01 avril 2020

SARS-Cov-2 : opération maritime européenne aux Antilles ?

© Marine nationale. Le BCR Somme pendant l'exercice Grand African NEMO 2019.
     Un groupe amphibie européen de 95 200 tonnes serait en cours de constitution afin de renforcer les systèmes hospitaliers soutenant 1,62 millions de citoyens européens. Sur ordre de leurs gouvernements respectifs, la Koninklijke Marine devrait envoyer le Zr. Ms. Karel Doorman, la Royal Fleet Auxiliary le RFA Argus et la Marine nationale les PHA Dixmude et BCR Somme. L'étroite proximité géographique de la majeure partie des territoires des trois États européens dans la mer des Antilles a manifestement justifié de coordonner les efforts. Une opération maritime est en gestation et il y a tout lieu de se demander si elle se doublera du recours à l'EATC.


Ces deux États membres de l'Union européenne et le Royaume-Uni ont des territoires dans la mer des Antilles :

Pour les Pays-Bas, il s'agit des Etats d'Aruba (0,11 millions d'habitants), de Curaçao (0,159 millions d'habitants) et de Saint-Martin (0,074 millions d'habitants) ainsi que les municipalités hollandaises de Bonaire (0,019 millions d'habitants), Saba (0,002 millions d'habitants) et Saint-Eustaches (0,0032 millions d'habitants) : soit 0,368  millions d'habitants.

La Koninklijke Marine (Jaime Karremann, Will the Karel Doorman 'corona assistance "grant in the Caribbean?, Marine Schepen, 26 mars 2020) devrait envoyer le Zr. Ms. Karel Doorman (27 800 tonnes ; TCD et BCR à la fois). Il avait été engagé lors de l'épidémie Ebola (2014). Les TCD Zr. Ms. Rotterdam et Zr. Ms. Johan de Witt ne sont pas disponibles car le premier souffrirait d'avaries tandis que le deuxième est en cale sèche à Den Helder (Rotterdam, Pays-Bas). Le Zr. Ms. Karel Doorman détient un hôpital embarqué pouvant être ségrégué du reste du bord par un jeu de pression grâce à la ventilation. Ses installations médicales comprennent 2 blocs opératoires, 3 lits de soins intensifs, 10 lits de soins moyens. Rien ne semble encore su quant à un éventuel volet hélicoptères.
 
Le Royaume-Uni peut se targuer de détenir les United Kingdom overseas territory des îles Turques-et-caïques (0,051 millions d'habitants), les îles Caïmans (0,062 millions d'habitants), les îles vierges britanniques (0,036 millions d'habitants), Anguilla (0,013 millions d'habitants) et Montserrat (0,005 millions d'habitants) : soit 0,167 millions d'habitants.

La Royal Fleet Auxiliary (RFA) devrait envoyer le RFA Argus (28 000 tonnes), l'ancien porte-conteneurs MV Contender Bezant de facture italienne qui a été converti en bâtiment auxiliaire et qui est un vétéran de la guerre des Malouines (2 avril - 14 juin 1982). Il avait été positionné à Londres mais ses capacités opérationnelles vont être requises aux Antilles. Ses installations hospitalières peuvent être portées à 100 lits grâce à l'embarquement de modules. Elles comprennent un plateau médical complet (laboratoire, scanner, service de radiographie). L'hôpital embarqué est armé par 138 à 200 personnels soignants selon les missions.

La République française est présente dans la mer des Antilles de part la collectivité d'outre-mer Saint-Martin (0,035 millions d'habitants), les départements de la Guadeloupe (0,39 millions d'habitants), la Martinique (0,37 millions d'habitants) et de la Guyane (0,29 millions d'habitants) : soit 1,085 millions d'habitants.

Le PHA Dixmude (21 500 tonnes) est actuellement à quai à la base navale de Toulon où il est préparé pour la mission qui a été ordonné par le Président de la République. Son hôpital embarqué (750  à 950 m²) comprend 69 lits qui peuvent être portés à 119 grâce l'installation d'un hôpital militaire de campagne (250 m²) dans le hangar aéronautique. Sur ces 69 lits, 19 sont des lits de soins intensifs dont 8 de réanimation. Son hôpital embarqué peut être ségrégué entre la zone citadelle et la zone hôpital par un jeu de pression grâce à la ventilation.

L'un des éléments qui seront à bord pour la traversée de l'océan Atlantique et ayant vocation à être employé aux Antilles est l'Elément de Sécurité Civile Rapide d'intervention Médicale (ESCRIM). Le volet aéromobile sera assuré par 2 hélicoptères SA.330 Puma du 3e RHC (Jean-Marc Tanguy, COVID-19 : l'armée de l'air mobilise trois hélicos, Le Mamouth, 1er avril 2020) et 2 hélicoptères Dauphin de la Marine nationale. En outre, un Falcon médicalisé devrait être positionné sur zone.

En outre, sera envoyé le BCR Somme (17 900 tonne) qui accompagne encore le GAn dans le cadre de la mission Foch. L'insuffisance des infrastructures antillaises pour ravitailler à la fois autant de bâtiments de combat a justifié l'ajout de cette capacité logistique au profit de cet agrégat de bâtiments européens. L'équipage du Somme mènera des actions de ravitaillement d'une force navale, comme à l'accoutumée des missions ordinaires.

De la proximité géographique des actions nationales difficiles à isoler les unes des autres devrait émerger leur rassemblement au sein d'une opération maritime. L'unité de commandement n'aurait pas encore été déterminée. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni sont engagés, en ce qui concerne la guerre amphibie, dans la Joint Expeditionary Force (JEF) alors que la France et le Royaume-Uni coopère sur les volets aéronavale et amphibie dans la Combined Joint Expeditionary Force (CJEF).

Mais, et en mettant de côté le cas juridique hautement complexe du Royaume-Uni, monter une opération européenne avec un état-major dédié permettrait d'obtenir une unité de vue quand aux efforts déployés aux Antilles par ces trois nations. Et de recourir à d'autres instruments existants en Europe, comme par exemple un centre de commandement. Et cela faciliterait - peut être - la mobilisation d'un autre commandement européen : l'European Air Transport Command (EATC).

Les moyens aériens sont limités et le ravitaillement des différentes îles en fournitures et matériels médicaux invitent, là aussi, à la meilleure concertation possible. D'où l'intérêt que la France puisse verser au "pot" le BCR Somme car cette mise à disposition permettra de mieux négocier des rotations aériennes avec les deux autres partenaires. Le potentiel partage des moyens aériens - dont l'épineuse question du nombre de voilures tournantes - ne peut ignorer les avions de transport pour les rotations infra-théâtre. Ce qui devrait conduire à l'érection d'une base d'opérations.

Une ou deux bases d'opérations ? Les moyens aériens au niveau stratégique et au départ de l'Europe sera l'un des enjeux pour convoyer l'aide médicale et logistique mais la zone peut être partagée entre deux pôles comprenant le chapelet d'îles au large du continent sud-américain et la Guyane d'un côté et l'arc antillais plus au Nord. D'où l'importance des moyens aériens infra-théâtres pour répartir l'aide matérielle ou procéder aux transferts de patients au sein de ces deux zones.

La pire crise sanitaire depuis la grippe espagnole (1918 - 1920) accouche, au profit de la mer des Antilles, de l'envoi de 95 200 tonnes de bâtiments de combat, soutien ou auxiliaires afin de renforcer les systèmes hospitaliers soutenant 1,62 millions de citoyens européens. Une coopération qui pourrait être source d'initiatives futures quant à la coordination des efforts au cours de la saison des ouragans et cyclones.


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