02 mars 2016

SDT/SDAM : un drone tactique commun à l'Armée de Terre et la Marine ?

© Marine nationale.
Nous avions salué le choix de l'Armée de Terre en faveur du drone Patroller de Sagem dans le cadre du programme SDT (Système de Drone Tactique). Nous nous étonnons que l'Armée de Terre ne disposera pas de drones "tactiques" mais bien de théâtre. C'est pourquoi nous soumettons l'idée de relancer le programme SDT/SDAM (Système de Drone Aérien de la Marine) afin que la force terrestre puisse au contact disposer du chaînon manquant entre le micro-drone (DRAC (Drone de Reconnaissance Au Contact) et le drone inter-théâtre (MQ-9 Reaper). Celui-ci permettant, à terre comme en mer, de préserver le potentiel de voilures tournantes.

Dans un premier temps, nous allons présenter les besoins de l'Armée de Terre (SDT) et de la Marine (SDAM) à travers les communications prononcées par le colonel Marc Demier (Officier de cohérence opérationnelle “commandement, maîtrise de l’information et renseignement” à l’état-major des armées) et le capitaine de frégate Rémi de Monteville (Affecté depuis 2008 au Collège des officiers correspondants d’état-major de l’état-major de la Marine (pôle plans/programmes), au sein du système de forces “commandement et maîtrise de l’information” et chargé du dossier drones) lors du colloque "Les drones aériens dans l'action maritime" du CESM (27 janvier 2010). 

Les deux officiers soulignaient l'importance de la capacité SR2A (Surveillance, Acquisition, Reconnaissance et Renseignement). Celle-ci est recherchée à travers, notamment, les programmes SDT et SDAM.

SDT

Le colonel Demier brossait alors la vision de l'EMA du programme SDT à partir des RETEX de l'emploi des systèmes intérimaires SDTI et SIDM en Afghanistan. La caractéristique principale du SDT devait être son adaptation aux besoins terrestres dont ces trois points particuliers : 
  • "des élongations plus restreintes que celles du MALE, autour de 100 à 120 km" ; ce qui suppose l'absence d'une liaison satellitaire ;
  • "des durées d’autonomie qui varient entre six et huit heures, de façon à avoir des masses, des encombrements et des empreintes logistiques les plus réduits possibles" ;
  • "des délais de mise en oeuvre qui doivent être les plus courts, que ce soit avec une zone d’atterrissage ou un système de catapultage."
La capacité visée devait aussi atteindre une empreinte au sol la plus faible possible, notamment grâce à une mise en oeuvre et une récupération "sur les zones les plus petites possibles afin d'avoir une réactivité importante." Il doit pouvoir emporter "un certain nombre de charges utiles que l’on retrouve sur les drones de reconnaissance (charges optiques, infra-rouges, moyens de renseignement d’origine électromagnétique)." 

Le SDT devait également être mis en oeuvre par un effectif maximum de 70 tonnes tout en garantissant, par sa finalité opérationnelle, l'autonomie du chef inter-armes. 

Le contrat finalement remporté par Sagem fait apparaître l'évolution du besoin de l'Armée de Terre. Le Patroller répond aux capacités recherchées au prix de l'abandon d'une empreinte au sol la plus faible possible car il nous semble que le Patroller est incapable d'opérer depuis une piste sommaire ou moins. C'est pourquoi il ne serait pas étonnant, voire logique, que le Patroller, véritable drone MALE comparable au Harfang par ses capacités, bénéficie à terme d'un équipement SATCOM afin d'exploiter pleinement ses 20 à 30 heures d'autonomie affichée.

C'est pourquoi nous soulignons que l'Armée de Terre n'a pas acquis un drone tactique. 

SDAM

Le capitaine de frégate de Monteville soulignait l'importance du continuum haute mer/zone littoral qui demeure le cadre de l'action de nombre de marines dont la Marine nationale. De plus, dans un deuxième point, il soulignait l'importance prise par la diversification des acteurs en mer (pêche, commerce, guerre et plaisanciers). Face à une menace qui "se confond souvent avec les autres mobiles" la frégate "a plus que jamais besoin de disposer d’une situation maritime locale la plus fine possible, dans la profondeur et dans la durée."

C'est pourquoi l'intervenant invite à considérer l'hypothèse de la frégate opérant de manière solitaire ce qui, il est vrai, est presque la règle pour les frégates de premier, deuxième et troisième rang hors déploiement du GAn, du groupe amphibie et de la mission Jeanne d'Arc ou toute opération multinationale. 

Dans la pratique, le CF de Monteville détaille les capacités de détection visuelle (~10 nautiques) et radar (~30 nautiques) d'une frégate qui se limitent aux horizons de l'oeil humain et radar. Dans le cadre d'une force aéronavale, la manoeuvre des capteurs permet une centralisation des informations et, grâce aux liaisons tactiques, un partage de la situation aéromaritime de la force. 

L'hélicoptère embarqué peut permettre d'explorer l'environnement aéromaritime et étendre ainsi l'influence de l'action opérationnelle du bâtiment porteur. "C’est au mieux quelques heures (trois) par jour." Ce qui pose deux problèmes bien pratiques : le premier est que l'hélicoptère employé longuement à la surveillance consomme rapidement le potentiel journalier de la machine au détriment de ses capacités d'intervention. Le deuxième est que la disponibilité des voilures tournantes est encore plus médiocre en 2016 qu'en 2010 et sera pire en 2020, voire 2025 puisque les machines vieillissent inexorablement.

C'est pourquoi le drone SDAM doit permettre "d’étendre l’horizon radar de 30 (état actuel) à une centaine de NM et l’horizon optique de cinq à une centaine de NM." La profondeur apportée (" s’étendant jusqu’à 100 NM, 20° de part et d’autre de la route du bâtiment.") par la capacité SR2A devient cohérente avec la portée des armements du navire ou de son avion d'armes embarqué : l'hélicoptère piloté in vivo.

La Marine nationale, nous relate l'officier, "a fait valider un objectif d'état-major, en 2004, qui porte sur le besoin d’un drone aéromaritime, à vocation tactique, mis en oeuvre principalement par des bâtiments de la Marine." Le besoin exprimé à travers le programme SDAM est celui d'un drone multi-capteurs  d'une endurance de six à huit heures devant contribuer aux trois fonctions opérationnelles suivantes :
  • "la sûreté (tâches de détection, d’identification et de relocalisation), qui se traduit par la mise en oeuvre de drones durant de longues périodes au-dessus de la mer" ;
  • "l'action, qui se traduit par l’utilisation de drones en soutien des divers domaines de lutte en mer, en zone littorale, voire au-dessus de la terre" ;
  • "la maîtrise de l’information, qui se traduit essentiellement par la capacité de relais de communication."
Urgence opérationnelle ? 

La disponibilité des voilures tournantes dans les forces armées est terriblement basse : Lynx (23% en 2015) et Gazelle (44% en 2015), par exemple, ne risquent pas de voir leur disponibilité remontée au cours des prochaines années. Pourtant, les opérations dans le Sahel, d'une part, et celles de la Marine nationale tant au soutien des opérations de basse intensité (mission Atalante) que de sauvegarde maritime continuent à nécessiter un important besoin d'aéromobilité qui n'est pas satisfait. 

L'Armée de Terre par le Patroller parvient à se doter d'un drone de théâtre mais il lui manque un drone tactique, employable dès le SGTIA afin de couvrir son action. La Marine expérimente une capacité intérimaire avec le Camcopter S-100, il était question en 2010 d'en commander un lot pour les FLF afin de recentrer les Panther sur leur coeur de métier. 

C'est pourquoi, dans le cadre du programme HIL, il ne serait pas inintéressant de considérer l'acquisition sur étagère d'un drone monocapteur tel le S-100 de Schiebel. Sa première qualité est d'être une solution prête à l'emploi et d'avoir été éprouvé aussi bien à terre qu'en mer. La deuxième est son coût de l'ordre du million d'euros par vecteur. Mais cela suppose, bien évidemment, de faire l'impasse sur un drone multi-capteurs qui est déjà acquis dans le cas de l'Armée de Terre et qui est hors d'atteinte depuis 2004 et jusqu'à la loi de programmation militaire suivante dans la Marine.

C'est-à-dire que pour un flux de trésorerie relativement peu important, il serait possible pour l'Armée de Terre de se doter - enfin ! - d'un drone tactique capable de couvrir l'action d'un SGTIA et de concourir à la manoeuvre des capteurs au service du chef du GTIA. Le S-100 peut être déployé depuis un camion, soit trois à quatre systèmes de quatre vecteurs pour équiper autant de GTIA déployés en opérations. La Marine pourrait décupler ses capacités aéromaritimes à moindre frais tout en préservant d'autant ses voilures tournantes. 

Dans le cadre d'une discussion entre chefs d'état-major, il y aurait une marge de manoeuvre pour gérer l'obsolescence constatée des voilures tournantes en fin de vie et mieux préparer l'arrivée du HIL.


1 commentaire:

  1. Bonjour

    Votre analyse est extremement interessante, en particulier sur le besoin de mutualisation interarmé, qui a lheure actuelle parait ( encore) difficile.

    Ce dialogue si difficile est avant tout un probleme d'emplois du materiel qui est selectioné en fonction de la doctrine militaire choisie,

    En effet le drone Patroller de SAGEM est consideré comme un drone MALE au meme titre que le reaper de l'Armée de l'air, ils sont cependant different par la taille et la capacité d'emport en charge utile et donc de l'empreinte logistique ou des besoin d'infrastructure, le besoin de l'armé de l'air n'est pas le meme que celui de l'armée de terre. Cette derniere a exprimée le besoin d'un drone de theatre, en support de troupe deployées et permettant un apport direct de renseignement au profit du GTIA et des appuis. Ce qui n'implique pas forcement de longue elongation si le drone peut decoller de piste courte et sommaire (moins de 1000m possiblement en herbe ou en laterite) et les 200 Km de portée radio peuvent etre facilement allongé ( l'idée d'un ballon captif pour faire relais radio emise dans un commantaire de votre article sur facebook est tres bonne) la liason satelitaire n'est donc pas indispensable mais apporterais un plus permettant un apport de renseignement au niveau brigade ou carrement de l'EMA. L'armée de l'air elle cherche un drone permettant de faire de la reconaissance longue distance soit en support de troupe ( au niveau GTIA mais en liasons direct avec le niveau brigade voir EMA) soit en preparation de futur operations aeriennes, ceci implique la possibilité d'emporte une importante charge utile (optique pour l'instant mais SIGINT ou ELINT et pourquoi pas de l'armement dans un futur proche) et donc une empreinte logistique plus importante et donc l'instalation sur une vrai base aerienne.
    On peut aussi suposé que l'evolution du besoin du drone de tehatre qui fait passer l'armée de terre d'un drone tactique a un drone MALE est du indirectement remplacement des drones DRAC qui profitent de la miniaturisation de la technologie et qui permet à sont successeur qui devrais arrive en 2017-2018 ( essais en cour a la STAT et la DGA de plusieurs modeles) d'avoir des performances au niveaus d'un "vieux" drone tactique, le tout pouvant etre transporté et mis en oeuvre par une equipe reduite embarque dans un VBL ou un VAB permettant un appuis au niveau SGTIA .
    Je pense d'ailleur que ce format de petit drone peut etre interessant pour la marine national en particulier sur des unité de petit gabarit utilisant des helicoptere viellisant ( FS de type Nivoe ou Aviso A69) le tout permetant de develloper un futur drone a voilure tournante (ou un solution autre solution permettant l'embarquement sur une fregate) permettant un emport de capteur optique ou/et radar ( permettant par exemple de faire un relai radar pour un lancement lointain d'exocet ) qui pourrais interessé l'armée de terre pour une utilisation au niveau SGTIA/GTIA si les infrastructure ou le terrain empeche l'utilisation de drone necessitant une piste de decolage (zone urbaine dense ou montagneuse voir utilisation a partir de BPC lors d'operations amphibie).
    Comme vous l'avais ecrit sur votre article concernant le HIL/HMM les besoins reel de chaque armées peuvent etre extremement different. Et donc la difficulté d'avoir des appareils commun est extremement difficile. La solutions pourrait venir d'une concertations des trois armées avans les lancement d'un projet futur de drone permetant de chercher avant tous les concordances de besoins et de permetre pourquoi pas une base commune sur laquelle viendrait ce fixé capteur accessoire ou charge utile en fonction de l'emplois souhaité.

    Cordialement

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