le sel de la valeur ajoutée des industries réside dans la transformation des ressources primaires, ce qui nécessitera de grandes quantités d'énergies dans une zone où le secteur industriel français n'est pas ou peu développé.

Enfin, l'existence de ressources de taille suffisante pour mériter le qualificatif de stratégique ne pourra qu'attiser la convoitise. Dans cette optique, la République devra faire respecter sa souveraineté et dissuader de tout pillage. Les moyens affectés à ces missions ne consisteront pas en un nombre plus ou moins grands de patrouilleurs hauturiers, mais bien en un bouleversement historique de notre outil de Défense nationale car notre géographique est à un tournant historique.

Si le propos prend comme exemple l'Océan Indien, il peut se tenir dans n'importe quel endroit de l'Archipel français.
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L'Archipel

La France est donc un archipel dont la représentation ci-dessus donne un aperçu de l'ampleur. Il s'agit de deux objets distincts :
  • les différentes îles et les différents îlots qui constituent le territoire de la France et que la République se doit de protéger en vertu de la Constitution. Un point particulier doit être dit concernant la métropole et la Guyane :
    • La première est une île artificielle grâce à la fin du danger continental de la Guerre froide et la disparition de tous les autres que la France avait connu. Mais aussi c'est une île articielle grâce à la construction européenne. C'est l'équivalent moderne des Longs murs d'Athènes.
    • La Guyane bénéficie de l'existence du désert humain qu'est la forêt amazonienne, ce qui assure une certaine protection naturelle, aussi infranchissable que peut l'être la forêt des Ardennes.
  • Les zones économiques exclusives sont l'une des principales créations de la convention de Montego Bay (1982). Elle délimite une zone allant de la mer territoriale (de la ligne de base jusque 12 miles en mer) jusqu'à 188 miles nautiques en haute mer.
Les ZEE ne sont pas un territoire mais l'Etat qui en possède a l'exclusivité de leur exploitation. C'est l'Etat qui en régule l'exploitation. Mais il ne peut pas en interdire le libre passage. Cependant, la création des ZEE relève de logiques américaines (ressources fossiles du plateau continental) et sud-américaines (ressources halieutiques) visant à territorialiser la mer pour interdire à d'autres utilisateurs ses ressources.

Le premier objet stratégique relève du territoire national quand le second est une création internationale qui étend notre souveraineté en mer sur des zones qui ne sont des territoires stricto sensu, mais dont le devenir nous appartient. La jonction des deux objets forment l'Archipel français. De ce simple constat découlera un certain nombre de réalités  et d'enjeux, ce qui fait que toute construction d'outils militaires ne peut que être conçu pour et par l'Archipel. Toute construction qui méconnaîtrait cette chose n'aurait ni pour ambition de respecter la Constitution, ni même de protéger la France, ses habitants et ses intérêts compris.

La région française de l'Océan Indien

Les marins d'autrefois ont donné à la France de nombreux territoires dans l'Océan Indien. Les principaux sont :
  • les archipels de Mayotte (département de la République depuis un référendum de 2011) et les îles éparses dans le canal du Mozambique,
  • les îles de Tromelin et de la Réunion à l'Est de Madagascar,
  • l'ensemble des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) formé par les archipels de Crozet, St-Paul et Amsterdam, Kerguelen et par la terre Adélie.
C'est la réunion de ces territoires, et donc de leur ZEE, qui forme un grand ensemble qui pourraît être nommé "région française de l'Océan Indien" (RFOI ?). Région qui est à l'intersection des axes Nord et Sud de l'Archipel français. Mais qui est aussi légèrement au sud de la route de circumnavigation. Et encore, les territoires français de l'Océan Indien sont aussi au sud des principales routes mondiales du commerce et de l'énergie. Mais cette région peut aussi être l'un des tremplins pour participer aux affaires asiatiques alors que le centre géopolitique du monde tend à se repositionner tout à l'Est du Rimland, en Asie du Sud-Est.

De manière plus particulière, la région française de l'Océan Indien est positionnée face à une grande partie des détroits du Rimland : le Cap, Suez, Bab El-Manded, Ormuz, Malacca et la Sonde. Ce n'est pas une mince position stratégique que d'être à proximité de ces points là qui s'ils venaient à être coupés pourraient alors perturbés l'écoulement des flux maritimes, ce qui perturberait grandement l'économie mondiale.

Néanmoins, il convient de noter que cette région est constitué de deux sous-ensembles géographiques différenciés :
  • une partie Nord qui est en regard de l'Afrique et de Madagascar,
  • une partie Sud qui est baignée de sa proximité avec l'Antarctique.
Qui plus est, cette région possède des dimensions relativement importantes puisqu'elle s'étend d'un axe Nord-Sud de 3000 km et s'étire en largeur sur 2000 km. C'est presque l'ampleur du territoire des Etats-Unis en Amérique du Nord, hors Alaska.

S'il fallait trouver au moins une unité à ce territoire alors cela pourrait être l'exploitation de ses ressources fossiles. Plusieurs îles recèleraient, par leurs zones économiques exclusives, de grandes réserves d'hydrocarbures et de minéraux. La plus-value de l'industrie se réalise dans la transformation des matières premières. Ce qui revient à rechercher un lieu pour cette transformation, et ce lieu est tout trouvé : c'est la Réunion. L'île posséderait suffisamment de place et d'énergie pour mener à bien ce projet. De plus, elle à vocation être le centre de gravité des territoires français de l'Océan Indien.

Ressources

Ces ressources fabuleuses, de quoi sont-elles composer ? Le rapport du Sénat sur la Maritimisation, mais aussi un ouvrage -"France-sur-Mer : l'Empire oublié", nous en offre un aperçu :
  • "Dans le canal du Mozambique, les eaux sous souveraineté française, autour des îles Eparses, disposent de sous-sols semblables à ceux de Madagascar où se trouveraient des réserves estimées à plus de 16 milliards de barils" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • "Dans les TAAF, la légine australe est bien exploitée, avec 6 000 tonnes/an dans le cadre d'une pêche extrêmement réglementée qui a fait ces dernières années l'objet d'un contrôle renforcé pour limiter le pillage des stocks par la pêche illégale" ((rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • "La pisciculture concerne la Réunion, Mayotte, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, avec des perspectives de développement, mais aussi des freins identifiés" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • "La pêche constitue, en effet, un rouage de notre indépendance alimentaire qu'il faut sauvegarder, même si, d'ores et déjà, elle ne peut plus couvrir que 80 % de nos besoins, ce qui pénalise notre balance des paiements, le déficit global de la France sur les seuls poissons étant malheureusement passé en dix ans de 500 000 à 1 million de tonnes" (rapport du Sénat sur la Maritimisation).
  • Il y aurait de fortes suspicions quant à la présence de réserves de pétrole dans l'archipel des Kerguelen. Les campagnes détudes visant à étudier la possibilité d'étendre les ZEE de cet archipel par le biais de la dorsale océanique (KERGUEPLAC) comprennaient divers organismes dont l'IFP (Institut Français du Pétrole). Il n'y a eu ni infirmation, ni confirmation concernant l'existence de gisements d'or noir (et possiblement de gaz) (Travaux hydrographiques aux îles Kerguelen (1996-2003).
  • Il reste à savoir si des ressources minérales seront découvertes dans les ZEE et les territoires français de l'Océan Indien.
Rien qu'avec les réserves de pétrole, estimées, résidant dans les eaux françaises du canal du Mozambique, il y a de quoi relancer, un peu l'industrie nationale. Le Sénat fait bien, aussi, de mettre en exergue que les ressources halieutiques participent de l'enjeu de notre indépendance alimentaire, et de notre diversification des approvisionnements, également.

Les sénateurs ajoutent que : "Les difficultés rencontrées par la pêche française aussi bien en métropole que dans les territoires d'outre-mer militent pour un renforcement des moyens de contrôle et de surveillance maritimes des zones de pêche afin, d'une part, de protéger les stocks dans nos eaux territoriales contre les pêches illégales et la surexploitation de certaines zones et, d'autre part, défendre les intérêts de nos pêcheurs nationaux dont l'activité est essentielle à l'équilibre économique de ces territoires". Il n'y a pas plus clair lien établi entre des ressources qui peuvent s'avérer vitales, les zones économiques exclusives et leur nécessaire protection.

Exploitation

La production d'or noir est un vecteur non-négligeable de création d'emplois : il faudra construire ou louer des navires d'exploration et de forage, avoir recours à des plateformes pétrolières et à des navires pour transporter les ressources extraites jusqu'à leur lieu de transformation.

Les ressources halieutiques ne seront pas en reste puisque la flotte de pêche française pourra trouver des débouchés inespérés et composer avec une politique d'exploitation durable de ces ressources si et seulement si les moyens dédiés à la surveillance maritime seront bel et bien présent.

Si l'exploitation de ces ressources sera source d'une activité industrielle non-négligeable, l'enjeu reste à les transformer afin de pouvoir les exporter dans les Etats riverains, voire dans le monde. Cet objectif nécessite de développer des zones industrielles capables de raffiner le pétrole, ou des conserveries pour conditionner les ressources halieutiques afin qu'elles puissent être consommées. Mais ce genre d'activité requiert d'avoir à sa disposition de grandes quantités d'énergies. C'est tout l'enjeu des énergies marines renouvelables (énergie houlomotrice, marémotrice, éolienne offshore, hydrolienne, etc... - voir à ce sujet le bulletin d'études marine n°153, le rapport du Sénat sur la maritimisation et l'ouvrage "France-sur-mer l'empire oublié").

Mais l'île de la Réunion, lieu potentiel et probable de la transformation des ressources, dispose aussi de l'intérêt non-négligeable d'être une île volcanique. A ce sujet, le modèle de développement par excellence est l'Islande. L'île de l'Atlantique Nord a su tiré parti de son importante activité volcanique et de ses capacités de production d'électrique d'origine hydraulique pour développer de grandes capacités industrielles dans la production de l'aluminium.

Protection (maritime) ?

La Protection est l'une des cinq fonctions stratégiques, érigée par le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, consistant en la protection de la population et du territoire français (s'entend donc la protection de l'Archipel (?) et de ses habitants). Dans l'esprit du livre blanc, il s'agit de protéger ces deux objets contre les "nouvelles" vulnérabilités : terrorisme, cyberdéfense, trafics illicites et catastrophes industrielle et naturelle.

Le problème, c'est qu'il y a un vide surprenant entre la fonction Protection et les quatre autres. Par exemple, la fonction "Connaître et anticiper" doit permettre d'appréhender les différentes menaces qui pèsent sur le pays grâce aux différentes manières de collecter du renseignement et de le traiter. Et L'anticipation de ces menaces doit éviter qu'elles ne se développent trop au point que la Prévention (autre fonction stratégique) ne puisse plus les traiter. A ce moment là, il ne resterait plus que le choix d'Intervenir (avant-dernière fonction) : c'est-à-dire recourir à une opération militaire qui est coûteuse sous tous ses rapports. La dissuasion est la dernière fonction de l'actuel livre blanc.

Premier écueil, il n'est pas dit que la connaissance et l'anticipation comprenne la collecte de renseignement sur les activités maritimes en liaison avec les intérêts français. Si la création de la fonction garde-côtes (sans rapport aucun avec le livre blanc) a pour ambition de fournir une image globale des activités maritimes intéressants l'intérêt national, il n'est pas dit qu'elle bénéficie des moyens de renseignement d'autres agences nationales. C'est paradoxal puisque le renseignement est l'apanage des puissances qui cherchent à se protéger d'une surprise stratégique car elles n'ont pas les capacités d'y résister par le fait d'une puissance militaire trop faible. C'est souvent l'apanage des puissances insulaires.
Deuxième écueil, et pas des moindres : de quelle fonction stratégique relève la protection de l'archipel, de ses territoires et de ses zones économiques exclusives ? La fonction Protection n'ambitionne pas, du moins explicitement, de remplir cette mission. Et pourtant, elle est essentielle puisque des missions de sauvegarde maritime dépend la crédibilité de la souveraineté française dans les zones économiques exclusives. Sans cette souveraineté, ces zones ne valent plus rien puisque l'Etat régulateur pourra être contourné et ce sera le pillage qui disposera des ressources. A moins d'une incompréhension du livre blanc de 2008, il y a un gros vide.

C'est par ces deux biais qu'il est possible de comprendre en quoi le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est passée presque complètement à côté de la maritimisation. Pour un travail de prospective... C'est à croire que la pleine mesure de la fin de la Guerre froide n'a pas été prise quand aux évolutions qui sont intervenues dans la géographie de la France (qui est un Archipel).

Donc, l'Action de l'Etat en Mer, comprise dans la fonction garde-côtes, mène les missions de sauvegarde maritime, et est un parent pauvre stratégique. Non prise en compte dans les livres blancs alors qu'elle est gardienne du dernier empire que possède la France. Un empire qui s'étend sur cinq océans, presque tous les océans et qui représente une surface de 11 millions de km², bientôt 13.

Protection ?

La betteravisation est un concept mort-né, obsolète dès son énonciation. C'est la fonction stratégique Protection qui est poussée à son paroxysme car l'Armée de Terre, suite à la fin d'opérations extérieures de longue durée, et "sans perspectives de se réengager dans de telles opérations" (sauf au Mali ? En Somalie ? En Syrie ?), était vouée à rentrer dans ses casernes le temps de régénérer le potentiel.

Ce dernier concept permettrait de rêver l'Armée de Terre comme une grande force de protection du territoire contre les catastrophes naturelles et humaines. Soit dit en passant, que font les pompiers et la gendarmerie ? Boutade, s'il en est, puisque pour ceux qui lisent avec délectation et horreur le récit de la bataille de France de la fameuse année 1940 ne peuvent que se rappeler combien la Gendarmerie nationale a un rôle essentiel, vital dans la protection du territoire national.

Le cas de Fukushima serait un grand exemple militant pour cette approche de la fonction Protection. Ce leitmotiv aurait la puissance nécessaire afin d'amener le Politique à sauvegarder la cohérence de l'Armée de Terre par la fourniture des crédits budgétaires. C'est justement ce en quoi l'accident nucléaire japonais est révélateur : le fait que les forces d'auto-défense japonaises aient pu mobiliser une centaine de milliers d'hommes fait, et il faut le dire, rêver en France. Il n'est pas tant question de savoir si le dispositif de Sécurité civile japonais ait été le plus efficient qu'il soit car, au fond, le plus important est de se raccrocher à un pays capable de mobiliser l'équivalent d'un corps d'armée pour lutter contre catastrophes naturelles et industrielles.
Malheureusement, le but de la guerre n'est pas d'aligner le plus grand effectif possible et disponible mais bien d'assurer la défense nationale. C'est pompeux à dire, mais il est possible de se délecter avant l'heure en pensant à quelle manière il va être possible de défendre le programme Scorpion (et son EBRC), les hélicoptères issus du programme HC4 ou le maintien en service des chars Leclerc avec un concept de potager, plus propre à la Sécurité civile qu'à la Guerre.

L'obsolescence du projet est telle qu'il viole allègrement la constitution : est-ce que la seule métropole mérite protection ?

Dès lors, ce modèle projeté et qui traîne depuis trop longtemps comme référent dans les débats est à abattre : il est incompatible avec la protection des intérêts français de l'Océan Indien (et pis de la France). Ces archipels de cet océan exigent, pour la protection des biens et des personnes, une savante défense qui allie défense en mer (maîtrise des mers, sea denial et sea control) avec des capacités aéroamphibies pour répondre à toutes les menaces potentielles. Si la Protection exige de protéger et les territoires et les ressources des zones économiques exclusives alors la manœuvre débute dans les océans et les mers qui bordent nos deux objets stratégiques. Il s'agit de surveiller, par le travail clandestin d'un agent, l'œil d'un satellite ou depuis la caméra déployée depuis le drone d'un patrouilleur afin de traquer l'intrus. Mais dans un archipel, il peut s'agit aussi de porter secours à une île coupée du monde par une catastrophe naturelle (cas de Haïti) ou bien de la reprendre de vive force car c'est un morceau du territoire national qui a été envahi par une puissance étrangère lors d'une opération surprise (cas des Malouines). Mais il s'agit aussi de préserver les flux maritimes, aériens et les communications immatérielles qui relient les îles de l'Archipel entre elles et avec le monde. Ce dernier impératif dépasse même le cadre de l'Archipel, mais aussi celui de la fonction Protection.

Plus largement, le fait que la France soit un archipel et que la constitution affirme que le territoire de la République est un et indivisible, et qu'il est à protéger, fait que la Marine nationale est la première force armée garante de l'intégrité du territoire. Cela n'enlève en rien à l'impérieuse nécessité de disposer de forces terrestres cohérentes afin d'attaquer toute menace où qu'elle se trouve, et de préférence à sa source, afin de prévenir l'émergence d'une menace plus grande qui pourrait passer cette première barrière de Défense, la Marine, pour venir balayer nos forces terrestres.

Mais il n'en demeure pas moins que la première barrière de Défense est navale, et à ce titre, tous les débats, tous les appels à sauvegarder la seule Armée de Terre, à préserver son assise institutionnel et budgétaire qui en fait la première force armée de France, avec le premier budget, ne peuvent que laisser pantois face à la réalité géographique du pays, de l'Archipel et des enjeux qui en découle.

Il y a une sorte d'anachronisme dangereux à laisser ces tentatives de préserver un ordre ancien et désuet. Comme le disait le général Weygand dans un autre temps "la France croira qu'elle sera défendue et elle ne le sera pas". Le général pourfendait l'Armée construite alors car elle n'offrait pas les garanties nécessaires face à la menace d'un nouveau danger continental qui émergeait. Pire, il se disait que l'habit de l'Armée était trop grand pour elle et l'on cherchait à préserver des effectifs et l'apparence d'une grande puissance alors que l'on avait sacrifié l'essentiel : la capacité d'intervenir pour abattre toute menace naissance.

L'Amiral Castex admettait alors qu'il n'y avait pas manière à discuter de la hiérarchie budgétaire entre l'Armée et la Marine : le danger continental impose de sauvegarder la métropole de tout péril. A cette fin, la Marine doit se concentrer sur la protection de l'Empire, de ses lignes de communication et le préserver de toute invasion. Aujourd'hui, et alors qu'il n'existe plus de grand danger continental pour la France depuis 1989 -et c'est une (r)évolution historique- la priorité ne peut que s'inverser entre l'Armée et la Marine pour la défense du territoire national, de l'Archipel. C'est une question de pragmatisme. Cela découlé intrinsèquement de la géographie du territoire.

Si cette évolution n'était pas prise en compte, si cette inversion de priorité n'était pas non plus prise en compte, alors la citation cruelle de Richelieu reviendra encore : "les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignoré".

Le livre bleu ?

Au final, un nouveau livre blanc va bientôt être offert à la France. Sa réflexion ne va pas s'arrêter à une ou deux années budgétaires difficiles. Mais elle va bien prendre en compte l'état des lieux : c'est-à-dire que la France possède un riche empire maritime. Il faut le protéger, et il contient les ressources pour le faire. A charger pour d'autres de les exploiter selon les modalités qu'ils définiront. L'Océan Indien n'est qu'un exemple, le propos s'applique en tout point de la France.

Des conceptions stratégiques vont être annoncées et il découlera un outil de Défense nationale reforgé. Il sera question de savoir comment cet outil se construira et se réorientera pour aborder la "nouvelle" géographie française, celle qui a été libérée -enfin depuis des siècles que cela été attendu- de ses servitudes continentales. A ce moment là :
  • l'Action de l'Etat en Mer ne pourra plus être un outil subsidiaire, délaissé par les arbitrages budgétaires.
  • Les forces de haute mer continueront à être autant un outil d'intervention extérieur par excellence qu'un outil naval qui par sa capacité à disputer la maîtrise des mers (sea control et sea denial) sera capable d'assurer la légitimité des forces de la fonction garde-côtes qui n'auront pas à craindre d'être engagées par une puissance trop aventureuse sans que celle-ci craigne des représailles.
  • Il ne faudra pas non plus répéter l'erreur de l'entre-deux-guerres : c'est-à-dire ne pas s'arquebouter sur des questions de rang et de rêve du nombre, mais bien construire des forces terrestres capable d'intervenir d'un bout à l'autre de l'Archipel, et se projeter à partir de lui pour étouffer toute constitution d'une menace qui dépasserait, par son ampleur, les moyens nationaux.
La mer sera l'élément essentiel de la manœuvre pour projeter et soutenir les forces terrestres, pour soutenir la puissance aérienne française. L'enjeu n'est plus de construire un corps d'armée pour contenir une invasion qui viendrait par les Ardennes ou par la Belgique. L'enjeu est la défense d'un Archipel, de ses habitants, ses territoires et de ses ressources. Si l'interarmisation des forces peut être un gage d'efficacité, elle ne peut pas non être un frein à un rééquilibrage, salutaire, entre les priorités budgétaires qui vont à chaque Armée. Tous les programmes sont nécessaires, mais ils ne sont pas tous sur le même pied d'égalité quand à la protection des îles de l'Archipel. A titre d'exemple, il est d'une nécessité impérieuse que les programmes de la fonction garde-côtes (BATSIMAR, BSAH, BIS, BMM et AVSIMAR) et des forces de haute mer (PA2 et PA3, FLOTLOG) aboutissent. Aucun artifice, aucun concept, aussi séduisant soit-il, ne pourra ignorer ou espérer cacher la réalité géographique de l'Archipel. Et tout découlera de cette géographie : la manière dont la France pense sa place dans le monde, la manière dont elle construit sa stratégie pour y agir.

Pour aller plus loin :

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