13 août 2018

BATSIMAR/POM : appel d'offres pour six frégates de quatrième rang ?

© Kership. MPV 80.

     Xavier Vavasseur (Navy recognition) se fait l’écho la publication de l’appel d’offres (à l’échelon européen ?) émis par la Délégation Générale de l'Armement (DGA) et dont l’objet est la fourniture de six Patrouilleurs d'Outre-Mer (POM) : c'est-à-dire le produit de la deuxième « scission » du programme BATiment de Surveillance et d'Intervention MARitime (BATSIMAR).

BATSIMAR (PAG + POM + PM NG)

     Le programme BATSIMAR (BATiment de Surveillance et d'Intervention MARitime) bénéficiait d'une première présentation publique par la description qui en était donnée dans le projet de loi de finances pour 2009 (commission des finances, Sénat, 2008) et qui résumait l'ensemble des caractéristiques visées par ce programme : « La marine a exprimé le besoin d'un bâtiment de haute mer, endurant et autonome , capable d'une vitesse de transit suffisante, apte à accueillir des commandos et à mettre en oeuvre les moyens habituels d'intervention (hélicoptère ou drone et drome). »

Programme qui n'était inscrit ni à la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2009-2014, ni dans la LPM 2014-2019, malgré son actualisation décidée par le Président François Hollande et l'historique stabilisation des dépenses militaires françaises.

     Toutefois, la LPM 2014-2019 portait la première « scission » du programme BATSIMAR par le remplacement des P400 (La Gracieuse (1987 - 2017), La Capricieuse (1986 - 2017) de Guyane par deux Patrouilleurs Légers Guyanais (PLG) commandés en 2015 : La Confiance (2017 - 2047 ?) et La Résolue (2017 - 2047 ?). Leur cahier des charges demandait qu'ils soient adaptés à la géographie navale locale, imposant un modeste tirant d'eau dont la limite a été fixée à 3,5 mètres. Le passage de l'ouragan Irma (30 août 2017 - 14 septembre 2017) soulignait les conséquences des RTC observées aux Antilles, notamment dans les missions NARCOPS, et permettait la commande d'une troisième unité était commandée. Les PLG devenaient les Patrouilleurs Antilles Guyane (PAG) de classe Confiance.

     Par ailleurs, et au cours de la même LPM 2014-2019, l'Amiral Christophe Prazuck prenait trois décisions structurantes au profit du programme BATSIMAR :

Le 12 octobre 2016, l'Amiral Christophe Prazuck défendait (audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 12 octobre 2016) la stratégie des moyens de la Marine nationale quant à l'Action de l'Etat en Mer (AEM) au sein de laquelle les futurs patrouilleurs tiennent une place essentielle et proposait, à ce titre, un schéma simple à assimiler et presque intuitif dans la compréhension de la répartition des bateaux : « le format global que nous visons, et que nous connaissons depuis plusieurs décennies, est d’une frégate, deux patrouilleurs et un bâtiment logistique pour chaque département ou collectivité d’outre-mer. »

Début décembre 2016, lors d'un échange avec les membres de l'Association des Journalistes de Défense (AJD), le Chef d'État-Major de la Marine nationale (CEMM) définissait finalement la cible du programme BATSIMAR vis-à-vis du schéma précédemment établi et exprimait son souhait que la cible soit à hauteur de18 patrouilleurs (Vincent Groizeleau, « BATSIMAR : La marine en souhaite 18 et les premiers dès 2021 », Mer et Marine, 25 janvier 2017) tandis que le premier était espéré pour 2021 dans le cadre de la maquette Marine 2030 et non plus 2024 (maquette Horizon Marine 2025), comme précédemment enregistré par la programmation.

Toujours au sein de l'Assemblée nationale (audition devant la commission de la Défense et des forces armées, Assemblée nationale, 11 octobre 2017), l'Amiral Christophe Prazuck déclamait la deuxième scission du programme BATSIMAR qu'il présentait alors en ces termes « après plusieurs années de bataille pour avoir des BATSIMAR outre-mer, j’ai proposé de différencier ce programme. J’avais initialement l’intention de remplacer les patrouilleurs métropolitains et les patrouilleurs outre-mer par une même classe de bateau. Je n’y parviens pas. Ce serait trop cher, me dit-on. Je propose donc de déployer outre-mer des bateaux deux à trois fois moins chers, pour les avoir plus vite. »

     Pour le programme POM, la DGA publiait dès le 13 août 2018 un appel d'offres portant sur six unités, avec des caractéristiques plus importantes que celles demandées aux PLG/PAG : 

Les qualités nautiques consisteront dans une coque voisine des 70 mètres de longueur et d'un tirant d'eau égal ou inférieur à 3,8 mètres (contre 3,2 pour les PLG/). Ces futurs patrouilleurs devront pouvoir marcher jusqu’à 22 nœuds. Ils bénéficieront d’une autonomie de 30 jours en vivres et être en mesure de parcourir jusqu’à 5500 à 12 nœuds, avec de bonnes capacités de manœuvre et de navigabilité.

Les qualités opérationnelles seront exercées par un équipage de 35 marins (contre 32 sur l'OPV 87 Adroit, 30 sur un P400, 23 sur un B2M et 17 sur BSAH) avec suffisamment de logements pour ceux-ci et 18 passagers supplémentaires. Le patrouilleur bénéficiera d’une drome, composée de deux semi-rigides de huit mètres, et disposera d'installations de manutention (pour embarquer des conteneurs ? un système SLAMF ?). Outre l'intégration d'un système de visualisation des données tactiques, en sus des communications militaires et civiles, les futurs POM devront être capable d'opérer des hélidrones (~700 kg) depuis des installations aéronautiques.

Cependant, s'il est explicitement précisé que les futurs POM devront pouvoir embarquer des armes légères d'infanterie ("weapons") et les munitions associées, rien ne semble indiquer, en l'état des éléments diffusés publiquement sans restriction de confidentialité, une quelconque demande pour une pièce d'artillerie de quelque calibre que ce soit.

Aucune exigence particulière n'est exprimée quant aux méthodes de constructions ou pour l'architecture navale retenue.

Il est demandé dans les prestations attendues que les premières années de services soient couvertes par un contrat de maintien en condition opérationnelle et que soit proposé des prestations d'entraînement, probablement du ou des premiers équipages, en plus de la documentation et des pièces de rechange.

Deux remarques s'imposent :

La vague description des installations aéronautiques : « le stockage sous abri, l'entretien et la mise en œuvre avec des moyens d'assistance associés à l'atterrissage et à la sécurisation de la zone de vol » d'un hélidrone est une demande relativement large. Aussi bien un système conteneurisé qu'un hangar aéronautique - voire « multi-fonctions » : dromes, conteneurs, drones, etc - peuvent correspondre à une telle définition.

L'un comme l'autre ne constitue pas tout à fait le même bateau puisque l'un sera un bâtiment possiblement porte-hélicoptères – pouvant mener des missions NARCOPS - et l'autre non.

C'est, aussi, une manière d'ancrer les POM dans la cible du programme SDAM (Système de Drone Aérien de la Marine) alors que la LPM (2019 - 2025) prévoit la livraison du premier système en 2028. Les FTI ne sont alors plus les seuls à le recevoir.

La deuxième remarque touche à la description générale du bateau qui me semble pouvoir correspondre à des bâtiments de programmes existants, comme par exemple les B2M et BSAH : un B2M a un tirant d'eau de 4,2 mètres alors qu'il s'agira d'avoir moins de 3,8 mètres pour le POM. Sinon, la longueur de coque (~ 70 mètres pour le POM contre 65 m pour le B2M), les capacités de manutention autonome d'équipements, la vitesse (22 nœuds pour le POM contre 13 - 14 pour les B2M), la bonne manœuvrabilité, l'endurance demandée (~ 5000 nautiques dans les deux cas) sont proches... Seuls les PLG se distinguent par des caractéristiques plus faibles.

Dernière remarque qui peut donner dun grain à moudre quant à l’idée d’une « frégate de quatrième rang » : hormis la vitesse maximale exigée, la plupart des caractéristiques coïncident. Et cette vitesse maximale - soit 22 nœuds – tend à affirmer que les capacités opérationnelles sont jugées suffisantes, même pour traiter des déploiements par essaims de flottilles de pêche, comme observé en Nouvelle-Calédonie.


3 commentaires:

  1. Bonjour, un autre site en parle: http://www.opex360.com/2018/08/15/marine-nationale-procedure-acquerir-6-nouveaux-patrouilleurs-destines-a-loutre-mer-lancee/
    http://www.lemarin.fr/secteurs-activites/chantiers-navals/32105-lancement-de-la-consultation-pour-les-patrouilleurs
    L'appel d'offre plus en détail: https://www.marchesonline.com/appels-offres/avis/developpement-realisation-et-fourniture-de-patrouill/ao-7700882-1
    Cordialement.

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  2. Bonjour,
    D'avantage que le MPV80 de Kership qui illustre votre billet, l'OPV 75 du même chantier semble conçu sur mesure. Une possible bouffée d'oxygène . Reste le prix qui semble hélas le critère essentiel de choix......
    L'appel à manifestation d'intérêt de la Royale appelle les observations suivantes:
    1/ le format souhaitable est à géométrie variable selon l'identité du chef d'EM de la Marine,point de vérité donc mais des appréciations;
    2/ Considérer que le même format est applicable indifferemment à toutes les collectivités d' outre-mer me semble une hérésie, tant les enjeux, les rmenaces et donc les missions peuvent être éloignées d'un espace à l'autre;
    3/ la capacité de projection des forces ou de secours humanitaires paraît remarquablement occultée, tant le B2M, parfois présenté, à tort, comme le sucesseur du BATRAL, est peu performant en la matière. Des batiments de type LSPV 90 de Kership ou BSL de Raidco seraient d'un grand intérêt à la Réunion et en Nouvelle Caldonie;
    3/ Le remplacement futur .....et lointain des Frégates FLOREAL pourrait être l'occasion de quelques réajustements.....si la Royale réussit à échapper au dogme du format unique pour l'Outre mer.

    Pascal R

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  3. Il s'agit donc d'une flotte de patrouilleurs "petits bras" car lorsque l'armement à embarquer n'est pas évoqué, on peut s'inquiéter sur sa nature. Pour ce qui concerne la partie du programme patrouilleurs hauturiers destinés à la surveillance des côtes métropolitaines, il faut s'attendre à un format sûrement plus léger par rapport aux ex-avisos rétrogradés en patrouilleurs. Aucune comparaison avec les bâtiments construits actuellement pour les marines britannique et italienne.

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