23 octobre 2016

L'Aviation navale dans la guerre d'Algérie (1954 - 1962) : SURMAR, CAS et GHAN

© Inconnu. Piasecki-H-21C (31F) de la Marine Nationale.
Les opérations menées pendant la guerre d'Algérie (1954 - 1962) comprenaient, logiquement, l'engagement de la Marine nationale tant pour le contrôle des façades que pour la fourniture de moyens humains et matériels aux opérations menées à l'intérieur des terres. L'ensemble des "armes" de la Marine furent engagées dont l'Aviation navale dans toutes ses composantes. Ces opérations ne sont pas sans rappeler les engagements actuels, notamment l'opération Barkhane, et bien d'autres.

En 1955 l'Aviation navale aligne près de 600 aéronefs (contre environ 177 en 2016 !) soit 15 flottilles de combat et 20 escadrilles. Environ 220 de ces machines servent en première ligne dans l'aéronavale basée à terre ou embarquée (porte-avions Bois-Belleau (seul à intervenir sur le théâtre algérien), La Fayette et Arromanches). Le reste, environ 350 machines, sert en deuxième ligne dans les unités de servitude et les écoles. 

Les flottilles et escadrilles se répartissent alors dans l'ensemble des théâtres d'opérations où la Royale est active. Entre autres exemples, la liste n'est pas exhaustive, ces formations opèrent, notamment, ces voilures fixes qui servirent pendant la guerre d'Algérie : des Aquilon (chasse - 11F) F4U-7 et AU-1 Corsair (assaut - 12F, 14F, 15F et 17F), TBM-3 Avenger (SURMAR - 4F, 6F, 9F), P2V-6 Neptune (PATMAR - 21F, 22F, 23F, 24F, 25F, 28F), PBY Catalina (55S), JRF-5 Groose (27F), North American SNJ, Convair P4Y-2 Privateer (PATMAR - 28F) et Avro Lancaster (4S, 55S). 

Les voilures tournantes mises en œuvre étaient des Vertol-Piasecki-H-21 Flying Banana, H-19D (33F) et des HSS. 1 (31F, 32F)

Les infrastructures se répartissent entre les Bases AéroNavales (BAN) de Lartigue (Algérie), à égale distance d'Oran et de Mers el-Kébir, Karouba (Tunisie), Agadir (école), Khouriba (école) et Port-Lyautey (Maroc). Les bases métropolitaines apportaient aussi un appoint ponctuel aux opérations menées de l'autre côté du bassin occidental de la Méditerranée dans la mesure où il n'y avait "que" 800 km à franchir.
 
SURMAR 
 
Le contrôle naval et aéronaval des côtes algériennes débutent en 1954 pour devenir permanent dès l'année suivante dans une sorte de "blocus inversé" où la trafic maritime est hautement contrôlé. Une vingtaine de navires sont nécessaires à la partie navale tandis que les Lancaster, Privateer et Neptune approvisionnent, en grand nombre, la partie aéronavale où les aéronefs aussi bien de SURMAR que de PATMAR sont employés. 
 
Le dispositif se complète par un contrôle, non pas seulement des côtes de l'Afrique du Nord, mais aussi de celles de l'Afrique de l'Ouest par la surveillance aéromaritime des côtes mauritaniennes. C'est à cette fin que servent, notamment, les dix Martin P5M Marlin de 1959 à 1964 depuis la base de Dakar.

Dispositif qui est fermé par les missions des avions de patrouille et surveillance maritime (Lancaster, Privateer, Neptune) à l'intérieur des terres, en particulier de nuit, afin de contrôler les frontières Ouest et Est de l'Algérie, notamment la ligne Morice (Algérie/Tunisie). Des bombes éclairantes étaient larguées sur les positions où les tentatives d'infiltration avaient lieu.
 
Un certain nombre de navires furent interceptés transportant des quantités d'armes relativement impressionnante, particulièrement si elles sont rapportées au tonnage moyen des cargos de l'époque. Par exemple, le Slovenia découvre sa cargaison de 148 tonnes d'armes à feu à Oran après son interception. Mieux encore, le Lidice tchécoslovaque n'emportait pas moins de 581 tonnes d'armes... 
 
Sur les six premiers mois de l'année 1959, 12 000 bâtiments sont contrôlés (dont 10% arraisonnés, 840 visités et une quarantaine de déroutée) par les navires et aéronefs de la Marine nationale (Toute l'Aviation - Les grandes aventures technologiques des avions civils et militaires, "Les ailes de la Royale sur les djebels", Paris, éditions Atlas, n°97, pp. 2707-2710). 
 
CAS

L'aviation embarquée, principalement, réalise les missions d'appui-feu (ou Close Air Support (CAS) en anglais). Ils participent au soutien des opérations menées contre les cellules, groupes et maquis du FLN algérien. Deux évènements viennent les distraire du théâtre principal pour deux opérations ponctuelles mais d'importance cruciale : d'une part, l'opération Mousquetaire (5 novembre - 22 décembre 1956) et d'autre part la crise de Bizerte (19 - 23 juillet 1961).
 
GHAN
 
La première voilure tournante expédiée en Algérie par l'Aviation navale était le Sikorsky S-55 à titre expérimental pendant l'année 1955 où il servit au sein du Groupement d'Hélicoptères interarmées n°2 (GH-2) basé à Tunis. La montée en puissance progressive de l'engagement des moyens héliportés de la Marine conduisit à la formation d'un élément tactique les coiffant tous : le Groupe d'Hélicoptères de l'Aéronautique Navale n°1 (GHAN) créé sur la base de Lartigue en 1957. A terme il comprendra les flottilles 31F, 32F et 33F. 

Le terrain d'action principal était l'Oranie mais s'étendait ponctuellement à tout le théâtre. Le GHAN soutenait principalement le GROUCO puis GROUFUMACO (GROUpement des FUsiliers MArins COmmandos). Lui-même étant constitué de quatre commandos : de Penfentenyo, de Monfort, de Trepel et de Jaubert. 

Les voilures tournantes furent adaptées aux missions de transport d'assaut, à la manière des transformations induites par les opérations pour les hélicoptères de l'ALAT et de l'Armée de l'Air. Les voilures tournantes chargées d'effectuer les missions de transport furent progressivement accompagnées par d'autres progressivement armées afin d'appuyer les premières par l'adjonction de mitrailleuses et de canons. 

L'engagement de l'Aviation navale dans le conflit algérien vérifie quelques conditions clefs de la supériorité aéronavale. Premièrement, c'est posséder les moyens de dénier toute liberté d'action à l'adversaire en l'isolant de de renforts extérieurs puis le compartimentant. Deuxièmement, c'est la recherche de la destruction de ses forces grâce à leur division et leur isolement. La dimension aérienne des opérations est écrasante et s'exerce dans un cadre où il est déni à l'adversaire d'en faire autant, ce qui revient à souligner la maîtrise impérative de l'air. La dimension navale est tout aussi exigeante eu égard au nombre de navires contrôlés. 

Ce conflit souligne combien la supériorité militaire, tout du moins aéronavale, repose sur le nombre (600 aéronefs en 1955 contre 177 en 2016) et la qualité. Ces deux facteurs sont à pondérer, entre eux d'une part, mais surtout dans l'optique d'un engagement principal en Algérie, un territoire immense, comprenant des annexes jusqu'à la Mauritanie, et vis-à-vis de la nécessité d'entreprendre des opérations ponctuelles et significatives d'autre part (Suez, Bizerte) !
 

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