28 novembre 2015

"Chine, Iran, Russie - Un nouvel empire mongol ?" de Tomhas Flichy de la Neuville (dir.)


Nous avons eu le très grand plaisir de lire cet opus, trop court mais si dense ! Thomas Flichy de la Neuville nous livre avec ses camarades le pendant à un précédent ouvrage, Le basculement océanique mondial (Lavauzelle, 2013, 148 pages). Les deux sont parfaitement complémentaires, et ils ne peuvent qu'aider le lecteur à tenter de se faire une opinion des enjeux géopolitiques entre l'Océan et l'Eurasie. 

Nous laissons au lecteur le soin de découvrir par lui même la grande particularité pratique de cet ouvrage. C'était assez déconcertant mais tellement à propos que nous ne voudrions pas lui gâcher le plaisir !

L'ouvrage collectif Chine, Iran, Russie - Un nouvel empire mongol ? (Lavauzelle, 2013, 92 pages)pose une question détonante qui ne paraissait pas évidente. Nous avions plutôt l'habitude de déceler une compétition pour le cœur eurasiatique entre plusieurs acteurs, les États-Unis, la Chine, la Russie, la Turquie... l'Iran et l'Inde ? 

Cette dernière puissance nous intrigue tout particulièrement dans ce propos car elle brille par son absence alors que nous pouvons lui prêter, sans trop nous tromper, un fort potentiel dans l'océan qui porte son nom mais aussi dans le centre de l'Asie au Nord de ses frontières. À moins qu'il ne faille s'attendre à ce qu'elle demeure endiguée par le Pakistan et la Chine.

Messieurs Holtzinger, Pâris, de Prélonville et de la Neuville atteignent leur cible en soulevant une hypothèse très stimulante. 

Ce postulat géopolitique est fort original. Ainsi, il y aurait une "île turcophone" au cœur de l'Ile monde (Mackinder). De là, les auteurs narrent l'histoire des empires chinois, perse et russe. Et puisque faute avouée à moitié pardonnée, c'est une belle leçon de rattrapage à titre personnel. Cette revisite historique se fait dans les relations entre ces trois blocs autour d'ile turcophone. Cette dernière est encerclée par les trois puissances citées. Mais demeure un espace d'échanges matériels et immatériels qui permet à chaque acteur d'évoluer à la rencontre de l'autre. Par ailleurs, ils insistent bien sur un axe plutôt sino-iranien tant la rivalité demeure forte entre Pékin et Moscou. Cette approche permet donc d'appréhender le rôle de l'Iran comme pivot continental. 



Il se dessine alors une lutte entre deux corridors géostratégiques. Le premier est celui qui se dessinait entre les réserves de pétrole et de gaz, du bassin oriental de la Méditerranée (ajout de notre part) jusqu'aux réserves d'Asie centrale (deuxième ajout, nous étendons la zone présentée dans Le basculement océanique mondial). L'océan Indien est alors l'océan pivot pour contrôle les flux énergétiques. Au passage, le facteur énergétique autour de l'évacuation des hydrocabures iraniens par un hypothétique réseau d'infrastructures passant par la Syrie plutôt que par le Golfe Persique s'insère parfaitement ici. 

Cependant, nos trois puissances ne sont pas (encore) dominantes dans cette zone clefs. Malgré ses efforts radicaux, la Russie n'a peut-être pas encore atteint le seuil de renouvellement naval pour dépasser l'héritage soviétique. L'Iran mobilise ses forces sur une stratégie maritime mais le relais chinois - que nos auteurs devinent - viendra peut-être accélérer ce mouvement. Et la Chine se garde bien d'une montée en puissance trop rapide. 

C'est pourquoi notre équipe construit l'hypothèse d'un nouvel empire mongol autour de l'axe sino-iranien concernant la route de la soie, restructurer autour des gigantesques projets d'infrastructures menés par la Chine, dans la continuité de ceux de la Russie. Justement, Moscou possède un fort réseau énergétique, orienté sur la péninsule européenne. Ses derniers accords, ainsi que les entreprises chinoises en la matière, semble dessiner une réorientation à l'Est : de l'Iran, de l'Arctique, de la Sibérie, de l'Asie centrale vers la Chine. 

Le chapitre le plus percutant est celui sur une cyber-communauté de l'information entre ses trois pays. Il s'accompagne d'une (des trois) carte présentant des zones connaissant une intensité particulière de cyberattaques : toutes aux frontières de notre nouvel empire mongol ! Il est question de la "guerre" de l'information livrée par nos trois puissances sur des enjeux les intéressant tout particulièrement. Toutefois, si les agences officielles coordonnent leurs efforts, c'est en reflétant les positions particulières de chacune de ces puissances.

Il aurait été particulièrement agréable que ce dernier chapitre soit encore plus creusé, tout comme le reste. Il nous reste à suivre le chemin proposé. Dans l'ensemble, nos auteurs ne tendent pas à répondre affirmativement à leur hypothèse. Toutefois, ils laissent ce postulat géopolitique si stimulant. Il y aurait encore plus à dire sur la place de la Turquie, la dynamique entre ces deux corridors, l'un terrestre, l'autre maritime, au Nord de l'Océan Indien. Confirmer qu'il existe un lien historique et naturel entre le bassin oriental de la Méditerranée (Suez, Bab el-Mandeb) et les mers d'Asie, l'océan Pacifique. 

C'est pourquoi nous vous recommandons chaudement cet opus : il saura proposer quelques pistes de réflexions pour un mémoire, permettre d'appréhender une histoire eurasiatique qui peut rebuter par sa richesse car elle est si bien présentée ici.

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