14 septembre 2016

PA 58, une propulsion nucléaire navale après refonte ?

© Inconnu. Le PA 58 Verdun.

Quand la propulsion nucléaire navale a-t-elle était envisagée pour les porte-avions français ? La question mérite d'être posée dans la mesure où l'idée d'utiliser l'atome dans la propulsion des bateaux sous-marins peut être datée à l'extrême fin des années 1930 (1939 en France). L'US Navy discute de l'opportunité d'en doter ses ponts plats dans les années 1950. Quand la Marine nationale s'intéresse-t-elle à l'atome pour ses porte-avions, croiseurs, voire ses cuirassés ? Le PA 58 nous apporte un tout petit élément de réponse. 

Le Conseil Supérieur de la Marine (CSM) se réunit le 7 août 1957. La formation rassemble alors le Franck Arnal, secrétaire d'Etat à la Marine, les VAE (Vice-Amiraux d'Escadre) Auboyneau (commandant les forces maritimes en Algérie), Barjot (commandant l'escadre, préfet maritime de la IIIe région), Jourdain (commandant en chef et Préfet maritime de la 2ème Région maritime à Brest), Jozan (Commandant l'Escadre de Méditerranée, pavillon sur le De Grasse). Ils sont complétés par les Ingénieurs Généraux du Généraux du Génie Maritime (IGGM) Balland, Le Puth et Morel.

Ce jour de réunion est consacré aux caractéristiques à arrêter pour le PA 58. Ce porte-avions, pour la Marine, devrait être mis sur cale en 1958 sinon l'année navale sera perdue.

Son rôle, à distinguer des Clemenceau (PA 54) et Foch (PA 55) dont les constructions sont déjà entreprises, est de participer à la force de frappe nucléaire nationale en cours de constitution. Plus grand que ses prédécesseurs, il doit pouvoir opérer un bombardier atomique (Mirage IVM ou SO 4060), un avion-ravitailleur, des avions d'attaque et, bien entendu, de chasse. D'où un dimensionnement bien plus généreux que la classe Clemenceau.

Le CSM discute des caractéristiques du porte-avions à venir pour le positionnement dans la stratégie militaire française. Sa vitesse doit lui permettre de s'intégrer dans une escadre américaine. Le VAE Auboyneau souligne que les porte-avions de classe Forrestal sont la référence avec leur 33 noeuds tout en avançant que les futures unités à propulsion atomique soutiendraient 40 noeuds. L'objectif est de marcher aussi vite que les premiers pour peser dans l'OTAN (Alexandre Sheldon-Duplaix, Histoire mondiale des porte-avions : Des origines à nos jours, Paris, Editions Techniques pour l'Automobile et l'Industrie, 2006, 223 pages, p. 123).

Le ministre demande alors la différence financière représentée par une machine pouvant soutenir 34 et 32 noeuds. L'IGGM Balland lui répond qu'elle est de l'ordre de 2 milliards de francs (sur un porte-avions évalué à 45 milliards de francs, NDLR). Le VAE Jourdain avance que l'EMM (Etat-Major de la Marine) propose 32,5 noeuds pour coller au Forrestal (p. 123), ce à quoi répond le VAE Barjot pour qui une différence d'un demi-noeud ne risque pas d'entraîner une dislocation d'une formation aéronavale et que ce n'est pas la peine de gâcher 2 milliards (p. 124).

L'IGGM Balland, face à ces considérations, remarque alors que "c'est l'un des avantages considérables de la propulsion atomique de permettre des augmentations de puissance qui coûtent très peu en poids, en volume et en argent". (p. 124). Le secrétaire d'Etat à la Marine, Franck Armal, de rebondir en demandait s' "il serait possible d'assurer une reconversion de la propulsion à vapeur à une propulsion atomique ?" L'IGGM Morel répond qu'une telle refonte à venir n'est pas envisageable dans la mesure où les installations des deux types de propulsion sont bien trop différentes. 

Nous n'avions relevé de références à un bâtiment à propulsion nucléaire pour la flotte de surface qu'au plus tôt en 1960 quand l'Amiral Nomy espérait une telle unité pour le début des années 1970. Cette remarque du ministre lors d'une réunion du CSM montre que le sujet était déjà abordé au moins trois années plutôt, non pas pour un croiseur, mais bien un porte-avions.

En toile de fond, l'échec instructif du Q244, et de la filière du réacteur à eau lourde pour bateau sous-marin, était prononcé en 1958. L'organisation Cœlacanthe était instaurée pendant les années suivantes en suivant une nouvelle filière, plus classique, de réacteur à eau pressurisé et uranium enrichi.

6 commentaires:

  1. Il faut ajouter que le passage à la Ve république et surtout la sortie de l'OTAN on été fatal à cette unité. Quand on voit ses caractéristiques et surtout son cahier des charges, le PA 58 est tout de même proche du Charles de Gaulle. A t'on des informations sur une filiation entre ces deux programmes ?

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  2. Eu égard à la reconversion hypothétique demandée par le ministre, il est possible de croire qu'elle se fondait sur la filière des réacteurs à eau pressurisée et non pas de celle à eau lourde.

    Cela étant dit, la filiation ne serait pas évidente. Il y a cet avant-projet de croiseur à propulsion nucléaire, et, à l'instar de porte-avions de l'US Navy, le PA58 recevrait l'armement d'un croiseur lance-engins. Mais il y a également le PH75 entre les deux, sorte d'Invincible à propulsion atomique.

    Reste à trouver d'autres morceaux d'archives.

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  3. abandonné pour augmenter le nombre de sous marins stratégiques type Redoudable
    décision en 1961
    provisoirement dénommé PA 58 (le nom de Verdun a été proposé) et destiné à remplacer l’Arromanches dont le désarmement est prévu en 1962, doit être inscrit au budget de 1958, mais il est supprimé à la dernière minute pour raisons budgétaires, si bien que la tranche de 1958 se retrouve pratiquement réduite à rien. La Marine essaie de relancer le projet l’année suivante avec le PA 59, qui devrait être un Clemenceau amélioré ou un porte-avions plus grand, de 35 000 tonnes lège,soit 45 000 tonnes à pleines Charge et capable de mettre en œuvre des bombardiers stratégiques constituant «  la puissance de frappe résiduelle de la France ».
    si sur ce blog on avance 40 nœuds de vitesse ,en fait c'était capable aux essais de passer 35 nœuds et pas 40 comme indiqué faut pas exagérer ...le Charles ne fait que 27 nœuds pas plus !

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    1. Monsieur,

      Bonjour, je confirme avoir bel et bien lu dans cet extrait de sa prose rapporté par l'auteur qu'il était question de 40 nœuds pour l'Amiral Barjot.

      Bien navicalement,

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    2. En fait, c'était une confusion entre les milles nautiques (1852 m) et les miles terrestre (~1609,34 m).
      Car 40 Mph, c'est pile 35 nœuds.

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    3. En fait, il y avait confusion (dans le discours) entre les milles marins (nautiques = 1852 m) et les miles terrestres (~1609 m).
      Ce qui est cohérent avec les vitesses annoncées : 40 mph, c'est pile 35 nœuds.

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