24 janvier 2020

Marinha do Brasil : l'avant-projet SN-10 Álvaro Alberto ?

© Marinha do Brasil.
     Le contrat signé en septembre 2008, entre Paris et Brasilia, le 23 décembre 2008, portait notamment la construction au Brésil au sein d'un nouveau chantier naval de quatre Scorpène 2000 (devenus S-BR (Scorpène Brasil) mais également d'une cinquième coque : le SN-BR (Submarino NuclearBRasil). Toute la chaufferie nucléaire est à la charge de la partie brésilienne qui entretient un programme en ce sens depuis le projet stratégique initié en 1979. Deux dessins d'artiste de l'avant-projet ou deux avant-projets différents seraient visibles. Le deuxième dessin n'apparaît plus que sur un seul site, français, depuis sa disparition d'autres sources ces derniers mois.

Le futur Sous-marin Nucléaire d'Attaque (SNA ou Ship Submersible Nuclear (SSN) est d'ores et déjà baptisé en l'honneur du vice-amiral Álvaro Alberto da Mota e Silva (22 avril 1889 - 31 janvier 1976), un des grands responsables du programme nucléaire brésilien et représentant de son pays à la Commission de l'énergie atomique des Nations Unies, remplacée par l'Agence internationale de l'énergie atomique le 29 juillet 1957.

Le projet d'un sous-marin à propulsion navale nucléaire de conception et de facture brésilienne aurait pris corps au cours des années 1970, avec une séquence décisive se situant entre 1976 et 1978. Trois enjeux cruciaux furent identifiés : la maîtrise du cycle du combustible (projet « Zarcão et Ciclone »), le développement d'un réacteur nucléaire embarqué (projet « Remo ») et la capacité à concevoir et construire une coque apte à recevoir le réacteur nucléaire embarqué (projet « Costado »).

Le projet « Zarcão et Ciclone » débutait dès 1979 avec la participation de la Marinha do Brasil au programme dédié du nucléaire civil brésilien, c'est-à-dire en devenant membre de l'Institut de l'énergie et de la recherche nucléaire de São Paulo.

L'acculturation brésilienne aux techniques de construction sous-marine modernes, au profit du projet « Costado » bénéficiait du programme de remplacement des sous-marins acquis auprès des États-Unis d'Amérique et du Royaume-Uni dans le cadre du Plan de reconstitution des forces de la marine (Plano de Reaparelhamento da Marinha (PRM) lancé 1979. Il aboutissait à l'acquisition auprès de l'industriel allemand Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW) de quatre sous-marins Type 209/1400 (IKL-209-1400). La classe Tikuna (Type 209/1400 Mod), version agrandie, devait compter deux unités et servir de prélude à la mise sur cale du premier sous-marin à propulsion nucléaire brésilien par l'intégration d'une partie de ses futurs équipements et installations. C'est en raison des retards additionnés pendant la phase d'industrialisation du programme que la marine brésilienne révisait ses plans : le deuxième Tikuna est abandonné, ses crédits sont reversés au profit du lancement du programme Submarino Medio Brasilerio (SMB-10).

Ce Programme SMB-10 visait explicitement la construction au Brésil de deux sous-marins d'un déplacement en plongée d'environ 2500 tonnes pour une coque longue de 67 mètres et fort d'un diamètre de 8 mètres afin qu'ils servent de base de développement au SN-BR (Submarino com propulsão Nuclear - BRasileiro).

La classe Riachuelo est l'aboutissement du programme SMB-10. L'offre française fondée sur une version allongée du Scorpène (Scorpène - BRasil (S-BR) présentée par DCNS est sélectionnée en 2008 face aux offres allemande (Type 214), russe (Amur 1650) et suédoise. C'est à cette occasion que le programme Submarino Medio Brasilerio devient le PROgrama de desenvolvimento de SUBmarinos (PROSUB).

Le contrat du 23 décembre 2008 concrétisait le projet « Costado »), raison pour laquelle Paris fut retenue. Il assurait plusieurs choses à la partie brésilienne : outre la construction au Brésil des quatre S-BR, le développement de la partie non-nucléaire du SN-BR, ce qui a été qualifié de « coque », la création des partenariats industriels, les transferts de technologie et la formation du personnel à la réalisation de cet objectif. Par ailleurs, l'architecture du programme a été pensé afin de favoriser un important taux de communalité entre les systèmes et sous-systèmes des S-BR et SN-BR dans l'optique de faciliter tant la construction que l'entretien des bateaux et leur prise en main par les futurs équipages.

La conception proprement dite du SN-BR débutait dès 2010. La première phase (2010 – 2012) voyait la formation d'un premier noyau de 25 officiers et 6 civils recevaient une formation théorique sur ce projet de sous-marin nucléaire d'attaque, dispensée par DCNS (aujourd'hui Naval group). Ils formèrent alors à l'issue de cette première phase la « Autoridade de Projeto do SN-BR » (Autorité de conception du SN-BR) en juillet 2012 et travaillaient aux études de faisabilité. Les études détaillées du futur bateau débutaient en juillet 2018 avec une force de travail forte de 200 personnes. Et il était prévu que ce volume soit triplé au cours de ces mêmes études.

Un appel d'offres public était émis afin de recruter le personnel nécessaire à la formation du « corps technique ». La procédure fut menée par Amazul, une société créée à partir d'Empresa GEerencial de PROjetos Navais (EMGEPRON). Le corps technique entre 2012 et 2018 grossissait jusqu'à atteindre près de 400 personnes. Il comprend le personnel d'Amazul ainsi que celui de la Marinha do Brasil. Entre 2013 et janvier 2017, l'Autoridade de Projeto do SN-B et le corps technique étudiaient le dessin préliminaire du futur sous-marin à propulsion navale nucléaire.

Parallèlement à l'avancement du projet « Costado »), ce n'était qu'en 2014 que le projet « Remo » avançait par la construction du premier réacteur d'essais au Centre expérimental d'Aramar dont l'objet est de valider les futurs choix technologiques du futur prototype du réacteur nucléaire embarqué. Le projet continuait par le début de la fabrication du prototype du réacteur embarqué baptisé LABoratório de Geração de Energia Nuclear (LABGENE). Il serait attendu que ce prototype à terre combinant le réacteur et toute la chaîne cinématique du futur bateau puisse débuter ses essais au milieu de l'année 2021 et être déclarée « opérationnelle » en 2022.

Sur le SN-BR, l'industrie brésilienne affirme assurer 90% du programme. Même le système de combat (Combat Management System (CMS) sera développé par des ingénieurs brésiliens à partir du SUBTICS (Naval group) installé sur les S-BR.

Deux esquisses du SN-BR furent diffusées dont la première est cohérente avec la silhouette de la maquette navigante qui fut essayée en 2018 et qui ressemble à un « Scorpène augmenté » tandis que la deuxième, publiée la même année, s'en détache sur plusieurs caractéristiques architecturales (dôme sonar, forme du massif, appareil à gouverner) et paraît emprunté certains choix aux Barracuda. Une maquette présente aussi l'organisation des volumes internes du SN-BR mais elle paraît trop caricatural et ancienne pour présenter un quelconque avant-projet.
© Marinha do Brasil. Une des deux esquisses apparues en 2018, au plus tard. Elle fut déclinée en maquette navigante.
Quelques caractéristiques du SN-BR émergeaient.

Premièrement, un sous-marin à propulsion nucléaire est dimensionnée par son réacteur embarqué car celui-ci détermine le diamètre de la coque. Le réacteur nucléaire embarqué brésilien oblige à un diamètre de 9,8 mètres pour la coque (contre 8,8 pour les Suffren ou 11,3 pour les Astute). La longueur de coque serait de 107 mètres, ce qui assurerait un excellent coefficient de finesse de 10,91, contre 11,3 pour les Suffren ou 8,61 pour les Astute. Le déplacement en plongée serait de l'ordre des 6000 tonnes (contre 5300 pour les Suffren et 7800 pour les Astute), il pourrait être revu à la hausse. La coque résistante supporterait une immersion opérationnelle de 350 mètres, et peut être plus dans les faits.

La propulsion du futur sous-marin nucléaire brésilien se fondera sur le réacteur nucléaire embarqué de 48 MW thermiques (11 MW électriques) fournissant en vapeur deux turbines (générateurs de vapeur ?) couplées à « générateurs électriques » (turbo-alternateurs ?) dont l'une abreuvera le réseau électrique bord tandis que le deuxième alimentera un moteur électrique de propulsion. Il est attendu que le bateau puisse marcher jusqu'à 25, voire 26 nœuds. Le rechargement des cœurs interviendrait tous les six ans selon les paramètres actuels.

Il n'est pas précisé combien d'armes tactiques seront embarquées (25 ? 30 ?) mais la Marinha do Brasil connaît déjà les types d'armes : torpilles lourdes, missiles anti-navires à changement de milieu, missiles de croisière à changement de milieu (Submarine-Launched Cruise Missile (SLCM) et mines navales éjectées depuis un tube lance-torpilles. Aucun mot n'est encore dit au sujet d'une capacité à mettre en œuvre des drones.

Le futur équipage serait fort d'environ 100 hommes et les capacités en vivres lui assurerait une capacité à durer à la mer de l'ordre des 75 jours.

La mise sur cale du SN-10 Álvaro Alberto devait intervenir dès 2020 mais la mise en chantier pourrait être repoussée au mois d'octobre de l'année 2022. La mise à l'eau aurait suivie dès 2027 mais serait logiquement attendue en 2029, en cas de décalage pour la pose de la quille. L'entrée en servie serait prononcée, au plus tôt, en 2032. Le Plano de Articulação e Equipamento da Marinha do Brasil (PAEMB) formalisé en 2009 contenait l'objectif de construction de 15 nouveaux sous-marins à propulsion classique (2015 - 2047) et de six sous-marins à propulsion nucléaire (2015 - 2047). Selon le PAEMB, deux SN-BR auraient du être mis sur cale entre 2015 et 2030.


Bibliographie indicative

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