29 janvier 2019

Porte-hélicoptères amphibie

© Marine nationale. Rare réunion des Mistral, Tonnerre et Dixmude à l'occasion d'un Gabian en 2015.
La nomenclature amendée des appellations des bâtiments de la Flotte telle que présentée dans le Dossier d'Information Marine (DIM) 2019 recèle quelques inflexions ou précisions remarquables. Les pétrolier-ravitailleurs et bâtiments de commandement et de ravitaillement ne sont plus en premier lieu des ravitailleurs de vracs liquides mais sont voués à ravitailleur des forces. Les Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) changent eux-aussi d'appellation et deviennent des Porte-Hélicoptères Amphibies (PHA).

Dans les dénominations des bâtiments de la Marine nationale, le vocable de "bâtiment" s'applique généralement aux bâtiments de soutien. Il est bien difficile d'envisager les Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) en tant que tel. Par opposition, il n'a toujours été question que de Transports de Chalands de Débarquement (TCD) qui est une très proche traduction de "Landing Platform Dock" (LPD).

Aussi, il convient de rappeler ici qu'il était initialement envisagé par la Marine nationale d'opérer de concert TCD et BPC dans le cadre d'un format 2 + 2. Une structure de force identique à celle de l'US Marines Corps : une Amphibious Task Force (ATF) d'un Amphibious Ready Group (ARG) comprend un Landing Helicopter Dock (LHD) et un LPD. C'est à l'occasion du plan de relance (2008 - 2009) du gouvernement Fillon qu'un troisième BPC est commandé alors que la programmation ne prévoyait le remplacement des TCD Foudre (1990 - 2011) et Siroco (1998 - 2015) qu'à l'horizon 2020.

Par contre, l'appellation d'un bâtiment dédié à l'assaut amphibie dont l'architecture possède pour éléments principaux un pont d'envol continu avec un ilot déporté sur tribord plus un long et large hangar aéronautique additionné à des hangars supplémentaires pour des véhicules avec ou sans radier a été très fluctuante.

Le cheminement conduisant du croiseur porte-hélicoptères Jeanne d'Arc aux porte-hélicoptères amphibies est long et riche :

Mettons de côté le cas particulier du croiseur porte-hélicoptères Jeanne d'Arc dont la catégorie ainsi désignée renvoie pour partie à la tradition de disposer d'un croiseur éponyme et à la naissance du bâtiment spécialisé et optimisé dans la mise en œuvre en nombre de voilures tournantes.

Il est notable que la Jeanne d'Arc et le croiseur Colbert auraient pu être remplacés par deux croiseurs porte-hélicoptères  de 10 à 12 000 tonnes (Hervé Coutau-Bégarie, Le problème du porte-avions, Paris, Economica, 1990, p. 117) à l'orée de l'année 1990. Ils sont référencés jusqu'en 1993 comme des porte-hélicoptères de 12 500 tonnes lège par la DGA et la DCN. Le Bâtiment d’Intervention Polyvalent (BIP) de 15 000 tonnes lège coexiste avec ce porte-hélicoptères de 12 500 tonnes bénéficiant des mêmes auteurs (DGA et DCN). Les deux partagent une architecture presque identique : l'une des caractéristiques opérationnelles les plus remarquables, outre qu'il s'agit d'une reprise parfaite du concept de LHD, est l'intégration d'un sky jump. La maquette du BIP dispose sur son pont d'envil d'aéronefs sur le pont ressemblant à des Hawker Siddeley Harrier

C'est après la parution du Concept National des Operations Amphibies (1997) qu'est lancé le programme Nouveau Transport de Chalands de Débarquement (NTCD). Il s'appuie plutôt sur le BIP que sur le porte-hélicoptères de 12 500 tonnes. Et intègre les emprunts aux normes de construction de la marine marchande apportés par Navire Inter-armées pour MIssion de Soutien (NIMIS) proposé alors par les Chantiers de l'Atlantique en parallèle aux deux concepts présentés ci-dessus. De manière non-linéaire et progressive le NTCD devient une sorte de mariage entre le BIP et le NIMIS qui repositionne le concept du bâtiment sur la mise en œuvre d'une force aéroamphibie sous la forme d'un LHD aux normes de construction de la marine marchande. La capacité à opérer des aéronefs à voilure fixes - comme c'est le cas pour l'USMC et les LHD de l'US Navy - est purement et simplement abandonné. L'effort sur l'aéronavale embarquée par voilures fixes est concentré sur le programme PAN qui aboutira au seul Charles de Gaulle.

Le NTCD devient en 2000 le porte-hélicoptères d'intervention avant d'être officiellement appelé par sa catégorie Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) dès 2001. Cette valse-hésitation tranche merveilleusement avec les TCD. Avoir appelé l'interprétation française du LHD un TCD, certes nouveau, est presque une manière de nier le changement de nature du bâtiment amphibie. Il apparaît même autour de l'exercice CATAMARAN 2018 dans la communication de la Marine nationale le vocable de "porte-hélicoptères d'assaut amphibie". 

En 2019, l'appellation officielle change de BPC à PHA. Le porte-hélicoptère amphibie peut être assimilée à la traduction figurée du Landing Helicopter Dock. Le long cheminement conceptuel et institutionnel depuis le PH75 au PHA démontre bien qu'il s'agit d'une acculturation française au concept de porte-hélicoptères voué aux opérations amphibies. Le rôle de porte-hélicoptères amphibie ou d'assaut amphibie était déjà présent dans les éléments de langage mais il s'agit désormais d'une appellation pleine et entière. 

L'Amiral Prazuck avec le plan Mercator présente une "marine de combat" : quelques mesures permettent d'hausser la garde sur quelques segments opérationnels précis eu égard aux évolutions de la conflictualité navale. Cette nouvelle appellation peut être comprise d'au moins deux manières :

La première touche à la "division du travail" entre les forces navales et les unités qui les composent. Faire référence dès l'appellation aux opérations amphibies peut être compris comme une graduation supplémentaire dans les missions confiées aux Mistral, Tonnerre et Dixmude : l'accent est mis sur l'opération de moyenne à haute intensité d'un assaut amphibie et d'un enveloppement vertical et le transport opérationnel est minoré. Ce dernier doit-il être compris comme étant l'apanage des unités affrétés ? Dans cette optique, il y aurait peut être l'idée sous-jacente d'un pré-positionnement plus dynamique des BPC. Après l'ouragan Irma, le Tonnerre servait en particulier comme transport opérationnel et non en tant que PHA en mission humanitaire. C'est bien le même Tonnerre qui menait des opérations aéroamphibies face aux côtes ivoiriennes en 2010 et libyennes en 2011.

La deuxième touche indirectement aux missions et surtout au positionnement institutionnel des bâtiments de la Marine nationale : le porte-avions a sur son pont des aéronefs à voilure fixe, le porte-hélicoptères a sur le lien des voilures tournantes. L'intense débat français autour de l'opportunité de restaurer la permanence aéronavale et ou ne serait-ce que de continuer avec des porte-avions se traduit pour les partisans d'un abandon de la capacité avec ces éléments de langage : un BPC suffisait en Libye. La réalité opérationnelle est violée mais l'essentiel est d'asséner que les BPC suffiraient. La réponse de la Marine est de les renommer Porte-Hélicoptères Amphibies (PHA). Un détail qui a son importance car il s'agira à l'avenir d'expliquer comment faire autant aujourd'hui avec des hélicoptères d'attaque qui se résument aux Gazelle et Tigre et donc de concéder qu'il ne serait pas possible de mener de nouvelles missions telles que Herakles, Agapanthe, Bois Belleau et Arromanches (1, 2 et 3).

La troisième montre que les BPC devenus PHA sont voués à être la pièce centrale du groupe amphibie et de servir à la mission Jeanne d'Arc qui sert à entretenir ces capacités avec des éléments de l'Armée de Terre ponctuellement embarqués. Cela ferme la possibilité d'explorer d'autres missions comme par exemple d'employer un BPC en tant que bâtiment-atelier polyvalent ou même comme porte-hélicoptères anti-sous-marin. L'assaut amphibie est l'horizon premier et presque le seul. Le DIM 2019 présente même une liste de missions cohérentes : Projection de forces aéromobile et amphibie, Commandement de force amphibie à la mer, Transport opérationnel, Soutien médical et humanitaire, École d’application des officiers de marine.

Enfin, il est notable que l'équipage type d'un PHA est donné pour 202 marins. Celui des BPC était de 160 avant d'être poussé jusqu'à 177. Cette nouvelle hausse occasionnera sans doute quelques questions. Le choix n'a pas été fait de doubler l'équipage mais bien de le renforcer, contrairement aux FREMM. Le format du groupe amphibie serait donc suffisant et il s'agirait d'améliorer la capacité à durer à la mer.

3 commentaires:

  1. Bonjour, je trouve cette phrase trèscatégorique: "Dans les dénominations des bâtiments de la Marine nationale, le vocable de "bâtiment" s'applique généralement aux bâtiments de soutien. Il est bien difficile d'envisager les Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) en tant que tel."

    En effet ce sont des bâtiments utilisant largement les normes civiles donc beaucoup plus vulnérables dès qu'il y a risque d'un impact missile. Des navires qui ne peuvent entrer en premier dans ce cas sauf énorme escorte US. Ce qui en fait plutôt des bâtiments de transports que de débarquement en pratique, soit plutôt un navire avec un rôle de soutient. Le radier est bien là mais ça ne remplace pas les normes de la coque et la faiblesse de l'armement.

    Un vrai porte hélicoptère au norme de combat et avec un armement conséquent eu été préférable en trois exemplaires plus un seul BPC pour la mission Jeanne d'Arc.

    Cordialement,

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  2. Dans l'absolu il faudrait un 4ème BPC et un 5ème qui serait dédié à des missions sanitaires, autrement dit un batiment hopital bienvenu lors de conflits ou simplement lors de missions humanitaires (tremblement de terre, raz de marée, épidémie).

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    1. Bonjour, les 3 ex BPC peuvent tenir ce rôle humanitaire/transport plus la mission Jeanne d'Arc si les autres missions vont à de vrais portes hélicoptères d'assaut comme les américains en ont.

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