© DCNS. A Shortfin Barracuda Block 1A pre-concept design released as part of the DCNS pitch. |
Le Président de la République, M. François Hollande, officialise le choix du gouvernement australien de retenir la proposition de DCNS dans le cadre de l'appel d'offres du programme Sea 1000 pour la construction de douze sous-marins en Australie. Navy Today, le Cols Bleus australien en fait de même. Ce contrat qu'il faut encore négocier afin de le signer définitivement déplace un volume financier de 34 milliards d'euros, autant d'enjeux que de défis stratégiques.
"The Turnbull Government today announces that the next generation of submarines for Australia will be constructed at the Adelaide shipyard, securing thousands of jobs and ensuring the project will play a key part in the transition of our economy.
DCNS of France has been selected as our preferred international partner for the design of the 12 Future Submarines, subject to further discussions on commercial matters."
Prime Minister, Minister for Defence – Joint media release – Future submarine program
Le programme Sea 1000 est officialisé en 2007 afin de remplacer toute la classe Collins, soit six sous-marins de près de 3300 tonnes en plongée. Le besoin évolue pour doter l'Australie non plus de six mais bien de douze vaisseaux noirs. Le volume financier estimé du programme explose littéralement pour atteindre 32 milliards de dollar australiens avant que depuis quelques mois le devis grimpe jusqu'à 50 milliards dans la même monnaie, soit environ 34,5 milliards d'euros.
À titre de comparaison, eu égard aux coûts des contrats de vente des Scorpène (1700 à 2000 tonnes), le coût unitaire de production d'un sous-marin classique (français) s'échelonne plutôt entre 400 et 600 millions d'euros. Le programme Barracuda, devant délivrer six sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire (5300 tonnes en plongée) voit son volume financier s'élever à près de 8,7 milliards d'euros pour un coût unitaire de près d'un milliard d'euros par bateau. C'est pourquoi l'immense somme australienne pour le programme Sea 1000 ne cessait d'étonner, même en tenant compte de l'ensemble des transferts de techniques et technologies. Le contrat de vente de quatre Scorpène et une cinquième unité à propulsion nucléaire au Brésil ne représentait "que"6,7 milliards d'euros.
L'option de la propulsion nucléaire était considérée. Dans un premier temps, une location de SNA de classe Virginia était considéré dans certains cercles australiens. Vis-à-vis du volume financier avancé (alors de 32 milliards de dollar australien), cela pouvait plus correspondre. Dans un deuxième temps, DCNS, il y a quelques semaines, aurait même évoqué de possibles transferts de technologies afin que de futures unités dérivées du SMX Ocean devenu Shortfin Barracuda Block 1A dispose la propulsion nucléaire.
Les États-Unis levaient il y a quelques mois les restrictions à l'installation de systèmes d'armes américains à l'intérieur de sous-marins de conception européenne. La préférence japonaise était donc affichée. Et même sans cela, le Japon construit très régulièrement des sous-marins classiques, même dans le tonnage exigé par l'appel d'offres. Ce qui n'était pas le cas des Allemands de TKMS mais possédant toutefois une lourde expérience dans la construction et l'exportation de sous-marins. La France, avec un programme Scorpène plus que défendable, pouvait arguer elle aussi de son expérience et de sa capacité à concevoir et construire des sous-marins de 2000 à 14 000 tonnes.
Ce programme présenté comme l'un des "contrats du siècle" voyait les Allemands puis les Japonnais annoncés comme exclus de la compétition. Finalement, tous auront été présent jusqu'au bout. Notons que le Japon envoyait deux sous-marins en exercice en Australie (une première incursion depuis la Deuxième Guerre mondiale) tandis que les deux autres compétiteurs ne soutenaient pas, du fait de l'éloignement géographique, à ce point leur offre.
Quels sont les facteurs qui auraient pu jouer dans la décision australienne :
- Les coopérations diplomatiques (Japon et France) ?
- La crédibilité opérationnelle (les trois) ?
- Ne pas froisser la Chine (Allemagne et France contre Japon) ?
- La crédibilité industrielle (les trois) ?
- L'expérience de tels programmes (partagée entre l'Allemagne et la France) ?
- Les outils et armes pouvant être potentiellement inclus dans le contrat (exemple du MdCN (Missile de Croisière Naval), avantage France ?) ?
- Un éventuel attrait pour la propulsion nucléaire navale ?
- La crédibilité de la propulsion AIP française par rapport aux rivales ?
- Les possibilités d'entraînements croisés (Japon) ?
Les difficultés débutent pour l'industriel français. Dans l'ensemble, ce contrat qui reste à signer est un défi bien plus immense que ce qui peut être fait tant au Brésil (5) qu'en Inde (6 (+ 3 ?). La construction puis le maintien en condition opérationnelle des Collins n'a pas été une sinécure tant pour l'industriel ASC que pour la Royal Australian Navy.
Le risque étant que l'ensemble des énergies de DCNS, seul industriel à maîtriser une chaîne de production de sous-marins en France depuis la fin du XIXe siècle (et plus cent unités construites), soit aspiré par le programme Sea 1000. Presque tous les Suffren sont en cours d'usinage à Cherbourg et le programme SN3G émerge peu à peu de Coelacanthe. Il reste encore bien des contrats où concourir : Inde (3 Scorpène), Norvège (5 sous-marins), Pologne (3 sous-marins), Pays-Bas (4 sous-marins), Arabie Saoudite (arlésienne), Le Canada (qui avait caressé l'idée d'acquérir des SNA dans les années 1980), etc... DCNS peut-il s'écarteler entre les besoins nationaux et ses ambitions à l'export ? Aussi, les Allemands semblent avoir rencontré l'un des rares cas où le pays bénéficiaire des transferts de technologie devient lui-même exportateur d'armements, c'est-à-dire le cas de la Corée du Sud qui a pu vendre des U209 à l'Indonésie.
Les conséquences stratégiques de ce contrat seront proportionnelles à sa valeur et l'importance de la décision prises par l'Australie. Au passage, les Australiens devront, eux aussi, continuer à soigner le manpower alors que d'autres industries offrent des perspectives financières bien plus alléchantes que le service sous la mer. C'est tout le positionnement de la France par rapport au pivotement américain dans le Pacifique qui est questionné alors que l'Australie, le Canada et l'Australie relèvent leur effort naval au soutien de la politique américaine. Paris continuera-t-il de marquer sa présence par la fourniture d'armements ou bien s'engagera-t-il par une présence plus marquée que celle des frégates de deuxième rang ? Cela revient à se demander si les croisières du GAn deviendront plus asiatiques alors que l'action navale française est concentrée en Méditerranée depuis le XIXe siècle.
Aussi, d'autres conséquences possibles sont à questionner dans les perspectives de mécano des industries navales européennes, le sort du programme de sous-marins espagnols qui est dans une passe difficile ou encore la question de Taiwan qui demeure pendante en matière de sous-marins.
Enfin, outre les choix géographiques de la stratégique politique française, la stratégie militaire et donc navale ne peut qu'interpellée. La France manque de SNA (seulement six), l'intervention en Libye l'a que trop bien montré.
Tout ça... pour ça!
RépondreSupprimerhttp://www.opex360.com/2021/09/15/laustralie-torpille-le-francais-naval-group-en-optant-finalement-pour-des-sous-marins-a-propulsion-nucleaire/
L'affaire sera vite classée...
RépondreSupprimerhttps://www.lopinion.fr/edition/international/marins-australiens-apres-colere-que-fera-france-254256