14 novembre 2018

Chronologie des chantiers des NPA 2 et PANG


Les débats menés au Parlement autour du projet de loi de finances initiale pour l'année 2019 permettent de suivre l'avancement des programmes dont celui pour le "Porte-Avions de Nouvelle Génération" (PANG) qui a bénéficié d'un coup d'accélérateur de la part du Président et du gouvernement par le truchement de la ministre de la Défense, Mme Parly. C'est l'occasion de connaître le calendrier actuellement envisagé et qui est plus contraint que ce qui était prévisible, point central de ces lignes. Et c'est l'occasion de confronter ce calendrier avec l'hypothèse de retour à la permanence aéronavale dans l'optique du troisième arrêt technique majeur du Porte-Avions Nucléaire (PAN) n°1 Charles de Gaulle en 2028. Le PANG étant, dans les deux hypothèses, le successeur du porte-avions Charles de Gaulle. Mais sera-t-il devancé par un grand frère ?

Le PAN n°2 devait être commandé dans le cadre de la LPM (1990-1994). Le livre blanc de 1994 repousse sa réalisation à de meilleurs conditions financières et économiques. Si bien que le lancement d'un sister-ship du Charles de Gaulle n'est pas inscrit à la programmation pendant la LPM (1997-2002) tandis que le rapport Cousin (1994) sanctionne l'âge des plans du PAN 1 conçu à partir du début des années 1980. Le PA2 ne pourra qu'être foncièrement différent de son devancier en bien des points. Il est désormais question que le Foch soit placé en réserve spéciale et remplace le Charles de Gaulle lors de sa première IPER alors prévue pour l'année 2004. Le rapport Le Drian ("L'aéronautique navale", commission de la Défense nationale et des forces armées, Rapport d'information, n°3317, 10 octobre 2001) sanctionne un manque d'effectifs pour la réactivation du Foch tandis que son placement en réserve spéciale est purement et simplement abandonné en 2000.

Le PA2 est alors renvoyé à la LPM (2003-2008), au plus tôt, dans l'optique d'être mis en service à échéance de l'IPER suivante programmée en 2015. Le PAN n°2 devenu PA2 entre temps est désormais lié à la création d'une capacité autonome d'action de l'Union européenne tant pour agréger la force navale adjacente forte de quinze bâtiments - c'est la création d'EUROMARFOR - que pour contribuer au déploiement des 150 à 300 avions de combat demandés, sans compter la possible mise à disposition d'un groupe amphibie. Le sort du PA2 est désormais européen. Le 25ème sommet franco-britannique au Touquet (4 février 2003) voit l'aboutissement des discussions entamées depuis l'année 2002 et permet donc à la France de coopérer avec le Royaume-Uni sur l'acquisition de nouveaux porte-avions. Mais ce n'est que le 13 février 2004 qu'un communiqué de presse de l'Élysée officialise le choix d'une propulsion classique pour le PA2, ouvrant la voie à l'adoption d'un même type de porte-avions avec le Royaume-Uni.

La suite du programme CVF (Carrier Vessel Futur) comprenant le CVF-FR verra la France participait financièrement aux études britanniques pour le CVF puis travailler à l'adaptation de ces dernières au besoin français. Seules les catapultes seront commandées en 2006 avant que le contrat ne soit rompu en 2011. Même année où la France étudiait le rachat du HMS Queen Elizabeth. Finalement, la décision annoncée comme devant être prise pour 2011 ou 2012 ne le sera jamais par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy alors qu'il en avait fait un "marqueur" pendant la campagne présidentielle de l'année 2007.

Ce n'est qu'après l'élection de François Hollande - qui n'avancera aucune volonté de commander un deuxième porte-avions, le livre blanc de 2013 ne l'évoquant même pas contrairement à ceux de 1994 et 2008 - que le CEMM Rogel déclare (18 juillet 2012) au sujet du PA2 devant la commission de la Défense et des Forces armées à l'Assemblée nationale qu'il ne réclamera pas "entre 3 et 5 milliards d’euros à cet effet, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas indispensable ! Quand on n’en a qu’un, on prend nécessairement le risque de n’en avoir aucun disponible à certaines périodes ! Pour autant, il serait inopportun de déséquilibrer la cohérence de nos armées afin d’acquérir cet équipement."

Entre temps, et cela a été assez peu commenté, l'Amiral Prazuck avait poussé l'idée d'un retour à la permanence aéronavale pour l'année 2030 dans le cadre de la nouvelle LPM alors en gestation. Il avait avancé devant les députés que "la question est avant tout celle du nouveau porte-avions. L’ambition d’une permanence d’un groupe aéronaval me semble raisonnable, avec un second porte-avions, arrivant en 2030, qui coexisterait avec le Charles de Gaulle jusqu’à son retrait du service actif et son remplacement... Je n’ai pas aujourd’hui d’assurances en ce sens. La loi de programmation militaire tranchera. Je ne banalise pas le coût de réalisation d’un bateau de cette complexité-là : il est évalué à 4,5 milliards d’euros, ce qui représente - étalé sur 10 ans – 0,02 % du PIB... Les études préalables sont dimensionnantes, elles doivent être conduites rapidement. Cet objectif reste atteignable." (audition de l’Amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2018, 11 octobre 2017, commission de la Défense nationale et des forces armées). L'hypothèse non-retenue peut toujours servir de base de travail si et seulement si le Politique souhaite apprécier à nouveau la question lors de l'actualisation de la loi de programmation militaire sur les années 2020-2021. La situation en la matière aura une nouvelle fois évolué à l'échelle mondiale.

Le PA2 évolue une nouvelle fois dans le discours pour devenir le NPA (Nouveau Porte-Avions) comme l'annonce dans les échanges que l'Amiral Prazuck a avec le Parlement. C'est porté par la Revue stratégique de Défense et de Sécurité nationale qui évoque « Le maintien de la supériorité aéromaritime implique de préparer le renouvellement du groupe aéronaval ». Pas une seule fois le mot "porte-avions" n'est écrit. Mais la LPM (2019 - 2025) contient les premières études pour le PANG - nouveau changement de vocable. Leur lancement est officialisé lors du salon EuroNaval d'octobre 2018. Outre les trois questions auxquelles doit répondre l'étude pour 35 à 40 millions d'euros, c'est bien le calendrier qui nous intéresse.





Charles de Gaulle
(18 mai 2001 – 2038)


NPA2

PANG


Débat et décision programmatique
1970 – 1980

Décision : conseil de Défense du 23 septembre 1980
1989 – 2018

Décision :
Premier semestre 2020 ?
1989 – 2018

Décision :
2021-22 ?

Avant-projet
6 juin 1984
Fin des études préparatoires : mi-2020 ?
Fin des études préparatoires : mi-2020 ?
Commande
3 février 1986
2021 : actualisation de la LPM ?
2025 : nouvelle LPM ?
Début d’usinage
25 novembre 1986
2022 ?
2026
Mise sur cale
14 avril 1989
2024 ?
2028


Mise à l’eau
20 décembre 1992
(mise à flot « technique »)

7 mai 1994
(cérémonie officielle)


2028 ?


2034 ?
Essais
1999 – 2001
2028 – 2030 ?
2036 - 2038
Mise en service
18 mai 2001
2030 ?
2038
Désarmement
2038
2070 ?
2078


Le tableau suivant (cf. supra) tente de synthétiser ce que l'auteur de ces lignes a pu comprendre des éléments de calendrier donnés dans l'avis du député Jacques Marilossian (avis Défense - préparation et emploi des forces Marine,  (pp. 33-35). Le calendrier du porte-avions Charles de Gaulle est détaillé en suivant les mêmes étapes-clefs du programme afin d'avoir une "mesure témoins" qui sert à jauger ce qu'il a été possible de faire. Sans oublier de rappeler qu'à plusieurs reprises, le chantier du PAN n°1 a été gelé, ou tout du moins très fortement ralenti, pour raisons budgétaires à hauteur de plusieurs années de retard occasionnés.

L'hypothèse structurante et principale est donc que le PANG succède en temps et en heure au Charles de Gaulle. Il s'est écoulé six ans entre l'admission au service actif du porte-avions (2001) et le début du chantier de l'ATM n°1 (2008). Puis presque dix ans entre l'ATM n°1 (2008) et l'ATM n°2 (2017). Il s'écoulera autant d'année jusqu'à l'ATM n°3 (2028). De manière logique, le désarmement interviendrait en 2038. Cette dernière date comme toutes les autres est le fruit de multiples facteurs dont l'un des principaux est l'usure des coeurs des deux réacteurs nucléaires. Loin des cinq années de vie initiale, ils atteignent sept à neuf années. Serait-il possible de piloter les deux réacteurs pour gagner une à deux années ?

 De cette dernière question dépend de nombreuses actions puisqu'un retrait en 2038 est plus logique qu'en 2040 et cela pèse lourdement sur les décisions attendues à l'endroit du PANG. Mais cela influe aussi considérablement sur l'hypothèse d'un NPA 2 (Nouveau PA2) tel qu'évoqué par l'Amiral Prazuck en octobre 2017. Le calendrier serait très serré mais n'est pas non plus totalement irréaliste si le programme était décidé en 2020. Il serait conditionné à la disponibilité d'une cale à Saint-Lazaire, l'éventuelle élargissement d'un ou deux bassins à Brest (armement) et Toulon (port base), le décalage de l'ATM n°3 de 2028 à 2030 et une efficacité industrielle globale redoutable sans compter une célérité impérieusement nécessaire pour obtenir des administrations et entreprises américaines quelques fournitures dont les catapultes (EMALS (Electromagnetic Aircraft Launch System) et les brins d'arrêt (AAG (Advanced Arresting Gear). Ces deux derniers matériels seront portés et par le CVN-78 USS Gerald R. Ford et par le CVN-79 USS John F. Kennedy. 



Cette dernière hypothèse verrait alors le PANG succéder au Charles de Gaulle alors que NPA2 terminerait la période de la question du PA2 ouverte depuis 1989. Auquel cas les LPM (2019 - 2025) et (2026 - 2031) aurait chacune un porte-avions à financier en plus d'un SN3G dont le chantier s'étalera sur deux LPM (2019-2025) et (2026 - 2031). Il serait même remarquable que le PANG en cas de NPA2 bénéficie d'ores et déjà d'un processus d'amélioration continu du bateau avec un ensemble de points d'améliorations directement transposable d'un porte-avions à l'autre au fur et à mesure des ATM grâce à une architecture ouverte.

Aussi, il convient de remarquer qu'un avancement du calendrier de retrait du porte-avions Charles de Gaulle à 2038 éviterait quelques complications avec le programme SCAF. Le porte-avions serait directement dimensionné autour de l'enveloppe allouée au Next Generation Fighter (NGF) de Dassault aviation qui devra avoir une masse maximale au décollage de 30 à 32 tonnes (Mirage 4000 ?) et comprendrait vraisemblablement des UCAV. Il n'y aurait alors aucune difficulté technique et tactique à opérer les Rafale M et le SCAF depuis deux porte-avions de génération différente, voire qu'il y ait des incompatibilités et donc des limitations opérationnelles obligeant à différencier la capacité de frappe au sein même de la permanence aéronavale recouvrée.

In fine, ces différentes hypothèses permettent de vérifier, exemples des Clemenceau et Foch à l'appui, qu'il s'écoule en moyenne dix années (si le chantier ne sert pas de variable budgétaire) entre l'ordre de mise en chantier d'un porte-avions et son admission au service actif comme le présentait déjà Nicolas Maldera. La Marine nationale prépare depuis 2017 une prise de décision en 2020 en faveur du PANG comme hypothèse de travail minimale afin de remplace le porte-avions Charles de Gaulle dès 2038 au plus tôt. Mais un NPA 2 pourrait être prêt dès 2030. Un porte-avions ne nécessite pas 20 années "chantier" comme cela a pu être malheureusement écrit ou dit. Il ne faudrait pas exagérer outre-mesure les délais puisque St Nazaire du temps d'Aker Yards s'était vanté avant éventuelle contractualisation de pouvoir lancé la coque du CVF-FR en 18 mois... !

3 commentaires:

  1. la France nécessite d'un seul pour l'instant à propulsion électrique (pods)sans missiles aster puisque escorté et sans une trop grande sophistication, soit un coût maximal de 3,5 milliards d'euros étalé sur disons 6-8 ans max, soit 500 millions euros par an avec des millions d'heures de travail. Si la France n'est même pas capable de cela c'est à désespérer. Ou bien alors il reste la solution de coopérer avec l'inde, achat d'un PA construit à Bombay et l'inde nous achète une soixantaine de rafale. Pourquoi pas ?

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  2. Précision : Pourquoi 50 000 tonnes. Tout d'abord par ce qu'un porte-avions de cette taille coûte moins cher à la fabrication qu'un PA de 65 000 tonnes, ou plus, et qu'il permet surtout de garder une certaine communalité avantageuse avec le CDG.

    Tout en restant dans la même gamme de gabarit, ce qui éviterait également aussi de coûteux travaux d'agrandissements et d’aménagements de quais et de bassins, cet agrandissement maîtrisé, outre des capacités d'emport améliorées sur tous les points, permettrait cependant également, l'installation de catapultes de 90 mètres, pour réduire l'usure des cellules des Rafale, et prévoir leur l'inévitable augmentation de poids du Rafale-NG, et qui seront de toutes façon nécessaire pour assurer l'arrivée des futures configurations, plus lourdes, du Rafale.


    Mais, plus important et plus déterminant encore, en ne dépassant pas ce seuil, des 50 000 - 55 000 tonnes, c'est que cela permet, surtout et avant toute autre chose, de garder une installation avec deux réacteurs K15.
    La puissance de ces derniers étant, largement suffisante (Voir "Chaudières et catapultes : les enjeux techniques du prochain porte-avions, Secret Défense, 27 janvier 2017) : Ce sont les arbres de transmission qui limitent la vitesse sur le CDG, plus que la puissance intrinsèque des K15, et qui sont en priorité à rénover et à revoir, pour le prochain PAN2.

    Au delà de ces 50 000 – 55 000 tonnes, cela nous imposerait de revoir complètement l'installation d'un futur porte-avions, qui serait ainsi un tout nouveau porte-avions.
    En particulier en devant concevoir et mettre au point de tout nouveaux, également, réacteurs nucléaires. Ceci avec tous les aléas, et tous les (énormes (on serait certainement même au delà des 5 milliards : Soit deux fois plus que pour un "N"PAN"2" !)) coûts (et retards !) que cela engendrerait, inévitablement [ce serait presque une façon d'enterrer définitivement tout projet de futur porte-avion, d'une certaine façon même ; et c'est, peut être ce que cherchent en réalité certains, à force de reports, et de reports ...].


    Un PAN2, limité à 50 - 55 000 tonnes, avec une communalité maintenue de 90 % avec le CDG, qui plus est, a été presque entièrement refondu, remporte, encore aujourd’hui et très largement le plus d’éléments rationnels.

    Cela permettrait, encore, notamment un équipage renforcé pour assurer les remplacements et une grande partie de maintien en condition opérationnelle également commune.
    D’où encore et aussi, des coûts de possession (en plus des coûts de construction par eux même) moindres sur la durée, encore !
    Ronin.

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    1. Le nucléaire ne doit pas être là clé du dimensionnement.
      Un navire doit pouvoir prendre des coups. Le nucléaire ce n est pas une plateforme que l on peut mettre en danger, ce n est pas un snle.
      Il faut faire énorme et creux parceque c est la clé de la versatilité et de l endurance. Les bassins c est un détail.
      Il faut imaginer un hyper BPC plus gros, plus rapide et profiter de tout ce que la place offre: Du carburant pour les avions, du volume pour le contrôle des dommages, de la place pour de gros avions...

      De toutes façons du carburant il en faut pour l escorte.

      L argument du K15, il faudra le faire avaler a chaque changement de majorité. Si on veut un nouveau PA, il faut accepter que le consensus De Gaulle n est plus et faire une plateforme en phase avec son époque.

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