27 avril 2016

27 avril - 2 mai 1982 : Armada de la República Argentina contre Royal Navy

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Évoquer une bataille navale dans la Guerre des Malouines (2 avril - 14 juin 1982) est une sorte de tautologie. Pourtant, nous croyons discerner à travers cette séquence opposant les deux marines que nous bornons entre le 27 avril et le 2 mars 1982 le point de basculement dans la conquête du sea control (Bernard Brodie) et l'utilisation de la surface (Amiral Castex) pour influencer la décision stratégique (André Beaufre) à Terre (Julian S. Corbett), laissant de côté une fleet apte aux opérations aéroterrestre (Royal Navy) et une Armada réduit au statut passif de la fleet in being (Corbett).


Il n'est pas question de proposer un résumé de la Guerre des Malouines (2 avril - 14 juin 1982), c'est pourquoi nous débutons ce que nous qualifions de bataille par la croisière du porte-avions argentin, le 25 de Mayo, à partir du 27 avril 1982. Sa croisière le mène au Nord de l'archipel des Malouines.

Son groupe aérien embarqué compte des A-4Q Skyhawk dédiés à l'attaque ainsi que des S-2E Tracker utilisés pour l'éclairage de l'escadre. Les Super Étendard achetés à la France par l'Argentine n'auront pas le temps d'embarquer sur le porte-avions. Ce n'est pas anodin dans la mesure où ce sont les seuls aéronefs à voilure fixe capable d'emporter les Exocet reçus par l'Argentine, soit cinq AM-39 (voir à ce sujet : WEST Nigel, The Secret War for the Falklands: The SAS, Mi6, and the War Whitehall Nearly Lost, Warner Books, 1998, 266 pages). La division dont il a la charge compte deux escorteurs qui, dans la limite de nos connaissances, ne semblent pas embarquer le moindre MM-38 Exocet. 

Au Sud se présente le croiseur Belgrano, un vétéran de Pearl Harbor (7 décembre 1941). Sa valeur navale est des plus réduites puisqu'il un pur produit de la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) moins les séquences où seront testés les premiers missiles anti-navires. Sa division comprend également deux escorteurs : le vieux destroyer Hipolito Bouchard et la corvette Francisco de Gurruchaga (ancien remorqueur, BSAH pour les modernes). 

Signalons l'existence d'une troisième division argentine au Nord constituée par les Drummond, Guerrico et Granville, trois A69 vendus par Paris à Buenos Aires. Ce sont peut-être qui portent les Exocet, plus craint par les Britanniques que le Belgrano.

Dans ses mémoires, la Prime minister Thatcher (Margaret Thatcher, 10 Downing street, Paris, Albin Michel, 1993, 786 pages) écrit que si la menace militaire représentée par l'obsolète croiseur était basse, le renseignement rapporté la présence d'Exocet à son bord, ce qui changeait totalement sa crédibilité. À moins que ce n'était l'escorte ou la deuxième division ? 

« Savez-vous Messieurs ce qu’est une bataille navale ? On se rencontre, on se canonne, on se sépare et la mer n’en reste pas moins salée » 
Le comte de Maurepas, secrétaire d’État à la Marine (1723 - 1749)
Toute l'affaire se précipite le 2 mai 1982. Vraisemblablement, des S-2E du 25 de Mayo repère la task force britannique au large des Malouines. L'attaque en tenaille par les deux divisions argentines est alors en place. Le Belgrano est en situation d'attente en dehors de la zone d'exclusion. Le 25 de Mayo l'est tout autant au Nord, bien que le SNA HMS Splendid ne parvient pas à le localiser (tout comme le système de surveillance océanique américain ?). 

Dans un premier temps, le porte-avions argentin ne lance pas ses Skyhawk. Hervé Coutau-Bégarie proposait deux hypothèses : ou bien le navire ne parvient pas à trouver les conditions nécessaires pour lancer ses avions d'attaque (vent insuffisant, machines ne pouvant donner la vitesse nécessaire), ou bien les S-2E perdent contact avec la force britannique. 

Ne parvenant pas à repérer le "groupe aéronaval argentin", la Royal Navy s'inquiète de la présence supposée d'Exocet dans la pince Nord de la tenaille. Le HMS Conqueror, tenant au contact le croiseur Belgrano et ses deux escorteurs reçoit l'ordre de couler le navire. L'affaire est entendue. 

L'ensemble des unités argentines regagne peu à peu ses ports pour ne plus les quitter (fleet in being), laissant dans l'affrontement aéronaval que se livre les deux nations les armées de l'air et de terre pour tenter de conserver les Malvinas

L'affrontement entre les deux flottes permet de décider qui pourra utiliser la Mer afin de conserver ou reprendre les Malouines. Les Argentins ne parviennent même pas à dénier son usage (sea denial) tandis que les Britanniques le conservent malgré une prodigieuse élongation logistique depuis la métropole jusqu'à l'Atlantique Sud (près de 15 000 km). 

Outre le fait qu'il s'agit là du dernier affrontement de haute intensité entre deux escadres, nous n'avons pas connaissance (et nous le regrettons, bien entendu) ou bien du caractère nucléaire de cette guerre ou bien de son absence. 

La potentielle destruction des divisions argentines aurait eu un effet tactique évident, dans l'ordre d'idées du command of the sea cher à Mahan, mais cela aurait pu être un désastre stratégique. La controverse sur le torpillage du Belgrano illustre bien en quoi cela aurait pu être un mauvais emploi (imprévisible ?) de la force navale. 

A contrario, nous ne pouvons manquer de nous interroger sur ce qu'aurait produit le résultat inverse, c'est-à-dire une attrition significative, voire une destruction totale ou partielle de la task force britannique. Quelle aurait pu être la réaction de Londres ? Le retour à l'observation armée, les SNA interdisant à l'Argentine se se renforcer aux Malouines, tenter coûte que coûte un débarquement ? Ou bien l'ascension aux extrêmes, brandir la menace nucléaire ? 

Cette affaire dans l'eau salée ne manque pas, enfin, de souligner combien l'idée de "contrôle" en mer se résume à la capacité à se défendre dans toutes les dimensions de l'action maritime (sous, sur et au-dessus de la surface, voire à Terre). C'est ce que le lieutenant de vaisseau Raoul Castex présentait comme La liaison des armes sur mer (Paris, Économica, 1991, 216 pages) La maîtrise locale et temporaire de la Mer (Corbett) réside dans cette intersection.

7 commentaires:

  1. Bonjour,

    je me permets de préciser quelques points erronés ou imprécis dans l'article :

    Le Veinticinco de Mayo n'embarque pas de Super Etendard car il n'est pas encore aménagé pour le faire. Ces derniers au reste n'étaient pas disponibles au moment où le porte-avions a appareillé, étant aux mains des techniciens travaillant à l'intégration des missiles AM.39 Exocet.

    Le porte-avions est escorté par quatre destroyers. Deux d'entre eux (Hercules et Santissima Trinidad) sont des bâtiments antiaériens modernes du Type 42, quasiment identiques au Sheffield britannique qui sera coulé le 4 mai. Les deux autres (Comodoro Py et Segui) sont de vieux navires ex-américains datant de la seconde Guerre Mondiale modernisés pendant les années 60. Ces quatre destroyers sont équippés de quatre missiles mer-mer MM38 Exocet.

    Le croiseur General Belgrano est certes obsolète en 1982, mais présente tout de même une menace en raison de son artillerie, et surtout de ses senseurs et sa capacité à encaisser les coups. Ses deux escorteurs, le Hipolito Bouchard et le Piedrabuena (et non le Francisco de Gurruchaga) sont équippés d'Exocet et donnent à cette escadre (Grupo de Tareas 79.3) une capacité antinavire indéniable. Cette force navigue au sud des Malouines (et non au nord), et a pour misison, selon les circonstances, soit d'attaquer la Task Force britannique, soit de s'opposer aux navires britanniques ou chiliens arrivant du Pacifique.

    Au matin du 2 mai, le contre-amiral Allara (commandant du Grupo de Tareas 79.1) ordonne au groupe aérien du Veinticinco de Mayo d'attaquer la Task Force britannique. L'ordre est annulé car contre toute attente, le vent est insuffisant pour lancer les Skyhawk avec une charge suffisante.

    Il est bien entendu difficile de dire ce qui se serait passé si le vent avait été assez fort pour que les appareils argentins décollent. Le commandant de l'escadrille s'attendait à un taux de perte de 50 %, et je crains qu'il n'ait été optimiste. La chasse britannique (20 Sea Harrier disponibles, donc probablement 6-8 en l'air et potentiellement capables d'intercepter l'ennemi), les missiles antiaériens à longue portée (Sea Dart) et les frégates Type 22 Broadsword et Brilliant qui escortaient les porte-avions (chacune équippée de 2 systèmes antiaériens Sea Wolf extrêmement efficaces) auraient à mon humble avis probablement étrillé les avions argentins avant qu'ils ne puissent passer à l'attaque. Au reste un coup au but sur l'Hermes n'aurait probablement pas eu de conséquences gravissimes, ce porte-avions ayant un pont blindé que les munitions argentines (bombes freinées Mk 82) n'auraient pas été capables de pénétrer.

    Si une attaque argentine réussie sur la Task Force britannique me semble improbable, un scénario plus réaliste me semble être la détection, l'interception puis le torpillage du porte-avions argentin par les deux sous-marins nucléaires d'attaque en patrouille au nord des Malouines (Spartan et Splendid). Malgré la perte du Belgrano, on peut considérer que la marine argentine a été relativement chanceuse au début du mois de mai 82, et a échappé au pire.

    Cordialement,

    Francis Marliere

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    1. Monsieur,

      Effectivement, j'ai inversé les positions du Belgrano et du 25 de Mayo, merci pour votre attention.

      Concernant les Super Étendard, je reprends la formulation de Coutau-Bégarie qui ne semble pas attenter au déroulement des faits.

      Il me serait très agréable de connaître vos sources afin de consulter les documents et de mieux préciser cette succincte présentation.

      En vous remerciant par avance,
      Le marquis de Seignelay

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  2. Je pense que le Pr. Coutau-Bégarie a écrit peu après les faits, ce qui explique des approximations. Les informations que l'on peut trouver dans des sources plus récentes sont plus précises et plus fiables.

    Les sources qui m'ont aidé à rédiger ce commentaire sont essentiellement des notes de lecture. il existe en effet une abondante bibliographie (en anglais) sur le sujet. De mémoire, les principaux sont

    "One Hundred Days", de John S Woodward (l'amiral qui commandait les forces britanniques pendant la campagne)

    "Sea Harrier Over the Falklands", de Nigel Ward (récit d'un pilote de chasse)

    "Argentine Fight for the Falklands" de Martin Middlebrook

    "The Royal navy and the Flaklands War" de David Brown

    "Amphibious Assault San Carlos" de Michael Clapp

    "Air War in the Falklands" de Chris Chant et Mark Rolfe

    Auxquels on peut ajouter (en français) :

    "La guerre des Malouines" de Pierre Rzaoux et Charles Maisonneuve


    Enfin le site http://naval-history.net/Index0-1945.htm#falklands est également intéressant

    Cordialement,

    Francis Marliere

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  3. Bonjour. Je profite de votre article pour vous soumettre mon seul texte de fiction potable écrit ce siècle :)

    Il s'agit d'un combat naval uchronique entre une flottille anglo-française et des sous-marins argentins :

    https://www.wattpad.com/257897996-premier-sang-pour-les-malouines

    N'étant qu'un amateur dans ce domaine, toute suggestion est bienvenue.

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    1. C'est très intéressant, cela mériterait de détailler la participation française, le sens de l'engagement politique, etc. Une rumeur courrait sur une demande britannique pour l'engagement d'un porte-avions français en 1982 ? Je ne savais pas pour les torpilles allemandes. Pour le reste, je ne suis pas spécialiste des engagements !

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    2. Désolé pour le retard. Il s'agit à l'origine d'une histoire pour le forum ''1940, la France continue la Guerre'' ou le gvt français décide en mai 1940 de déménager à Alger et continuer la lutte depuis l'Empire. L'après guerre est bouleversé avec une véritable alliance entre Ouest Européens.

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    3. J'ai rajouté quelques phrases dans le préambule pour expliqué l'alliance franco britannique.

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