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© Advanced Performance High-speed Nuclear Attack Submarine (APHNAS). |
L'absence de choix militaires1 s'illustre dans l'absence de remise en cause des grands paradigmes structurants, en particulier dans l'architecture des plateformes navales. Par exemple, une nouvelle maquette (présentée courant février 2025) postulait le besoin des BAR 7 et BAR 8. Les Sous-marin Nucléaire d'Attaque (SNA) type Suffren seront-ils adaptés au combat sous-marin à l'horizon 2040-60 ? Le combat entre sous-marins nucléaires est comparable à celui entre « croiseurs canons ». Certains bateaux étrangers, présents ou à venir, peuvent nous interdire des théâtres. Depuis l'abandon de l'avant-projet de Sous-marin Nucléaire de Chasse de la tranche 1968 (SNC 68), le SNA français est « à bas coûts », « léger » et ne soutient pas la comparaison. N'est-il pas temps de discuter d'un nouveau sous-marin nucléaire de chasse ? Le débat public n'a pas été éclairé sur ces enjeux.
Après des avant-projets explorant ce qui était techniquement permis par les plus bas coûts possibles (SNAS, SNE et SNAM en 1970), c'est finalement le SNAS 1 qui fût retenu. Il prend une nouvelle appellation : SNA 72. Le Conseil de Défense du 28 novembre 1972 actait que le SNA 72 sera mis sur cale en janvier 1976. L'Amiral de JOYBERT déclarait au ministre que « si nous sommes passés du Rubis que vous aviez approuvé il y a trois ans [SNA 69] à cette proposition que nous faisons [SNA 72], c'est strictement pour une question d'argent unitaire. Ce sous-marin coûterait 150 MF de moins que l'autre actualisé2. » Cela permet de tenter de jauger le coût unitaire de production des SNA 69 (environ 370 millions de francs HT) et SNA 72 (un peu plus de 220 millions de francs HT) en 1972. Le SNC 68 étant probablement d'un devis autrement supérieur.
La naissance du SNA, en France, est marquée sous la sceau de la pauvreté entre ce qu'il était techniquement possible de faire, sans obérer l'existence d'une valeur militaire d'un bateau dont la principale qualité est la propulsion navale nucléaire. Et cela en dit long sur la place du sous-marin dans la Marine nationale.
Il est impératif de souligner qu'il n'était – déjà - plus possible de refaire les Rubis, en tous les cas sans bouleverser les grands paradigmes structurants. Dès le projet Canadian AMETHYSTE (1987 - 1989)3, la proposition industrielle voyait le bateau s'allongeait (79,65 mètres, soit + 06,05 m) et le déplacement en plongée s'alourdir (2 890 tonnes, au lieu des 2 690 du SNA 72) par voie de conséquence. Le Sous-Marin d'Attaque Futur (SMAF) n'eut aucun avatar versé au débat public avec une coque sous les 88 mètres.
La naissance du programme SMAF (1992 – 1998) – Barracuda (1998 – 2006) ne remettait nullement en cause cette naissance marquée sous la sceau de la pauvreté. Si les différents avant-projets connus par voie de presse présentent une coque allongée de 88 à 99,48 mètres et un déplacement en plongée venir d'environ 4 000 pour finir à 5 100 ou 5 300 tonnes : ce n'est que concessions à l'évolution des exigences architecturales, notamment en sûreté nucléaire, discrétion acoustique.
Une nouvelle maquette de la Marine nationale avait été présentée courant février 2025 à Sébastien LECORNU, Ministre des Armées (21 septembre 2024 - 9 septembre 2025 ; 6 octobre 2025 - 12 octobre 2025), sans finalement être formellement demandée. L'une des évolutions. Elle respecte un « coefficient multiplicateur » d'une maquette l'autre, à l'échelon « politico-institutionnel ». Et contenait un allongement de la série des SNA de type Suffren, postulant le besoin des BAR 7 et BAR 8.
A-t-il été discuté – et pourquoi pas publiquement – le choix entre des bateaux supplémentaires et la mise à l'étude d'une nouvelle classe ? L'alternative devant remettre en cause la naissance du SNA français marquée sous la sceau de la pauvreté avec une discussion portant sur l'avènement d'un Sous-marin Nucléaire de Chasse (SNC). Des marines étrangères se sont posées la question. Par exemple, l'US Navy et à trois reprises.
La première l'a été sur la période 1969 – 1973. Il avait été considéré un futur sous-marin de chasse devant pouvoir obtenir ce que la Marine américaine nomme ces dernières années l' « acoustic superiority » par détection passive. L'avantage devait permettre d'atteindre le but jusqu'à environ 30 nautiques par des armes tactiques à lancement vertical (Submarine Tactical Missile (STAM) / Submarine Anti-ship Weapon System (STAWS) : UGM-89 Perseus) car le diamètre (76 cm (30 inch) excédait les possibilités des tubes existants (533 mm (21 inch). 20 tubes verticaux étaient considérés. L'Advanced Performance High-speed Nuclear Attack Submarine (APHNAS) était mis à l'étude, aboutissant à un avant-projet d'environ 13 649 tonnes de déplacement en plongée.
L' APHNAS devait être un sous-marin autonome dans son action tactico-opérative, capable d'engager une force navale constituée là où les Los Angeles étaient regardés comme des sous-marins d'accompagnement des Carrier Strike Group (CSG). C'est finalement un allongement de la série des Los Angeles qui fût retenu, après l'abandon de l'APHNAS décidé par l'Amiral Elmo ZUMWALT fin 1972. Les évolutions matérielles considérées, notamment les armes tactiques, furent adaptées à l'existant.
La deuxième l'a été sur la période 1983 – 1991. Il était toujours question d'un futur sous-marin devant pouvoir obtenir l' « acoustic superiority » dans l'océan glacial Arctique et donc en lien avec la Maritime Strategy (1985). Il s'agissait de hisser l'ambition matérielle et tactique à la hauteur des menaces représentées par les Sous-marins Nucléaires Lanceurs d'Engins (SNLE) du type Izd. 941 Акула (indicatif radio OTAN / NATO : Typhoon) et les SNA du Izd. 971 Щука-Б (indicatif radio OTAN / NATO : Akula). Pour cela, et bénéficiant des armes tactiques adaptées aux tubes lance-torpilles de 533 mm (21 inch) depuis l' abandon de l'APHNAS : l'arme tactique différenciante ou devant égaliser la prétention de la partie adverse (les TLT de 650 mm des Izd. 971 Щука-Б) résidait dans l'adoption de tubes lance-torpilles de 660 mm. Ils devaient permettre le lancement d'une future torpille à propulsion électrique et d'armes tactiques similaires à celles des soviétiques.
Face aux coûts de la classe Seawolf, dont la cible programmatique fût ramenée de 29 à seulement 3 unités, il avait été commandé une « Centurion Study » en février 1991, point de départ du programme New SSN (NSSN), les futurs Virginia.
La troisième l'a été sur la période 2014 – 2024 qui, bien que récente, n'a pas été commentée outre-mesure. L'US Navy avait fait mettre à l'étude le programme SSN(X) pour lequel a été publicisé l'expression d' « acoustic superiority » et devant donc, non seulement remplacer les Seawolf, selon les objectifs originels. Il s'agirait même de pouvoir engager le but sous-marin jusqu'à 20 nautiques.
C'est finalement un allongement de la série des Virginia qui fût retenue, vraisemblablement dans le courant de l'année 2024, avec l'intégration à la planification des dépenses navales américaines des Block VII et VIII, en lieu et place du SSN(X) dont la mise sur cale a été repoussée de 2034 à l'horizon 2040.
Sans faire l'exégèse des réalisations étrangères, soviétiques puis russes mais aussi les prétentions chinoises (Type 09V ?) en la matière au prisme de leur crédibilité : il nous semble, toutefois, important que la Marine nationale ne s'inscrit nullement dans ce « jeu », ni même ne peut soutenir raisonnablement la comparaison avec l'existant. Autre exemple, le Royaume-Uni s'est porté à la hauteur des ambitions du programme Centurion / NSSN, c'est-à-dire les Virginia grâce à la classe Astute. Déplacement en plongée, vitesse et armes tactiques sont, peu prou, très comparables. Les différences demeureront mineures entre les Virginia Block VI à VIII, le SSN(X) et les futurs SSN-AUKUS.
Les Sous-marin Nucléaire d'Attaque (SNA) type Suffren seront-ils adaptés au combat sous-marin à l'horizon 2040-60 ?
Il est, non seulement permis, mais surtout nécessaire d'en douter : ce qui a été refusé au débat public. Les SNA français ne soutiennent pas la comparaison, par exemple en vitesse maximale. Et cela a une incidence tactique quant à la faculté à dérober, notamment face à des torpilles. Le bateau français ne pourrait compter que sur la seule compétence de son équipage à se fondre dans les différentes couches de la mer pour approcher l'adversaire alors que celui-ci possède bien souvent, si ce n'est toujours, la capacité fondre sur sa cible et à s'éloigner si les conditions lui devenaient défavorables. Un peu comme deux croiseurs ou cuirassés essayant d'imposer à l'autre le respect de sa « zone citadelle » à l'intérieur de laquelle il n'est pas en danger. Et il est difficile de distancer un autre bateau possédant trois à huit nœuds supplémentaires pouvant potentiellement lancer de plus loin avec des torpilles plus rapides.
Mais nous pourrions entrer un nouveau paradigme du sea denial, déployé depuis un sous-marin, permettant d'engager des buts de surface et sous-marins à plusieurs dizaines, voire centaines de nautiques de distance. Et cela exigera du volume à bord, voire de nouvelles normes de construction : des tubes lance-torpilles d'un diamètre supérieur (650/660 mm) et un système de lancement vertical devenu indispensable pour les nouveaux missiles anti-navires supersoniques manœuvrant ou hypersoniques dont les diamètres excèdent les possibilités des TLT de 533 mm.
Certains bateaux étrangers, présents ou à venir, pourraient nous interdire des théâtres entiers. Et pas forcément lointain. N'est-il pas temps de discuter d'un nouveau sous-marin nucléaire de chasse ? En partant du principe que le sous-marin nucléaire se paie proportionnellement à son déplacement en plongée, il y aurait deux grands choix devant bouleverser les grands paradigmes structurants, en particulier dans l'architecture des plateformes navales :
L'un serait de prétendre à atteindre le graal de la construction sous-marine : non pas refaire les Rubis mais les Izd. 705 Лира (indicatif radio OTAN / NATO : Alfa), ce qui implique de changer de filière de réacteurs de propulsion navale nucléaire mais aussi de repousser les limites de l'automatisation des fonctions du bord, à rebours de certaines critiques et d'adopter des choix radicaux en matière de construction sous-marine, à l'instar de ceux considérés pour le programme Tango Bravo (pour « Technology Barriers »). Il redeviendrait possible de viser des SNA d'environ 3 500 tonnes.
L'autre serait d'accepter le coût du respect des paradigmes innervant le fait naval, en particulier le « jeu » entre Américains, Russes, Chinois et Britanniques. Et donc d'abonder financièrement l'engagement d'une ambition devant nous conduire à un sous-marin nucléaire de chasse excédant les 9 à 10 000 tonnes.
Entre deux choix idéels, il est à rappeler le douloureux souvenir de l'existant : contrairement à la classe Rubis, les Suffren ne sont pas capables d'entrenir la mission de lutte anti-surface. Les SM39 Block 2 Mod. 2 sont en voie d'obsolescence. Le SM40 généreusement proposé n'est qu'un pis-aller. C'est l'incapacité à pouvoir lancer le FMAN mais surtout des munitions hypersoniques qui condamnent ces bateaux. Et nous impose de réfléchir, non pas à la tyrannie des opérations au prisme du désaccouplage transatlantique, mais au combat naval à l'horizon 2040-60.
Le programme PA-Ng a bénéficié d'une propulsion navale nucléaire notamment car il était nécessaire d'entretenir les compétences de conception d'un réacteur embarqué au bénéfice de la capacité nationale à pouvoir lancer l'étude d'une nouvelle classe de SNA dans les années 2040. Nous devons réfléchir à cet horizon.
1 « Coefficient multiplicateur d'une maquette de « Flotte équilibrée » ou choix militaires ? », Le Fauteuil de Colbert, 17 décembre 2025, URL : https://lefauteuildecolbert.blogspot.com/2025/12/coefficient-multiplicateur-dune.html, consulté le : 22 décembre 2025.
2 Thierry d'ARBONNEAU (dir.), L'encyclopédie des sous marins français - Tome IV : La fin de la Guerre froide, Paris, SPE Barthélémy, 2017, p. 59.
3 « SNA classe Canada : projet Canadian AMETHYSTE », Le Fauteuil de Colbert, 09 décembre 2020, URL : https://lefauteuildecolbert.blogspot.com/2020/11/sna-classe-canada-projet-canadian.html, consulté le : 22 décembre 2025.

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