28 janvier 2019

Bâtiment Ravitailleur de Forces

© Fincantieri.
La nomenclature amendée des appellations des bâtiments de la Flotte telle que présentée dans le Dossier d'Information Marine (DIM) 2019 recèle quelques inflexions remarquables. L'une des plus importantes touche au programme FLOTLOG (FLOTte LOGistique). Il n'est pas étonnant que le nom du programme ne soit pas conservé. Le type Durance (5 unités) se compose des deux pétrolier-ravitailleurs Durance (1975 - 1999) et Meuse (1980 -  2015), constituant une sorte de première classe ou sous-classe, tandis que les Var (1984 - 2023 ?), Marne (1987 - 2025 ?) et Somme (1990 - 2029 ?) sont la "sous-classe BCR" (Bâtiment de Commandement et de Ravitaillement ). Hormis la Durance, les quatre autres unités seront remplacées par les Bâtiment Ravitailleurs de Forces* (BRF).

Une première baisse du format de la flotte logistique, de 5 à 4 PR/BCR, intervient lors de la vente de la Durance en 1999 au profit de l'Armada de la República Argentina (ARA). Le remplacement des quatre unités pré-citées était souhaité pour la Loi de Programmation Militaire (2015 - 2020), soit après l'exécution de la LPM (2009 - 2014). Le changement de majorité politique, le Livre sur la Défense et la Sécurité nationale de 2013 et la nouvelle LPM (2014 -2019) votée le 18 décembre 2013 repousse le tout à une commande, au plus tôt, en 2019. De plus, le "plan de restructuration 2015" (octobre 2014) décidait le désarmement du BCR Meuse, effectif en décembre 2015. Nouvelle diminution du format de la flotte logistique de 4 à 3 unités

L'actualisation de la Loi de Programmation Militaire (LPM ; 2014 - 2019) avançait le programme FLOTLOG : "La flotte logistique Flotlog destinée à remplacer les actuels pétroliers ravitailleurs polyvalents et autres bâtiments de soutien comportera 3 unités, dont la première sera commandée en fin de période." (projet de loi actualisation de la loi de programmation militaire 2014 - 2019, dossier thématique, p. 72) Ce que confirmait le format Horizon Marine 2025 déclamait par l'Amiral Rogel (12 septembre 2011 - 12 juillet 2016) alors Chef d'Etat-Major de la Marine (CEMM) dont une infographie publiée dans Cos Bleus présentait la livraison du premier FLOTLOG pour 2022 après une commande en 2019. 

La DGA missionnait Naval group, au début du mois de septembre 2017, afin d'étudier une version française du Vulcano compatible avec les besoins arrêtés par le programme FLOTLOG. En conséquence de quoi l'Amiral Prazuck déclarait lors de son audition devant la commission Défense nationale et forces armées de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2017 que "le repreneur de STX, l’Italien Fincantieri, a d’ailleurs établi les plans d’un pétrolier ravitailleur pour la marine italienne, plans qui nous conviennent à 98 % ; la marine nationale s’est donc rapprochée de Fincantieri pour étudier les possibilités de partenariat franco-italien en la matière." Ces 2% de différence pourraient correspondre à un hôpital embarqué devant être plus grand pour satisfaire les besoins français. Aussi, l'une des dernières images de synthèse du Vulcano dévoilée par Fincantieri dévoile un espace plus grand devant le bloc passerelle. Une tranche supplémentaire pour une cuve de plus pour combler les besoins du GAn ? 

Lors de l'ouverture du salon EuroNaval 2018, le 23 octobre 2018, la ministre de la Défense, Mme Florence Parly, annonçait la prochaine commande de quatre pétrolier-ravitailleurs. Ce contrat devrait être signé au cours de l'année 2019. Contre une enveloppe initialement estimée à 2 milliards d'euros, la coopération voulue avec l'Italie autour du Logistic Support Ship Vulcano construit pour la Marina militare permettrait de diminuer le coût par unité de 500 à 430 millions d'euros (280 millions d'euros économisés ?).

Les quatre Bâtiment Ravitailleurs de Forces (BRF) seraient livrés en 2023, 2025, 2027 et 2029, concédant une année de plus pour la première unité par rapport à Horizon Marine 2025.


 Bâtiments 

Service actif 

Tonnage (tonnes) 


Appellations 

Rhône 
1910 - 1940 
2785 






Pétroliers 
Garonne 
1912 - 1944  
5179 
Dordogne 
1914 - 1940 
7350 
Aube/ La Drôme 
Durance 
Rance 
1921 1947 
1921 1947 
1920 1942 

2830 
Le Loing 
1927 – 1944 
9900 
Le Mékong 
Niger 
Elorn 
Var 
1928 1959 
1930 – 1940 
1931 – 1958 
1931 – 1960 

15150 
Nivôse 
1931 1943 
14160 
Adour 
Lot 
Tarn 
La Mayenne 
1938 -  
1939 -  
1965 – 1970 
1947 – 1954 

9320 
Lac Chambon 
Lac Tchad 
Lac Tonle Sap 
1944 1974 
1945 1972 
1945 1981 

2700 

Pétroliers

Lac Noir 
Citeaux 

1945 – 1952 
1957 – 1965 

3750 

Pétrolier 


La Baise 


1957 1966 


12 100 



Pétrolier ravitailleur d'escadre 

La Seine 
La Saône 
1948 1982 
1961 1981 

23800 
Isère 
La Charente 
Verdon 
Aber Wrach 
1964 1983 
1964 1983 
1964 1972 
1966 1988 
26 700 
26 000 
6500 
2220 

Pétrolier 
Berry 
1961 1963 
16 966 
Transport pétrolier 
Durance 
Meuse 
1975 1999 
1980 2015 
17 800 
Pétrolier-ravitailleurs 
Var 
Marne 
Somme 
1984 2023 ? 
1987 2025 ? 
1990 2027 ? 

17 800 

Bâtiment de Commandement et de Ravitaillement  
? 
? 
? 
? 
2023 – 2053 ? 
2025 – 2055 ? 
2027 – 2057 ? 
2029 – 2059 ? 

~ 30 000 

Bâtiment Ravitailleur de Forces

Les précédentes appellations des bâtiments logistiques servant au transport de vracs liquides pour les unités navales mettaient en relief l'utilité primaire du bâtiment. Outre les citernes flottantes, par exemple, qui n'apparaissent pas dans le tableau, l'évolution s'est faite depuis les pétroliers jusqu'aux pétrolier-ravitailleurs pouvant effectuer des ravitaillement à la mer. Les pétrolier-ravitailleurs d'escadre avaient se distinguer par des installations permettant de ravitailleur deux à trois bâtiments à la fois. Pétrolier-ravitailleur et Bâtiment de Commandement et de Ravitaillement soulignent de concert l'utilité fonctionnelle des bateaux concernés au sein de la Flotte. Le vocable de "bâtiment" s'appliquant de manière presque exhaustive à tous les bâtiments de soutien.

L'appellation prise par le Var reconnaît des capacités inédites de commandement (embarquement d'un état-major). Les Bâtiment Ravitailleurs de Forces (BRF) ne possèdent plus de référence à une quelconque capacité de commandement qui n'apparaît pas dans les caractéristiques opérationnelles du Vulcano. Est-ce à dire que les missions de commandement sont dévolues aux seuls BPC, voire au porte-avions et, dans une certaine mesure, aux frégates de défense aérienne du programme Horizon ?

Par ailleurs, s'il s'agit bien d'un bâtiment de soutien voué au ravitaillement : rien n'indique dans cette appellation une quelconque capacité de bâtiment-atelier perdue depuis le désarmement du BAP (Bâtiment Atelier Polyvalent) Jules Verne et des BSM (Bâtiment de Soutien Mobile). Pourtant, cela fait partie des caractéristiques opérationnelles visées dans la proposition industrielle nommée BRAVE (Bâtiment RAVitailleur d'Escadre).

En l'espèce, le DIM 2019 vise bien des bâtiments ravitailleurs "de forces". C'est bien plus en accord avec le vocable des années 2000 alors que les escadres disparaissent des nomenclatures depuis les années 1990. Ces Bâtiment Ravitailleurs de Forces soulignent donc que leur mission première est le ravitaillement de forces à la mer, à savoir : le Groupe Aéronaval (GAn), le Groupe Amphibie (GA) et le Groupe de Guerre Des Mines (GGDM). Il est notable que si la Somme a été positionnée à Brest, c'est dans l'optique de soutenir les frégates anti-sous-marines (F70 et FREMM). Un groupe naval non-constitué mais bon héritier du Groupe d'Action Sous-Marine (GASM).

C'est peut-être là l'essentiel du message : les BRF dérogent aux appellations classiques renvoyant à l'utilité première du bâtiment, ici de soutien, pour placer dans les débats institutionnels que les futures unités logistiques ont pour raison première de soutenir "des forces" (avec des ateliers ?) et pas seulement avec des vracs liquides. 



* "Forces" est bien au pluriel dans le DIM 2019.

3 commentaires:

  1. Il semble donc que ces nouveaux ravitailleurs de forces présenteront une moins importante capacité d'emport que le projet élaboré quelques années auparavant par l'ex-DCNS, notamment pour ce qui concerne les caractéristiques, (déplacement, longueur et largeur).

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  2. En tous cas ce n'est pas comme cela que l'on aura, véritablement une marine nationale, pleinement de haute mer, comme le sont, véritablement, la marine américaine ou encore la Royal Navy. Avec pour ces deux dernières, une capacité de ravitaillement sans commune mesure avec la notre. Les britanniques ont par exemple deux fois et demi plus de ravitailleurs que nous, et deux fois plus à tonnage de flotte équivalent. Les américains trois fois plus, en ravitailleurs, navires ateliers et de soutiens divers.
    " La Revue stratégique de 2018 a reconnu que la Marine nationale possède actuellement un nombre insuffisant de pétroliers ravitailleurs. Il est illusoire de penser que nous pourrions systématiquement nous appuyer sur les trop rares pétroliers de nos alliés : la faiblesse du train d’escadre est malheureusement une caractéristique des puissances maritimes européennes, qui ont préféré concentrer leurs faibles investissements sur les seuls bâtiments de combat, au risque de ne pouvoir les déployer".

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  3. @ "Unkown", en effet les besoins initiaux (minimal !) avait été estimés à quatre pétroliers ravitailleurs devant, chacun transporter 16 000 m3 de carburant, plus 2000 autres, et 2000 tonnes de fret. Pour des bâtiments plus proches des 40 000 tonnes que des 30 000.
    Certes pour un programme évalué à 2 milliards d'euros, mais par rapport aux 1,7 de ces "BRF", au final, avec une perte de capacité de plus d'un tiers ...

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