© Marine nationale. Tir d'un MSBS M51. |
L'éventuel tir vertical de prochains missiles anti-navires tels que le FMAN/FMC - ou FC/ASW au Royaume-Uni - n'est pas la seule évolution matérielle pouvant affecter la place des sous-marins dans la "ligne de file". Les ambitions de certaines marines d'ériger les missiles anti-navires, non plus seulement supersoniques mais bien hypersoniques, pourrait accoucher d'un nouvel état de l'art en la matière dans le combat naval. Dans cette seule perspective, un déclassement pourrait toucher les Sous-marins Nucléaires Lanceurs d'Engins (SNLE) et Sous-marins Nucléaires d'Attaque (SNA) incapables de se hisser à cette nouvelle norme. À la remarque près que la preuve du caractère obsolète des missiles anti-navires subsonique à vol rasant n'a pas été apporté. Plus largement, il s'agirait de tenter de considérer la contribution navale aux plateformes de lancement de munitions hypersoniques et, notamment, leur relation à la dissuasion, surtout nucléaire.
S'il s'agit de considérer avant toute chose les missiles anti-navires hypersoniques (5 et plus) dans le haut supersonique (Mach 3 à 5), il ne faudrait pas, toutefois, écarter trop vite d'autres munitions. Il s'agit, de manière générale et grossière, de conserver à l'esprit les projets de planeurs hypersoniques portés par des missiles balistiques. Ces dernières munitions touchent au seuil nucléaire soit par les capacités de frappe stratégiques intrinsèques ou par leur relative capacité à frapper en premier un arsenal nucléaire sans quelques inconvénients d'une première frappe. Cette nouvelle interpellation du seuil nucléaire est structurante en elle-même. Et la volonté affichée par certains d'employer rien que des missiles balistiques avec des charges conventionnelles peut, dans cette optique, être intégrés à la marge du propos.
Les missiles subsoniques qu'ils soient anti-navires ou de croisière étaient très souvent de formes allongées et régulièrement cylindriques. Leurs dimensions pouvaient alors correspondre pour être tirés depuis des Tubes Lance-Torpilles (TLT) de 533 ou, plus rarement, de 650 mm pour les principaux diamètres. La norme du TLT de 533 mm était quasi-uniforme dans le monde.
La principale difficulté engendrée par les missiles aérobies quand ils doivent être lancés depuis un sous-marin résident dans les formules aérodynamiques retenues et donc dans les dimensions des missiles. Le haut supersonique (Mach 3 à 5) peut encore être parcouru par des missiles cylindriques et pouvant respecter la norme précédemment énoncée. Mais il n'en va plus de même pour les projets de missiles aérobies hypersoniques. Par exemple, le 3M22 Zyrcon russe et dont la déclinaison indienne serait le BrahMos-II disposera de formes angulaires et d'un diamètre qui se devine bien supérieur au 533 mm. Mais il devrait rester voisin des capacités du système de lancement vertical UKSK qui accepterait des munitions d'environ 700 mm de diamètre. Et s'il n'est pas possible d'énoncer des caractéristiques précises, il n'en demeure pas moins que la tendance semble être celle-ci pour tous les projets de missiles hypersoniques. Ainsi, le Perseus de MBDA semblait plus large qu'un MdCN ou qu'un MM40.
Le tir vertical de futures missiles interpellent quant aux investissements à consentir pour les sous-marins qui ne sont pas dotés de systèmes de lancement verticaux. Cela revient à questionner les perspectives techniques et financières afin de s'adapter à la tendance naissante :
- intégrer des Tubes Lance-Missiles (TLM) similaires à ceux des SNLE ?
- intégrer de nouveaux TLT d'un plus fort diamètre ?
- développer une munition adaptée de ces munitions pour sous-marins avec ou sans nouvelles installations de lancement ?
Le choix le plus couramment adopté est de recourir à des silos verticaux et, plus récemment, d'adopter plutôt des TLM. Ces derniers présentent l'intérêt de simplifier leur intégration à l'architecture du sous-marin et d'être plus polyvalent puisque entre deux passages au chantier ce que contient un TLM peut être adapté selon les munitions à ensiloter. Les quatre SNLE de classe Ohio refondus aux États-Unis embarquaient des Trident 2D5 dans leurs 24 tubes et emportent désormais dans 22 tubes sur 24 des UGM-109 Tomahawk, soit près de 154 missiles. En mettant de côté les traités START liant Moscou et Washington, la marche arrière est théoriquement possible sur les Ohio : les MSBS pourraient être de nouveaux installés - certes, l'opération serait longue et coûteuse. Mais cela permet de la souplesse stratégique pour des bateaux dont la durée de vie tutoie presque les 40 années.
Il apparaît plus commode d'envisager d'intégrer un, deux ou même six TLM plutôt qu'un ensemble de silos. C'est un changement notable entre les Improved Los Angeles et Virginia Block I (4 bateaux) et II (6) de l'US Navy d'avec les Virginia Block III (8), IV (10) et le cas particulier des Block V (10). Le premier groupe de bateaux voyait douze silos être intégrés à l'avant du sonar tandis que les Virginia Block III à IV reçoivent deux tubes lance-missiles contenant six silos chacun. Et les Virginia Block V comprennent une section supplémentaire de coque dénommée Virginia Playload Module (VPM). Cela revient à dire qu'il y a une double innovation architecturale :
- la création d'un "sabord" pour sous-marin analogue à celui de la surface - un TLM contenant plusieurs silos tient de la même rationalité que les Mk 41 et Sylver ;
- la création d'une tranche standardisée comprenant un nombre fixe de sabords.
Pour matérialiser la force de cette double standardisation, une éventuelle refonte des Virginia Block I à IV avec l'ajout du VPM permettrait à l'US Navy de passer :
- de 1372 armes tactiques (1036 torpilles et missiles dans la soute à armes tactiques plus 336 Tomahwak dans les silos) sur 28 bateaux ;
- à 2156 armes tactiques (1036 torpilles et missiles dans la soute à armes tactiques plus 1120 Tomahwak dans les silos) sur 28 bateaux.
Le nombre d'armes emportées sur les 28 Virginia des Block I à IV double presque s'il y avait ces refontes. Cette vue de l'esprit des plus théoriques ne sert qu'à illustrer les volumes très important dont il est question et qui deviennent similaires à ceux des bâtiments de surface.
À n'en pas douter, la question des armes hypersoniques portées par des missiles balistiques se mêlera de très près à cette double innovation américaine à partir de matériaux existants. Elle tendra à effacer les limites perçues comme rigides entre SNLE et SNA et, surtout, à diffuser des capacités stratégiques à tous les possesseurs de sous-marins qu'ils soient à propulsion nucléaire ou non. C'est aussi en ce sens que les armes hypersoniques auront besoin des TLM et qu'il y aura besoin de TLM afin d'ajuster les postures aux nouvelles dialectiques entourant le seuil nucléaire avec les armes hypersoniques. Cela peut se résumer dans la question suivante : est-ce que des SNLE porteront des armes hypersoniques dans une nouvelle manière de crédibiliser une frappe nucléaire ?
Ce tableau permet de tenter de dégager une temporalité au propos et de souligner quelques impasses tant sur les munitions que sur l'existence ou l'adaptation des éventuelles plateformes de lancement.
Marine
|
Missiles aérobies
hypersoniques |
Caractéristiques
|
Entrée
en service
|
Sous-marins porteurs
|
|
US Navy
|
LRASM-B
|
Abandonné
|
Classe Columbia
Ohio réformés
Classe Seawolf
Virginia Block V, VI et VII
|
||
VMF
|
3M22 Tsirkon/Zircon
|
Mach 4 à 8
300 à 700 km
~ 0,7 mètre
|
2027 ? |
Projet 08851 Yasen-M
(Code OTAN : Graney)
Khaski (Husky) |
|
MAPL
|
Mach 2,7 – 3
~ 400 – 500 km
~ 0,53 mètre ?
|
2020 ? |
Type 093G (09-III)
Classe Shang
Type 095 |
||
Indian Navy
|
BrahMos-II
|
Mach 4 à 8
~ 300 km
~ 0,7 mètre
|
2027 ?
|
INS Arihant
INS Arhidaman
S4
S4*
Projet de six SNA
|
|
Royal Navy
|
FC/ASW
|
Mach 3 ?
500 km ?
> 0,53 mètre
|
2025-30
|
Classe Dreadnought
Classe Astute
|
|
Marine
nationale
|
FMAN/FMC
|
Mach 3 ?
500 km ?
> 0,53 mètre
|
2025-30
|
Classe Suffren
|
SN3G |
ASMPA-R ?
|
Mach 3
~ 400 km
0,96 mètre
|
2022
|
|||
ASN4G
|
Mach 7-8 ?
500 – 1000 km ?
> 0,53 mètre
|
~ 2035
|
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