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La France s'est ménagée de nombreuses options quant à
la prochaine génération d'avions de combat dans un cadre européen, même si la
tentation subsiste de ne pas fermer la porte à l'option nationale si
dévalorisée, malgré son éclatante réussite pour répondre aux objectifs
politico-stratégiques. Entre les calendriers des uns (Royaume-Uni, Allemagne,
Belgique) et des autres (Armée de l'Air et Marine nationale), le débat doit
s'ouvrir sur l'appareil de supériorité aérienne qu'il nous faut et qui demeure
indispensable pour notre autonomie d'appréciation et d'action - et partant de
là, de notre capacité à entrer en premier sur un théâtre d'opérations.
Il a pu se dire lors de récentes rencontres aériennes
– peut-être au cours d’un exercice Atlantic
Trident entre les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ? – que le
F-35A aurait surpris par ses capacités de supériorité aérienne. Dans cette
perspective, si le F-35 est régulièrement présenté comme un aéronef non-spécifiquement
conçu comme un avion de supériorité aérienne, les nouvelles normes
technologiques américaines en la matière dont il bénéficie lui procurerait des
avantages dans l’action réseau-centrée relativisant le handicap que représente
le fait d’avoir été optimisé pour l’attaque au sol plutôt que pour la chasse et
l’interception.
Le danger du F-35 ?
Le Chef d’État-Major de l’Armée de
l’Air, le général André Lanata, devant la commission Défense et forces armées
de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2017 s’exprimait ainsi : « le F-35 va constituer
rapidement un standard de référence dans les armées de l’air mondiales, pas
uniquement aux États-Unis mais aussi chez nos principaux partenaires. Que l’on
soit surclassé par les États-Unis n’est pas surprenant ; que l’on commence à
l’être par des partenaires équivalents est une autre affaire. »
Faut-il s’inquiéter outre-mesure ? A priori : non. Ce que le F-35 fait
mieux, un Rafale remis à niveau
convenablement, dans le cadre du standard F4 ou Rafale + par exemple, le pourrait tout aussi bien. L’avantage
opérationnel du F-35 repose sur des briques technologiques que la France possède
ou est en train de développer (nouvelles technologies GaN (nitrure de gallium
(GaN) pour les antennes radar et SPECTRA (Système de Protection et d'Évitement
des Conduites de Tir du Rafale),
utilisation des DDM-NG (Détecteur de Départ Missile
Nouvelle Génération) couplées à
un nouvel OSF (Optronique Secteur Frontal) pour la veille/détection/tracking dans les bandes IR et UV,
fusion de données multi-vectorielle intra-patrouille, etc), et qui ne sont pas
encore intégrées sur le Rafale au
standard F3R. Dès l’origine du programme, le Rafale est conçu pour pouvoir évoluer facilement tout au long de sa
carrière. Même si sa cellule est moins furtive que celle du F-35, la conception
du Rafale lui confère des
performances (qualités de vol, autonomie, accélération, maniabilité etc.)
comparables ou supérieures à celle de son concurrent américain. L'architecture
physique et électronique de l'avion est alors prévue pour pouvoir intégrer de
nouveaux sous-systèmes de dernière génération, avec des réserves de puissance
et de volume nécessaires pour pouvoir ajouter, si nécessaire, des moteurs
légèrement plus puissants, ou encore des antennes radar latérales, des
calculateurs de dernière génération etc. L’enjeu repose alors sur l’effort à
consentir pour l’intégration de ces différentes briques : raison pour
laquelle il devient impératif d’aboutir au Rafale
F4. Sans cela, le F-35 redéfinira seul les nouveaux standards en matière de
détection, de liaisons de données et de travail en réseau, ce qui pourrait
conduire à l’exclusion des avions français des coalitions internationales
menées par les États-Unis, indépendamment des capacités opérationnelles réelles
de l’appareil. C’est à cette aune et dans cette perspective qu’il faudrait
comprendre la prose du général Lanata.
© Patrick BERTAUX. Un des deux F-35 de test néerlandais. L’achat de 85 appareils par les Pays-Bas, au détriment du Rafale, a été successivement réduit à 65 puis 37 appareils en raison de l’augmentation continue du prix unitaire. |
Néanmoins, le F-35 demeure l’horizon central des forces aériennes européennes. L'Europe danse une valse à quatre temps pour renouveler son aviation de combat. Le premier de ces temps est donc le programme Joint Strike Fighter dont plusieurs pays européens sont partenaires (Royaume-Uni (partenaire de premier niveau), Italie et Pays-Bas (partenaires de deuxième niveau), Norvège et Danemark (partenaires de troisième niveau) tandis que le F-35 est suggéré ou proposé comme candidat au remplacement d'avions de combat dans les forces aériennes et aéronavales d'autres nations, à savoir l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Finlande, la Pologne et la Suisse.
L'intérêt ou la conséquence de la participation au
programme JSF et de l'achat de F-35 est, de facto, par les coûts très
important de cette ambitieuse machine dont l'industrialisation était lancée
avant la finalisation du développement, renchérissant les coûts une nouvelle
fois, de réduire presque d'autant les budgets de recherche et développement
consacrés à des programmes nationaux ou multilatéraux.
Quelles solutions européennes ?
Deux programmes sont successivement annoncés afin de
prendre la suite des Eurofighter, Rafale et Tornado :
Dans un premier temps, le traité de Londres - ou
accords de Lancaster House - est signé par Nicolas Sarkozy, Président de
la République française, et David Cameron, Prime minister du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord le 2 novembre 2010. Il comprend, notamment
mais pas seulement, une phase préparatoire à des études communes visant à
poursuivre les travaux menés dans le cadre des programmes nEUROn et Taranis.
Plusieurs industriels sont alors impliqués : Dassault-Aviation et BAE Systems
comme chefs de file du projet, Thales et Selex ES pour l’électronique embarquée
et les senseurs, ainsi que Safran et Rolls-Royce pour la motorisation.
Au troisième sommet franco-britannique depuis la
signature du traité de Londres, le 31 janvier 2014, est signé trois accords
supplémentaires dont l'un concerne une étude de faisabilité du système de
combat aérien du futur (SCAF/FCAS). Cette phase de travaux d'une durée de deux
ans pour 145 millions d'euros portait sur les architectures des systèmes, les
technologies-clés et la définition des moyens de simulation d’un drone de
combat. Cette étude de faisabilité permettra également de préciser les budgets
nécessaires au lancement en 2016 du développement et de la réalisation du
démonstrateur de drone de combat.
Dans le cadre de cette coopération, la France prévoit
de mettre à profit l’expérience acquise dans le domaine des drones de combat au
travers du démonstrateur technologique nEUROn,
dont Dassault-Aviation assure la maîtrise d’œuvre. L’accord définitif est prévu
pour juillet 2014 et précèdera la signature des contrats afférents. L'accord
est scellé au salon de Farnborough. Et au terme de ces travaux, soit deux
années plus tard, France et Royaume-Uni décident de consacrer deux milliards
d'euros pour la réalisation d'un démonstrateur. Un bilan technique sera réalisé
en 2020.
Le SCAF est sur de bons rails avec 2,145 milliards
d'euros de budgets cumulés, à comparer aux 460 millions d'euros du nEUROn, 210 millions d'euros pour le Taranis ou, encore, aux 10,6 milliards
d'euros de frais de développement du programme Rafale.
Drone nEUROn évoluant en formation avec un Rafale. Ce drone n’est qu’un démonstrateur, mais sa conception générale pourrait préfigurer celle du futur UCAV qui pourrait dériver du programme SCAF. |
C'est pourquoi l'annonce faite lors du conseil franco-allemand de défense et de sécurité (institué par le protocole additionnel du 22 janvier 1988 au Traité de l’Élysée du 22 janvier 1963) du 13 juillet, se tenant à l’Élysée sous la direction d'Angela Merkel et Emmanuel Macron, fut surprenante à plus d'un titre. "La France et l’Allemagne conviennent de développer un système de combat aérien européen, sous la direction des deux pays, pour remplacer leurs flottes actuelles d’avions de combat sur le long terme. Les deux partenaires souhaitent mettre au point une feuille de route conjointe d’ici à mi- 2018." Berlin prendrait sa décision en 2018 afin de déterminer si l'après-Eurofighter et Tornado passera par un achat sur étagère - et l'intérêt témoigné par l'Allemagne à l'égard du F-35 a fait grand bruit - ou bien le développement d'un nouvel avion de combat.
Les options européennes pour remplacer les actuels
chasseurs-bombardiers s'enrichissent de deux opérations de coopération. La
porte n'est pas fermée à une entrée de l'Allemagne dans le SCAF/FCAS, sans que
cela soit une option suffisamment évidente puisque Berlin et Paris annonçaient
le 13 juillet 2017 un programme distinct rien que dans l'existence de
l'annonce. En attendant une clarification de la position allemande, les
hypothèses sont légion pour imaginer l'éventail des possibles.
Au-delà de son implication auprès du Royaume-Uni d'une
part, et de l'Allemagne de l'autre, Paris a créé la surprise au début du mois
de septembre, en décidant non pas de se retirer de l'appel d'offres pour
remplacer les F-16 de la composante Air belge, comme cela avait été envisagé, mais
bien de proposer un partenariat politique autour du programme Rafale. L’offre française reposerait sur
un mystérieux "Rafale +"
évoqué par la ministre des Armées. Il pourrait s'agir de deux hypothèses
distinctes :
La première est une version du Rafale F4 intégrant les besoins, mais aussi les moyens financiers
de la Belgique, si c’est bien de cela dont il s’agit. Pour l’industrie
française et Bercy, un tel partenariat autour d’un standard F4 “belgisé” serait
une aubaine à l’heure des réductions – par ailleurs très discutables – des
livraisons françaises, permettant de continuer à alimenter les chaînes
d’assemblage de Dassault tout en partageant le financement (et les retours sur
investissement) de l’évolution technologique du Rafale. Dans tous les cas, il s’agit bien pour la France de
proposer un Rafale à un standard
supérieur au F3R actuellement commercialisé, et ce afin de développer
rapidement un standard adapté aux problématiques d’hyper-connectivité des
avions de prochaine génération, ce qui couperait alors l’herbe sous le pied à
une grande partie des arguments commerciaux de Lockheed-Martin.
La deuxième
hypothèse pourrait correspondre à un Rafale
de nouvelle génération, matériellement différent du F3R et F4, ce qui
reviendrait à intégrer la Belgique au développement du futur standard du Rafale, avec d’énormes retombées pour
l’industrie locale, mais aussi un bon moyen pour Dassault et la France de pérenniser
le Rafale à l’heure où se dessinent
les futurs systèmes de combat aériens européens, pilotés ou non. Si cette
hypothèse, relativement improbable, s’avérait faire partie des options
proposées à Bruxelles par Paris, il s’agirait alors d’un travail bien plus
profond qu’un simple nouveau standard du Rafale,
pouvant aller jusqu’à une évolution architecturale du Rafale et de sa cellule.
Au final, il
ne serait pas improbable que l’accord proposé à la Belgique présente une
solution intermédiaire entre ces deux hypothèses, à savoir l’achat par
Bruxelles d’un standard F4 boosté, le "Rafale
+", basé sur l’architecture actuelle de l’appareil mais avec des
équipements de dernière génération aptes à concurrencer le F-35 et à répondre
aux besoins de la Composante Air, tandis que l’industrie belge se verrait
pleinement intégrée à la conception et l’industrialisation des futures
évolutions du Rafale, même si
celles-ci ne seraient destinées qu’à la France et/ou au marché exportation.
Toutes les options étant posées, d'un point de vue
franco-français, la valse se réduit à trois temps puisqu'il n'est pas
envisageable, eu égard aux impératifs stratégiques définis régulièrement par le
politique, de se contenter d'acquérir des F-35. Reste alors ces trois temps que
sont le SCAF, le programme franco-allemand que l’on pourrait qualifier de "SCAE"
(Système de Combat Aérien Européen) et le "Rafale +", hautement spéculatif. La France a-t-elle les moyens
de disperser ses efforts, dans des programmes parfois contradictoires les uns
vis-à-vis des autres ?
D’un point de vue économique, il est évident qu’il
s’agit d’un luxe que nos armées et notre industrie de peuvent pas se permettre.
Et cela sans compter que la viabilité politique des deux premiers partenariats
est douteuse :
Du côté britannique, le SCAF peut être une formidable opportunité pour développer les procédures, les moyens de communication, mais surtout les systèmes de méga-données (big data) et d'intelligence artificielle, les fusions de données et les nouveaux standards de liaisons de données (datalink) afin de préparer le Rafale et les futurs vecteurs de nos forces aériennes (y compris les remplaçants des AWACS et autres Atlantique 2) à l'ère de l'hyper-connectivité, réduisant d'autant l'argument du F-35, avec ou sans UCAV à ses côtés. Mais Londres poursuivra-t-il la coopération bilatérale au-delà de la production d'un ou plusieurs démonstrateurs ? Outre les logiques campagnes d'essais en vol, il s'agirait de décider quoi faire de ces recherches.
Là est toute la limite de l'exercice puisque le général Angel procédait à une mise au point très précise et explicite (Thierry Angel, général, "Penser l’armée de l’Air de demain : le système de combat aérien futur", Défense & sécurité internationale, HS n°55, août 2017) sur le SCAF. Exercice nécessaire car il persiste des différences de perception relativement importantes entre l'industriel et l'Armée de l'Air. Le SCAF n'est pas conçu du point de vue du donneur d'ordres comme un nouveau programme d'avion mais bien comme une brique d'interfaçage et un accès à la domination informationnelle, comme la toile digitale sur laquelle viendront se poser les différents vecteurs de la défense aérienne future pour opérer de manière coordonnée, sur un modèle qui n’est pas sans rappeler le programme SCORPION de l’Armée de Terre. Dans ce cadre là, le développement du démonstrateur de drone de combat détaillé par la DGA lors du Salon du Bourget 2015, et dont la maquette était encore exposée sur le stand de Dassault Aviation en 2017, servirait principalement à tester la mise en adéquation des diverses briques technologiques dans un vecteur unique devant préfigurer un éventuel futur UCAV, ce que le nEUROn était déjà censé faire en partie.
Dans la plus pure hypothèse où il serait décidé de dépasser le paradigme initial du programme SCAF/FCAS, quelques précisions sont à donner sur le contexte trans-Manche. L'achat de F-35 - jusqu'à 132 machines - par Londres n'oblige pas autant au développement d'un UCAV que la modernisation continue du Rafale, par exemple, par Paris. Il est éventuellement envisageable que le SCAF débouche, en terme de vecteurs armés, sur un programme conjoint de drone de combat (UCAV) "basique", au croisement du Taranis et du nEUROn. À la condition, cependant, que les deux nations consentent à trouver viable économiquement de se satisfaire d’une cible assez modeste pour ce programme, probablement à hauteur de 30 à 40 machines pour la France et d’une cinquantaine pour le Royaume Uni. Rien n’est moins sûr, tant les atermoiements des Européens comme des Américains (US Navy en tête) sur le bien fondé d’un UCAV de type "aile volante » sont importants. A l’heure actuelle, ce type d’UCAV semble nettement moins prioritaire que le développement des solutions pilotées ou des UAV MALE optionnellement armés. Si les industriels semblent encore attacher une certaine importance à la réalisation d'un démonstrateur pouvant quasiment faire office de prototype, de par sa conception et son dimensionnement, on se rend compte avec les annonces récentes que cette phase du programme SCAF est loin d'être la priorité des forces et des décideurs.
Un fait d’autant plus important qu’aucun UCAV actuel ne serait capable de remplacer l’Eurofighter, dont le potentiel d’évolution a été sans-cesse grevé par d’autres programmes, en particulier le F-35. Ce qui laissera à terme le Royaume-Uni sans intercepteur si aucun programme n’est prévu. Logiquement, la coopération franco-britannique ménagerait une solution intéressante. Sauf que, avant même de définir l'EAP, Londres s'était d'ores et déjà engagé avec Washington sur les prémices du JSF. Et, aussi, ce solide partenariat demeure un impératif dans le développement du SCAF car Londres doit blanchir ses propres recherches des résultats obtenus d'avec les États-Unis. Par ailleurs, et sous un autre angle, le SCAF/FCAS n'est pas la seule possibilité de coopération pour Londres en matière de cinquième génération puisque BAE Systems apportera son assistance technique au TAI TFX turque, développera le next-generation Advanced Hawk trainer, futur avion d'entraînement pour les appareils de cinquième génération et, enfin, une coopération avec le Japon sur un avion de combat de cinquième génération. L'intérêt du traité de Londres de 2010 et de son accord de 2014 sur le SCAF/FCAS est alors franchement relativisé car il s'agit d'une option diplomatique à pondérer avec les trois autres du Royaume-Uni.
Là est toute la limite de l'exercice puisque le général Angel procédait à une mise au point très précise et explicite (Thierry Angel, général, "Penser l’armée de l’Air de demain : le système de combat aérien futur", Défense & sécurité internationale, HS n°55, août 2017) sur le SCAF. Exercice nécessaire car il persiste des différences de perception relativement importantes entre l'industriel et l'Armée de l'Air. Le SCAF n'est pas conçu du point de vue du donneur d'ordres comme un nouveau programme d'avion mais bien comme une brique d'interfaçage et un accès à la domination informationnelle, comme la toile digitale sur laquelle viendront se poser les différents vecteurs de la défense aérienne future pour opérer de manière coordonnée, sur un modèle qui n’est pas sans rappeler le programme SCORPION de l’Armée de Terre. Dans ce cadre là, le développement du démonstrateur de drone de combat détaillé par la DGA lors du Salon du Bourget 2015, et dont la maquette était encore exposée sur le stand de Dassault Aviation en 2017, servirait principalement à tester la mise en adéquation des diverses briques technologiques dans un vecteur unique devant préfigurer un éventuel futur UCAV, ce que le nEUROn était déjà censé faire en partie.
Dans la plus pure hypothèse où il serait décidé de dépasser le paradigme initial du programme SCAF/FCAS, quelques précisions sont à donner sur le contexte trans-Manche. L'achat de F-35 - jusqu'à 132 machines - par Londres n'oblige pas autant au développement d'un UCAV que la modernisation continue du Rafale, par exemple, par Paris. Il est éventuellement envisageable que le SCAF débouche, en terme de vecteurs armés, sur un programme conjoint de drone de combat (UCAV) "basique", au croisement du Taranis et du nEUROn. À la condition, cependant, que les deux nations consentent à trouver viable économiquement de se satisfaire d’une cible assez modeste pour ce programme, probablement à hauteur de 30 à 40 machines pour la France et d’une cinquantaine pour le Royaume Uni. Rien n’est moins sûr, tant les atermoiements des Européens comme des Américains (US Navy en tête) sur le bien fondé d’un UCAV de type "aile volante » sont importants. A l’heure actuelle, ce type d’UCAV semble nettement moins prioritaire que le développement des solutions pilotées ou des UAV MALE optionnellement armés. Si les industriels semblent encore attacher une certaine importance à la réalisation d'un démonstrateur pouvant quasiment faire office de prototype, de par sa conception et son dimensionnement, on se rend compte avec les annonces récentes que cette phase du programme SCAF est loin d'être la priorité des forces et des décideurs.
Un fait d’autant plus important qu’aucun UCAV actuel ne serait capable de remplacer l’Eurofighter, dont le potentiel d’évolution a été sans-cesse grevé par d’autres programmes, en particulier le F-35. Ce qui laissera à terme le Royaume-Uni sans intercepteur si aucun programme n’est prévu. Logiquement, la coopération franco-britannique ménagerait une solution intéressante. Sauf que, avant même de définir l'EAP, Londres s'était d'ores et déjà engagé avec Washington sur les prémices du JSF. Et, aussi, ce solide partenariat demeure un impératif dans le développement du SCAF car Londres doit blanchir ses propres recherches des résultats obtenus d'avec les États-Unis. Par ailleurs, et sous un autre angle, le SCAF/FCAS n'est pas la seule possibilité de coopération pour Londres en matière de cinquième génération puisque BAE Systems apportera son assistance technique au TAI TFX turque, développera le next-generation Advanced Hawk trainer, futur avion d'entraînement pour les appareils de cinquième génération et, enfin, une coopération avec le Japon sur un avion de combat de cinquième génération. L'intérêt du traité de Londres de 2010 et de son accord de 2014 sur le SCAF/FCAS est alors franchement relativisé car il s'agit d'une option diplomatique à pondérer avec les trois autres du Royaume-Uni.
Le partenariat avec l'Allemagne amène à bien moins de
commentaires puisque la surprise de sa création est proportionnelle à la
faiblesse de son contenu. Le contentieux risque très fortement d'être
industriel dans la mesure où les coopérations industrielles avec Berlin sont
hautement compliquées tant la part industrielle allemande et l'apprentissage de
ces mêmes industries dans la coopération est, peut être, le principal objectif
stratégique de Berlin, en tous les cas plus haut que la question de la
souveraineté. Que dire des difficultés rencontrées sur les programmes Eurofighter et A400M (volonté de
développer les capacités aéro de MTU) ? Des déboires de l'entreprise allemande
OHB-System pour la constellation de satellites de navigation Galileo ? Et plus
encore, n'ayons pas la mémoire courte, quid
du char Napoléon franco-allemand à 80% allemand dans la répartition de la
charge industrielle ? Du Tigre sans fenestron car sinon l'hélicoptère aurait eu
l'air trop français ? De TKMS dont Berlin préférait voir les EAU devenir
actionnaire plutôt que DCNS monte au capital afin de lancer un "Airbus naval"
comme réclamé par Paris ? Les réorganisations successives des activités Défense
d'EADS devenu Airbus au profit de l'Allemagne ? Qu'est-ce que Paris a à gagner
d'un partenariat avec Berlin qui joue son intérêt pour le F-35 contre les
impératifs de souveraineté politique de la France, si ce n'est d'obtenir le
maximum de Paris quand il n'y a rien à gagner de Washington ?
Et, pourtant, de manière surprenante, ce serait le
contexte politique interne franco-français qui inviterait à considérer très
sérieusement de futures décisions politiques fortes sur cette option. Le
Président de la République – M. Macron – ne porte pas le groupe industriel
Dassault en haute estime et s’est même fendu de le faire savoir implicitement
mais publiquement par une sortie quasiment ad
nominem envers le propriétaire du Figaro, Serge Dassault. Il se pourrait
que, en plus d’Alexis Kholer, l’Élysée compte en son plus auguste représentant
une autre personne très peu satisfaite par les victoires financières de l’hôtel
de Brienne sur Bercy sous la précédente législature. Alors ministre, M. Macron
a pu constater que la sacralisation des commandes de 11 Rafale par an pour les armées françaises (avant que ceux-ci ne
trouvent des acheteurs à l’étranger) liait l’ensemble du budget des armées au groupe
Dassault Aviation, obligeant l’hôtel de Brienne à entrer dans plusieurs bras de
fers avec Bercy, et à effectuer ailleurs les coupes budgétaires imposées,
quitte à ce que cela se fasse au détriment du MCO d’autres matériels, ou de la
préparation des forces. En réalité, plutôt que le ministre Le Drian, c’est une victoire du DGA Jean-Yves
Helmer (1996-2001) qui avait
réussi à imposer à Bercy la contractualisation de la commande pluriannuelle
d’avions de combat Rafale. D’où le
carcan des 14 puis 11 Rafale à
commander chaque année afin de viabiliser la chaîne de production. Tout comme
la commande de frégates FTI, choisie par le ministre Le Drian au détriment d’un
allongement de la série des FREMM afin de satisfaire les industriels de la
défense nationaux plutôt que l’équipement des forces, la fidélité constante
apportée à Dassault Aviation était significative de la priorité donnée aux
enjeux industriels nationaux plutôt qu’à l’efficacité opérationnelle des forces
françaises et européennes.
C’est pourquoi le projet franco-allemand pourrait bien
bénéficier de toutes les faveurs présidentielles puisque impliquant Airbus en
tant que pivot central, et non plus Dassault Aviation, le tout dans une
dynamique de regroupement des puissances industrielles européennes qui n’est
pas sans faire échos aux récents rapprochements entre les industries navales
françaises et italiennes, ou entre Siemens et Alstom dans le secteur du rail.
Une telle redistribution des cartes dans le domaine des avions de combat
abattrait, de facto, l’organisation de principe édictée par l’Allemagne et la
France : à Dassault Aviation l’UCAV, et à EADS puis Airbus l’UAV MALE. Cela
pourrait bien entendu être vu comme une manière de contourner, voire de tordre
le bras, au seul concepteur et constructeur d’avions de combat franco-français,
selon les désirs présidentiels. Une autre approche, plus pragmatique, serait
d’y voir une manière de retourner la dynamique traditionnelle qui existe entre
Dassault Aviation et l’Armée de l’Air, et qui semble montrer certaines limites
ces derniers temps. En effet, si Dassault Aviation a pour habitude de se
rapprocher des besoins directs des pilotes et aviateurs au sens large avant
d’obtenir les fonds nécessaires pour développer l’objet du désir des
militaires, parfois au détriment des ambitions politiques ou économiques de
l’État, on pourrait émettre certains doutes au sujet de l’orientation
stratégique de l’entreprise dans un tel contexte. Ainsi, la manière dont
Dassault Aviation se repose systématiquement sur le Quai d’Orsay pour la
conduite des exportations de matériels militaire semble d’un autre âge, et les
échecs commerciaux du Rafale ne
semblent guère avoir remis en cause les structures décisionnelles très
politisées de l’entreprise. De même, si le programme nEUROn a été salutaire tant pour les bureaux d’étude européens que
pour faire la démonstration de l’excellente méthode d’organisation industrielle
de l’avionneur, force est de constater que les UCAV de type "aile
volante" ne représentent pas un marché de grande dimension, comme nous
l’avons souligné plus haut à propos du SCAF/FCAS, particulièrement en Europe ou
le remplacement des avions de combat et le développement de drones MALE semblent
largement prioritaires.
S’il n’y a pas de quoi condamner Dassault, il s’agit
d’autant d’éléments qui permettent de relativiser l’idée selon laquelle l’avionneur
français représente la seule voie possible pour le développement et
l’industrialisation de l’après-Rafale,
et qu’il serait exempt de tous défauts, contrairement aux entreprises
plurinationales d’Airbus comme l’A400M (dont les retards et surcoûts sont tout
autant, si ce n’est plus, à mettre au solde des politiques que des industriels,
rappelons-le). De quoi ouvrir des portes à Airbus et, donc, à un avion
franco-allemand, dont Dassault Aviation ne serait d’ailleurs pas forcément
totalement évincé.
Contrairement à ce qui était initialement prévu avec le programme SCAF, le vecteur serait sans-doute piloté, ou au moins optionnellement piloté, et la cible du programme plus confortable avec un potentiel de 170 à 200 machines à raison de 120-150 pour remplacer les Tornado allemands et une cinquantaine pour le remplacement des Mirage 2000D dans un premier temps, peut-être plus s’il s’agit également de remplacer les premiers Rafale livrés au début des années 2000. Sur le plan de l’organisation industrielle, on pourrait imaginer que la maîtrise d'ouvrage irait à l’Allemagne, principal client, tandis que la maîtrise d'œuvre pourrait revenir aux Français, plus expérimentés dans le domaine des avions de combat. Le tout comprendrait évidemment une forte sous-traitance en Allemagne, nos voisins d’Outre-Rhin n’ayant pas pour habitude d’accepter un work share inférieur à leur part d’investissement, c’est le moins qu’on puisse dire. Un montage industriel qui s’accompagnerait alors de tous les risques que comporte ce genre d’aventure industrielle vis-à-vis de la situation géopolitique de la France en Europe et de son avantage comparatif en matière d’avions de combat.
En outre,
l’Allemagne, a fait parvenir par l'intermédiaire d'un service de son ministère
de la défense une lettre de demande d’informations
auprès de Boeing, à propos du F-15, dans une version non précisée, et du F/A-18E/F
Super Hornet. Une demande qui fait suite à une
lettre similaire déjà envoyée à Lockheed-Martin demandant un briefing précis
sur le F-35, ce qui avait d'ailleurs déjà fait couler beaucoup d'encre des deux
côtés du Rhin. Par ailleurs, s’il est étonnant qu'aucune demande ne concerne le
F-16, dont la dernière évolution – le Viper
– est plus que crédible, force est de constater que Berlin ne s’engage
définitivement pas vers une relance du développement de l’Eurofighter pour intégrer toutes les capacités air-sol (démontrant,
par là, la justesse des choix français dans les années 1980 en assumant
l’aventure solitaire du Rafale ?),
les lettres portant demandes d’informations allemandes ne sont toujours pas
parvenus aux bureaux de la DGA et de Dassault aviation pour le Rafale.
Néanmoins,
les demandes effectuées auprès des avionneurs américains semblent tout de même
orienter le choix de Berlin vers un chasseur lourd polyvalent
Un Rafale XL pour la supériorité aérienne européenne du futur ?
Par ailleurs, et cela montre que le contexte n'est pas
propice à la stimulation de la réflexion stratégique, le calendrier
précédemment décrit invite à relever qu'il n'y a pas eu définition politique de
l'aéronef recherché. Les Eurofighter
et Rafale sont, en premier lieu, des
avions de supériorité aérienne avant d'être des appareils d'attaque, même si
l’avion français est plus équilibré que son pendant européen sur cette question.
Quelles seront les qualités du futur appareil : discrétion accrue ou recherche
d'une furtivité intégrale ? Vitesse supersonique, hypersonique ?
Interception ou pénétration à haute ou basse altitude ? Aéronef piloté,
optionnellement piloté ou sans pilote ? La mission de supériorité aérienne lui
reviendrait-elle, au moins en tant que maillon d’une chaîne de vecteurs de
détection/décision/intervention ? Les questions sont très nombreuses et le débat
si peu défriché.
L'une d'elle peut apparaître comme technique mais
demeure essentielle pour la France comme au temps de la définition du futur EAP
(Experimental Aircraft Program) : la
navalisation du futur aéronef issu, au choix, du SCAF ou du SCAE.
L'Armée de l'Air ne semble pas faire significativement
évoluer ses choix quant à la supériorité aérienne, préférant se consacrer sur
la modernisation continue et incrémentale du Rafale, machine bien-née. Évoquée entre les murs depuis quelques
années, mais plus ouvertement affichée ces derniers mois, l’étude d’une version
agrandie mais aussi plus discrète du Rafale
pourrait être lancée afin de satisfaire les besoins en pénétration stratégique
de l’Armée de l’Air, même si un tel appareil pourrait fournir une excellente
base à un concurrent européen du F-35.
L'angle d'attaque retenu par l'Armée de l'Air afin
d'amener l'idée d'un développement plus radical du Rafale par une modification assez importante de sa cellule est
l'entretien de la crédibilité des FAS (Forces Aériennes Stratégiques). Afin de
soutenir ses capacités de pénétration des espaces aériens adverses de moins en
moins en moins permissifs, mêlant eux-mêmes intercepteurs et systèmes de
défense aérienne sans cesse plus perfectionné – le S-400 accroît régulièrement
sa liste de clients –, une discrétion significativement accrue de la cellule est
recherchée. De plus, et afin de porter le successeur de l'ASMP-A, engin
hypersonique et/ou furtif bien plus long qui pourrait être bien plus long que
les ASMP-A et SCALP-EG actuels, un agrandissement de la cellule du Rafale est évoqué dans les coursives.
Une solution qui aurait le soutien, bien évidemment,
de Dassault, qui y verrait une continuité entre le Rafale et sans doute un moyen de développer certains sous-systèmes
qui pourraient être intégrés en rétrofit à la flotte actuelle de Rafale, mais aussi celui d’une partie
des cadres de l’Armée de l’Air, qui sont particulièrement satisfait de la
relation privilégiée qu’ils entretiennent avec l’avionneur national depuis un
demi-siècle. Malgré les retards induits par la fin de la Guerre froide, le
programme Rafale purement national a
toujours su tenir ses délais, et montrer pleine satisfaction à l’Armée de l’Air
qui possède une ligne de communication courte et réactive avec l’avionneur. Ce
qui est loin d’être le cas concernant les programmes aéronautiques européens,
au premier rang desquels figure l’A400M, qui accumule retards, limitations
techniques et surcoûts, mais aussi l’hélicoptère NH-90 Caïman de l’ALAT et de
la Marine, dont les déboires industriels sont bien connus des aviateurs.
Quasiment aucune information ne circule sur cette
éventuelle proposition de Rafale XL,
qui serait poussée par la nécessité de renforcer la FAS, mais que l’avionneur
verrait sans doute comme une base de remplacement pour les plus vieux Rafale de l’Armée de l’Air, voire de la
Marine. Nous nous sommes tout de même prêté au jeu des conjonctures, en prenant
en compte les précédentes communications qui avaient été faites au sujet de
possibles évolutions pour le Rafale, mais
également eu égard aux possibilités techniques et aux contraintes
opérationnelles.
Dans le but de réduire les coûts de développement, le Rafale XL pourrait sans doute être équipé,
dans un premier temps au moins, d’une version agrandie et plus puissante du réacteur
M88 capable de pousser 9t ou 10t avec post-combustion. Un moteur dont le
développement serait déjà en partie avancé, des études ayant été menées dans ce
sens par Safran pour un éventuel contrat Rafale
aux Émirats Arabes Unis. La cellule de l'avion augmenterait alors, probablement
entre 0,8 et 1,2 mètres de plus en longueur, et au moins, 40 à 60 cm de plus en
envergure, ce qui permettrait d’ajouter deux points d’emports lourds sous la
voilure, à l’instar du F-2 japonais, version agrandie du F-16. La discrétion
accrue passerait par des réservoirs et antennes conformes, tout ou partie de l’armement
contenu dans des cocons largables et sans doute une ou deux soutes internes de
dimensions modestes mais capable d’emporter une charge air-sol minimale et une
paire de missiles air-air par exemple. Il n’est pas impossible que la soute
soit amovible et semi-conforme, comme le réservoir ventral qui était envisagé
pour le Mirage 4000 par exemple. La perche
de ravitaillement serait escamotable, et l’appareil serait doté d’une nouvelle
jonction fuselage-entrées d'air, et, donc, de nouvelle entrées d'air, peut-être
un modèle DSI comparable à ce que l’on trouve sur le F-35, le J-10 chinois ou le
JF-17 pakistanais. L’appareil serait sans doute équipé d’une double dérive
inclinée. Nous nous dirigerions, dans cette hypothèse, vers un chasseur de la
classe Mach 2, probablement un peu moins. La capacité d’atteindre rapidement
une vitesse entre Mach 1,5 et Mach 1,8 à haute altitude (vitesse ascensionnelle
et accélération), et de maintenir cette vitesse sans post-compustion
(super-croisière), serait alors plus importante que l’obtention d’un vitesse de
pointe élevée. La masse maximale de l’appareil serait probablement de l'ordre
des 30-32 tonnes - 25% de masse en plus que le Rafale en pleine charge. Soit peu ou prou les masses maximales au
décollage des Mirage IV et Mirage 4000, dans un avion toutefois
nettement plus compact.
Alors que certains prophétisaient à travers le Rafale le "dernier chasseur conçu en France", il serait très difficile de réduire l'horizon de ce "Rafale XL" au seul Archipel France. Et quand bien même, il s'agira d'accorder les violons entre l'Armée de l'Air et la Marine nationale qui est demandeuse du gabarit du futur avion de combat afin de pouvoir dimensionner le Nouveau Porte-Avions (NPA). L'horizon européen pour ce Rafale qui se succéderait à lui-même - un peu comme le Super Hornet succédait au Hornet -, semble indépassable dans la classe politique française. Et ce, malgré tous les affres de la coopération multinationale et sa longue liste de surcoûts bien identifiés. Nous avons suggéré (cf. supra) une "sage prudence" à observer vis-à-vis des partenaires britanniques et allemands qui, eux, n'oublient pas autant que nous leurs intérêts nationaux, notamment industriels.
C'est pourquoi il demeure les enseignements du
programme nEUROn. Le retour à une
saine méthode - prônée par Dassault aviation depuis près de 35 ans - consistant
dans des maîtres d'ouvrage et d'œuvre uniques et la suppression du retour
géographique sur investissement remplacé par l'apport de chaque partenaire
fonction de ses capacités technologiques et industrielles existantes. La
France, forte des démonstrateurs nEUROn
et SCAF, proposerait à l'ensemble de ses partenaires européens de la rejoindre
dans le développement d'un démonstrateur d'un futur avion de combat piloté. Il
s'agirait, bien entendu, du "Rafale
XL", même s'il n'y a pas intérêt à mettre ce fait en avant. Il serait plus
judicieux de trouver un nom consensuel aux sonorités européennes au
démonstrateur. Dans cette veine, les mythologies celtes, gauloises, etc
fournissent un panthéon plus que conséquent. À la manière du nEUROn, des partenaires européens, exclus
des grandes manœuvres aéronautiques, risqueraient fortement d'être embarqués
dans l'aventure afin de préserver leurs acquis. Quid des Espagnols (défendre leur place dans Airbus), des Grecs
(face aux Turques acquérant le F-35 et souhaitant développer le TAI TFX), les
Suisses (maintenant une ambition industrielle militaire), les Suédois (quelle
succession pour le Gripen E/F ?), les
Belges (quelles retombées pour les industriels avec le F-35 ?) ou encore les
Portugais ? L’intégration de ces petites nations aéronautiques serait d’autant
plus aisée dans un modèle basé sur celui du nEUROn,
puisqu’il ne nécessiterait pas l’implication politique et financière des
gouvernements concernés et permettrait à ces industries nationales de
constituer un véritable réseau européen de l’aéronautique de défense indépendamment
des commandes étatiques.
Serions-nous
allés jusqu'à oublier que lorsque les programmes Rafale et Eurofighter se
sont scindés sur des exigences irréconciliables (masse à vide et donc
motorisation, navalisation, polyvalence, etc), l'Espagne s'était sérieusement
intéressée à rejoindre la France sur le programme Rafale ? Une Espagne qui pourrait être aisément intégrée aux
ambitions industrielles allemandes d’Airbus, et donc au projet franco-allemand.
Un
démonstrateur centré autour de la stratégie politique française (capacités
autonomes d'appréciation, de décision et d'action) mais offrant une certaine
géométrie variable dans les participations de partenaires matérialiserait
autant une ambition pour la défense de l'Europe autant qu'il nous éviterait le
double bourbier des partenariats hasardeux et coûteux franco-britannique et
franco-allemand alors que ces derniers regardent toujours vers un horizon
maritime et continental auquel nous n'avons pas le rôle de nos ambitions. Sans
compter qu’un tel programme s’intègrerait parfaitement dans la vision
européenne du Président Macron, qui prend acte d’une Europe à plusieurs vitesses,
où les nations de bonne volonté se doivent de s’associer dans des programmes
ambitieux en espérant attirer à elles d’autres partenaires, plutôt que
d’attendre le consensus unanime qui n’arrive jamais et semble ralentir et
compliquer toutes les initiatives déjà lancées jusqu’ici.
La France
devrait choisir un ou des partenaires afin de soutenir ses prétentions à une
capacité autonome d’action dans la trinité guidant la stratégie militaire
française (capacités autonomes d’appréciation, de décision et d’action), ce qui
suppose pour la capacité à entrer en premier sur un théâtre et les capacités de
pénétration de la composante aéroportée qu’autant le format arrêté par le
dernier livre blanc (225 avions de combat pour l’Armée de l’Air et
l’Aéronavale) que l’évolution technologique (Rafale F4) soient soutenus. Le risque étant qu’entre de nouvelles
options et/ou nouveaux contrats à l’exportation (Marine Indienne, levées
d'options égyptienne ou qatarie), la cinquième tranche de production n’est pas
assurée de voir le jour, laissant la France avec les 180 avions livrés au terme
de la quatrième tranche, et une cinquantaine de Mirage 2000D rénovés qui ne seront pas éternels, loin s’en faut.
Thibault LAMIDEL
Yannick SMALDORE
Le Portail de l'Aviation
Bibliographie indicative :
- ANGEL Thierry, général, "Penser l’armée de l’Air de demain : le système de combat aérien futur", Défense & sécurité internationale, HS n°55, août 2017.
- ETCHENIC Bruno et PAGOT Yves, « Exclusif ! Le DDM-NG : un détecteur de départ missiles, mais pas que ! », Le Portail de l’Aviation, 12 février 2014.
- LAMIDEL Thibault, "Le Rafale furtif", Le Fauteuil de Colbert, 28 avril 2010.
- SMALDORE Yannick, "Rebondissements et enjeux de l’appel d’offre belge pour le remplacement des F-16", Portail Aviation, Dossiers, 13 septembre 2017.
Je pense que le fenestron manquant est celui du Caïman NH90 et non du Tigre. Petit détail à vérifier.
RépondreSupprimerIl va peut-être falloir re-diversifier notre aéronautique pour retrouver de la masse. Avoir par exemple en complément d'un Rafale XL un avion mono-réacteur rapide d'abord dédié à la défense aérienne et l'interception. La guerre en Ukraine nous montre que cela pourrait être utile. Cela permet d'avoir des avions moins chers car spécialisés dans cette mission. Et pour aller jusqu'au bout de la démarche, se contenter pour cet avion d'un seul réacteur pour réduire le poids de l'avion et améliorer sa manœuvrabilité et son endurance.
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