28 février 2018

Tentara Nasional Indonesia - Angkatan Laut : de 2 à 8 sous-marins

© DSME. Le KRI Nagapasa lors de la cérémonie de lancement en mars 2016.

     Durant tout le conflit Est-Ouest (1947 – 1991), l'Indonésie du fait de sa géographie physique recevait le rôle stratégique de commander le passage de l'océan Pacifique à l'océan Indien. La Marine indonésienne (Tentara Nasional Indonesia - Angkatan Laut (TNI-AL) ou Armée Nationale Indonésienne - Force Navale) comprend une force sous-marine indonésienne forte de deux unités depuis 1981. L'ambition depuis 2017 est de porter ce nombre à huit sous-marins d’ici à 2024. Un premier contrat visant l’acquisition de trois sous-marins, avec des transferts de technologies, a été signé en 2011. Pourtant, la livraison de la première unité laisse entrevoir quelques difficultés.

Créée en 1945, dans la foulée de l'indépendance indonésienne, la Tentara Nasional Indonesia - Angkatan C’est seulement au milieu des années 1970 que les deux premiers sous-marins indonésiens étaient commandés à la société allemande Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW). Les deux Type 209/1300 furent mis sur cale en novembre 1977 et juillet 1978 en Allemagne. Les KRI Cakra (401) et KRI Nanggala (402) étaient admis au service actif en 1981. Toutefois, au fur et à mesure des grands carénages et refontes, le lieu pour effectuer ces opérations s'est délocalisé depuis HDW (Allemagne) pour l'un de ceux de Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME) en Corée du Sud. 

Au début des années 2000, concomitamment à l'énoncé du « dilemme de Malacca » par le président chinois Hú Jǐntāo (15 mars 2003 14 mars 2013), et de la « course au sous-marin » régnant alors dans la région Indo-Pacifique, l'Indonésie faisait connaître son intention d'acquérir six sous-marins par la voix de l'Amiral Bernard Kent Sondakh (25 avril 2002 - 18 février 2005).

La cible était portée jusqu’à douze sous-marins en 2006, avec des demandes d’information envoyées à la Corée du Sud, la République Populaire de Chine et la Fédération de Russie. Mais cible finalement révisée à huit sous-marins en 2011 dans le cadre de la planification stratégique contenue dans le plan Minimum Essential Force (MEF) dont le terme est l'année 2024.

Un premier appel d'offres était émis par la République indonésienne et portant sur l'acquisition de trois sous-marins mais aussi des transferts de technologie. Les principaux constructeurs de sous-marins s’affrontaient, c’est-à-dire TKMS présentant une offre centrée sur le Type 209 avec des sociétés turques, DCNS et le bureau Rubin.

Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME) était proclamé vainqueur le 22 décembre 2011. Par voie de conséquence, un contrat fut notifié à l'industriel sud-coréen pour la construction de trois sous-marins issus d'une version améliorée (Type 209/1400) du KSS I ou classe Chang Bo-go (Type 209/1200) dont les neuf unités, mises en chantier entre 1993 et 2001, sont en service dans la Daehanminguk Haegun (Marine sud-coréenne).

L’obtention de ce marché par DSME couronne une méthodique montée en puissance des chantiers sud-coréens à travers le programme KSS dont les KSS-I et KSS-II correspondaient à la mise sur cale, par les chantiers navals Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering et Hyundai Heavy Industries, de deux séries de neuf sous-marins par : 

  • la classe Chang Bo-go (장보고  ; Type 209/1200) grâce à un premier contrat conclu en 1987 (3) puis complété en 1989 et 1992 ; 
  • la classe Son Won-Il (손원일급 잠수함 ; Type 214/1700) pour laquelle deux contrats furent signés en 2000 (3) et 2008 (6).

Et il s’agit donc du premier succès industriel sud-coréen dans la construction sous-marine pour une commande passée par une marine étrangère, en l’espèce la TNI-AL. Peu de publicité avait alors été faite quant aux droits et clauses contractuelles permettant à DSME de proposer sa version améliorée de la classe Chang Bo-go (Type 209/1200).

Par ailleurs, et postérieurement à avoir été déclaré vainqueur de l’appel d’offres, la société sud-coréenne procédait à l'augmentation unilatérale du volume financier proposé par DSME de 1100 à 1400 millions de dollars (2011). Et consécutivement l'offre concurrente germano-turque fut réaffirmée.

L’offre consiste donc dans une version améliorée (Type 209/1400) du KSS I ou classe Chang Bo-go (Type 209/1200) dont les deux premières unités étaient mises sur cale en Corée du Sud au chantier naval d’Okpo (DSME) tandis que la troisième sera assemblée au chantier naval de PT. PAL à Surabaya (Est de l’île de Java, Indonésie). Ces trois sous-marins sont rassemblés dans la classe Nagapasa : 

  • KRI Nagapasa (403) admis au service actif en août 2017 ; 
  • KRI Ardadedali (404) qui devrait rejoindre la TNI-AL en 2018 ; 
  • KRI Alugoro (405) rejoindrait la flotte en 2019.

L’arrivée du KRI Nagapasa (2017 - 2047 ?) en Indonésie après 16 jours de navigation entre le chantier DSME d’Okpo et la base navale de Surabaya (Est de l’île de Java, Indonésie) intervenait le 28 août 2017. Cependant, et selon des sources internes à l'industrie de la défense indonésienne, il apparaissait alors que le sous-marin KRI Nagapasa ne répondait pas aux spécifications techniques du cahier des charges : la vitesse maximale en plongée, l'immersion opérationnelle de service n'étaient pas atteintes. Et le bateau n'était pas plus en mesure de tirer ses armes tactiques.

Une affaire qui jette l’opprobre sur la réputation de DSME mais aussi de TKMS qui avait, déjà, eu à faire face aux récriminations grecques lorsque la Marine de guerre hellénique soulignait à Kiel des défauts de construction du sous-marin Type 2014/1700 grec : le HS Papanikolis (2010 – 2040 ?) en décembre 2006.

L'affaire indonésienne est compliquée par le fait que TKMS n'a assisté DSME ni dans les transferts de technologies opérés à destination de PT. PAL ni dans la modification des Type 209/1200 de la classe Chang Bo-go (9) afin de mettre au point le Type 209/1400, ce qui supposait d’allonger la coque résistante, de modifier la répartition des poids et des volumes dont le dimensionnement des ballasts. Et l’industriel allemand n’aurait pas facilité la tâche à DSME et aurait même manqué de zèle dans la transmission des « blue prints ».

Ces déboires prêtèrent le flanc à une offre d’assistance émise par les industriels turcs afin de remédier aux défauts de construction du KRI Nagapasa. La Turquie s'est grande engouffrée dans la brèche ainsi ouverte par les déboires de DSME - et le faisait déjà en 2012 - et une victoire sur le marché indonésien lui ouvrirait grandes les portes de toute l'Asie : Pakistan, l'Indonésie, Arabie saoudite, etc.

La Türk Deniz Kuvvetleri est forte de quatorze sous-marins répartis dans les classes Atılay (Type 209/1200), Preveze (Type 209/1400 T1) et Gür (Type 209/1400 T2). Les sous-marins n°4 à 6 Type 209/1200 et les Type 209/1400 T1 et T2 furent mise sur cale en Turquie avec l'assistance allemande. Et les industriels turcs ont alors l’expérience de la modernisation des classes Preveze (4) et Gür (4) qui ont été portées au standard Type 209/1400 Mod.

L’offre d’assistance ne fut pas acceptée par la TNI-AL et PT. PAL mais l’initiative turque fut bien reçue en Indonésie. Et dans le cadre de l’exécution du plan MEF, l’autre proposition turque pour des Type 2014/1700, équipée d’une Air Independent Propulsion (AIP), recevait un accueil favorable.

 

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