03 décembre 2020

Koninklijke Marine : la proposition Type 212CD Expeditionary

© TKMS. Type 212CD Expeditionary.

     Jaime Karremann (« Eerste beeld van voorstel tkMS voor nieuwe Nederlandse onderzeeboten: 212CD E », Marine Schepen, 3 décembre 2020) a repéré que ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) est le dernier des trois constructeurs de sous-marins (Damen-SAAB avec le Modèle 712 (A26) depuis 2015 et Naval group avec le Barracuda conventionnel depuis février 2019) à présenter publiquement sa proposition dans le cadre de la procédure par appels d'offres portant sur le remplacement des sous-marins de la classe Walrus (Zr. Ms. Walrus (1992 – 2027 ?), Zr. Ms. Zeeleeuw (1990 – 2028 ?), Zr. Ms. Dolfijn (1993 – 2029 ?) et Zr. Ms. Bruinvis (1994 – 2031 ?) du Onderzeedienst (Service sous-marin) de la Koninklijke Marine.

     La vidéo de présentation a été mise en ligne le 2 décembre 2020 sur YouTube par le compte de  la société allemande ThyssenKrupp. La vidéo est dénommée « HDW Class 212CD Expeditionary » et gratifie donc l'ancienne société Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW) plutôt que TKMS au titre de l'auteur de cette proposition. La vidéo de présentation du Type 216 répartissait de la même manière les rôles. Des détails intéressants, en conservant à l'arrière-plan la proposition faite par TKMS à Fincantieri de reprendre sa branche sous-marine.

La dénomination de la proposition présente aussi un intérêt, presque central, car il s'agit du « Class 212CD Expeditionary » selon le titre ou du « 212CD E » selon l'appellation explicitement avancée dans cette même vidéo. Et la proposition faite aux Pays-Bas est distinguée, toujours selon le même document, de celle en négociation entre les deux agences de l'armement norvégienne et allemande avec TKMS qui est dénommée, toujours dans la vidéo : « Class 212CD » : les deux appellations se suivent en deux phrases distinctes, non-présentes simultanément à l'écran et affirmant bien que « HDW Class 212CD for Norway and Germany » et que « HDW Class 212CD E for the Netherlands ».

     Cela tend à confirmer que les deux propositions - Type 212CD et Type 212CD E - ne sont pas les mêmes puisque dénommées différemment. Nonobstant l'hypothèse qu'il puisse s'agit d'une précaution oratoire ou scripturale, les caractéristiques du Type 212CD E qui se devinent par cette présentation semblent présenter un sous-marin correspondant à ce que demanderait la Sjøforsvaret et dont la proposition n'aurait pas été refusée par deux fois entre 2018 et 2020.

À moins de supposer que l'industriel allemand aurait joué la montre afin que les différents acteurs norvégiens puissent se renseigner et étudier le Type 212CD E. Pareille hypothèse invite à consulter le calendrier du projet 6346 (Ny Ubat) : la troisième offre fut remise en février 2020 par TKMS à la Norwegian Defence Materiel Agency (NDMA) et à la Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr (BAAINBw). Mais rien ne fut signé depuis et la signature dudit contrat est espérée pour le printemps 2021 alors que le budget 2021 du ministère allemand de la Défense comporte les lignes budgétaires afférentes aux études détailles du Type 212CD. Le choix de la date de publication de la vidéo de présentation du Type 212CD E est - au minimum - « intéressant ».

     Jaime Karremann (« Eerste beeld van voorstel tkMS voor nieuwe Nederlandse onderzeeboten: 212CD E », Marine Schepen, 3 décembre 2020) a posé la question particulièrement malicieuse : le Type 212CD E relève de laquelle des trois variantes abordées dans le cadre de la procédure par appel d'offres portant sur le remplacement des Walrus (4) ? Au cours de cette procédure, trois variantes - A, B et C - furent identifiées par le DMO et correspondant à trois ambitions capacitaires, et partant de là, stratégiques distinctes. Les propositions soumises pour la variante A devant aboutir, à budget constant, une réduction de la cible de quatre à trois sous-marins, c'est la variante B qui fut retenue. Et c'était ce que dévoilé lettre B signée le 13 décembre 2019 et remise alors aux constructeurs retenus (Damen-SAAB, Naval group et TKMS).

Et rien n'indique dans la vidéo de présentation du Type 212CD Expeditionary du besoin auquel est censé répondre ce sous-marin : s'agit-il de la proposition industrielle générique bientôt ajoutée au catalogue du constructeur et pouvant être consulté à tous les salons ? S'agit-il de la proposition faite à la Koninklijke Marine pour la variante A ? La B ou la C ?

     Ce qui conduit à s'interroger sur le sens du message véhiculé par la vidéo car en quatre minutes et neuf secondes et à qui elle s'adresse. Le public visé est le gouvernement hollandais et, peut-être surtout, le Staten-Generaal (États généraux du royaume des Pays-Bas) composée de la champbre basse - Tweede Kamer der Staten-Generaal (Seconde Chambre des États généraux) - et de la chambre haute - Eerste Kamer der Staten-Generaal (Première Chambre des États généraux).

TKMS a axé son message industriel à destination de la classe politique hollandaise en trois temps :

La société se présente comme le premier constructeur de sous-marins au monde, en proposant un historique des unités construites depuis les premiers Type 209 à la surface du globe, faisant même appel à la réputation de la qualité allemande, et cette prétention se double avec l'autonomie du Type 212CD E qui couvre les deux tiers de l'hémisphère Nord.

Le deuxième point du message est que ce constructeur équipe ou plus précisément a équipé huit marines européennes, avec le drapeau de l'OTAN à l'arrière-plan en entretenant la confusion habituelle Europe/OTAN, pour un total de trente-huit sous-marins. Point qui s'accompagne du rapprochement textuel entre Type 212CD et Type 212CD E, bien que ce sont peut-être deux sous-marins différents.

Et il est à souligner que depuis 2014-2016 TKMS continue à déclamer son message à destination de la Norvège, des Pays-Bas, de la Pologne en creux et de l'Italie avec un espoir vain que son Type 212NG devenu le 30 juin 2017 lors de sa sélection norvégienne le Type 212CD Common Design ») en 2017 comme étant le sous-marin « européen » autour duquel aurait vocation à s'articuler la consolidation européenne.

Troisième point, le constructeur propose la construction des quatre sous-marins aux Pays-Bas à Den Helder en créant une « submarine valley » et en promettant de livrer en temps et en heure tout en respectant le budget, faisant-là référence implicitement au mauvais souvenir politique hollandais des dépassements de coûts du programme Walrus. Et la conclusion de l'adresse contenue dans la vidéo, en la combinant avec l'appellation du bateau - Type 212CD E, comme s'il n'était qu'une nouvelle version du Type 212A - instille presque l'idée que le Type 212CD Expeditionary est l'option la moins risquée car pratiquemment déjà développée.

Présenter l'industriel et déclamer comment il se perçoit représente une minute et trente-deux secondes sur les quatre minutes et neuf secondes de la vidéo tandis que la présentation du sous-marin proprement dite ne concerne que cinquante-sept secondes. Le reste du document ne concerne presque des transitions et des évolutions d'un Type 212A ou bien du Type 212CD E.

     Le document est aussi intéressant par ce qu'il a choisi de ne pas dire car si nombre, par exemple, de Type 209 mis sur cale est impressionnant dans l'absolu (61 dont 59 toujours en service...) et distingue la construction navale du reste du monde depuis 1971 grâce à Ingenieur Kontor Lübeck (IKL), il est remarquable que le message ne se soit pas appuyé sur plus spécifiquement quant aux modèles pouvant être qualifiés de sous-marins hauturiers, voire océaniques : les Type 209PN, Type 214 et Type 2018SG sans oublier les Dolphin II et Dolphin III israéliens qui sont noyés dans la masse des Type 209. Il y a pourtant un enjeu d'image publique pour TKMS que de combattre l'image, passablement fausse, de concepteur de sous-marins « côtier ».

 

Sjøforsvaret : Type 212 CD ?

Le Type 212 NG (New Generation) devenait Type 212 CD (Common Design) quand il fut retenu le 3 février 2017 par la Norvège, tout en demeurant proposé simultanément aux Pays-Bas (Walrus replacement) et à la Pologne (programme Orka). Cela oblige à prendre connaissance de ces propositions pour tenter de déterminer ce qu'est le Type 212CD. Faute de trouver un succès commercial ailleurs qu'en Norvège, l'existence même du Type 212CD est suspendu à la réussite de la troisième offre contraignante de TKMS au premier semestre 2020. En cas d'échec se posera non seulement la question de relancer une compétition pour le remplacement des Ula (Type 210) mais aussi pour l'Allemagne de trouver une solution quant à l'intégration des nouvelles technologies concourant à la supériorité sous-marine, exigeant une nouvelle plate-forme (Type 219 ?). 

 

Mais de quoi le Type 212CD Expeditionary est-il le nom ?

     L'agencement des grands volumes interne révèlent que ce bateau n'a rien de commun avec le Type 212A, posant la question de la pertinence d'en conserver la dénomination : la perception d'un sous-marin à coût maîtrisé car développé à partir de l'existant ?

Ce serait un tour de force que de parvenir à imposer cette idée alors qu'il se devine que les propres parents du Type 212CD E sont visuellement les Type 214 (65 x 6,3 m), Type 216 (90 x 8,1 m) et Type 218SG (70 x 6,3 m). Et les dimensions perceptibles semblent indiquer une longueur de coque, très environ, de 70 à 75 mètres pour un diamètre externe de la coque qui atteindrait quelque chose comme 8 mètres. Le déplacement est très probablement compris entre le déplacement en plongée de 2500 tonnes du Type 212CD germano-norvégien et une limite autour de 3000-3500 tonnes de la variante A de la procédure de remplacement des Walrus aux Pays-Bas qui avait recalé le S-80 Plus (Navantia). 

L'appareil à gouverner est en croix de Saint-André, une norme qui tend à s'imposer dans toutes les marines

     De manière étonnante ou astucieuse, pas le moindre système du bord n'est nommé, pas même avec les dernières avancées proposées par TKMS pour la propulsion (FC4G) ou même les batteries batterie lithium-ion LiFePO4 (SAFT). Cela renvoie au fait que l'industriel ne dévoile rien de ses négociations avec le Defensie Materieel Organisatie (DMO ou Direction de l'organisation du matériel) mais également, et très implicitement, que le « CD » signifie Common Developpement et qu'il n'y aurait plus qu'à « remplir » le bateau : par une coopération avec la Norvège, voire l'Italie ?

     L'élément le plus frappant est sa coque hydrodynamique en forme de diamant puisque la forme cylindique laisse place à des flancs inclinés sur les moitiés supérieurs et inférieurs du cylindre de la coque résistante.

La nouvelle architecture est présentée comme la réponse à la diffusion des sonars actifs à très basse fréquence et il s'agirait de comprendre implicitement qu'elle est jugée comme la parade la plus pertinente dans le cadre de l'environnement capacitaire allemand car elle a été peut être préférée, par exemple, à un revêtement par tuiles anéchoïques qui si elles étaient prévues ne sont pas mises en avant. Il y a peut être un effet de la géographie navale allemande et des fonds limités de la mer Baltique.

L'évolution architecturale était perceptible lors de la proposition du Type 216 à l'Australie (~2014). Mais elle est loin d'être ausis poussée que dans d'autres documents iconographiques de TKMS puisque le massif ne bénéficie pas d'une continuité presque parfaite entre ses flancs et ceux de la moitié supérieure de la coque hydrodynamique, permettant d'avoir une surface inclinée continue.

Le massif lui-même est particulièrement remarquable, non seulement pour sa relative étroitesse par rapport à ce qui était attendu pour un Type 212NG puis Type 212CD depuis 2014 mais, et surtout : pour sa longueur. Il semble être de près d'un tiers plus long que le kiosque d'un Type 218 SG. Tous les aériens occupent un petit tiers de longue totale du massif mais sont placées presque à l'extrême arrière de celui-ci tandis que les barres de plongées avant à mi-hauteur occupent peut être le volume utile du kiosque.

     Des capacités opérationnelles, il n'est presque rien dit : hormis le fait que le Type 212CD E est apte depuis Den Helder à naviguer jusqu'au Japon, ce qui n'est pas extraordinaire pour un sous-marin au tonnage allégué (2500-3000 tonnes en plongée) car rien n'est précisé dans la vidéo quant à la « marche » (en surface, à l'immersion périscopique au schnorchel ou en plongée sur batterie) employée, etc. Il y aurait presque un message peu précis de la part de l'industriel quand il met en avant la capacité à déployer des forces spéciales depuis les tubes avec un sous-marin de poche à la forme applati naviguant sous le Type 212CD E car rien n'indique que ce soit un propulseur sous-marin (ou Swimmer Delivery Vehicle) ou bien un drone (UUV ou AUV). Serait-ce à dire que le Type 212CD E ne peut accueillir ni l'un, ni l'autre à l'arrière de son massif ?

     C'est donc une proposition toute en suggestion où il n'est finalement question que de TKMS et de sous-marins conçus et construits par HDW. Hormis les rares écrits de la vidéo et le drapeau hollandais, cette présentation aurait pu être la même en Norvège. Il s'agit de choisir un industriel et de prendre le moins de risques techniques et financiers. Message à destination de la classe politique. C'est à peine si la Koninklijke Marine est visée par le propos.

3 commentaires:

  1. J'ai eu la même arrière pensée en voyant la vidéo. On n'y apprend pas grand chose sur le Projet !!! Très politique tout ça, et pas très ambitieux !

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    1. Madame, Monsieur,

      Bonjour, c'est donc que je n'affabule pas totalement dans mon coin !

      Bien navicalement,

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  2. Bonsoir,

    Le chef d'état-major norvégien en reprendrait bien deux de plus...
    https://www.opex360.com/2023/06/09/le-chef-detat-major-norvegien-veut-deux-sous-marins-de-plus-pour-faire-face-a-la-menace-russe/

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