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L'hypothèse d'étude dans le présent article est bien sûr que la Belgique serait condamnée. Ces élections étant peut être le signe du début d'une fin définitive. Et donc, quid de l'avenir de l'armée belge en cas de partage entre deux « Etats » ? Peut-on s'appuyer sur d'autres exemples européens pour déterminer des « critères » de partage ? La France y gagnerait-elle ?
Tension communautaire belge de 1830 à 2010
Présentons
une vision simplifiée du « problème belge ». C'est le fruit d'un
revirement historique. La Belgique a été créée pour couper la France de
la mer du Nord et la priver du port d'Anvers, notamment, Dunkerque étant
historiquement un problème suffisamment lourd pour les Anglais. Ce
nouvel Etat se construit paradoxalement sur une société francophone et
très francophile. Cette « revanche » de la défaite de 1815 ne sera pas
sans conséquence. La partie « hollandaise » du pays n'apprécie guère la
prééminence du fait francophone qui, d'ailleurs, est mené sans
ménagement vis-à-vis des néerlandophones. Attitude très jacobine ? Quoi
qu'il en soit, le « mouvement flamand » prend son essor. Et il va
prendre sa revanche à un moment charnière : quand les bassins houillers
se vident. La Wallonie, historiquement riche financièrement et
démographiquement, engage mal le tournant de la fin du charbon (entre
autres). C'est tout le contraire de la Flandre qui négocie bien l'après
charbon. Auparavant moquée par la Wallonie, riche et nombreuse, elle
devient à son tour riche et nombreuse alors que la première s'appauvrit.
La Flandre prend conscience de cet état de fait et de son statut de «
Dragon », pourrait-on dire aujourd'hui. Germe donc l'idée d'une Flandre
indépendante, à l'image de l'Écosse. La persistance des problèmes
économiques et démographiques wallons, la continuité de la réussite
flamande font prospérer ce projet. Vous connaissez la suite, ou presque.
La cause indépendantiste flamande ne cesse de progresser. Ce dimanche
13 juin, les partis « pro-indépendance » ont obtenu une large victoire
en Flandres. 40%, environ, de l'électorat flamand s'est prononcé pour
des partis soutenant officiellement l'indépendance.
De Gaulle
"Si
un jour une autorité politique représentative de la Wallonie
s'adressait officiellement à la France, ce jour-là de grand cœur nous
répondrions favorablement à une demande qui aurait toutes les apparences
de la légitimité"
Cette phrase du
général de Gaulle prend d'autant plus de sens aujourd'hui que la
fracture belge s'accentue. Elle semble suivre un parallélisme troublant
avec la disparition de la Tchécoslovaquie. Toutefois, JGP me fait
rigoureusement rappeler que les deux histoires ne se sont pas produites
dans les mêmes circonstances. La séparation tchécoslovaque « s'est faite
beaucoup plus rapidement après la fin du rideau de fer » dixit l'hôte
du blogue.
Mais avant de trop
spéculer, il faut attendre deux conditions : que la Belgique disparaisse
bel et bien, et qu'une autorité politique représentative de la Wallonie
fasse une demande. Après, il conviendra d'envisager une hypothèse : que
dans la « montée aux extrêmes », la Wallonie devienne une région
française à statut transitoire (pour régler toutes les questions «
inédites » pour intégrer cette région).
Pour aller plus loin, deux liens sur des groupes d'études de l'intégration de la Wallonie à la France :
La Flandre dans la désintégration
Il
serait d'ailleurs temps de s'interroger sur une chose : la Flandre,
indépendante ou rattachée aux Pays-Bas ? La chose n'est pas évidente car
les opinions évoluent assez vite selon les circonstances.
Les
sondages passés de la population hollandaise font émerger deux choses :
premièrement, la chute de la Belgique n'est pas d'une probabilité
crédible. Mais en cas de chute, presque la moitié des personnes
interrogés se prononcent pour l'annexion de la Flandre à son voisin du
nord. La chose serait intéressante pour les Pays-Bas : ils franchiraient
la barre des 20 millions d'habitants dans l'Union Européenne, et ce
n'est pas rien de peser plus dans les institutions communautaires.
Enfin, il semble que les Flamands soient appréciés des néerlandais. A
voir donc, et il serait intéressant d'avoir de nouveaux sondages.
Mais
il reste aussi l'option que la Flandre reste indépendante. C'est plus
obscur car une partie de l'extrême-droite flamande s'inscrit dans le
projet de leurs confrères hollandais de « Grand Pays-Bas » (Groote
Nederland). Seulement, il faut garder à l'esprit une chose. Il existe
aussi un fort mouvement européen pour la promotion de territoires ayant
une réussite économique insolente. Souvenez-vous donc de l'aspiration
écossaise à l'indépendance, mise en panne par la crise. Ou encore, des
mouvements autonomistes espagnols. Le Tigre irlandais a fait des petits
ici et là. Il était l'exemple d'un petit état qui réussit. Et certains
lucides peuvent se dire que son modèle n'est pas condamné par la crise
et ses conséquences.
Le
partage des forces armées et armements dépendra donc de la forme future
des deux régions, de leurs perspectives d'indépendance ou d'adhésion à
un autre Etat. Et dans la perspective d'indépendance, y aura-t-il
volonté de constituer une armée ? Et de quelle ampleur ?
Armée belge
L'Armée
belge n'a cessé d'être réduite après la guerre froide, réforme après
réforme. A un tel point que l'on peut légitimement se demander si
c'était seulement motivé par le gain financier ou par l'affaiblissement
une institution « nationale ». JGP me recommande cet article de Joseph
Henrotin : « Comment 20 ans de désinvestissement ont abouti au pire
échec de l'Armée belge depuis 1940 ». Je vous invite à sa lecture pour
apprécier la conséquences des diverses réformes belges pour gagner en «
efficacité ». Et faire quelques parallèles avec les réformes en France.
Ce qui reste de l'Armée belge aujourd'hui est structuré en « composantes
» (terme technique et aride qui vide une institution de ses traditions
?). Les principaux matériels par composante sont :
- Composante Marine : deux ex-frégates hollandaises (classe Karel Doorman) et 6 chasseurs de mines tripartites (classe franco-hollando-belge).
- Composante Air : 76 F-16 ; 11 C130-H ; 2 A310 ; une pléiade d'avions d'affaires reconvertis en transporteurs ; 36 Agusta A-109 et 14 drones B-Hunter.
- Composante Terre : une soixantaine de Pandur ; environ 220 ATF Dingo (remplace une partie des M-113) ; 440 Iveco VTLM Lince et trois tranches de 246 Piranha III en commande (remplace le reste de M-113, les AIFV-B et les Léopard 1A5E (Mowag, producteur du Piranha a été racheté par General Dynamics))
C'est un petit
inventaire des principaux matériels. Et le moins que l'on puisse dire,
c'est que certains d'entre eux seraient une chance pour la Défense
française ! On pense d'abord aux onze C-130H qui permettraient à l'Armée
de l'Air de pouvoir respirer en résolvant, en partie, le manque
d'aéromobilité.
Qui récupérera les frégates ? Un lecteur nous fait remarquer que seule la Flandre a une façade maritime.
Mais
avant toutes prétentions, il faut partager. Et vous aurez bien compris
que si la Wallonie s'inscrivait dans une démarche de rattachement à la
France, alors l'Armée française se ferait sûrement pressante pour que le
Quai d'Orsay influence le résultat du partage entre Flandre et
Wallonie. Et pour que cette dernière choisisse plutôt tel ou tel
matériel.
Les cas Tchécoslovaque et Yougoslave : quelques critères de partage futur de l'Armée belge ?
Le
« divorce de velours » entre Tchèques et Slovaques s'est fait par un
partage des dettes en deux options différentes : soit en fonction de la
localisation d'actif matériel comme les armements (critère
géographique), soit un partage du patrimoine en fonction d'un ratio de «
2/3 » (naturellement motivé par la différence de population : critère
démographique).
L'Armée
Fédérale Yougoslave, quant à elle, était composée majoritairement de
Serbes, ce qui assurait presque une garde « ethnique » unique sur les
armements de la défunte république. Les piteuses guerres qui ont
accompagné l'implosion de la Yougoslavie ont peu permis d'y voir clair
dans le partage des armements. Celui-ci s'étant fait entre diverses
guérillas et l'armée Yougoslave sur fonds de combats. La dernière
conséquence en date, et bien identifiable, est la fin définitive de la
Yougoslavie, quand Serbie et Monténégro se sont séparés. La Serbie,
privée de façade maritime, n'avait aucun intérêt à conserver la flotte.
C'est donc le Monténégro qui l'a récupérée, mais sans les moyens de la
faire prospérer.
Tout
dépendrait donc de la localisation des armes, et de la « nationalité »
de leurs servants. Et aussi de la volonté de détenir ou non des
armements.
Le cas particulier des F-16 : la France, enfin, dans le club ?
Les
F-16 belges sont supérieurs en certains points aux chasseurs français.
Notamment du fait de leur interopérabilité avec les alliés de l'OTAN en
Afghanistan. Le pod « Sniper » en est le principal argument. Néanmoins,
outre ce dernier, sont-ils supérieurs à tous nos avions ? Qu'ils
dépassent tout ou partie de nos Mirage, cela ne serait pas tellement
étonnant. Il faudrait pouvoir revenir en détail sur la modernisation de
milieu de vie (MLU) qu'ont subie certains de ces appareils. Mais la
question est très intéressante puisque les F-16 pourraient permettre de
moderniser rapidement une partie de l'Armée de l'Air. C'est un peu la
même problématique que les Mirage 2000-9. D'autant plus qu'ils seraient «
livrés » avec leur personnel. Mais les États-Unis laisserait-il faire
cette récupération ? Est-elle seulement possible ?
Il
ne serait pas inintéressant de récupérer quelques F-16 pour maintenir
un dispositif aérien transitoire. L'intégration du ciel wallon dans le
dispositif français ne se fera pas du jour au lendemain. L'une des
options serait de garder une base aérienne, désormais wallonne, ouverte.
Il ne faut pas oublier qu'on n'a pas les moyens de placer un escadron
Rafale sur une telle base. A-t-on seulement les moyens d'y placer un
escadron français même existant ? Et même, est-ce bien nécessaire ?
Dans
un souci plus « stratégique », il ne serait pas étonnant, mais alors
pas du tout, qu'un échantillon d'appareils soit récupéré. Autant pour
combler quelques petits vides capacitaires français que par nécessité de
les « tester en vol ». C'est peut être « machiavélique » mais il
faudrait se préparer à en voir une partie rejoindre Cazaux (formation)
et Mont-de-Marsan (étude technique). Et voir quelques industriels «
privés » tourner autour de ces machines. Et quelque temps plus tard, la
France rejoindrait le club des pays pouvant fournir des modernisations
de F-16. Connaissant le parc existant, le marché est loin d'être
négligeable. Mais encore une fois, peut-on croire que les américains
laisseraient quelques unes de leurs productions, même en partie
démodées, se faire étudier à la loupe chez un de leurs concurrents ?
Mais,
alors, ce serait avec beaucoup de « si », la France rejoindrait le club
des nations opérant le F-16, ce qui serait une petite ironie de
l'Histoire. Puisque Mirage et Rafale combattent lourdement ce concurrent
sur le marché export. Ce sera peut-être d'ailleurs un atout de poids
pour le contrer. Mais il faudra éviter bien sûr que le F-16 ne puisse
prendre une place importante dans le dispositif aérien français. Pour
éviter la menace d'offrir quelques moyens de pressions à nos « amis » de
Washington. Tout comme ces derniers n'apprécieraient pas que leurs F-16
finissent en banc d'essai volant. Il n'est bien sûr pas envisageable
que les machines ainsi récupérées prennent une place prépondérante au
détriment du Rafale (à l'image du problème des Mirage 2000-9). Mais
sait-on jamais ?
La Base Industrielle et Technologique de Défense : vers un nouveau FAMAS ?
Ce
serait presque la cerise sur le gâteau de notre hypothèse. Une
entreprise et une seule permettrait à la France de retrouver son « rang »
sur un segment où elle semblait condamnée à disparaître : les armes
légères. La Fabrique Nationale d'armes de Herstal se trouve à côté de
Liège... En Wallonie ! Mais ce n'est pas suffisant que l'entreprise soit
sur un sol possiblement français. Il faudrait en avoir la garde
capitalistique. Pour rappel, l'entreprise était la propriété de GIAT
Industrie en 1997. Avant que la firme soit reprise par la Région wallone
qui est majoritaire au capital désormais. Cela ne s'invente pas. La
célèbre firme internationale, à la réputation bien faite et au carnet de
commandes bien rempli serait un atout évident. Dans le cas d'une
intégration de la Wallonie, la France pourrait récupérer cette
entreprise.
Notre
« Mamouth » à nous, celui de la Défense, nous rapporté récemment dans
un billet que l'Armée française testait différents fusils d'assaut pour
compléter ou remplacer la dotation en FAMAS. Si l'entreprise devenait
française, il serait logique et naturel que la France favorise « sa »
Base Industrielle et Technologique de Défense.
Et
la France se réimposerait dans ce segment qui reste essentiel dans les
armées (et polices) du monde entier. A l'heure du lancement du programme
Scorpion et de la réalisation du programme Félin, la prise de
possession de cette entreprise et d'une de ses armes (le Scar) comme fer
de lance de notre armée serait un atout évident pour la réussite et la
cohésion de l'ensemble !
Décidément, cela ne s'invente pas !
Éventualité de la disparition de la Belgique : impact sur la Défense française ?
Les
C-130 H et A-109 (aéromobilité), frégates et chasseurs de mines belges
(manque de patrouilleurs et de frégates), Piranha III (en attendant le
VBCI et face à l'obsolescence du VAB) et la FN (lacune industrielle
comblée) pourraient venir combler quelques obsolescences de la Défense
française actuelle. Globalement, ces matériels aideraient à assurer une
transition difficile en ces temps de crise. Mais, sous la réserve
judicieuse de JGP : « les coûts d'intégration de la Wallonie dans son
ensemble auraient un ordre de grandeur bien supérieur à tout ce qu'on
peut discuter au niveau armement, et seraient pris en charge sur de
nombreuses années » (dur souvenir de l'ex-RDA ou de la crainte Coréenne
du coût de la réunification. Mais la Wallonie n'est pas dans si mauvais
état qu'un ex-État soviétique ou assimilé).
Acquérir
ces armements, même partiellement, serait un sursaut de crédibilité et
de viabilité de l'outil de Défense français qui est encore et toujours
menacé par la « Crise ». Serait-ce plus coûteux cependant d'avoir à
défendre un plus grand territoire ? La défense belge disparaissant, «
l'héritage » sera adapté aux besoins français. Ce qui veut dire que s'il
y a trop d'armement ou pas assez, le gain ou la perte affectera la
Défense française. Vu le Livre blanc, vu les orientations stratégiques
actuels, normalement nous ne devrions pas dépenser plus pour la Défense
de cet éventuel nouveau territoire. Nous n'avons pas à craindre le Nord
de l'Europe. Donc la proportion de force affectée à la défense de la
Wallonie restera modeste. D'autant plus que le territoire n'est pas si
grand.
D'ailleurs,
une partie des matériels récupérés pourraient être vite revendus. Le
programme VBCI est à peu près lancé. Mais le programme de remplacement
du VAB se fait désirer. Donc une partie de la dot serait très
certainement vite cédée. Il ne faudrait pas faire de l'ombre à nos
propres productions. Le risque étant que ces matériels ne deviennent un
frein à la tenue des programmes. Il faudra éviter la tentation de
reporter des programmes actuels de la Défense française en prétextant
qu'un lot de matériel belge pourrait repousser l'échéance de quelques
années. Ce sera une lourde tentation à combattre. Il faudra se méfier du
gain à court terme qui ne devra pas hypothéquer la viabilité à long
terme. Et tenir compte de la présence américaine dans l'armée belge au
travers du F-16 et du Piranha III (depuis le rachat de Mowag), ce n'est
pas l'un des moindres détails !
La
dissolution de la Belgique, et de son armée aurait un impact sur la
Défense française sous certaines conditions : que la Wallonie veuille
rejoindre la France et assurer sa sécurité par l'Armée française. Et que
la Wallonie ait récupéré une partie des armements de l'Armée belge.
Sachant qu'il faudra mettre en balance l'avantage présenté par ce qui
aura été éventuellement récupéré. Et le coût de l'intégration d'une
nouvelle région. Y compris l'adaptation du dispositif militaire
français.
C'est
un problème très ouvert, plutôt complexe. Mais ce n'est pas un luxe d'y
réfléchir avant qu'une surprise se produise. C'est normalement la
fonction « Anticipation et Connaissance » de notre Livre blanc.
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